Calista
— Je veux l’assurance qu’elle ne le ferait pas juste pour… rien.
Il vient vraiment de lui demander de faire de moi l’une de ses pilotes ? Le genre qui ne ferait pas de courses pour d’autres joueurs ?
Vu comme ils ont commencé à passer outre certaines règles, ça ne m’étonne même plus. Mais je doute qu’il accepte, après tout, normalement, c’est le genre de position qu’on n’atteint qu’après un certain nombre de victoire pour le parieur en question.
Ezéquiel sourit.
— S’il ne vous faut que ça, vous pouvez considérer que c’est assuré.
J’ai comme l’impression que c’est exactement ce qu’il voulait entendre. Ils se tournent ensuite tous les deux vers moi.
C’est donc à moi de décider.
Si j’accepte, alors je serai lié à cet homme jusqu’à la fin de ma carrière si tout se passe bien, et si elle démarre évidemment. Mais vu comme il fait des concessions depuis tout à l’heure, il doit penser qu’elle a déjà commencée.
Et si je refuse… je prends le risque que personne d’aussi influent ne vienne demander après moi. Même si selon les dires de Félix, il semblerait que pas mal de monde soit intéressé.
Je dois donc choisir entre lui, qui semble ouvert à la discussion ce qui est un plus non négligeable, et un autre qui sera certainement plus à cheval sur les règles.
— C’est d’accord.
Cette fois, c’est un sourire satisfait qui apparaît sur les lèvres d’Ezéquiel.
— Parfait.
Il se lève, accompagné d’un Félix qui soupire encore, et je les rejoins d’un bond.
— Vous n’aurez qu’à passer par Nate pour me faire parvenir les détails.
Ezéquiel accepte d’un mouvement de la tête et Félix me pousse en direction de la sortie. Nous descendons et il me fait asseoir au bar. Il y a bien moins de monde que tout à l’heure.
Nate disait sûrement vrai. En parlant de lui, il vient vers nous avec l’air d’avoir pleins de questions.
— Alors ?
Félix lui jette un regard blasé.
— Si tu veux entendre que t’avais raison… compte pas sur moi.
Nate rigole doucement, pas vexé le moins du monde.
— Mais je sais que t’avais pas pensé à une chose.
— Laquelle ?
— Qu’il la voudrait tellement qu’il demanderait à ce qu’elle fasse sa cinquième course sous son nom.
J’aurai dû avoir de quoi prendre une photo sous la main. La tête que fait Nate est vraiment hilarante.
— Qu’est-ce qui t’étonne Donovan ? C’est pourtant toi qui m’as dit que ce mec voudrait mettre toutes les chances de son côté.
— Oui… c’est vrai, mais… je pensais pas que ce serait à ce point.
Félix hausse les épaules négligemment.
— Je lui ai dit de passer par toi pour m’envoyer les détails de la course.
— Tu as fait quoi !?
Cette fois je ne peux pas m’en empêcher et je me mets à rire.
— On verra si tu rigoleras toujours quand ce sera ton tour de recevoir des messages de ce mec, blondinette. Maugrée-t-il.
— Nate…
— Oui, oui, soupire-t-il, je ferai passer le message.
— Merci. Aller gamine, on rentre, ça fait assez pour ce soir.
Je descends de mon tabouret et salue Nate avant de rejoindre Félix à la voiture. Comme il l’a dit tout à l’heure, c’est à moi de ramener la voiture.
Je la démarre et prends la direction de notre ville.
— Félix ?
Il soupire. Je vais finir par croire que c’est sa réponse par défaut.
— Pourquoi tu m’as appelée par mon prénom tout à l’heure ?
— Parce qu’il est tout juste plus vieux que toi et je me voyais mal l’appeler gamin dès le premier soir.
J’étouffe un rire en imaginant la tête qu’Ezéquiel aurait fait s’il l’avait en effet traité de gamin. Ça aurait pu être vraiment drôle.
— S’il est tout juste plus vieux…
— 18 ans, gamine, il a 18 ans.
Ah.
Oui.
Effectivement.
Je l’imaginais quand même un peu plus âgé que ça. Comment il a fait pour arriver si vite aussi haut ?
— Et pourquoi tu m’as laissé le choix ?
— Et pourquoi tu poses toujours autant de questions ?
Il tourne la tête vers la fenêtre.
— Parce que ça devrait toujours être à toi de choisir tes courses, finit-il par murmurer, s’il n’avait pas accepté de te laisser le choix, je peux t’assurer que je t’aurai bien fait comprendre que c’était hors de question.
Est-ce que, par hasard, il aurait eu un problème de ce genre quand il était pilote ? Ce serait à cause de ça qu’il a arrêté ?
Tellement de questions dont je sais qu’il ne me donnera jamais les réponses.
— Et puis, reprend-il, le seul autre à qui j’accorde un peu de confiance c’est Julian et il est rarement présent.
Julian, Julian…
— The Phantom, précise Félix voyant que je peine à voir de qui il parle, s’il y en a bien un à qui on a donné le bon surnom, c’est lui.
Je n’ai pas beaucoup entendu parler de lui.
— J’en sais pas beaucoup plus. Il pariait depuis deux ans quand je suis parti. Il avait commencé à quinze ans, mais il était tellement doué pour disparaître qu’on l’a juste laissé faire. Paraît que sa famille a complètement disparue de la circulation juste avant qu’il ne débarque dans l’Hidden.
— Pourquoi lui faire confiance alors ?
Il ricane.
— J’ai pas non plus dit que je lui faisais complètement confiance. C’est juste qu’il est moins pire que les autres.
Je n’en saurai visiblement pas plus ce soir, nous sommes arrivés. Il sort de la voiture et me lance.
— Rentre chez toi gamine, je m’occupe de la voiture.
Je m’apprêtais à dire quelque chose, à certifier que je pouvais le faire, mais en croisant son regard j’ai compris qu’il y tenait vraiment. Je ne sais pas pourquoi, et je pense que ce serait malvenu de poser la question, alors je capitule.
— On se voit demain soir gamine, la course qui t’attend sera très certainement bien différente de ce que tu as connu jusqu’ici.
Je lui souris franchement en lui souhaitant une bonne fin de nuit et tourne les talons. Il est très tard, je réveillerai sûrement ma mère en poussant la porte d’entrée et elle me jettera probablement un regard déçu. Mais je me sens trop bien pour que ça m’atteigne.
La seule chose que j’espère c’est que cette course aura lieu avant mon entrée à l’internat. Parce que quand on appartient à l’Hidden, ils sont plus souples sur le couvre-feu. C’est d’ailleurs pour ça que Félix m’a fait faire le plus de courses possibles avant la rentrée.