Cela faisait des heures que leur voitures roulait. Tirée par quatre magnifiques chevaux noirs, la voiture avançait à toute vitesse à travers la campagne boréenne.
A cette heure de la matinée, sous les rayons d’un soleil timide car le plus souvent masqué par des nuages, un pouvait apercevoir les routes sinueuses serpentant entre amas de forêt de résineux, toutes plus interminable les unes que les autres. Néanmoins, comme le paysage s’aplanissait de plus en plus, on pouvait très vite se rendre compte de la proximité avec la frontière. La Borée, si profonde, si sauvage s’offrait alors à quiconque. Pays de montagnes et de neige, pays des aurores boréennes faites du même vert que les prunelles de ses habitants, pays de mythes et de légendes. On ne pouvait imaginer d’endroit plus beau sur tout le continent, d’endroit à la fois si farouche et si magnifique. Une telle beauté sauvage aurait dû toujours rester libre. Pourtant, depuis deux cents ans, la Borée vivait à présent sous le joug du colossal empire d’Alba.
A l’heure actuelle, la route qu’ils empruntaient avait été aménagé presque en même temps que le reste des routes serpentant la Borée. La création de ces routes, au milieu d’un pays en proie à un hiver quasi constant durant plus de six mois de l’année ne fut pas facile.
A l’époque, le premier empereur d’Alba avait dépensé une fortune colossale en main d’œuvre pour la création de ces routes. La Borée était alors inexplorée, objet de fascination les plus étranges pour le peuple d’Alba. On disait alors qu’elle abritait des espèces animal jamais vu, des créatures fantastiques sorti des bois, pacifique ou agressive, prête à chasser quiconque pénétrerait l’épaisse masse verte qu’était la forêt boréenne. On disait également que la Boré était une terre maudite, ou encore que des trésors de grande valeurs s’y trouvait, légués au peuple boréen par les anciens dieux de la nature, ceux là même qui provoquaient les tempêtes, créaient les forêts ou encore soufflaient la mort au dessus des lit des vieillards.
Tout ceci était bien sûr ridicule. Même si il vrai que la Borée a toujours été une terre sauvage, la faune n’y était pas différente d’ailleurs, hormis le fait qu’elle s’y trouvait en plus grand nombre et plus libre car très peu chassé. Quant aux dieux et aux trésors, le peuple boréen même ne pouvait dire ce qui était vrai dans tout ça.
Pourtant, l’histoire de leurs cultures et de leurs peuples était très riche et bien connue de tous. Les boréens descendaient d’anciennes tributs proches de la nature, ayant adopté un mode de vie en harmonie avec elle. En ce temps là, ils chantaient avec les arbres, êtres divins pour eux. Cachés dans les sous-bois, ils dansaient et chantaent avec le vent, parlant de cette langue si étrange qui d’un point de vue extérieur, ressemblait plus à une série d’incantation étranges. Une telle harmonie avec la nature était bien étrangère aux autres cultures du continent. Depuis les plaines chaudes et sèches du Myrel aux steppes gelées des landes du Nord, aucune culture n’était à l’écoute de celle-ci. Dans l’imaginaire collectif boréens, la nature était peuplée d’une myriade de divinités. Lorsque le vent soufflait tout en haut des montagnes ou encore qu’un ruisseau frémissait dans le creux d’un sous bois, le peuple boréens y voyait l’expression de ces divinités.
Les tributs vivaient alors recroquevillées sur elles-même, éparpillées sur des centaines de kilomètres sans jamais se rencontrer. Mais avec le temps, les différentes tributs boréennes se rassemblèrent et formèrent un véritable peuple, partageant la même langue et la même culture. Un pays florissant vit alors le jour. Très vite, les boréens nommèrent un chef qui quelques siècles plus tard finit par devenir roi de Borée. Ce fut alors un âge d’or pour la culture boréenne. Libres, bien à l’abri dans leurs terres empreintes de traditions, les boréens célébraient le début de l’hiver avec la fête de Caelonn et l’arrivée du printemps avec la fête de Yoleonn. Et le bonheur et la richesse se mirent à couler à flot sur le pays.
Cette prospérité permis alors l’émergence de famille noble parmi le peuple, léguant aux générations futures de magnifique châteaux bâtis à même les montagnes, comme si la construction humaine faisait corps avec la nature. Les boréens finirent même par acquérir une armée et une stratégie militaire.
Lorsque la rumeur de cette nouveau royaume prospère se propagea vers les autres pays du continent, une question se souleva : la petite province sauvage était-elle en train de devenir le plus puissant royaume du continent ? En tout cas, aucun des royaumes ne voulait en connaître la réponse. Les boréens devinrent alors une menace qu’il fallait absolument éliminer.
Le plus proche voisin de la Borée était donc le royaume d’Alba. A l’époque, ce petit royaume en bord de mer n’effrayait personne. Depuis l’implantation de leur dynastie remontant à plus de sept siècles, aucun des rois d’Alba n’entreprit de guerre inutile ou n’en fut responsable. La culture albanéenne était basée sur le savoir et non sur le pouvoir. Les albanéens étaient connus pour être amateur d’art et d’innovations. Bien que ce petit royaume était admiré par ses voisins pour ses prouesses techniques, le royaume d’Alba n’impressionnait guère sur le plan militaire.
Malheureusement, cette réputation vola en éclats lorsque Frerick, un tout jeune roi qui nourrissait de grands espoir d’expansion, fut couronné. Assoiffé de guerre et d’expansion territorial, son règne fut marqué par de nombreuses guerres et d’intenses périodes de famine. Frerick, plus préoccupé par le pouvoir que par le bonheur de son peuple, envoya des centaines de jeunes albanéens à la mort durant ces incessantes guerres. Le peuple le haïssait, les autres royaumes le haïssait. Mais cela ne préoccupait pas Frerick : il se savait puissant et comptait bien le prouver aux autres puissances du continent.
Grâce à son sens de la tactique militaire inné, il finit par réussir à étendre ses terres jusqu’à la pointe Est du continent en écrasant plus de six royaumes sur son passage. Le petit royaume d’Alba devint un colossale empire dont Frerick se proclama empereur après plus de trente ans de guerre. On pourrait alors penser que cela lui aurait suffit. Néanmoins Frerick regardait sa voisine du Nord, la Borée, avec beaucoup d’inquiétudes. Énormément d’histoires courraient sur cette terre mystérieuse, presque coupée du reste du continent. Beaucoup disaient que les boréens étaient très puissants, avec une armée gagnante dans presque toute les batailles. On disait également que c’était un peuple très riche et prospère, malgré des traditions qui trahissait une origine étrangère aux luxes et au profit.
Toutes ces histoires ne plaisait pas du tout au tout nouvel empereur d’Alba. Une question le taraudait sans cesse : et si la Borée devenait assez puissante pour lui prendre le trône d’Alba ?
Ainsi, l’empereur avait peur. Frerick était belliqueux, et comme tout homme belliqueux qui a peur de perdre ce qu’il lui appartient, Frerick entreprit une guerre. Il s’assura le soutien des autres puissances du continent et tous prirent les armes contre la Borée derrière le drapeau Albanéen.
La guerre dura presque six ans. Au terme d’une ultime bataille, Frerick et son armée réussirent à pénétrer la capitale et assiégèrent le palais royal.
Le roi de Borée fut assassiné froidement par Frerick ce jour là. Après avoir vu son royaume à feu et à sang, le monarque avait parfaitement compris qu’il était vain de résister. Les boréens ont toujours été pacifiques et la réputation qu’on avait crée par rapport à leur redoutable armée se révéla complètement fausse. Le roi avait fait de son mieux pour sauver ses terres, rusant sur le fait que ces ennemis était effrayé par un pays aussi sauvage et austère que le sien.
Néanmoins, cela ne fut pas suffisant. La fin de la guerre était proche, avec une victoire incontestable de l’empire sur le petit royaume. Le glas de la Borée avait sonné et le roi, parfaitement conscient de cela, se rendit et fut tué.
Ainsi commença donc une longue période d’oppression pour les boréens. De cette guerre, Frerick et l’empire d’Alba en ressortirent comme grands héros et on finit même par oublier que c’était Frerick qui l’avait provoquée. Le temps passa, et l’empire d’Alba devint aussi puissant et prospère que l’avait été la Borée autrefois. L’empire devint un symbole de paix et de richesse sur tout le continent. Néanmoins, les boréens ne perdirent jamais cette profonde rancoeur envers les albanéens et n’eurent de cesse de mener des rebellions contre l’empire pour réclamer leur indépendance.
C’est dans ce contexte de tension extrême que deux-cent ans plus tard, Taega vint au monde. Boréenne de naissance, on lui avait appris à haïr l’empire d’Alba et à vénérer les ancienne traditions. Agée de dix-sept ans, elle était né de l’union du comte Mennor, héritier d’une illustre famille boréenne avec Elynn Falcen, une jeune femme issu d’une famille tombé dans la disgrâce après des siècles de malchance.
A présent, la jeune fille roulait dans une voiture en compagnie de son père en direction de la capitale d’Alba. Depuis un an, le comte projetait d’envoyer sa fille servir la future impératrice, qui dans un mois, épousera le prince héritier Guillem. Toutes les familles les plus nobles de l’empire avait alors décidé d’envoyer une de leur fille servir à la Cour. La Borée faisant parti de cet empire, les Mennor n’avait pas échappé à cela. Taega avait toujours nourri une haine profonde envers les albanéens, aussi la perspective de se retrouver parmi eux ne l’enchantait guère. Depuis le début du voyage la veille, elle n’avait pas adressé la parole au comte. Elle se contentait de regarder le paysage qui défilait sous ses yeux durant des heures, sans jamais se lasser. Le comte, qu’un tel comportement agaçait beaucoup, finit par briser le silence :
-Compte-tu rester muette durant tout le voyage ? l’interrogea-t-il
Taega répondit par un simple hochement de tête. Elle et le comte ne s’entendaient pas très bien. Son père soupira avant de demander :
-Mesure-tu l’importance de ce que nous allons entreprendre ?
-Je la mesure parfaitement, répondit simplement la jeune fille
Le comte la dévisagea. Sa fille ne semblait pas prompt à lui adresser la parole. Il décida donc de changer de tactique afin de savoir si la jeune fille était prête. Cette fois-ci, il choisit de ne pas tourner autour du pot et et demanda :
-Te souviens-tu des règles de la cour impériale ?
-Oui.
-Pourrais-tu me les rappeler ?
-Je suis la fille d’un comte, récita calmement Taega, je n’ai pas le droit d’assister aux réceptions et dîner en présence de la famille impériale sauf sur invitation. Je vais servir la jeune duchesse Serena, fille du duc Orion Glowenn et de la duchesse Adella, tout deux très proches de l’empereur.
-Et pourquoi dois-tu servir la jeune duchesse ? demanda le comte
-Parce qu’elle est fiancée au prince Guillem le futur empereur. La duchesse va devenir l’impératrice et aura donc besoin de dames d’honneur. Mon but est de devenir proche de la future impératrice afin d’instaurer la confiance et de découvrir un maximum de chose sur la famille impériale.
Taega dévisagea alors son père, visiblement très agacée qu’il lui fasse répéter cette sorte de « leçon » depuis plusieurs semaines. Le comte préféra rire de ce regard assassin que lui lançait sa fille. Il la savait impétueuse et téméraire, intelligente et extrêmement déterminé. Elle avait bien souvent du mal à taire ses sentiments et manquait cruellement de tact dans beaucoup de situation. Néanmoins, même si cela agaçait souvent le comte, il devait bien reconnaître que le caractère de la jeune fille l’épatait.
-Que peux-tu me dire à propos de l’empereur ? demanda-t-il
-Personne n’a le droit de le voir hormis l’impératrice et le prince héritier. L’empereur est discret et fuit la plupart des réceptions. Beaucoup de gens à la Cour ne l’ont jamais vu.
Le comte sourit alors une nouvelle fois.
-Te sens-tu prête ? demanda-t-il
En réalité, il n’espérait pas de réponse et n’en obtint pas.
Taega préféra replonger son regard dans la mer infinie de champ et de près qui entourait la voiture.
Même si elle aurait préféré mourir que de l’admettre, elle se sentait extrêmement nerveuse à l’idée d’entrer à la Cour. Elle ne cessait de se demander comment elle serait reçue. Après tout, n’était-elle pas boréenne ? N’était-elle pas une ennemie de l’empire bien que née sur une de ses provinces ?
En raison des nombreuses rébellions qui avait été mené par les boréens contre l’empire ces dernières années, les albanéens avait appris à se méfier. Bien que beaucoup de boréens ai fuit leur terre natale pour s’installer dans la douceur de la capitale, et bien qu’il ne sois pas tous hostile à l’égard de l’empire, les albanéens adoptait une attitude de rejet envers eux. Bien évidemment cela était injuste mais nombre d’entre eux avait pris leur parti. Que pouvaient-ils faire d’autre ?
Une autre raison qui effrayait Taega était sa difficulté à gérer ses émotions et à taire ses opinions. Elle savait parfaitement que beaucoup de gens à la Cour condamnait les effusions de sentiments. Or, Taega était bien souvent incapable de se contrôler. Lorsqu’elle était enfant, elle avait même asséné un coup de poing à son frère aîné après que celui-ci l’ai mise en colère. La raison ? Taega ne s’en souvenait plus. En revanche, elle se souvenait parfaitement de l’œil au beurre noir que son frère eut après ça. Le comte était furieux et pour la punir, il avait enfermé la petite fille durant deux jours sans eau ni nourriture. Le comte n’était pas homme à plaisanter en matière de punition.
Après ce jour, l’éducation de la petite fille auparavant confié à sa mère, la comtesse Elynn, se fit exclusivement par une gouvernante spécialement choisie par le comte. Taega s’en souvenait encore : une femme extrêmement sévère qui condamnait le moindre faux pas de la fillette. Son père avait jugé que si Taega était si spontanée, c’était de la faute de la comtesse qui n’était pas suffisamment sévère envers sa fille, l’encourageant à laisser exprimer ses sentiments avant tout. La comtesse était avant tout, une romantique. N’ayant pu trouver le bonheur dans un mariage aux intérêts avant tout financier pour son père, elle l’avait cherché auprès de ses enfants et particulièrement auprès de Taega. La séparation entre la mère et la fille fut donc très douloureuse.
Malheureusement, l’éducation draconienne de la gouvernante n’avait pas suffit à dompter le caractère rebelle de Taega, ne faisant que l’atténuer. Avec le temps, et surtout de la maturité, Taega apprit avec qui elle pouvait être elle-même. Elle s’en servit pour faire croire au comte que la gouvernante avait réussi là où sa mère avait échoué, simplement pour la revoir. Lorsque la petite fille fut confié à cette horrible femme, le comte avait tout fait pour empêcher Taega de passer du temps avec la comtesse et la petite fille avait juré de remédier à cela. Le plan de Taega marcha à merveille et elle put revoir sa mère comme auparavant. La comtesse en était ravie. Ainsi, mère et fille purent reprendre leur vie comme auparavant.
Vaeron, le frère aîné de Taega, enviait énormément sa petite sœur. Lui n’avait pas la chance d’entretenir un lien familial basé sur l’amour avec son père, chargé de son éducation. En tant qu’héritier des Mennor, Vaeron était forcé de se montrer le meilleur dans tous les domaines. Le comte était intransigeant : histoire, politique, maniement des armes, équitation, gestion du domaine… il n’épargnait rien à son fils.
Mais surtout, il appris à Vaeron la haine des albanéens et de l’empire. Très tôt il envoya son fils mener des actions rebelles contre les unité de soldats de l’empire en compagnie d’autre jeunes nobles boréens. Le jeune homme partait alors au milieu de la nuit, parfois même en pleine hiver alors qu’un puissant blizzard balayait les montagnes. Il y eu plusieurs fois où Vaeron failli se faire arrêter mais il était très intelligent et rentrait à chaque fois au domaine, victorieux. Il veillait à rentrer très tôt pour ne pas se faire repérer. En voyant cela, le cœur du comte se gonflait d’orgueil. Il en était certain, avec Vaeron, les Mennor avaient un avenir.
La comtesse ignorait tout des activités illégales et dangereuses de son fils. En effet, celle-ci ne partageait pas les idées de son mari à l’égard de l’empire. La comtesse avait plutôt à cœur de préserver les traditions boréennes et de vivre en paix avec les albanéens. Certes, elle se doutait que son mari demandait des choses parfois impossible à Vaeron mais elle était loin de la vérité. Un joir funeste, Vaeron ne revint pas de ses « missions » et la petite famille apprit par l’un de ses compagnon qu’il avait été arrêté. « Enlevé » aurait sans doute été plus juste car après son arrestation, les Mennor n’eurent plus aucune nouvelle de Vaeron. Le coeur rongé par le désespoir, le comtesse se laissa mourir quelques mois après la disparition de l’aîné, laissant un grand vide dans la vie de Taega.
Son frère, sa mère...
Était-ce à eux que Taega pensait maintenant ? En tous cas il lui semblait qu’elle ressentait un pincement au cœur mais elle ignorait si c’était parce qu’elle y pensait ou si c’était du à la proximité quasi imminente de la capitale.
Dehors, le paysage avait changé. Les épaisses forêts de résineux, avec leurs lourdes branches noires et menaçante avait fait place à une mosaïque de cultures en tout genre, niché entre de petites haies de feuillus, qui commençait à perdre leurs feuilles. Les montagnes s’était drastiquement aplati et maintenant, on pouvait presque apercevoir l’horizon a plus de dix kilomètres. Cela étonna beaucoup Taega, elle qui avait grandi en compagnie des hautes cimes enneigées. A ses yeux, la campagne albanéenne était très bucolique. A certains endroits, on pouvait même apercevoir plusieurs canaux sur lesquels circulaient des dizaines de batelier, leur petit bateaux chargés de marchandises presque posé sur l’eau comme de fragiles feuilles mortes sur les lacs de son enfance à l’automne.
-Que c’est beau ! s’exclama Taega
-A défaut d’être un bon peuple, il faut bien que leur paysage soit beaux, ironisa le comte
Taega préféra ne pas relever cette remarque, elle savait qu’il était inutile de discuter sur ce genre de chose avec le comte, et ceci même si elle partageait son avis. Puis, remarquant une douce chaleur envahir l’atmosphère, la jeune fille demanda :
-Ne trouvez-vous pas qu’il fait chaud père ?
-Le climat d’Alba est plus sec que le nôtre, répondit-il, c’est pour cela que c’est un peuple choyé. Il ne connaissent pas les hivers rudes et longs comme nous.
Taega replongea de nouveau son regard dans la contemplation de ce nouvel univers. Pourrait-elle s’y habituer ? Tout dans ce pays semblait s’opposer à ce qu’elle était.
-Sommes nous encore loin de la capitale ? demanda-t-elle en voyant le ciel s’embraser dans une myriade de teintes orangées, roses et dorées
-Encore environ un peu plus d’une heure.
Ces mots se répétèrent dans l’esprit de la jeune noble. Seulement une heure ? A nouveau des centaines de questions l’assaillirent, toutes plus angoissante les unes que les autres. Pour se changer les idées, la jeune fille demanda :
-Vais-je tout de suite entrer à la Cour ?
Le comte poussa alors un long soupir. Sa fille ne semblait visiblement pas prête à comprendre ce qu’il se tuait à lui répéter depuis des mois.
-Taega, dit-il avec ce même ton moralisateur qu’il employait régulièrement, il me semble t’avoir déjà expliqué comment ton entrée à la Cour allait se passer.
La jeune noble baissa les yeux. Elle savait que son père avait horreur de se répéter. Mettre le comte hors de lui était souvent la pire chose à faire. Malheureusement, Taega avait manifesté très tôt un don pour le pousser à bout.
-Je suis navrée de vous avoir importuné, s’excusa-t-elle alors
-Maintenant que cela est fait, crois-tu réellement importun de s’excuser ?
-Non, répondit la jeune fille
Le comte poussa a nouveau un long soupir.
-Demain matin, déclara-t-il, tu auras une entrevue avec la duchesse Glowenn, la mère de Serena. Celle-ci a été missionné par l’impératrice pour accueillir et valider toutes les dames d’honneur de sa fille. Lady Adella est réputé impitoyable et a des idées très arrêtées sur beaucoup de sujets…
-...dont les boréens, compléta Taega
-Exact, repris le comte, d’après ce que je sais, c’est l’impératrice qui a insisté afin qu’une des dames d’honneur de sa future belle-fille sois boréenne. Lady Adella et elle ont beau être très proches, la duchesse n’a pas du tout approuvé ce choix, qu’elle a ressenti comme un affront envers l’honneur de sa famille. Comme elle n’a pas le choix de devoir t’accepter elle va sûrement chercher à te mettre la misère par tous les moyens possibles. Tu devras donc être irréprochable et te méfier de chaque piège qu’elle te tendras durant l’entrevue.
L’impératrice n’est pas dupe ; elle connaît parfaitement l’amertume que la duchesse nourrit envers les boréens, néanmoins elle se fieras toujours à son jugement. Si celle-ci te juge inapte à servir lady Serena, elle n’auras aucun scrupule à refuser ton entrée à la Cour.
-Comment pourrais-je éviter les pièges qu’elle me tendras ?
-Il te faudra te montrer plus maligne. La duchesse aime les jeunes filles délicates et bien élevées, les jeunes filles qui ne font pas de vagues. Il faudra que tu endosses ce rôle auprès d’elle si nous voulons avoir une chance que tu entres à la Cour.
Taega hocha la tête. Le comte regarda alors par la fenêtre et déclara :
-Regarde donc ce pays riche et prospère, leur réussite est basée sur l’oppression des nôtres. Ils ne sont que parasites, comme une terrible maladie qui ronge notre pays.
La jeune fille plongea alors également son regard dans la contemplation d’une campagne laissant peu à peu place à la ville.
-Nous arrivons, déclara-t-elle dans un murmure presque inaudible
Puis avec une pointe de rage dans la voix, elle ajouta :
-Bientôt ils paieront tous.
Le comte adressa alors un mince sourire.
-Je me suis peut-être trompé en fin de compte. J’ai toujours pensé que tu était le portrait craché de ta mère, mais cette rage au cœur que tu as vient de moi. Tu es une combattante. Toi et moi Taega, nous nous ressemblons.
Taega sentit son coeur se serrer en entendant ceci. En réalité, elle se demandait si ressembler à son père était quelque chose de bien.