Deux ans plus tard
— Merci, Madame Chang ! Je vous promets que vous ne regretterez pas ! affirmai-je.
Elle me regarda avec un grand sourire.
— Je ne m’en fais pas, ça fait plus de quatre ans que tu travailles ici et tu as presque déjà le poste. Ce n’est qu’une officialisation. Le mois prochain tu fais une formation et ensuite, nous signerons ça. Ça te va ?
Je hochai la tête avec entrain. Devenir le gérant de la supérette ? Évidemment que ça m’allait ! Ça voulait dire plus de responsabilités, plus de temps dans le bureau, moins en boutique et surtout, une bien meilleure paie !
— Merci, Madame Chang, répétai-je avec un grand sourire.
Jusqu’à la fin de la journée, j’eus du mal à contenir mon émotion et quand je fermai la grille, une fois le soir venu, je courus attraper mon bus. Il y a quelques mois, nous nous étions achetés un bel appartement non loin de la boutique que Gabi avait ouverte avec son père. Le lieu avait vite été pris d’assaut par les clients et les affaires prospéraient. Matt et moi étions proches d’une station de bus qui nous permettaient tous les deux d’aller au travail avec un seul bus, ce qui avait été un critère décisif. Il était plus grand que le premier que nous avions pris ; nous avions maintenant trois belles chambres afin de pouvoir accueillir des amis ou de la famille et l’appartement était régulièrement plein de monde.
Nous n’avions pas encore tenu tout le monde au courant de notre couple peu banal, alors dans ces moments-là, nous jouions les colocataires, mais la plupart de nos proches, qu’ils l’acceptent ou pas, savaient.
Je montai en courant jusqu’au premier étage, impatient de leur annoncer la bonne nouvelle ; nous allions enfin pouvoir nous payer l’immense baignoire dans laquelle nous tiendront enfin tous les trois !
J’entrai en trombe dans l’appartement et sprintai jusqu’au salon sans même enlever mes chaussures.
— Les gars ! J’ai une super bonne…
Je me stoppai subitement. Devant moi se déroulait un spectacle rare ; Gabi, assis sur le bord du canapé, maintenait la tête de Matt qui avant la bouche grande ouverte et faisait de son mieux pour avaler le membre volumineux qui lui était présenté.
En m’entendant, Gabi tourna la tête vers moi et me sourit, satisfait de mon air incrédule.
— Quoi ? Je l’entraîne, dit-il en lui caressant les cheveux. Mais t’inquiète, il est loin de ton niveau.
Je ris tandis que Matt grognait, reculant sa tête et que j’allai m’asseoir sur le canapé.
— Bref, arrêtez de jouer deux secondes. J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer !
— Oh non, il est enceint ! affirma Gabi en attrapant les épaules de Matt. Qu’est-ce qu’on va faire ? J’avais pas prévu d’être papa aussi tôt ! Je nous voyais encore, baiser comme des malades pendant des années ! Là, on va devoir se réveiller en pleine nuit pour nourrir un gosse dont on sait même pas qui est le père ! Je suis trop jeune pour souffrir autant !
Je le regardai, ahuri, puis explosai de rire.
— Nan mais t’es pas bien, hein !
Nous rîmes tous les trois et quand nous nous calmâmes enfin, je tentai de me ressaisir.
— Bon, parlons peu, parlons bien. Madame Chang a décidée de me nommer gérant de la boutique ! Je vais devoir suivre une formation mais d’ici deux mois, on aura beaucoup plus de sous ! Vous savez ce que ça veut dire ?
Leur visage s’éclairèrent dans un geste commun et ils dirent :
— La baignoire !
Je ris devant leur enthousiasme et avant que je ne puisse faire le moindre mouvement, Gabi me ceintura et se leva.
— Dans ce cas, allons vite profiter d’une des dernières fois où on sera serrés comme des sardines dans celle minuscule que nous avons !
Dans l’eau, ils me félicitèrent enfin pour ma promotion et nous passâmes de longs moments à nous câliner, sereins quant à notre avenir. Les phases fantomatiques de Gabi ne s’étaient pas arrêtées. Régulièrement, Matt et moi étions réveillés par son touché froid. Les scientifiques du monde entier cherchaient encore l’origine de ce changement, mais pour le moment, toutes ces bizarreries restaient un mystère.
Ça m’allait. Grâce à ça, j’avais trouvé deux compagnons formidables que j’aimais plus que tout et pour rien au monde je n’aurais changé quoi que ce soit à notre histoire.