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softlyunstable
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Prologue : Taehyung

Le chant sous la pierre

Ce n'est pas le premier corps que l'on retrouve dans la neige.
Mais c'est celui de trop. Celui qui force les regards à se détourner, puis à revenir, accrochés par une peur ancienne, sourde, persistante. Celui qui murmure que tout ce que l'on a tenté d'oublier revient toujours, plus affamé.

Min Haneul.
Troisième année. Fils d'un député. Brillant, trop brillant. Curieux à l'excès. On l'a retrouvé allongé dans la cour sud, les bras écartés comme dans une offrande ancienne, les yeux grands ouverts vers un ciel vide, figés dans une prière muette.
Sur sa peau, les cicatrices grises d'un rite dont plus personne n'ose prononcer le nom. Pas à haute voix. Pas ici. Pas même dans le noir.

Ils ont parlé d'arrêt cardiaque. De crise mystique. De choc thermique. Mais moi, j'ai entendu autre chose. Un frémissement dans l'air, un appel dans les nerfs. J'ai entendu le chant.
Et depuis, quelque chose en moi ne respire plus de la même façon. Comme si une autre voix, plus ancienne, plus profonde, était venue s'installer sous la mienne.

🖤🖤🖤

Les couloirs du pavillon Samhwawon sont toujours froids, même en été. Pourtant, ce soir, l'air semble tiède, presque vivant. Les veilleuses frémissent sur les murs, projetant des ombres déformées qui rampent sur la pierre comme des souvenirs trop anciens pour avoir un nom.

Je descends les marches, une à une, porté par l'habitude. Je connais le chemin. Ou peut-être que c'est lui qui me connaît.

Je suis seul, agenouillé dans la salle des offrandes.
Le sol sous mes genoux dégage une chaleur étrange, presque fiévreuse.
Et dans mes os, une tension monte, lente, rythmée, comme un tambour ancien que personne n'aurait battu depuis des générations.

🖤🖤🖤

Je ferme les yeux.
Et elle est là.

Naegam.

Elle n'a pas de forme. Pas de corps. Pas de regard.
Mais elle est partout. Dans l'air que je respire. Dans l'écho de ma gorge. Dans la mémoire de ma peau.

Elle ne parle pas.
Elle chante.

Et sa voix, c'est la mienne.
Ou celle que j'avais avant de devenir moi. Avant de savoir que j'étais une fracture vivante. Sa voix me fait mal. Doucement. Intimement. Comme une promesse qu'on attend depuis trop longtemps.

Ne me nomme pas, je viendrai.
Ne me cherche pas, je suis là.
Ouvre-toi et je prendrai.
Ferme-moi, et je mourrai.

Les mots ne me viennent pas. Ils jaillissent. Ils serpentent hors de moi comme de l'encre chaude, comme si chaque syllabe était tatouée dans mes organes.

Un pour la chair, un pour l'oubli,
Deux pour l'amour qui nie.
Trois pour le cercle non fermé,
Et moi, pour le répéter.

Je frissonne. Pas de froid. D'appel. De résonance. Comme si mon corps était une cloche qu'on vient de faire vibrer. Comme si j'étais né pour ça.

Elle n'était pas censée revenir. Mais rien ne reste enterré ici. Et le cycle recommence.

Et lui aussi. Il arrive.

🖤🖤🖤

Je l'ai vu.
Pas de mes yeux. Pas encore.
Mais dans les reflets tremblants, dans les tâches d'ombre entre les murs, dans mes rêves trop réels.

Ses yeux comme des lames. Sa démarche grave, délibérée. Son regard, direct, tranchant, insupportablement clair.

Jungkook.

Elle ne prononce pas son nom. Mais moi, je le connais. Comme on reconnaît l'orage dans la gorge du ciel. Comme on reconnaît le gouffre avant d'y tomber. Et mon cœur bat à contre-temps, déjà en déroute.

Pas de peur.
Mais de vertige. D'attente. D'une joie douloureuse, coupable.

🖤🖤🖤

Quand la dernière note du chant s'évanouit, le silence s'installe.
Un silence épais, vivant, presque humide.
Un silence qui tend l'oreille.

Je rouvre les yeux.
Une seule veilleuse survit, sa flamme tremble au rythme de quelque chose qui n'est plus tout à fait moi.

Et dans cette lumière, vacillante comme un battement retenu, je vois ce que nous allons devenir.

Des amants, peut-être.
Des offrandes, sans doute.
Deux corps pour un chant ancien.

Mais surtout : la clef et la serrure.
Le cri et l'écho.
Le pacte en attente de souffle.

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