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softlyunstable
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Chapitre 4 : Jungkook

Seo Yeon-ju-ssi me conduit jusqu'à une petite salle d'entretien, située à l'écart du pavillon administratif. Les murs sont d'un blanc défraîchi, le plafond trop bas, la table centrale en bois brut marquée de coups et de rayures anciennes. Rien n'indique que la pièce est encore utilisée. Pourtant, aujourd'hui, elle va servir. Une lampe halogène suspendue diffuse une lumière froide, presque crue, qui n'épargne rien des détails : la poussière, les fissures, le silence figé.

— Je vais chercher Kim Taehyung, dit-elle simplement, avant de refermer la porte derrière elle.

Je reste seul quelques instants, en silence. Le nom résonne encore dans ma tête. Kim Taehyung. Je n'ai pas lu son dossier. Pas encore. Mais s'il partageait sa chambre avec Min Haneul, alors il est peut-être la dernière personne à l'avoir vu en vie. Peut-être plus. Peut-être moins. Le genre de témoin qui sait plus qu'il ne dit, ou au contraire, celui que l'on protège à son insu. Et si je me fie à l'écho de son nom dans la bouche du directeur, à la manière dont Seo-ssi a baissé légèrement les yeux en le prononçant, il y a peut-être plus encore. Ce garçon est peut-être plus qu'un étudiant. Un Kim, dans une école aussi ancienne que Gwanak-guk, ça n'est jamais anodin.

La poignée tourne. Je me redresse. Il entre.

Et je comprends, d'instinct, que ce garçon n'est pas comme les autres.

Il a l'allure calme de ceux qu'on regarde sans comprendre pourquoi. Ses gestes sont mesurés, son port de tête noble, presque princier. Un visage harmonieux, aux traits taillés avec une finesse qui évoque les portraits anciens — une bouche pleine, une mâchoire subtilement marquée, des pommettes hautes qui accrochent la lumière. Mais c'est surtout dans ses yeux que tout bascule : sombres, brillants, comme s'ils contenaient une langue que seul lui parle. Il est beau, oui. Mais c'est autre chose. Il est magnétique. Solaire. Chaque mouvement de sa silhouette semble chorégraphié, précis, calculé sans jamais paraître artificiel. Comme si la pièce était soudain plus vaste, plus vivante, simplement parce qu'il y est entré. Une présence maîtrisée, enveloppante, presque trop parfaitement assumée pour un simple étudiant.

— Inspecteur Jeon-nim, dit-il avec un sourire poli. C'est un honneur.

Il s'installe sans que je l'y invite, croise les jambes avec une nonchalance élégante, laisse son regard courir sur moi comme s'il notait la coupe de mon manteau plus que mes questions à venir. Il occupe l'espace avec la même facilité qu'un professeur titulaire. Ou un acteur.

Je m'assieds à mon tour. Il m'observe toujours. Je m'efforce de ne pas réagir. J'hésite, un instant, à le tutoyer. Il n'a pas l'air de s'en formaliser. Mais son allure, son maintien, son regard droit... tout en lui trahit une éducation soignée. Et il y a ce détail inscrit dans un coin de mon briefing : le nom de famille Kim. Et un père, probablement influent. Riche, au minimum. Je pèse mes mots. Mes pronoms.

— Tu vivais avec Min Haneul. Tu étais proche de lui ?

Je m'entends utiliser le tutoiement, et une part de moi le regrette aussitôt. J'aurais peut-être dû m'en tenir au vouvoiement. Avec ce genre de garçon, au regard trop calme et au nom trop influent, on ne sait jamais sur quel terrain on marche.

— Déjà le tutoiement ? dit-il doucement, un sourire flottant sur les lèvres. Je croyais que les inspecteurs préféraient garder leurs distances.

Sa voix n'a rien de moqueur à première vue. Et pourtant, tout dans sa posture, dans l'éclat qui brille au fond de ses yeux, me dit qu'il s'en amuse. Qu'il joue avec moi. Et que ce jeu lui plaît.

— Mais pour vous répondre, Jeon-nim, reprend-t-il, oui, j'étais aussi proche de Min Haneul qu'on peut l'être quand on partage une chambre de onze mètres carrés, répond-il d'un ton lisse, presque amusé. Il était discret. Studieux. Trop peut-être. Mais nous nous entendions bien. Il était... lisse. Prévisible. Jamais de débordement. Ce n'est pas votre cas ?

Et qu'en sais-tu, hein ?

Je me contiens et j'enchaîne froidement :

— As-tu remarqué quelque chose d'inhabituel ces dernières semaines ? Un changement d'attitude ? Des comportements étranges ?

Il fronce légèrement les sourcils, puis secoue la tête, un geste lent, presque étudié.

— Rien de particulier. Je vous l'ai dit, Min Haneul était constant. Prévisible. Pas le genre à se laisser aller à... disons, l'irrationnel.

Je le fixe. Il choisit ses mots avec soin, presque trop. Et je déteste la façon dont mes yeux s'attardent sur la courbe précise de sa bouche, sur la ligne nette de sa clavicule. Il m'éloigne avec ses réponses, tout en me tenant fasciné par son aisance, par la façon qu'il a de transformer chaque réplique en provocation douce, chaque silence en séduction silencieuse. Il donne l'impression de jouer un rôle, mais avec suffisamment de naturel pour ne jamais en sortir.

— Et ce tatouage ?

Il arque un sourcil, surpris. Ou feignant de l'être. Il se penche légèrement vers moi, l'air presque curieux.

— Un tatouage ?

— Derrière son oreille gauche, à moitié effacé. Tu ne l'as jamais vu ?

— Non, répond-il. Et je l'aurais remarqué, croyez-moi. On vivait ensemble. Il se douchait en premier, souvent.

Un détail que je n'avais pas besoin de savoir.

Et qui éveille une chaleur sourde en moi.

Comme s'il l'avait deviné, Kim Taehyung ponctue sa phrase d'un sourire. Un peu trop lent. Un peu trop étudié.

Quelque chose en lui m'agace profondément. Autant que cette certitude qu'il me ment. Je le sais, il me cache quelque chose. Peut-être pas sur le tatouage. Mais sur autre chose. Et il le sait. Il goûte le pouvoir qu'il a sur cet échange, sur moi.

— Tu as une idée de qui aurait pu lui en vouloir ?

— Absolument aucune. Min Haneul était apprécié. Par les professeurs, par l'administration... il ne se mêlait pas vraiment aux autres étudiants, mais il n'était pas non plus le genre à susciter l'hostilité. Il gardait ses distances. Comme s'il savait que quelque chose l'attendait.

Chaque mot est poli. Chaque phrase est propre. Mais rien ne colle. Et le pire, c'est son regard. Ce petit éclat de malice au fond des yeux. Comme s'il me testait. Comme s'il voulait me voir m'énerver. Il pousse mes limites avec un calme désarmant.

Je décide de changer de tactique et de le pousser direct dans ses retranchements - du moins, c'est comme ça que je l'imagine.

— Et le nom... Naegam. Ça te dit quelque chose ?

C'est subtil, presque imperceptible, mais je le vois. Une ombre traverse son visage. Une micro-défaillance, une tension d'un dixième de seconde au coin de sa bouche. Il se reprend aussitôt, cligne des yeux, affiche un demi-sourire moqueur.

— Naegam ? répète-t-il avec une intonation presque rieuse. Non, jamais entendu. C'est joli, cela dit. Poétique, non ?

Son ton est léger, trop léger. Et cette lueur ironique dans ses yeux... elle me donne envie de tout balayer sur la table.

Et puis, sans prévenir, il bascule.

— Vous êtes plutôt séduisant, Inspecteur Jeon-nim. C'est votre uniforme, ou c'est vous ?

Le sang me monte aux joues. Je serre la mâchoire. Un instant, je cherche à comprendre s'il joue, ou s'il est sincère. Il me regarde droit dans les yeux, sans ciller, avec une franchise désarmante, presque cruelle. Il sait ce que ses mots font, il les pèse, les choisit avec une précision chirurgicale. Ses lèvres s'étirent à peine, et pourtant tout en lui suggère une invitation silencieuse, un défi.

— Ce n'est pas le sujet.

— Vous avez raison. Je m'égare.

Il se penche légèrement vers moi, ses doigts tapotant l'accoudoir avec une lenteur calculée. Son regard glisse, étudie, effleure sans jamais toucher. Et quand il parle, sa voix s'adoucit presque imperceptiblement.

— Mais vous avez ce regard... perçant. Intrusif. On sent que vous cherchez des vérités que d'autres préfèrent ignorer. C'est noble. Mais dangereux.

Il incline légèrement la tête, me fixe de biais. Il est en train de lire en moi plus que je ne lis en lui. Il me renverse. Il prend le contrôle sans lever le ton, sans hausser un sourcil. Et pire que tout, il le fait avec grâce.

— Je trouve ça captivant.

Un compliment. Ou une menace. Peut-être les deux. Et c'est bien ce qui me trouble.

Je me lève brusquement. J'ai la sensation d'avoir été conduit là où je ne voulais pas aller.

— L'entretien est terminé.

Je ne lui laisse pas le temps de répondre. Mais il murmure quand même, assez fort pour que je l'entende alors que je franchis le seuil :

— Vous reviendrez, Inspecteur Jeon-nim. Ceux qui partent trop vite... laissent souvent leur cœur derrière eux.

Je sors, claque presque la porte derrière moi. Le bois résonne contre le silence du couloir.

Dans le couloir, je m'arrête, les mains tremblantes. Et je pense à Yeona.

Je ne sais même pas pourquoi. Taehyung ne lui ressemble pas. Ni physiquement. Ni dans l'attitude. Yeona était douce, réservée. Elle n'aurait jamais défié un enquêteur du regard. Jamais joué de ses silences. Elle ne m'aurait jamais exposé ainsi.

Et pourtant, c'est son souvenir qui m'envahit, là, dans l'ombre du couloir. Peut-être parce que c'est la dernière fois que j'ai eu cette impression étrange : que quelqu'un se glisse dans mes failles sans demander la permission.

Et que j'en redemande, malgré moi. C'est cette sensation précise qui me terrifie le plus.

✍️ note d'auteur

Tu l'as senti, toi aussi ?
Cette tension électrique. Ce jeu d'ombres et de regards.
Quand l'interrogatoire se transforme en duel — et que l'un des deux commence à perdre pied.

Merci d'avoir suivi ce chapitre intense (et un peu brûlant 🔥).
Si Taehyung te trouble aussi, laisse un petit 💬 ou un 🖤.

La suite arrive — et elle est encore plus délicieusement dangereuse.

à bientôt ! 

- Softly Unstable

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