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softlyunstable
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Chapitre 1 : Jungkook

Je ne m'attendais pas à ce que la route grimpe autant. De là où je suis, je devine encore la silhouette brumeuse de Séoul, à peine accrochée à l'horizon. Mais ici, tout est différent. Plus net. Plus lent.

Et surtout beaucoup trop silencieux – malheureusement pour moi.

Pour la vingtième fois depuis que j'ai pris la route, je me demande ce que je suis venu faire ici, dans ce trou perdu. Bien du monde envierait ma situation – enquêter aux frais du contribuable dans un lieu qui ferait pleurer d'envie n'importe quel abonné sur Instagram ? Check.

Et pourtant, ce n'est pas pour moi.

Moi, j'aime l'agitation, la vie à deux cent à l'heure, comme seule Séoul peut l'offrir.
Qu'est-ce que je viens foutre ici ?

Le GPS a la bonté de me signaler que je suis bien arrivé et je coupe le moteur.

Je sors de ma voiture, je me retrouve devant un immense portail en fer forgé, aussi haut qu'un mur d'enceinte. Il grince légèrement lorsqu'il s'ouvre, dévoilant une allée de pierre bordée de lanternes éteintes. Derrière lui, l'université de Gwanak-guk s'élève dans une brume fine, enchâssée entre les pins noirs et les crêtes abruptes des montagnes. Le ciel est pâle, traversé de nuages effilés, et l'air est froid, pur, presque figé. Un vent sec me saisit aussitôt que je descends.

On m'avait parlé d'un établissement d'élite, discret et prestigieux. Mais ce que je découvre tient plus du monastère oublié que du campus moderne. L'architecture semble figée hors du temps : toits de tuiles sombres, murs en pierre brune, encadrements en bois sculpté. La cour est pavée de grandes dalles inégales, rongées par le temps, et le lierre grimpe encore, épais, sur les façades malgré le froid. Des motifs anciens, presque religieux, ornent les portes en silence. Il y a des clochettes suspendues à certains porches, des talismans effacés glissés dans les interstices des façades.

Ce n'est pas une université. C'est un lieu de mémoire. Un lieu où l'on apprend à se taire avant même d'apprendre à penser.

Génial, je songe en grinçant des dents.

Qu'est-ce que je suis venu foutre ici ?

Au fond de moi, je connais la réponse : je n'ai pas eu le choix.

Pas depuis Yeona.

Je traverse lentement la cour principale. Quelques silhouettes passent, silencieuses, en uniforme. Personne ne me salue. Personne ne s'attarde. Leurs pas glissent sur la pierre comme s'ils étaient en procession. Je me sens observé sans être regardé.

Forcément, dans un cadre pareil, je détonne, avec ma veste en cuir noir et mes solaires qui ne me quittent jamais.

Mais il n'y a pas que la question de l'habillement.

Je suis jeune, mais je n'ai rien de l'air docile des étudiants d'ici. Ma carrure est solide, athlétique, mes épaules larges. Mon visage anguleux est encore marqué par les nuits trop courtes et les rapports classés trop vite. Une cicatrice légère court juste sous ma mâchoire — souvenir d'un jour où j'ai voulu trop bien faire. Mes yeux sont sombres, directs, le genre de regard qu'on évite dans les couloirs étroits. J'ai les cheveux noirs coupés court, lissés vers l'arrière, et une boucle unique à l'oreille gauche que je n'ai jamais retirée, même quand on me l'a demandé.

Je n'ai aucune intention de me fondre dans le décor.

Je suis Jeon Jungkook, vingt-quatre ans, affecté temporairement ici par le département des affaires spéciales.

Si la politesse me le permettait, je ricanerais.

Les « affaires spéciales ».

Tu parles.

Un nom fourre-tout, trouvé en urgence pour justifier ma présence dans ce décor d'un autre temps. Mais que ne trouverait-on pas quand le fils d'un député est retrouvé sans vie ?

La famille de Min Haneul a l'argent, le pouvoir, le nom.

Tout ce que Yeona n'avait pas.

Arrête de penser à elle !

Un tintement léger me sort de mes pensées. Je lève la tête. Une cloche est suspendue à une poutre de bois. Elle oscille très légèrement. Et pourtant, il n'y a pas un souffle de vent. Pendant une seconde, il me semble entendre une vibration lointaine, presque musicale.

Je fronce les sourcils. Puis je poursuis ma route, valise à la main.

Ce lieu... ce lieu a quelque chose de feutré et de pesant à la fois, comme un souvenir ancien qu'on aurait voulu effacer mais qui revient s'imprimer dans la moelle. L'air y est épais sans être lourd, presque sacré. Les couloirs semblent avoir été dessinés pour étouffer les voix, pour que rien ne dépasse, ni la pensée, ni la révolte. Même les arbres bordant la cour donnent l'impression de tous nous surveiller.

Tout ici me semble familier sans l'être vraiment, comme un rêve que je ne suis pas sûr d'avoir eu, mais dont je porte quand même la trace.

Je ne saurais dire ce qui me met mal à l'aise. Mais je sens que le sol, sous mes pieds, a la mémoire de choses qu'on ne dit pas. Et qu'il attend. Qu'il écoute.

Je resserre mon emprise sur la poignée de ma valise.

Ressaisis-toi !

Je ne crois pas une seule seconde à ces histoires de « phénomènes surnaturels ». Les rumeurs, les visions, les soi-disant chants entendus la nuit, les objets déplacés... tout ça, ce sont des projections. Des croyances collectives nourries par ce cadre isolé, hors du temps.
Pas des faits.

Ce que je crois, en revanche, c'est que quelqu'un a bel et bien tué Min Haneul.

Je suis ici pour découvrir qui.

🏯 🏯 🏯 🏯 🏯

La secrétaire du directeur m'attend sous la colonnade d'une cour d'enceinte. Petite, discrète, avec un chignon sévère et un carnet serré contre elle comme une barrière entre le monde et elle.

— Bienvenue, Inspecteur Jeon, dit-elle en inclinant la tête. Je suis Seo Yeon-ju, l'assistante du directeur Lee. Il vous attend dans son bureau, mais m'a chargé de vous guider d'abord jusqu'à votre cellule.

Je réprime un soupir.

Ma cellule.

Qu'est-ce que je viens foutre ici ? je songe à nouveau, avec un peu plus de désespoir.

Je me concentre sur mon interlocutrice.

Sa voix est douce mais rapide, comme si chaque syllabe devait être pesée pour ne pas trop dépasser. Elle garde les yeux baissés en parlant, et quelque chose dans sa posture, dans sa manière de se rétracter à chaque mot, m'atteint.

Yeona avait la même fragilité, voilà ce qui me touche. Son souvenir me frappe si fort que je recule d'un pas.

C'est à peine si je m'entends bredouiller en réponse :

— Gamsahamnida, Seo-ssi.

Elle hoche simplement la tête. Rien d'autre. Pas un sourire. Et je sens alors, avec une clarté brutale, que ce lieu est fait pour imposer le silence.

Tout ce que je déteste.

Soudain, ce que je suis venu faire ici me frappe avec la force de l'évidence.

Je suis ici pour Min Haneul. Mais aussi, peut-être, pour tous les autres qu'on a fait taire.

Gamsahamnida : formule de remerciement.

✍️ note d'auteur

Tu es toujours là ?
Alors tu viens d'entrer dans Gwanak-guk, toi aussi.

Ne t'inquiète pas si tu ressens un frisson ou deux — c'est normal ici.
Jungkook a ses raisons de ne croire en rien.
Mais toi, tu as le droit de douter. Ou d'y croire un peu trop vite.

Dis-moi ce que tu as pensé de cette première rencontre.
Laisse un 💬, un ⭐️, un 🖤 si l'ambiance t'a happé.

Tu n'as vu que la face solaire du campus...
Attends de voir ses ombres.

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