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GSamantha
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Chapitre 10 : Paranoïa

Rhéa

“ Ils disent que la paranoïa, c’est la peur de l’irréel.

Mais si le cauchemar, cette fois, portait un vrai visage ?. “


Le voile du sommeil m’enveloppait encore, dense et apaisant, comme un refuge fragile où tout semblait suspendu. Mes paupières lourdes peinaient à se soulever, luttant contre l’envie irrépressible de rester dans ce demi-monde où douleur et réalité s’effaçaient. Pourtant, quelque chose dans l’air avait changé. Une présence, subtile, mais indéniable, glissa dans la chambre.

Je ne pus que percevoir un mouvement, le frôlement léger d’un pas, puis le crissement discret d’un fauteuil tiré. Alek. Son nom résonna en moi, plus puissant que tout ce que je pouvais voir, car mes yeux refusaient encore de s’ouvrir pleinement. Il s’était installé près de la fenêtre, dans l’ombre que la lune déversait sur le parquet froid.

Le silence entre nous était dense, chargé de tout ce qui n’avait jamais été dit, de toutes les émotions tues. Son regard chercha le mien dans la pénombre, et je sentis son poids sur moi, une force douce, mais inévitable. Mes paupières tremblèrent, et je finis par céder, lnes ouvrant lentement, pour croiser ses yeux sombres.

Il n’y avait pas besoin de mots. Rien que ce regard, chargé d’une intensité à la fois inquiète et protectrice, suffisait à dire l’essentiel. Ni reproche, ni question, juste un échange muet, une communion silencieuse entre deux âmes blessées. Alek ne bougea pas, ses mains posées sur les accoudoirs, immobiles, comme si parler risquait de briser cet instant fragile.

Je restai là, incapable de détourner les yeux, comme si un fil invisible nous retenait l’un à l’autre. Le monde autour s’était éteint, il n’y avait plus que nous, dans cette chambre baignée par la lumière lunaire, entre le sommeil et l’éveil, entre le silence et ce regard qui en disait plus que mille paroles.

Je sentis une chaleur familière, diffuse, s’étendre dans ma poitrine, apaisant mes peurs même si mon corps restait alourdi par la fatigue. Alek, lui aussi, semblait suspendu dans ce moment, fragile et précieux.

Puis, lentement, très lentement, la nuit reprit son droit, et nos regards, toujours fixés, finirent par s’adoucir, comme deux âmes qui, sans un mot, se comprenaient enfin.

Le temps paraissait s’être figé autour de nous. Chaque respiration, chaque battement de cœur s’entremêlaient en un rythme presque palpable, comme une mélodie muette que seul Alek et moi pouvions entendre. Je le scrutais, cherchant dans la profondeur de ses yeux ce qu’il n’osait pas dire. La colère contenue, la tristesse sourde, cette tendresse étrange qui n’était jamais venue facilement entre nous.

Il fronça légèrement les sourcils, comme s’il luttait contre un tourment intérieur. Je sentis un frisson me traverser, mais je ne bougeai pas. Je voulais rester là, sous son regard, comprendre ce qu’il voulait me transmettre sans paroles. Ce silence, plus lourd que mille conversations, nous liait d’une façon que je ne parvenais pas encore à définir.

Au-delà de la fenêtre, la nuit semblait plus profonde, la lumière blafarde s’étiolant sous les étoiles. Je savais qu’Eros était parti, mais son absence créait un vide étrange, rendu presque tangible par la présence d’Alek. Je m’attendais presque à ce qu’il rompe le silence, à ce qu’il prononce enfin une parole, mais rien ne vint.

Nous étions là, simplement, deux âmes qui avaient tant à dire mais qui choisissaient de se comprendre autrement. Il pencha légèrement la tête, comme pour mieux voir mes traits, et je fermai les yeux un instant, savourant cette douceur muette qui m’apaisait malgré la tempête qui grondait en moi.

Puis, sans un bruit, Alek se leva lentement, jetant un dernier regard vers moi, une promesse silencieuse d’être là, même quand les mots feraient défaut. Il se dirigea vers la porte, la refermant doucement derrière lui, me laissant seule avec mes pensées et cette sensation étrange d’avoir été vue, vraiment vue, dans le silence d’une nuit trop courte.


Alek


Je reste là, assis près de la fenêtre, incapable de détacher mes yeux d’elle. Elle dort enfin, mais même dans son sommeil, il y a cette tension invisible, cette ombre qui ne la quitte jamais complètement. Je l’observe, fragile et forte à la fois, un paradoxe vivant que je ne comprends pas toujours, mais que je respecte.

Elle ne sait pas que je suis là, qu’en silence, je veille sur elle. Ce n’est pas par devoir, ni par attachement — je ne la connais pas réellement, après tout. J’ai une mission : trouver l’Élu. Lors de notre première rencontre, j’ai vu cette marque sur son épaule… cette marque que mon patron Aaron m’a ordonné de surveiller. Mais je ne suis pas encore certain que ce soit elle, cette fille. Peut-être que je me trompe.

Pourtant, une part de moi s’inquiète. Si c’est vraiment elle… si elle est vraiment l’Élue qu’Aaron veut voir mourir… je ne sais pas si je pourrai le permettre. C’est étrange. D’habitude, je ne pense jamais à ça. Je ne veux jamais qu’aucune de mes cibles survive. Mais elle, je… je ne veux pas qu’elle meure. Pas encore.

Peut-être que c’est parce que j’ai un passé, moi aussi. Un passé dont je n’aime pas parler, un passé qui m’a appris que la douleur peut vous marquer à jamais. Probablement que c’est ça qui me fait douter, cette fois.

Je reste là, silencieux, fixant son visage endormi. Nos regards se croisent, et je me surprends à chercher dans ses traits ce que je ne peux encore comprendre. Le silence nous enveloppe, lourd de non-dits, tandis que je me fixe à elle, comme pour graver cette image dans ma mémoire.

Puis, lentement, je me lève. Un dernier regard vers elle, empreint d’une promesse muette. Je quitte la pièce sans bruit, la porte se refermant doucement derrière moi, tandis que mes pensées tourbillonnent entre devoir et doute.

Le téléphone sonne. Je décroche.

— Alek, je viens de voir sur les caméras que toi et Julia avez quitté mon parking ensemble, lance Aaron d’une voix ferme. Tu en sais davantage ?

 — Pas vraiment, je réponds lentement. Tout ce que je sais, c’est qu’elle est traquée… quelqu’un la terrorise. Je n’ai pas encore identifié qui.

 — Trouve cette personne. Si Julia est réellement l’Élue, je ne veux que personne ne lui mette la main dessus. Personne. Je veux la tuer de mes propres mains.

 — Elle est chez moi. Elle dort.

 — Bien. Viens me voir. Tu me raconteras tout ce qui s’est passé hier. On sera plus à l’aise à discuter dans mon bureau, les murs n’ont pas d’oreilles ici.

Je raccroche, le poids de ses ordres pesant lourdement sur mes épaules. Je prends un bout de papier et note à Julia que je reviens vite, et qu’Eros sera la vers 9:00 et que si elle a faim, elle peut se servir dans le frigo.


 Rhea


Un clic discret. Puis le claquement à peine perceptible d’une porte qu’on referme.

 Mon esprit, engourdi, flotte un instant entre deux eaux, juste assez conscient pour enregistrer le son. Ce n’est pas un rêve. Ce n’était pas dans ma tête.

J’ouvre brusquement les yeux. Mon cœur tape, désordonné, comme s’il essayait de rattraper quelque chose. Je me redresse dans le lit, les draps froissés contre ma peau moite. La chambre est baignée d’une lumière douce, dorée, presque tranquille — presque. Le réveil affiche 7 h 02. Trop tôt. Trop silencieux.

Je tends l’oreille. Un silence épais. Pas même le bruit d’une respiration.

La panique commence doucement, insidieuse, comme un frisson qui rampe le long de ma colonne vertébrale.

 Je me lève, pieds nus, sur le sol froid. Mon regard glisse sur la pièce : aucun signe de vie. Pas de mouvement. Pas de voix.

— Alek ?...

Ma voix est plus faible que je ne l’aurais voulu. Éraillée, tendue. Comme si l’air lui-même était plus lourd ce matin.

Je sors lentement de la chambre. Le parquet grince sous mon poids, et ce simple bruit me fait sursauter. Mon souffle se bloque dans ma gorge.

J’avance dans le couloir. Chaque pas est une torture. Chaque ombre semble se tordre. Je jette un regard rapide à ma gauche, puis à ma droite. Rien. Mais j’ai cette sensation familière et terrifiante : être épiée.

Un craquement.

 Là. Juste derrière moi.

Je me retourne d’un coup. Le couloir est vide. Mon cœur cogne contre mes côtes, furieux.

 — Alek ?!

Plus fort, cette fois. Mais toujours aucune réponse.

Le salon est plongé dans une semi-pénombre, les rideaux tirés laissant passer des traits de lumière pâle qui zèbrent le sol. Les formes des meubles, les ombres sur les murs… tout semblent hostiles.

 Je tourne la tête à chaque bruit. Un craquement de bois, un souffle du vent, un battement sourd. Mon esprit n’entend que lui. Lui.

 Celui qui me poursuivait.

 Celui qui m’a enfermée.

 Celui qui me murmurait que je ne sortirais jamais vivante.

Mes doigts tremblants s’agrippent à l’encadrement de la porte de la cuisine. Mon ventre se tord. L’odeur du café froid flotte encore dans l’air.

Et là, sur la table, un papier.

 Mon regard se fixe dessus comme s’il pouvait disparaître. Je m’approche à petits pas, prête à fuir au moindre son.

« Je reviens vite.

 Eros arrive vers 9 h.

 Si tu as faim, sers-toi.

 S’il y a un problème, voici mon numéro et celui d’Eros :

 06-XX XX XX XX / 06-XX XX XX XX. »

Je reste figée.

Il est parti. Il m’a laissée seule.

 Et il croit qu’un simple mot suffit à me faire me sentir en sécurité ?

Je relis encore. Une fois. Deux fois. Je devrais être soulagée. Ce n’est qu’un mot banal, rassurant même. Mais quelque chose en moi se tend. Parce qu’une voix me murmure que c’est exactement comme ça que s'avait commencé la dernière fois.

Une maison vide.

 Un silence trop calme.

 Des phrases qui se voulaient rassurantes.

 Et lui… qui était revenu par-derrière…

Mes mains deviennent moites. Je regarde les chiffres du téléphone griffonnés. Les touches de mon passé cognent à ma mémoire. J’hésite à appeler.

 Et si c’était un piège ?

 Et si Alek n’était pas celui qu’il prétend être ?

 Et s’il l’avait contacté ? Lui ?

Mes jambes fléchissent. Je m’adosse au plan de travail, tentant de respirer plus lentement. Je fixe la fenêtre, le moindre reflet dans la vitre. Mon regard fouille, traque, analyse.

 Mais la peur, elle, est déjà en moi. Bien installée.

Et maintenant, je suis seule avec elle.

Mes doigts serrent le mot comme une bouée, mais il ne me sauve pas. Il m’enfonce.

 Je le relis encore, mais les lettres se déforment, dansent sous mes yeux.

 Il est parti. Il m’a laissée seule.

 Comme eux.

 Comme lui, autrefois.

Ma gorge se serre. Ma respiration devient saccadée. J’essaie de me convaincre que tout va bien, que je suis en sécurité, que cette cuisine n’a rien à voir avec cette cellule humide et glaciale où j’ai cru mourir.

Mais c’est inutile.

Chaque bruit, chaque craquement me transperce.

 Le vent contre la vitre ? Non. Une silhouette.

 Une canalisation qui gronde ? Non. Des pas.

 Une chaise qui craque sous le bois ? Non. Il est là. Il m’a retrouvée.

Je me recule d’un pas, puis deux. Mes pieds nus glissent presque sur le carrelage. Mes mains cherchent un point d’appui.

 Non. Non. Non. Pas encore. Je ne peux pas.

Mon cœur bat à s’en rompre. Mes oreilles bourdonnent. La cuisine tourne autour de moi.

 Je dois partir. Fuir. Je n’ai pas le choix. Si je reste ici, je vais mourir. Il va revenir, et cette fois, il ne me laissera pas m’échapper.

Je cours jusqu’à la porte d’entrée, tremblante, désorientée, prête à l’ouvrir, à me jeter dans la rue s’il le faut.

 Mais au moment où ma main touche la poignée, elle s’abaisse seule.

La porte s’ouvre lentement.

Je recule d’un bond, heurtant le mur, prête à crier, prête à me défendre, mais c’est Eros.

Il entre et me voit. Et son visage se fige.

 — Julia… ?

Je tremble de la tête aux pieds, incapable d’articuler un mot. Mon dos glisse contre le mur, et je m’effondre à genoux.

Eros s’approche doucement, bras ouverts, mains visibles, gestes lents.

 — C’est moi, tu m’entends ? Tu es en sécurité, personne ne va te faire de mal ici. Regarde-moi. Je suis là.

Il s’agenouille à mes côtés, sans me toucher. Il sait. Il sent que le moindre contact pourrait faire exploser ce qu’il reste de moi.

— Respire avec moi, ok ? Inspire… lentement… comme ça. Tu n’es pas seule. Tu es sortie de cet endroit, tu t’en es sortie.

Mais ses mots n’arrivent pas à franchir le mur qui monte en moi. Mon corps est là, mais mon esprit est ailleurs, dans ces souvenirs, ces chaînes, cette douleur.

 Je secoue la tête, incapable de suivre. Les larmes brûlent mes joues, ma gorge ne laisse sortir qu’un souffle brisé.

Eros sort son téléphone, la voix tremblante pour la première fois.

 — Alek, viens. Tout de suite. Elle est en crise. Je… je n'arrive pas à la calmer. Dépêche-toi.

Il reste à mes côtés, murmurant toujours, tentant de stabiliser mon monde, mais rien n’y fait.

 Je suis en train de me noyer.

Dix minutes plus tard, j’entends une porte claquer. Des pas précipités.

 Et puis sa voix. Grave, dure, contrôlée.

 — Qu’est-ce qui s’est passé ?

Je lève les yeux. Alek. Il me regarde. Et pour la première fois, il ne sait pas quoi faire.

Il reste figé, la main encore sur la porte, les sourcils froncés. Ce n’est plus l’homme sûr de lui que j’ai vu hier soir. C’est un mur qui vient de se fissurer.

Eros se redresse.

 — Elle a paniqué en se croyant seule. Elle a eu peur… de revivre ce qu’elle a vécu.

Alek baisse les yeux vers moi. Nos regards se croisent. Un flottement. Une tension étrange.

 Il ne dit rien. Il ne sait pas quoi dire.

Parce qu’à cet instant, il réalise peut-être que je ne suis pas une cible.

 Que je suis brisée.

 Et qu’il ne sait pas recoller les morceaux.


Alek


Je reste là, planté au milieu du salon, à la regarder s’effondrer de l’intérieur.

Elle est recroquevillée contre le mur, le souffle court, les yeux hagards, comme un animal pris au piège.

 Eros, lui, me jette un regard inquiet, attendant que je fasse quelque chose. N’importe quoi.

 Mais je suis figé.

Ce genre de douleur, je l’ai déjà vue. Mais jamais de si près. Jamais en elle.

Je me répète que je dois rester à distance. Que ce n’est pas mon rôle. Que je suis ici pour une mission, pour la surveiller, pour la percer à jour, pas pour m’attacher.

 Pas pour m’inquiéter.

 Pas pour ressentir.

Et pourtant… ce que je ressens là, maintenant, c’est un poing invisible dans ma poitrine.

Je croise son regard une seconde. Juste une. Et je vois… le vide. La panique. Le passé.

 Et merde. Ça me renverse.

Je veux reculer. Je veux laisser Eros gérer. C’est lui le « rassurant », lui le visage humain de notre duo. Moi, je suis l’ombre, le couteau, la distance.

 Mais Eros ne bouge pas. Il est aussi paumé que moi.

Et elle… elle se relève. Elle chancelle, mais elle avance. Vers la porte.

Je comprends tout de suite ce qu’elle va faire. Fuir. Se perdre. Se jeter dans un monde qu’elle croit moins dangereux que ce salon.

 Je pourrais la laisser faire. Ce serait plus simple.

 Mais mes jambes se déplacent avant ma tête.

Je la rattrape d’un bond.

 — Julia !

Elle crie dès que mes bras l’enlacent.

 — Lâche-moi ! Ne me touche pas ! LÂCHE-MOI !

Elle se débat violemment. Ses poings frappent mon torse, ses ongles s’agrippent, sa voix déchire l’air.

 Chaque hurlement est une lame.

 Chaque geste de défense, une déclaration de guerre.

 Mais je ne la lâche pas.

Je ne peux pas.

— Julia… chuchoté-je, tentant de garder ma voix calme, basse, stable.

 Mais elle ne m’écoute pas.

 Elle hurle encore, et je sens tout son corps trembler dans mes bras.

Je la serre plus fort. Pas pour l’enfermer. Pour la contenir. Pour l’empêcher de se perdre.

 Pour lui dire, sans mots, qu’elle n’est pas seule.

Elle lutte encore. Quelques secondes. Longues. Intolérables.

 Puis son corps se brise d’un coup.

 Elle s’effondre contre moi.

 Ses mains s’accrochent à ma veste. Ses sanglots explosent enfin.

Mon cœur rate un battement.

Je glisse ma main dans ses cheveux, maladroitement.

 Je ne suis pas fait pour ça. Pour consoler.

 Mais là, maintenant, je dois le faire.

— Je suis là…

 Ma voix est rauque.

 — Tu ne crains rien. Tu m’entends ? Tant que tu es avec moi, personne ne te fera de mal.

Je ne sais pas pourquoi je dis ça.

 Je ne fais pas ce genre de promesses.

 Je mens, d’habitude.

 Mais pas là.

 Pas pour elle.

Je sens ses pleurs ralentir. Sa respiration se calmait.

 Petit à petit, elle se laisse aller dans mes bras, comme si son corps comprenait ce que son esprit refusait d’entendre.

Je ferme les yeux.

 Et je la garde contre moi, longtemps. Trop longtemps.

Eros ne dit rien. Il nous observe, silencieux. Peut-être qu’il comprend.

 Probablement qu’il se demande, lui aussi, depuis quand je me perds comme ça.

Mais je m’en fiche.

Parce qu’à cet instant, je sais une chose avec une clarté brutale : 

Je ne veux plus la voir souffrir.

Et c’est un problème.

 Un putain de gros problème.

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