An 2 ; Jour 132; Cycle 3 ; 17 heure
Hiromi resta stupéfaite de ce qu’elle avait entendu. En tant qu’opératrice, elle n’avait jamais espionné les conversations, mais quand cette femme avait assuré d’un ton autoritaire devoir parler à la vice-amirale, cela avait conforté ses soupçons. Quelque chose n’allait pas avec Hel, et ce depuis longtemps. La jeune femme savait qu’elle avait une part de responsabilité pour tout ce qui était arrivé à son amie depuis la mort de sa mère. Cependant elle n’en comprenait que maintenant la mesure. Hel enlevée et torturée dans la Ville Sombre, elle n’y croyait pas. Elle avait trop entendu de rumeurs sur ce qu’il pouvait arriver aux jeunes filles seules dans les bouges immondes, pour ne pas avoir la nausée.
Elle entendit le sol du couloir grincer. Reconnaissant d’instinct le pas de son responsable, elle s’empressa de débrancher les câbles de communication de son panneau de contrôle, et tenta d’afficher une expression neutre. Elle ne dut pas être très convaincante car l’homme se tourna vers son box, l’air légèrement inquiet.
— Vous allez bien Hiromi ?
— Oui, oui, assura-t-elle trop rapidement pour être crédible.
— Vous êtes sûre ? On dirait que vous allez vomir. Vous avez largement fait vos quotas d’heures. Vous devriez rentrer chez vous.
La jeune employée n’allait pas refuser une telle opportunité, surtout que son responsable était du genre lunatique. Elle accepta et lutta presque pour ne pas prendre ses jambes à son cou. Elle n’eut conscience d’être arrivée chez que lorsque ses doigts cherchèrent mécaniquement les clés dans sa combinaison. Elle n’avait même pas pris le temps de retirer son uniforme et de le déposer au vestiaire. Elle jeta sa veste au col azur, et entreprit de reprendre ses esprits. Qu’est-ce qu’elle pouvait faire ? En parler ? Impossible sans avouer qu’elle avait espionné une conversation personnelle d’une haute-gradée. Ce poste d’opératrice était déjà une punition, elle écoperait de bien plus qu’un blâme si ça se savait. Elle risquait d’être désavouée par les Gouverneurs, de devenir une Scélérate et d’être exclue de la communauté, voire même d’Eolna.
La nausée s’intensifia, Hiromi se précipita au-dessus du lavabo de la cuisine. Elle ne vomit pas mais peinait à tenir sur ses jambes. C’est alors qu’elle entendit la porte d’entrée s’ouvrir, et une voix masculine l’appeler.
— Ma lune tu es déjà rentrée ?
— Je suis dans la cuisine, l’avertit-elle.
Dodgi vient se placer dans son dos, passant ses bras sur son ventre et la serrant contre lui. D’habitude elle aimait les gestes tendres de son amoureux, mais l’odeur de poudre qu’il transportait accentuait sa nausée. C’était le prix à payer pour sortir avec le plus bel artilleur du Gouvernail, même si de l’avis du concerné, il n’était que le second. La jeune femme repoussa son étreinte. Sans s’écarter du lavabo, elle inspira profondément à plusieurs reprises pour faire passer le malaise.
— Qu’est-ce-qui va pas ? L’interrogea son petit ami inquiet.
— Rien je me sentais pas. Ils m’ont laissé rentrer plus tôt au travail, éluda-t-elle.
— C’est sympa, mais eu rassure-moi. T’es pas enceinte ?
Hiromi s’esclaffa et se retourna pour constater à son air vaguement ahuri et angoissé qu’il était sérieux.
— Bien sûr que non idiot, j’ai juste mangé un truc qui passe, expliqua-t-elle en le gratifiant d’une pichenette affectueuse sur son épaule.
— Ouf. Enfin, j’veux dire si tu l’étais. Ben ça serait cool, mais heu. Plus tard c’est mieux, enfin si toi t’en as envie. Mais je te force pas…
Il continua son monologue adorable quelques minutes, jusqu’à ce que Hiromi le coupe d’un baiser léger. Elle se sentait mieux en sa présence. Elle l’enlaça tendrement, caressant les extrémités de ses tresses plaquées sur sa nuque. Il frissonna, lui rendant son étreinte. Elle l’aimait tellement, surtout quand il parvenait à l’amuser dans les pires moments. Elle ne pouvait pas le perdre.