Le lendemain matin, j’étais à peine réveillée quand une notification s’afficha sur mon téléphone. Un mail. Je cliquai dessus d’un doigt encore engourdi, m’attendant à devoir attendre des jours pour une réponse.

Mais non.

Objet : Recrutement — Bienvenue chez Bolat ARCH
Bonjour Ella,
Nous avons été séduits par votre profil et votre état d’esprit.
Si vous êtes disponible, nous aimerions que vous commenciez dès aujourd’hui.
Leïla vous attend à 10 h pour vous accueillir dans l’équipe.
À très vite.
L’équipe Bolat ARCH.

Je restai figée une seconde, mon cœur battant comme un tambour de guerre. Puis un sourire m’échappa, sincère, incontrôlable.

— JE COMMENCE AUJOURD’HUI, hurlai-je en direction de la cuisine, où Sofie s’étouffait avec ses céréales.

— Pardon ?! Mais t’as même pas encore pris ton thé du matin !

— Justement. C’est le moment de changer de rythme, répondis-je en attrapant une tasse et en me préparant un thé à la menthe, comme toujours quand je veux garder les idées claires.

Une heure plus tard, j’étais devant l’immense bâtiment, un peu mieux habillée que la veille, les cheveux relevés en chignon souple, un carnet neuf dans le sac. Je pris une grande inspiration et franchis les portes.

À l’intérieur, Leïla m’attendait, souriante comme si on s’était vues la veille à une fête entre amies.

— Ella ! Je suis ravie. Bienvenue officiellement chez Bolat ARCH, dit-elle en me prenant brièvement dans ses bras.

Ce petit geste de chaleur humaine me toucha plus que je ne l’aurais cru.

— Viens, je vais te faire faire le tour de l’équipe.

On traversa plusieurs open spaces jusqu’à un coin baigné de lumière où travaillaient plusieurs personnes concentrées mais détendues. Leïla m’entraîna vers un type en chemise hawaïenne et baskets.

— Je te présente Ben, notre graphiste. Aussi doué qu’impossible à faire taire.

— Ella, enfin une nouvelle tête saine ici ! déclara-t-il en me serrant la main avec un clin d’œil. Fais attention, on devient vite accro au café et aux ragots.

Je ris doucement. Il avait une énergie solaire, ce genre de personne qui rend tout tout de suite plus léger.

— Et là-bas, c’est Olivia, chef de projet. Très sympa, mais ne vole jamais sa chaise, elle est capable de te le rappeler pendant trois ans.

Olivia leva les yeux de son écran et me salua avec un sourire franc.

— Bienvenue, Ella. T’as l’air plus normale que la moyenne, ça fait plaisir.

Je n’eus même pas le temps de répondre qu’une voix masculine, faussement sérieuse, surgit derrière moi.

— Et moi, j’ai droit à une présentation, ou tu préfères que je me présente moi-même, Leïla ?

Je me retournai.

Lucas. Grand, chemise blanche impeccable, regard malicieux. Il me tendit la main.

— Lucas, architecte d’intérieur. Je suis là pour draguer de façon ironique, te déconcentrer, et faire semblant de travailler pendant que je brille de beauté. C’est le poste que j’ai signé.

Je levai un sourcil, amusée.

— Ravie de savoir à quoi m’attendre. Je m’appelle Ella , je suis là pour faire semblant d’être impressionnée.

Leïla leva les yeux au ciel.

— Je vous laisse deux minutes et vous vous prenez déjà pour des personnages de série Netflix…

C’est alors que l’ambiance changea imperceptiblement.

Une silhouette élégante entra dans le bureau, les yeux rivés sur une tablette. Costard sombre, regard précis, gestes nets. Lui.
L’homme de la Porsche. L’homme que j’avais bousculé.

Il s’arrêta devant nous.

— Bonjour, dit-il d’un ton neutre. On m’a dit que la nouvelle était arrivée.

Leïla s’éclaircit la gorge.

— Ella , je te présente Christian Bolat.

Il leva enfin les yeux vers moi. Je soutins son regard, même si quelque chose dans sa posture m’intimidait plus que je ne voulais l’admettre.

— Ah, fit-il simplement. La maladroite du hall.

Glacial.

Je souris sans me démonter.

— Et vous, l’homme à la Porsche noire.

Un silence. Lucas étouffa un rire.

Christian me fixa une seconde de plus, ses yeux impénétrables. Puis il tourna les talons.

— Bonne chance.

Et il repartit, aussi rapidement qu’il était arrivé.

Je soufflai, un peu sonnée.

Ben se pencha vers moi, comme s’il me confiait un secret.

— Bienvenue dans la fosse aux lions, Ella .