Je referme la porte de ma chambre lentement, sans allumer. J'ai besoin de l'ombre. De l'air froid contre ma nuque. De ce silence épais, feutré, qui s'épanouit ici comme une brume familière depuis la mort de Min Haneul. Un silence qui me colle à la peau, même quand je voudrais l'arracher.

Mais ce soir, ce n'est pas lui qui hante mes pensées. Ce n'est pas Haneul, ses silences trop sages, ses secrets trop lourds. C'est lui. L'inspecteur. Jeon Jungkook-nim.

Je me laisse tomber sur le lit, les bras écartés, les paumes ouvertes vers le plafond. J'essaie de respirer. Lentement. Mais les battements de mon cœur sont trop rapides, trop irréguliers. Je ferme les yeux. Je le revois. Ce regard — incisif, lucide, presque douloureusement clair. Trop honnête pour Gwanak-guk. Trop pur pour un lieu tissé de faux-semblants et de murmures. Et pourtant, j'ai souri. J'ai joué. J'ai flirté avec lui comme si rien n'était grave.

Ce que je n'avais pas prévu, c'est l'écho. Ce frisson qui a remonté ma colonne quand il s'est tendu, cette chaleur soudaine sous ma peau. Le feu. Il m'a regardé comme personne ne m'a jamais regardé — et je crois que j'ai aimé ça. Même à travers sa retenue, son professionnalisme feint, il y avait une tension, une faille. Une faille dans laquelle j'ai eu envie de m'engouffrer.

Il m'attire. D'une manière qui n'a rien d'innocent. Il m'attire plus que je ne veux l'admettre, plus que je ne devrais le permettre. Et pourtant, je suis là, allongé dans l'obscurité, hanté par ses gestes, sa voix, son odeur subtile — cuir, pluie, bois sec.

Je sais que c'est dangereux. Que ce désir, aussi fulgurant soit-il, est une brèche. Une invitation au chaos. Je sais ce que cela signifie. Ce que je suis devenu depuis elle. Depuis que sa voix murmure encore, même quand je dors. Depuis que l'odeur du sang ne couvre plus celle du désir, mais s'y mêle, comme un parfum interdit.

Je me redresse lentement, repousse mes draps, avance à pas nus sur le parquet glacé. Je m'approche du miroir. Il m'accueille dans son reflet figé. Je le fixe. Mon propre visage me semble à la fois familier et étranger. J'ai toujours su plaire. Toujours su manipuler. Mentir avec un sourire, séduire avec un silence. Mais ce soir, quelque chose vacille. Quelque chose tremble sous la surface lisse de mon masque.

Je fredonne. Une note d'abord. Puis deux. C'est un murmure, à peine un souffle. Une vieille berceuse, un chant oublié, né de la terre et du vent. Celui que ma grand-mère murmurait les soirs de tempête, lorsque le vent faisait claquer les portes et que les ombres dansaient sous les poutres. Un chant que je n'ai jamais vraiment compris. Un chant que je n'ai jamais osé oublier.

L'air change. S'épaissit. Un éclair traverse la pièce — pas de lumière, non. Mais une pression. Une onde sourde dans mes tympans. Et ce frisson. Celui que je connais trop bien. Celui que je redoute autant que je l'attends.

Naegam.

Elle est là.

Faible. Moins puissante qu'avant. Mais présente. Elle ne hurle plus. Elle ne brûle plus. Mais elle vibre, comme un fil tendu entre deux mondes.

Je recule d'un pas. Mon souffle s'accélère. Ma gorge se serre.

— Tu n'es pas partie, je murmure. Pas vraiment.

Le miroir tremble. Juste un instant. Un éclat dans l'ombre. Suffisant pour que je comprenne. Elle ne m'a jamais quitté. Elle attend. Elle veille. Elle s'est tue... mais elle observe. Toujours.

Et si elle est plus silencieuse qu'avant, c'est peut-être parce qu'elle a trouvé autre chose. Un autre point d'ancrage. Une autre faille dans l'équilibre. Quelqu'un d'assez dense. D'assez fort. D'assez troublé.

Jeon Jungkook.

Je ferme les yeux. Je revois sa nuque, la tension dans sa mâchoire, ce regard fuyant que j'ai accroché comme une promesse. Mon ventre se serre. C'est du désir. C'est de la peur. C'est un feu et une lame. Un équilibre que je croyais savoir dompter, mais qui menace de m'avaler tout entier.

Et si elle le touche — s'il devient le prochain... ?

Je rouvre les yeux. Le miroir a cessé de vibrer. Mais mon cœur, lui, bat plus vite que jamais.

Elle ne doit pas le prendre.

Pas lui.

Pas encore.

🖤🖤🖤🖤🖤

✍️ note d'auteur

Taehyung est-il sincère ? Ou dangereux ?
Peut-être que les deux, c'est encore pire.
Si cette tension te hante toi aussi... laisse un 💬 ou un 🖤.
La suite ? Elle approche. Et elle ne pardonne pas.
À bientôt...