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Hanae_Ecriture
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Chapitre 3 - Premiers chuchotements

La maison restait figée, immobile, comme une sentinelle épuisée au cœur d’une lande déserte. Pourtant, dans la chambre où les volets s’ouvraient à peine, Léonie ne trouvait aucun répit. Allongée sur le lit, son corps refusait de lâcher prise. Chaque muscle était tendu, prêt à céder sous le poids d’une angoisse diffuse qui s’accrochait à elle sans relâche. Un vent froid s’infiltrait par les fissures des vieilles fenêtres, glissant entre les murs dans un souffle aigu, mordant, comme la plainte lointaine d’un souvenir perdu dans la nuit.

 

Mais ce froid n’était pas la cause de son insomnie. Un murmure, fragile et hésitant, parvenait à ses oreilles – une voix venue d’un autre monde, trop faible pour imposer sa présence, trop obstinée pour disparaître. Son esprit s’agrippait à cette vibration ténue, cherchant à en percer le secret, tandis qu’une pression sourde nouait son ventre, gagnait ses doigts crispés et paralysait ses membres. Ce calme apparent enveloppant la maison ne tenait qu’à un fil. Derrière lui, une présence sourde attendait, tapis dans l’ombre, prête à surgir, à briser ce silence d’un souffle violent et imprévisible.

 

— Vous avez entendu ? Chuchota-t-elle, les sens aux aguets.

 

Un bruit fendit soudain la nuit épaisse, d’abord vague, presque étouffé, comme un souffle venu de loin. Puis il devint plus net : des pas feutrés glissaient dans le couloir, brisant la fragile quiétude qui enveloppait la maison endormie. Un frisson glacé parcourut Léonie, des tempes au creux des reins, comme si une alarme invisible venait de déclencher tous ses sens. Son corps se tendit aussitôt, prêt à affronter ce mystère sans savoir ce qu’il cacherait.

 

Sans un souffle, elle se redressa lentement, crispée, chaque sensation décuplée par l’obscurité qui noyait la pièce. Ses pieds nus touchèrent le plancher froid, la morsure sèche du bois déclenchant un frisson électrique qui courut jusqu’à ses jambes. Pourtant, elle avança, mesurée et prudente, posant un pas après l’autre avec une attention extrême, consciente que le moindre faux mouvement risquait de trahir sa présence au cœur de ce silence lourd.

 

Un nouveau son s’immisça : un souffle court, presque un gémissement, une plainte si faible qu’elle en devint irréelle, celle d’un enfant oublié par le temps. La peur s’insinua brutalement dans son ventre, un froid mordant lui coupa la respiration, comme si l’air avait cessé de bouger. Son cœur battait à tout rompre, Léonie redoutait qu’il ne trahisse ses pas, un tambour trop bruyant dans cette nuit suspendue. Chaque mouvement la rapprochait un peu plus d’un secret qu’elle n’était pas prête à affronter, mais qu’elle devait découvrir.

 

— Elspeth ? Appela-t-elle doucement.

 

Aucune réponse ne brisa le silence. Pourtant, un murmure ténu flottait dans l’air, venu de la chambre voisine, léger et insaisissable, comme une brume glissant entre les murs. Léonie avança lentement, chaque pas retenu, comme si une force invisible étouffait son souffle, lui imposant la plus grande prudence. Elle redoutait de rompre l’équilibre fragile suspendu à chaque geste. Arrivée à l’embrasure de la porte, elle s’immobilisa, le cœur serré, incapable d’anticiper ce que dissimulait l’ombre devant elle.

 

Dans la faible lumière d’une bougie vacillante, Elspeth serrait contre elle une vieille poupée en chiffon, usée par le temps, fragile comme un talisman silencieux. Mais ce n’était pas la voix douce et enfantine de la fillette qui flottait dans la pièce. Une voix rauque, profonde, étrangère, s’échappait de la pénombre, tordue par une force mystérieuse. Les mots, balbutiés, formaient un chant ancien chargé d’histoires oubliées que Léonie ne comprenait pas.

 

Ses yeux s’écarquillèrent, son souffle se figea un instant, prisonnier dans sa poitrine. Une peur glaciale monta de ses entrailles, serpentant le long de sa colonne vertébrale, laissant derrière elle une trace gelée qui mordait sa peau. Une présence étrange s’infiltrait silencieusement dans chaque recoin, tapie dans les ombres, prête à révéler des vérités que Léonie redoutait d’entendre. Ce poids invisible lui serra la gorge, tandis que l’air autour d’elle devenait plus lourd, chargé d’une tension palpable, comme si le passé, vieux et lourd de secrets, reprenait vie dans ce silence écrasant.

 

— Tu n’as rien à faire ici, souffla-t-elle, un frisson courant le long de son échine.

 

Elspeth sursauta, les yeux embués de larmes.

 

— Ce n’est rien, murmura-t-elle, presque terrorisée. Elle me protège.

 

Léonie sentait au plus profond d’elle que ce qui se passait dépassait les jeux d’enfants ou les fantasmes. Une présence lourde, presque palpable, pesait sur la maison, glissant sourdement dans chaque recoin sombre. Ce secret invisible s’accrochait aux murs fatigués, rampait entre les poutres anciennes, emplissait l’air d’une tension difficile à ignorer. Pourtant, seule Elspeth entendait ces murmures étouffés, comme si elle parlait avec une force étrangère à toute raison.

 

Au petit matin, une bruine fine glissait à travers les vitres embuées, rendant le manoir encore plus mélancolique. Léonie, le cœur lourd mais résolue, prit une décision : il fallait aller plus loin, percer le voile qui étouffait cette demeure silencieuse. Ses pas résonnaient doucement dans le couloir aux tapis usés, chaque écho renforçant le gouffre où elle s’enfonçait.

 

Soudain, elle croisa madame Doyle, la gouvernante au visage marqué par les années, silhouette rigide et implacable. Sans un mot, madame Doyle la fixa intensément, ses yeux tranchants lançant un défi silencieux. D’un geste sec, elle lui barra le passage, dressant une barrière invisible mais infranchissable. Aucun sourire, aucune douceur : un avertissement clair, lourd de sens – certains secrets demandent un prix qu’on ne peut éviter.

 

— Vous ne devez pas allez là-bas, lança-t-elle, le ton cassant, tranchant l’air comme une lame. La zone est fermée pour travaux.

— Travaux ? Ici ? À cette époque de l’année ? Demanda Léonie, un sourcil levé, la méfiance perçant dans sa voix.

 

Madame Doyle détourna le regard, serrant les lèvres, comme si elle avalait un secret amer.

 

— C’est pour votre sécurité. Faites-moi confiance.

 

La fragile confiance que Léonie avait commencé à tisser avec cette maison se brisa soudain, éclatant en mille éclats invisibles, comme un verre fracassé sur le sol froid. Chaque refus, chaque regard fuyant, chaque porte – massive ou subtilement dissimulée – se refermait un peu plus, dressant devant elle des murs invisibles. Mais au lieu de l’abattre, ce rejet raviva en elle une flamme plus vive, une soif tenace de découvrir ce qui se cachait derrière ces silences oppressants.

 

Plus tard, ses pas la menèrent jusqu’à la vaste bibliothèque, sanctuaire silencieux où l’air pesait de tout son poids. Les murs, chargés de rayonnages anciens, ployaient sous le poids de milliers de livres. Leurs reliures craquelées et leurs pages jaunies racontaient le temps, mais aussi des secrets enfouis. L’atmosphère était dense, presque palpable, comme si les histoires oubliées refusaient de mourir.

 

Au cœur de ce labyrinthe de savoir, un livre attira son attention. Recouvert d’une épaisse couche de poussière, il était endormi depuis des décennies, à l’abri de toute curiosité. Son titre, gravé en lettres usées, évoquait des rites païens celtiques et une notion mystérieuse : les brumes sacrées.

 

Poussée par une curiosité mêlée d’appréhension, Léonie ouvrit ce volume fragile. Ses doigts glissèrent sur des pages remplies de symboles obscurs, d’incantations oubliées, d’invocations à des esprits liés aux forêts sauvages et aux éléments. Puis parmi ces textes anciens, un nom surgit, tracé à l’encre fanée, comme une signature venue d’un autre âge : Moira Fraser. Ce nom fit vibrer quelque chose au fond d’elle, une clef invisible dans une serrure oubliée. Il ouvrait une porte vers une histoire plus vaste, plus complexe, bien plus troublante que tout ce qu’elle avait imaginé.

 

— Pourquoi ce nom ? Murmura-t-elle, la gorge nouée.

 

Un frisson glissa lentement le long de son dos, une alerte instinctive qu’elle ne comprenait pas encore. Avant même de se retourner, elle sentit la solitude s’effacer. Madame Doyle apparut dans l’embrasure de la porte, son visage dur, fermé, exprimait une détermination glaciale, presque menaçante. Son regard perçant sondait chacun de ses gestes, chaque hésitation, prêt à frapper sans avertir. L’atmosphère se chargea soudain d’un poids écrasant, comme si l’air lui-même retenait son souffle. Un nœud douloureux serra la poitrine de Léonie, un avertissement brutal : ici, rien n’était laissé au hasard, tout était contrôlé, surveillé.

 

— Vous feriez mieux de ne pas fouiller là où personne ne veut que vous mettiez les mains, prévint-elle. Certaines vérités méritent de rester enfouies.

 

L’avertissement, loin de la faire reculer, attira davantage le feu qui brûlait en elle. Chaque mot, chaque regard, enflammait sa détermination. La brume qui glissait sur l’herbe froide s’épaississait, enveloppant la maison d’un manteau épais, dissimulant des secrets que l’on craignait de révéler. Cette atmosphère dense la happait, l’attirait malgré elle, la poussait à avancer, même si l’inconnu lui collait à la peau comme un poids étouffant. Son cœur battait à tout rompre, résonnant dans sa poitrine, et ses pas, hésitants mais résolus, la rapprochaient toujours plus de ce mystère prêt à exploser.

 

— Si on me cache des choses, alors je trouverais la lumière, lança-t-elle, la voix ferme.

 

Madame Doyle recula lentement, ses pas léger résonnant sur le vieux parquet, tandis que son regard dur fuyait soigneusement celui de Léonie. Sans un mot, elle disparut dans l’obscurité du couloir, emportant toute chaleur humaine, laissant derrière un silence lourd, pesant comme un jugement implacable. Léonie resta immobile, prisonnière de ce vide oppressant, prise au piège de ses pensées tourbillonnantes et de ce mystère qui lui nouait la gorge. Autour d’elle, les murs chargés d’histoires anciennes étaient complices, murmurant des secrets oubliés, racontés uniquement par les pages jaunies des livres – des récits plus sombres, plus inquiétants que tout ce qu’elle avait osé imaginer.

 

Le manoir se refermait sur lui-même, se repliant sur ses énigmes, refusant obstinément de se livrer. Le père veux, taciturne et renfermé, la fillette étrange dont les murmures s’infiltraient sournoisement dans la nuit, ces voix inconnues brisant la paix des heures calmes… Tous ces éléments formaient une toile mouvante, un piège subtil où la vérité risquait de s’évanouir à chaque instant, cachée dans l’ombre.

 

Pourtant, Léonie n’était plus cette étrangère fragile, perdue face à ce lieu. Une flamme nouvelle brillait au fond de ses yeux, mêlant force vive et une inquiétude lancinante qui comprimait sa poitrine, rendant chaque respiration plus difficile. Au plus profond d’elle, elle savait qu’elle devait s’accrocher à ce mystère, plonger plus loin dans les ténèbres, coûte que coûte. Même si le prix serait lourd, cruel et dangereux au-delà de tout ce qu’elle avait imaginé. Il n’y avait plus de retour possible. Rien ne la ferait reculer.

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