Sur le chemin, je prévins Gabi de ma visite chez Matt. J’aurais préféré qu’il m’accompagne, mais quelque chose me disait qu’il valait mieux que j’y aille seul. Il me répondit rapidement de ne pas hésiter à l’appeler si j’avais besoin de lui et je lui promis de le faire.
Plus je m’approchais de sa résidence et plus le courage me quittait. Je dus me faire violence pour ne pas m’enfuir une fois devant son immeuble et monter les deux étage fut une vraie épreuve. En toquant, j’inspirai longuement et ce fut Adrien qui ouvrit. Il me regarda sans rien dire avant de gueuler :
— Matt, y a ton mec à la porte !
Mon visage devint immédiatement écarlate alors qu’il me faisait entrer. Je trottinai en traversant le salon et saluai leur colocataire de la main avant de me ruer sur la porte de la chambre de Matt où je frappai quelques coups. Les secondes s’égrainèrent jusqu’à ce qu’il ouvre enfin la porte. À peine avait-il posé le regard sur moi qu’il le détourna avant de s’écarter pour me laisser entrer.
— Salut, lançai-je d’un ton joyeux.
Il ne me répondit pas et alla s’asseoir sur sa chaise de bureau, à l’autre bout de la pièce, évitant tout contact. Un peu perdu quant à ce que je devais faire, je décidai de prendre place sur le lit, loin de lui. Durant quelques minutes, nous ne parlâmes pas. Il avait sorti son portable et m’évitait soigneusement. Il fallut donc que je me décide à relancer la conversation.
— J’aimerais qu’on parle de ce qu’il s’est passé, débutai-je.
— Et moi non.
Son ton était froid et sec. Je l’avais déjà vu en colère, mais là, ça ne ressemblait pas à de la colère.
— Pourquoi ?
Il soupira et me tourna le dos avant d’allonger son buste sur son bureau.
— Parce que je veux pas en parler. On aurait pas dû faire ça.
Mon cœur se serra douloureusement.
— Je veux pas perdre ton amitié. On se connaît depuis longtemps alors…
— Je préférerais qu’on se voie pas pendant un moment, me coupa-t-il.
Une sonnerie d’alerte hurla dans mon cerveau.
— Comment ? Mais pourquoi ? m’insurgeai-je en me levant.
Comme il ne répondait pas, j’allai jusqu’à lui et le forçait à me regarder en faisant tourner sa chaise de bureau. Il soupira une nouvelle fois et fixa le sol.
— J’ai besoin de réfléchir un peu à ce qu’il s’est passé, ok ? Alors tu vas me laisser tranquille.
Il semblait déterminé, ce qui me peina. J’aurais aimé qu’on en parle ensemble, mais il préférait me mettre à l’écart. Je n’aimais pas du tout ça.
— Ok. Comme tu veux.
Vexé comme un pou, je sortis de sa chambre. En passant dans le salon, Adrien me héla, mais je ne pris même pas la peine de le regarder, je sortis de l’appartement en claquant la porte et partis. Sur la route, je ne fis que grommeler dans ma barbe, en m’énervant contre le monde entier. Un petit quart d’heure plus tard, j’arrivai chez moi pour faire subir le même sort à ma porte d’entrée avant de m’écrouler sur mon canapé. Mon portable sonna et je le sortis rapidement de ma poche pour voir le nom de Gabi s’afficher à l’écran. Je décrochai, blasé.
— Allô…
— Ouais, j’ai été mangé avec des potes et je suis dans le coin, j’peux passer te voir ?
— Carrément ! J’t’attends !
Nous raccrochâmes et le temps qu’il arrive, je fis un brin de ménage chez moi. Lorsqu’il toqua, je courus presque lui ouvrir et quelques secondes plus tard, nous étions déjà assis sur le canapé. Évidemment, il ne tarda pas à relancer le sujet « Matt ».
— Alors, comment ça s’est passé ?
Je fis la moue, embêté.
— Je suis passé le voir en sortant du boulot et… il voulait pas me voir. Genre, il s’est mis à l’autre bout de la pièce, il s’est assuré que nos regards se croiseraient pas et quand j’ai voulu papoter un peu, il m’a demandé de le laisser. Il a dit qu’il ne voulait plus qu’on se voie pendant un moment, grognai-je. Tu te rends compte ? Il voulait pas en parler et en gros, il m’a mis dehors.
— Ça fait chier…, acquiesça Gabi.
— Du coup, je sais pas trop quoi faire. On s’est jamais engueulés au point de refuser de se voir pendant plusieurs jours.
— Vous aviez jamais couché ensemble non plus, ajouta-t-il en m’invitant à basculer vers lui. Je pense vraiment qu’il faut que tu lui laisses du temps. Il te l’a dit lui-même, il veut juste un peu de temps seul, il doit avoir besoin de réfléchir, alors ne le stresse pas.
Durant les deux semaines suivantes, je fis mon possible pour ne pas contacter Matt. Mais la vérité était qu’il me manquait atrocement. Il avait toujours été important dans ma vie et je pensais qu’avoir partagé une nuit allait nous rapprocher. Malheureusement, cette décision avait été une erreur et même s’il avait été dans l’ambiance lors de la soirée, maintenant il semblait ne même plus pouvoir me regarder en face.
Je savais qu’il regrettait et d’un côté, moi aussi. Parce qu’à cause de cette nuit, j’avais perdu mon meilleur ami, sans savoir si je pourrais le récupérer un jour. J’avais l’impression d’avoir une peine de cœur. Je ressentais la même douleur, compressant mon palpitant quand je pensais à lui ou à son silence. Même au travail, Célia m’en fit la réflexion.
— T’es sûr que ça va ? s’inquiéta-t-elle.
J’acquiesçai en rangeant quelques produits sur les rayonnages derrière la caisse.
— Et Matt ?
Je haussai les épaules.
— Pas de nouvelles.
Elle fit la moue, visiblement embêtée pour moi. Je finis par soupirer, le moral dans les chaussettes. Heureusement, servir les clients et vider puis ranger les réassorts me permettait de penser à autre chose. Alors je m’y appliquai depuis trois semaines.
Finalement, un mois passa et rien ne se modifia dans son comportement. La seule chose qui me faisait dire que tout n’était pas perdu fut qu’il ne m’avait pas bloqué. J’avais craqué en lui demandant de ses nouvelles par sms. Il avait lu mon message, mais n’avait jamais répondu, me faisant me sentir encore plus mal, presque misérable.