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Cassiopee
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Chapitre 5

  La nouvelle eut l’effet d’un violent coup de tonnerre qui se serait abattu sur le petit groupe. Lady Eléa et lady Caléa étouffèrent un gloussement amusé, comme si la petite rébellion que menait leur maîtresse contre sa propre mère était le sujet d’amusement le plus drôle du monde, confirmant le fait qu’elle n’appréciait pas beaucoup lady Adella. Lady Bryanne, comme prise d’un violent haut-le-coeur plaça sa main devant sa bouche pour camoufler son air de dégoût. La duchesse, extrêmement surprise par cette soudaine décision, roula des yeux ronds de surprise en direction de sa fille. Lady Serena, visiblement très fière que sa décision eut un tel impact sur la petite assemblée fixa tour à tour ses interlocutrices. L’air rayonnant, un sourire éclatant aux lèvres, elle semblait se délecter des différentes réactions comme si elles avaient constitué le mets le plus délicieux de l’Empire. Taega, quant à elle, demeurait interdite. En quittant leur manoir le matin même, jamais elle n’aurait cru être retenue. En réalité, elle avait toujours cru qu’elle ne pourrait jamais entrer à la Cour. Son origine, tout comme la couleur de ses yeux, lui avait alors semblé être un fardeau extrêmement lourd à porter sur ses frêles épaules. Dans la voiture, elle s’était déjà imaginé les regards lourds de sens glisser sur elle, les murmures moqueurs dans son dos et toutes les formes de discriminations auxquels elle devrait faire face durant son séjour à la capitale. Jamais elle n’aurait cru qu’auprès d’une jeune albanéenne bien élevé telle que lady Serena, ce fardeau deviendrait alors un atout majeur, presque comme si ses racines boréennes était des centaines d’ailes l’emmenant très haut dans le ciel de l’excellence et de la réussite. En pensant à tout cela, Taega se remémora la phrase réconfortante que lui avait glissé Eri dans la voiture : « Je suis sûr que tu vas y arriver ». En repensant à son franc sourire et au clin d’oeil qu’il lui avait adressé juste avant qu’ils ne se séparent, la jeune fille se mit à sourire également. Peut-être avait-il raison, peut-être était-elle à la hauteur des attentes du comte finalement ?

Au bout de quelques minutes d’un silence lourd de sentiments diverses, la duchesse prit la parole :

-Vous n’y pensez pas sérieusement Serena ! s’offusqua-t-elle

-Oui Madame, intervint lady Bryanne, cette jeune fille n’a aucune expérience de la vie de Cour, elle pourrait être un fardeau pour vous à la veille de vos noces.

Serena se tourna alors vers les deux intéressé.

-Lady Bryanne, commença-t-elle, j’ai actuellement vingt-deux ans, je pense donc que je suis parfaitement capable de prendre mes décisions seules. Vous êtes censée me conseiller et non intervenir. Lorsque je serai impératrice, vous permettrez-vous aussi de gouverner l’Empire à ma place ?

-Non, répondit l’agurienne

-Je vous prierai donc de rester à votre place.

Lady Bryanne baissa le tête comme pour exprimer sa soumission. Néanmoins, personne n’aurait pu rater le regard assassin qu’elle adressa à la future épouse lorsqu’elle se fut retourné vers la duchesse.

-Quant à vous mère, poursuivi la jeune noble, dois-je vous rappeler que l’impératrice ne tolérera aucune aversion vis-à-vis des boréens ? Nous connaissons tous votre opinion sur la question, mais ni moi, ni la famille impériale ne veut en entendre parler.

La duchesse poussa un long soupir.

-Vous avez déjà tout d’une impératrice Serena, avoua-t-elle presque dans un murmure, comprenez moi, c’est si dur. Ces cinq dernière année, vous avez mûri plus que de raison. Il me semble encore vous voir batifoler dans nos jardins, ivre de l’éclatante jeunesse que vous devrez bientôt quitter. Il est si dur pour une mère de voir son enfant grandir si vite.

En entendant cet aveu, la jeune fille se précipita au cou de sa mère pour lui faire une étreinte. La duchesse étouffa alors un sanglot.

-Je vous comprends mère, déclara Serena, mais j’ai réellement besoin de prendre mes propres décisions, et cette jeune boréenne sera un atout formidable pour moi à la Cour.

La mère et la fille levèrent alors les yeux vers Taega qui mal à l’aise, ne put qu’esquisser un mince sourire gêné.

-Vous avez sans doute raison, avoua la duchesse, mais soyez prudente lorsque vous serez à la Cour.

-Ne vous en faites pas pour cela mère, la rassura Serena, j’ai les nerfs solides.

Pour toute réponse, lady Adella la contempla avec un regard étrange, sorte de mélange entre de la joie, de l’inquiétude et de la nostalgie. Le coeur de Taega se serra en voyant cela. Si elle s’était retrouvé à la place de lady Serena, sa mère aurait-elle réagi de la même manière ?

Serena se tourna alors vers la jeune fille et décrocha un de ces magnifiques bracelets de perles qui ornaient ses délicats poignets.

-J’offre à chacune de mes dames d’honneur un de mes bijou, explica-t-elle en glissant le bracelet dans les paumes de la boréenne, cela me permet de vous donner un gage de ma reconnaissance pour vos services et cela permettra au gens de Cour de vous reconnaître, en dehors de vos uniformes bien sûr.

Devant la beauté du bijou que venait de lui offrir lady Serena, ainsi que devant son extrême douceur d’âme, Taega ne put que s’incliner dans une délicate révérence.

-Je vous remercie infiniment, déclara-t-elle alors.

Serena la considéra avec un œil pétillant de fierté.

-C’est moi qui vous remercie Taega Mennor, répondit-elle en s’inclinant à son tour, j’ai hâte de faire votre connaissance.

Les deux jeunes nobles se considérèrent alors durant quelques instants.

Puis, comme un oiseau s’envolant précipitamment, lady Serena déclara :

-Je dois me retirer, il faut que je vois père.

La duchesse hocha la tête.

-Mère vous expliquera la suite de la démarche comtesse, ajouta lady Serena à l’attention de Taega, je vous dis donc à ce soir pour votre entrée officielle.

Taega lui esquissa un mince sourire.

-Ne trouvez-vous pas cela amusant ? demanda Serena à ses dames, lady Taega et moi allons entrer à la Cour le même soir.

Taega ne sut dire ce qui la choquait le plus entre le fait qu’elle avait raison ou le fait qu’on la nommait « lady Taega »

-C’est assurément un fait amusant, reconnurent les deux jumelles en coeur.

Puis, la jeune fiancée et ses dames partirent. En voyant s’éloigner la silhouette gracieuse de lady Serena, Taega ne put s’empêcher de penser qu’elle avait vraiment tout d’un gracieux cygne blanc, celui là même qui frappait le drapeau de l’Empire d’Alba.


****

  Un peu plus tard, dans la chaleur étouffante des splendides jardins du palais impérial, un valet couru un véritable marathon pour retrouver l’impératrice Katerina et sa suite. Comme à son habitude lorsqu’il faisait beau, l’impératrice parcourait l’ensemble des jardins durant toute l’après-midi. Manque de chance pour le jeune valet en sueur et hors d’haleine, l’impératrice se trouvait loin du palais. Le jeune homme leva alors les yeux vers le ciel. En suivant l’inclinaison du soleil, il conclut qu’à cette heure-ci de l’après midi, l’impératrice se trouvait près du mur d’enceinte nord, au bord de splendides fontaines représentant des cygnes de marbre blanc. Il reprit alors sa course infernale au coeur des jardins et après vingt minutes qui lui parurent une éternité, il finit par apercevoir l’impératrice flânant auprès des fontaines, à l’endroit exact où il l’avais prédit. Fier de lui, il s’approcha en s’écriant :

-Je suis porteur d’une dépêche urgente pour Sa Majesté ! s’écria-t-il en secouant la petite lettre de papier bleu nuit.

En l’entendant, l’impératrice se précipita vers lui pour lui permettre d’interrompre son interminable course.

-Je vous remercie d’avoir fait tout ce chemin, déclara-t-elle en saisissant la petite lettre de ses doigts gantés, apportez donc de l’eau à ce jeune homme.

L’une de ses dames d’honneur s’exécuta et apporta au jeune valet une carafe d’eau et un verre en cristal qu’elle trouva sur la table à thé toute proche. Tandis qu’il se désaltérait, l’impératrice lui demanda :

-Quelle est la provenance de cette dépêche ?

-Elle vient de lady Glowenn Votre Majesté.

-Quand a-t-elle été posté ?

-Ce matin même Votre Majesté.

Katerina s’empressa alors d’ouvrir la petite lettre. Tandis qu’elle lisait, ses trois dames d’honneur se penchèrent au dessus de son épaule, impatiente de savoir ce que contenait la dépêche. Une fois sa lecture terminée, l’impératrice prit le temps de replier soigneusement le papier avant d’en redonner les restes au jeune valet.

-Apportez ça à l’émissaire de Cour, indiqua-t-elle au valet, et dites lui de modifier la liste des dames d’honneur de lady Serena en conséquences. Cela doit être fait avant ce soir.

Le jeune homme s’inclina et repartit en courant vers le palais.

-Mesdames, ajouta Katerina en tapant dans ses mains, nous avons du travail. La quatrième dame d’honneur de lady Serena a été trouvée, et elle est boréenne.


****


   Lady Adella parla à la jeune fille durant une heure encore, profitant notamment d’un délicieux déjeuner servi sous la verrière. Là, elle indiqua à Taega l’ensemble des règles de l’étiquette albanéenne que la jeune comtesse devrait suivre à la lettre. Par la suite, elle lui parla des goûts et habitudes de sa fille et pour finir, elle lui indiqua le déroulement de la soirée que la jeune fille allait vivre un peu plus tard.

-Il sera très important pour vous de rester concentrée, lui précisa-t-elle, pour les dames d’honneur, ce bal ne sera pas une fête, mais un moment de constante surveillance. Vous devrez vous assurer du bien être de ma fille et devrez faire corps toutes les quatre. Si la Cour voit que les dames d’honneur de la fiancée du prince sont très fidèles à leurs maîtresse, cela éloignera les mauvaises langues.

-Entendu, répondit Taega

-Vous savez, la pire chose qui puisse arriver à ma fille à la Cour serait un scandale avant ses noces avec le prince. Je compte sur vous pour l’éviter lady Mennor.

-Je vous le promets, lui répondit la boréenne.

Satisfaite, la duchesse raccompagna alors la jeune fille vers le hall d’entrée de la résidence, là où le comte et Eri l’attendait. A voir la tension qui s’échappait de leur regards inquiets, ils ne devaient pas être au courant de la bonne nouvelle.

En arrivant à leur hauteur la duchesse leur demanda :

-Alors messieurs, le déjeuner a-t-il été agréable ?

-Parfait en tout point, lui susurra Eri, à l’image de votre magnifique résidence lady Adella.

La duchesse lui adressa alors un regard lourd de sens.

-J’ai à vous parler comte, annonça-t-elle au père de Taega, pourrais-je avoir un moment avec vous ?

Le comte hocha la tête et la duchesse l’entraîna plus loin pour discuter.

Taega poussa alors un long soupir : la torture venait enfin de s’achever. Eri, pour qui l’attente devenait insupportable, s’empressa de lui demander :

-Alors ?

Taega se mit alors à sourire. Elle pensa qu’il serait amusant de torturer un peu le jeune baron.

-En quoi ça t’intéresserait de le savoir ?

-Taega c’est pas amusant, protesta-t-il, allez dis moi.

-Pourquoi ? demanda-t-elle en riant, se pourrait-il que Eri Kelen, ce grand taquin, n’aime pas qu’on le taquine à son tour ?

Eri se mit alors à rire avec la jeune fille.

-Allez c’est bon, implora-t-il, dis moi.

Taega le considéra alors. Le voir ainsi, avec ses sourcils froncés et cet éclat d’impatience dans les yeux, constituait le moment le plus joyeux de sa journée.

-D’accord, céda-t-elle, mais tu devras m’appeler lady Taega.

Eri s’écria alors :

-Et puis quoi encore ? Tu crois vraiment que je vais t’appeler « lady », comme le font les gens de Cour ?

Il eut alors un temps d’arrêt lorsqu’il comprit.

-Tu as été retenue ? demanda-t-il

Taega hocha la tête, adressant alors au baron un sourire ravissant. -

-Bravo ! la félicita-t-il, je savais que tu y arriverais !

Cette remarque ne fit que sourire davantage la jeune fille.

-Merci d’avoir cru en moi, dit-elle au jeune homme.

-En même temps tu en avais bien besoin, répondit-il d’un air taquin.

Taega s’apprêta à lui asséner un coup de coude mais le jeune homme réussit à l’éviter.

-Tu vois ? lui dit-il, tu es trop prévisible.

Taega leva alors les yeux au ciel.

-Tu es vraiment… je ne trouve même pas les mots ! se plaignit la jeune fille.

-Ça c’est parce que je suis indéfinissable, se vanta Eri

La jeune fille secoua alors la tête. Puis après quelques instants, elle centra son attention sur le comte et lady Adella. Elle ignorait ce qu’ils se disaient, mais son père arborait une expression profonde de dégoût.

-Que crois-tu qu’ils se disent ? demanda la jeune comtesse à Eri

Eri fixa à son tour les deux intéressé.

-Je l’ignore, mais vu la tête de ton père, ça doit être très amusant, ironisa-t-il, la duchesse doit sûrement lui parler de détails administratifs.

Non sans être totalement en désaccord avec le jeune homme, Taega eut tout de même l’impression qu’il y avait quelque chose d’un peu plus grave que des détails administratifs pour inspirer une telle expression de dégoût au comte.

Après quelques minutes, les deux nobles revinrent vers les jeunes boréens. Ce fut la duchesse qui parla en premier.

-Lady Taega, déclara-t-elle à la jeune fille, je vous souhaites une bonne chance.

Prenez bien soin de ma fille.

La jeune fille la remercia tout en s’inclinant. Le comte et Eri la saluèrent en la remerciant pour le « chaleureux » accueil qu’elle leur avait réservé. Puis, sans plus de cérémonie, le comte déclara son intention de partir et demanda que leur voiture soit avancée devant la porte. Le trio commença alors à descendre l’escalier de marbre. Avant de partir, la jeune fille tint à faire une dernière chose.

-Mais qu’est-ce que tu fais ? lui demanda Eri en la voyant repartir vers la duchesse

Celle-ci s’était postée devant la double porte d’entrée pour les regarder partir. En un rien de temps, Taega avala les marches qui les séparaient et s’approcha de lady Adella. En la voyant arriver, la duchesse afficha de nouveau un air de dégoût, pareil à celui qu’elle avait affiché à leur arrivée. Malgré tout, cela ne suffit pas à arrêter la boréenne.

-Lady Adella, commença alors Taega, je sais que vous vous faites beaucoup de soucis pour votre fille.

-Comment osez vous ? s’offusqua alors son interlocutrice

-Néanmoins vous devez savoir que ce n’est pas la fin, poursuivit Taega, votre fille est forte, et autoritaire. Même sans nous, les dames d’honneurs, elle saurait s’en sortir sans aucune peine. Elle a déjà tout d’une impératrice, vous l’avez reconnu vous-mêmes.

-Où voulez-vous en venir ?

-Elle ne vous oubliera pas, je sais que vous êtes nostalgique, que vous avez peur que ça se passe mal pour elle à la Cour, qu’elle vous oublie. Mais cela ne se produira pas.

-Comment pouvez-vous le savoir ? demanda la duchesse

-Elle tient de votre force Madame, elle s’en sortira comme vous vous en êtes sortie. Mais surtout, elle ne vous oubliera jamais.

Des larmes montèrent alors dans les yeux de la duchesse. Après avoir étouffé un bref sanglot, lady Adella déclara :

-Quand vous serez à la Cour, tachez de rester à votre place de boréenne.

Taega, troublée, ne sut que répondre. Une drôle de sensation lui brûlait l’estomac et les veines. Elle sentit son pouls s’accélérer grandement et ses mains trembler. Elle s’inclina alors mais lança à la duchesse un regard plus noir que la nuit. Puis, sans plus de cérémonie, elle monta dans la voiture et le cocher mis les chevaux au trot. En découvrant le visage troublé de la jeune fille, Eri demanda :

-Tout va bien ?

Taega ne répondit pas immédiatement. La profonde colère qui lui embrasait le coeur l’empêchait de parler. Mais au bout de quelques minutes, la jeune fille plongea son regard dans celui d’Eri et déclara, d’un ton plus déterminé que jamais :

-Ils vont tous payer.

Et tandis que la voiture quittait le domaine Glowenn, la haine de Taega s’installa petit à petit dans son coeur, préparé depuis la disparition de son frère à l’accueillir.




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