Le jardin d’hiver se trouvait à l’arrière de la résidence. Pour y accéder, il fallait traverser la grande salle de réception située sous l’escalier. Loin d’être moins luxueuse que le reste de la demeure, elle se composait d’un luxueux parquet de bois parfaitement ciré, de hautes colonnes de marbres et d’un plafond peint représentant une galaxie. Malheureusement, Taega n’eut que peu de temps pour admirer la beauté de la pièce car lady Adella, pressé de pouvoir la « tester » avançait tellement vite que la jeune fille dut parfois courir pour arriver à la suivre et ne pas la perdre de vue.
-Vous allez vous pressez oui ? Lui fit remarquer plusieurs fois la duchesse
A chaque fois, la boréenne répondait par un hochement de tête avant d’effectuer un sprint pour la rattraper. La duchesse avait beau être petite et ronde, son poids ne semblait être nullement un obstacle. En la voyant admirer l’architecture de la demeure, la duchesse jubila :
-Je sais, il n’est pas donné à tout le monde de vivre dans une demeure aussi belle et luxueuse que la nôtre. Je vous conseille d’apprécier le moment car il ne vous sera pas donner de voir plus belle résidence dans tout l’empire.
La jeune fille ne préféra pas relever la pique. Cela dut vexer la duchesse car, bougonne, elle ajouta :
-Mais que vous êtes lente ! Allons, allons, dépêchez vous ! Je n’ai pas toute la journée devant moi !
-Bien entendu madame, lui répondit docilement Taega, je vais presser le pas.
-Il vaudrais mieux pour vous en effet.
Taega lui adressa alors un regard noir. En réalité, elle n’aurait su dire à quel point la duchesse était détestable tant son comportement était exaspérant. De toute sa vie, jamais la jeune fille n’avait rencontré quelqu’un de tel. Tout dans la manière d’être de la duchesse était soit exaspérant, soit provocant. En la voyant marcher devant elle avec une allure quasi militaire, on devinait aisément qu’elle était le genre de femme à vouloir imposer son autorité. L’éternel expression de dégoût qu’elle affichait en permanence devant des gens de rangs plus faible qu’elle trahissait sans doute une origine très noble. En bref, la duchesse Adella à dû naître dans une famille très noble et très riche, jouissant d’une réputation au rayonnement important et qui imposait le respect dans tout l’empire. Depuis son plus jeune âge, elle fut habituée à avoir des gens sous ses ordres ce qui la rendait si orgueilleuse à l’heure actuelle. Son mariage avec le duc Orion, héritier de la plus prestigieuse famille albanéenne n’avait rien arrangé à cela. Aujourd’hui, c’est cet orgueil qui régissait son entière personne. En la regardant de plus près, Taega pensa qu’elle devait être ravissante au même âge qu’elle, avec ses cheveux blond platine et ses prunelles grises. Néanmoins, son teint lumineux et son léger accent laissait entrevoir une origine non albanéenne, rappelant à Taega une habitante de l’île d’Agura, au large du continent. Les femmes originaire de cette île était réputé pour être les plus belles d’entre toutes.
Un exemple parfait de cette réputation était sans doute l’impératrice actuelle, Katerina. A vingt ans, elle fut choisie par l’empereur précédent pour épouser l’empereur actuel. Le choix n’avait pas était facile car la famille impérial albanéenne n’avait jamais organisé de noces avec une jeune femme extérieure à l’empire. On raconte alors que c’est la délicatesse de la jeune princesse et sa générosité qui aurait plût à l’empereur et qui aurait permis de faire pencher la balance en sa faveur. Néanmoins, l’empereur ne tomba jamais amoureux de sa magnifique épouse. A la Cour, il était même rare de voir l’empereur en sa compagnie, ou même de voir l’empereur tout court. Il était réputé froid et distant. Aussi, beaucoup de nobles membres de la Cour se demandait comment de cet union purent naître deux princes. Le pire, c’est que personne ne savait pourquoi l’empereur dénigrait autant son épouse. Très appréciée du peuple en raison de sa générosité et de sa compréhension, il n’y avait pas de raison valable. Peut-être l’empereur avait-il hérité du caractère capricieux et colérique de son aïeul, Frerick ? En tout cas, si elle parvenait à entrer à la Cour, Taega espérait ne jamais avoir à le croiser.
La course folle à travers la résidence dura encore dix minutes. Après la salle de réception, il fallu encore traverser une partie du jardin, composé d’interminable labyrinthes. Loin de la ménager, la duchesse changeait brusquement de direction sans même prévenir Taega ou vérifier qu’elle la suivait toujours.
-Nous y voilà, déclara enfin la duchesse au détour d’un virage
Taega leva alors les yeux vers l’immense verrière qui se trouvait devant elle. Haute d’au moins trente mètres, en forme de cloche et large d’au moins quarante, la verrière du jardin d’hiver offrait une vue plongeante sur le parc du domaine qui venait mourir au bord d’une plage. Les tiges de bronze qui soutenait la verrière, étincelante sous le soleil de midi, donner l’impression d’observer un véritable diamant à la lueur d’une bougie. Les carreaux la composant étaient également très impressionnants, avec leur gravure à motif de lierre semblant danser contre le verre. En la voyant admirer l’édifice, la duchesse se posa quelques minutes avec la jeune fille.
-Ce jardin d’hiver à été bâti par amour, avoua-t-elle dans une souffle, mon mari me l’a fait construire comme cadeau de mariage.
Taega se tourna alors vers elle. Lady Adella, si hautaine et si détestable lui parut soudain bien émotive. Ses yeux gris, si empreint de colère habituellement, lui semblaient maintenant comme deux miroir sur le passé, un passé heureux et riche en amour. Taega ne sut dire quelles scènes de sa vie la duchesse se repassait actuellement, mais elles la rendirent très nostalgiques. Pendant un bref instant, il sembla même à la boréenne voir les yeux de lady Adella s’embuer de larmes. Taega se demanda alors quelle force pouvait avoir l’amour pour ébranler un caractère si exaspérant que celui de la duchesse.
Lady Adella poussa alors un long soupir puis déclara :
-Par ici, lui indiqua-t-elle de ce même ton hautain habituellement
La jeune comtesse soupira : l’instant de magie n’avait duré que quelques secondes. Les deux femmes entrèrent alors sous la verrière. Contrairement à ce que la jeune fille aurait pu croire, l’air y était doux et rafraîchissant. La jeune boréenne, comme libéré d’un poids, put enfin se concentrer sur autre chose que la chaleur qu’elle ressentait. Elle passa alors en revue les plantes qui l’entouraient. Citronniers et orangers constituaient les principales espèces présentes, embaumant l’air d’un délicat mélange de parfum que la jeune fille pris le temps d’apprécier. Elle remarqua également la présence de nombreuses autres essences tels que le palmier de la province de Myrel ou encore des rosiers aguriens, colorant la pièces de leur pétales jaunes intenses. Elle aurait put passer des heures à déguster l’atmosphère que dégageait le lieu si la voix rauque de la duchesse ne l’eut interrompue en ordonnant :
-Veuillez vous asseoir ma chère.
La noble lui indiqua alors un siège en osier disposé près d’une table à thé faite de la même matière. Lady Adella pris alors place face à elle et fit sonner une cloche. Une jeune domestique arriva alors quelques secondes plus tard, hors d’haleine et transpirante. Lady Adella demanda qu’on leur apporte deux thé et la jeune femme reparti aussitôt en courant vers le manoir.
-Elles ont toujours eut peur de moi, s’amusa la duchesse, alors elles s’empressent d’exécuter les tâches que je leur demande pour me voir le moins possible.
Voyant que cela ne fit pas rire son interlocutrice, la duchesse choisit alors de passer en attaque directe :
-Alors, commença-t-elle innocemment, d’où venait vous en Borée exactement ?
Taega prit bien le temps d’analyser sa question avant de répondre : avec elle, un piège pouvait se glisser partout.
-Ma région natale se situe à une dizaine de lieues de notre capitale, Borealys, répondit-elle
La duchesse s’empressa de corriger :
-Faux, Borealys n’est plus une capitale depuis deux-cent ans, jubila-t-elle, ce n’est plus qu’une grande ville en fin de compte.
Taega esquissa un sourire niais.
-Effectivement madame vous avez raison, dit-elle d’un ton mielleux, veuillez pardonner cette erreur d’appellation.
La duchesse étudia alors la boréenne d’un œil suspicieux. La domestique revint avec le plateau à thé. Elle leur servit le thé et s’empressa aussitôt de partir. Sans même prendre le temps de la remercier, lady Adella enchaîna avec une autre question :
-Dites moi, demanda-t-elle à Taega en sirotant son thé, vous semblez très bien élevé pour une boréenne, qui s’est chargé de votre éducation ?
Taega fit semblant de ne pas avoir remarquer la pique.
-C’est ma mère, la douzième comtesse de Mennor qui s’en ai chargé madame, répondit-elle simplement, et à sa mort, c’est mon père qui s’en ai chargé.
Lady Adella haussa les sourcils de surprise.
-N’avez-vous pas eus de gouvernante ?
-Mon père a bien essayé de m’en imposer une, avoua la boréenne, mais elle a vite abandonné.
-Et pour quel raison ?
-Il paraît que j’ai un certain talent pour agacer toutes les personnes qui veulent me soumettre à leur autorité.
A peine avait-elle terminé sa phrase que Taega la regretta, priant pour que la duchesse n’eut pas relevé l’allusion. Avait-elle été trop loin ? Fort heureusement, la duchesse sembla s’en amuser.
-Vous avez un fort caractère jeune fille, confessa-t-elle.
-Je vous remercie, répondit Taega
-Ce n’était pas un compliment, rétorqua-t-elle aussitôt d’un ton sec.
Taega baissa les yeux vers sa tasse. Dans le liquide noirâtre qui l’emplissait, la jeune fille se plongea dans la contemplation de son propre reflet, attendant que la duchesse prononces sa « sentence ».
-Vous savez, commença-t-elle alors, ma Serena a eu la même gouvernante toute sa vie.
Taega prit alors un faux air intéressé. Satisfaite, la duchesse ajouta :
-Et oui, ma Serena est absolument parfaite. Elle a toujours étudié ardemment, respecté l’étiquette à la lettre, n’a jamais fait de faux pas en dansant au bras de jeunes hommes lors des bals. Elle a été préparé à être parfaite dès son plus jeune âge.
-Comment ça ? s’étonna alors Taega
-Et bien oui très chère, lui répondit-elle, ma Serena a été choisie par l’empereur et fiancé au prince Guillem l’année de ses quatre ans.
-N’est-ce pas trop tôt ?
La duchesse partit alors dans un grand éclat de rire.
-Et pourquoi cela ? demanda-telle hilare, comment croyez-vous que marche le marché matrimonial albanéen ? Les intéressé n’ont pas être « trop jeune » comme vous dites pour être fiancé, c’est au contraire un grand honneur qui leur ai accordé, pour elles, et pour leur famille.
Taega ne répondit pas. Trop ennuyé pour répondre, elle essayait de s’imaginer fiancé dès l’enfance à un petit garçon du même âge qu’elle ne connaîtrait pas. Cela devait être tant de pression…
-De plus, ajouta la duchesse, comment voulez-vous qu’elles soit bien préparé à leur destin si leur éducation n’est pas entièrement orienté vers cet objectif ?
-Vous voulez dire que lady Serena a été préparée à devenir impératrice depuis ses quatre ans ? demanda Taega
-Bien entendu, répondit la duchesse, cela ne fonctionne pas de la même manière dans votre province ?
Taega hocha la tête pour lui signifier que non.
-Cela explique beaucoup de chose alors, soupira lady Adella
Taega ne releva pas.
-Dites moi Taega, demanda le duchesse, que signifie être boréenne pour vous ?
La jeune comtesse, surprise par cette question, prit soin de réfléchir avant de répondre.
-Pour moi, commença-t-elle timidement, être boréenne c’est être fière de notre culture et de notre histoire.
Lady Adella hocha la tête de satisfaction.
-Que pensez vous de l’empire ? demanda-t-elle alors
Taega la fixa. Visiblement, la duchesse avait changé de tactique. Auparavant agressive et rabaissante, voilà qu’elle s’intéressait réellement à ce que pensais son interlocutrice. Serait-ce une nouvelle manière de la piéger ?
-L’empire d’Alba fait partie de l’histoire de mon pays, alors, pourquoi devrais-je le haïr ?
En réalité elle n’en pensait pas un mot mais elle savait que si elle voulait réussir sa mission, il lui faudrait ruser.
-Pensez-vous réellement ce que vous dites ? demanda lady Adella
-Oui madame.
La duchesse soupira, visiblement agacée que la jeune fille ai su éviter ses pièges. Las de cette conversation, elle ne savait plus que faire pour perturber la boréenne. Mais heureusement pour elle, il lui restait une dernière carte à jouer.
-Pourquoi devrais-je vous choisir Taega ?
La jeune comtesse fut un peu perturbé par cette question. Pour la première fois depuis le début de son entrevue, elle ne savait que répondre. Et tandis que la duchesse l’observait en attente de réponse, Taega sentit son coeur s’emballer et la panique la gagner. Elle savait que lady Adella était intelligente, mais le serait-elle au point de découvrir sa véritable ambition ? Elle cherchait dans son esprit, telle une biche apeurée cherchant à s’échapper des chasseurs, une réponse à même de la satisfaire sans éveiller ses soupçons.
-Bien, commença la duchesse, je pense que nous pouvons…
-...Je ne suis pas intéressée par le fait d’entrer à la Cour, la coupa Taega
Lady Adella pris un air surpris.
-Je vous demandes pardon ?
Taega pris une grande inspiration : ce n’était pas le moment de faire la moindre erreur dans son raisonnement.
-Je ne connais pas les autres dames d’honneur de votre fille madame, commença-t-elle, mais je suppose que vous nous avez toute posé la même question ?
-C’est exact oui, où voulez-vous en venir ?
-Je suppose qu’elles ont dû toutes vous répondre que leur but premier est de servir, protéger et guider votre fille dans sa future vie d’impératrice et que c’est pour cette raison que vous devriez les choisir. Seulement, combien d’entre-elles vont réellement se tenir à ce serment prononcé sous la menace ? On sait tous que la Cour est en effervescence constante, les bals et autres cérémonies ne sont que des procédés servant à alimenter les rumeurs qui rythme la vie des gens de Cour. On pourrait aisément s’y perdre. La Cour est également un lieu de désir, les fausse promesses et les secrets y sont courants. Combien croyez-vous de ces dames d’honneur que vous avez choisie vont préférer servir votre fille plutôt que de succomber à de beaux yeux ou de l’abandonner pour protéger un secret gênant les concernant ? Je pense que beaucoup choisiront la seconde option madame.
Lady Adella, impressionnée mais méfiante, fixa la jeune fille dans le blanc des yeux.
-Voilà la différence que je fais avec toutes ces demoiselles, poursuivit Taega, moi, je ne veux pas entrer à la Cour donc si vous me choisissez, cela me seras égale d’y être. Je me tiendrais toujours à mon objectif premier : lady Serena.
La duchesse ne répondit pas. Stoïque, elle se contenta de reposer sa tasse de thé à présent vide dans sa soucoupe. Après un long silence, elle poussa un soupir et déclara :
-Et bien mademoiselle Mennor, avoua-t-elle, je vois que vous tenez de votre père votre sens de la persuasion.
Taega, se croyant vainqueur, esquissa un grand sourire.
-Seulement, compléta la duchesse, je ne sais si cela peut me suffire. Voyez-vous, ma Serena est quelqu’un de rayonnante. Elle est calme et enjoué, obéissante et compréhensive mais elle est également très naïve. J’ai peur que la Cour se serve de cette naïveté contre elle.
Taega, touchée par cette mère inquiète pour sa fille, ne pus répondre car un domestique entra en trombe dans la verrière.
-Madame, déclara-t-il en panique, Mademoiselle Serena est là. Elle demande à vous voir.
-Vraiment ? s’étonna la duchesse, elle est déjà revenue ?
-Oui Madame, répondit le domestique, dois-je la faire entrer ?
Lady Adella considéra la table à thé et la jeune boréenne un bref instant. Il semblait que la présence de Taega la gênait. Pour Taega, a qui ce bref coup d’oeil n’échappa pas, cela ne pouvait signifier qu’une chose : elle n’était pas retenue et la duchesse ne voulait pas que lady Serena voit la malheureuse qui ne serait pas sa dame d’honneur. Lady Adella poussa alors un long soupir et déclara :
-Faites, dit-elle au domestique, de toute manière puisqu’elle est là, il serait inutile de la congédier…
Le valet s’inclina et ressortit. Quelques instants plus tard, lady Serena, encadrée de trois dames d’honneur, pénétra dans la pièce. C’était une jeune fille de vingt deux ans environ. Beaucoup plus grande que sa mère, elle possédait les même cheveux blond pâle et le même visage. Toutefois, ses iris d’un bleu nuit profond différaient de celles de sa mère, grise comme la pierre. Elégante et élancée, ses cheveux était coiffée en un chignon composé d’élégante tresses prenant racine à la naissance de son front, tresses dans lesquelles on avait glissé des perles à reflet orangé.
-Je suis tellement heureuse de vous voir ici mère, déclara-t-elle d’une voix délicate et enjouée, vous ne venez plus souvent sous la verrière ces derniers temps.
-C’est parce qu’il y fait trop chaud très chère.
La jeune duchesse fut parcouru d’un gloussement.
-Avouez que ce n’est qu’une excuse pour ne pas laisser père en paix, remarqua-t-elle d’un ton amusé.
Lady Adella ne répondit pas à cette remarque, partagé entre amusement et gêne.
Un domestique entra alors en trombe dans la pièce avec un nouveau fauteuil à mettre à disposition de la jeune duchesse. Celle-ci, épuisé par la chaleur, s’affala immédiatement dessus. Taega prit alors le temps de considérer sa nouvelle interlocutrice. La jeune fiancée portait une robe très imposante de couleur orange saumoné, agrémenté d’un bustier de même couleur dans lequel on avait cousu des perles de la même couleur que celles ornaient les cheveux de la jeune fille. L’énorme chapeau de paille qu’elle portait, décoré de plume de perroquet jaune et orange, rendait son gracieux visage plus beau encore, constituant un contraste fort réussi avec ses yeux et ses lèvres semblables à des pétales de roses. En la voyant ainsi, la boréenne comprit tout de suite pourquoi elle avait été désignée comme future impératrice : aucune couronne ne pourrait ternir sa majesté naturelle. Loin d’être hautaine comme sa mère, lady Serena inspirait la confiance et le respect, forçant l’admiration de part son incroyable gentillesse et sa délicatesse candide.
-Votre matinée en ville a-t-elle été agréable ? demanda alors lady Adella
-Fort agréable mère, répondit la jeune noble, après avoir récupéré ma robe pour la grande réception de ce soir, nous sommes allées nous promener sur les quais. Le peuple n’arrêtait pas de me saluer, je ne suis pas encore impératrice pourtant !
Et elle adressa un majestueux sourire à sa mère et à ses deux dames, debout derrière elle. Un valet arriva avec trois thé supplémentaire. Lady Serena, probablement assoiffé par sa sortie matinale sous un soleil de plomb, s’empressa de le boire. Puis, sa soif apaisée, elle se tourna vers Taega et demanda :
-Alors, elle ne vous a pas mordu j’espère ? dit-elle d’un ton amusé en désignant le duchesse
La boréenne esquissa des yeux ronds de surprise. Cette magnifique jeune fille, si délicate et bien élevée, osait se moquer de sa mère en public ! Taega était loin de connaître les règles constituant l’étiquette albanéenne, mais elle était presque sûre que se moquer d’un de ses parents en public était défendu. Or, c’était précisément ce que la jeune femme venait de faire. Devant sa réaction, lady Serena se mit à rire.
-Je sais, déclara-t-elle, cela vous étonne n’est-ce pas ? Sachez que je ne fais jamais cela d’habitude, je suis bien trop polie ! Néanmoins, je connais ma mère et le genre de remarque qu’elle a dut vous faire vis-à-vis de votre origine. Sachez que je désapprouve ce comportement que je trouve par ailleurs ridicule.
Elle pris alors les mains de la jeune boréenne dans les siennes et la considéra attentivement, ce qui ne manqua pas de mettre Taega mal à l’aise.
-Ves yeux sont vraiment un trésor, remarqua-t-elle, un vert semblable aux aurores que l’on voit la nuit dans le ciel de votre Borée… cela me fascine.
Taega ne sut que répondre à ce compliment. Elle ne s’attendait pas à ce que lady Serena soit si douce et gentille. Ne sachant que trop répondre, la boréenne répondit :
-Les vôtres sont aussi une curiosité pour moi, avoua-t-elle, en Borée, nous possédons tous les même yeux.
Ce compliment ne manqua pas de faire rire lady Serena… et de choquer le reste de l’assemblée.
-Vous êtes amusantes, remarqua la jeune duchesse, quel âge avez-vous ?
-J’ai actuellement dix-sept ans Madame, je me nommes Taega Mennor.
Lady Serena la fixa alors quelques instant. Puis, se tournant vers ses deux dames d’honneur, elle déclara à Taega :
-Permettez moi de faire les présentations, dit-elle en désignant ses dames d’honneur, je vous présentes la baronne Eléa de la province de Myrel et sa sœur jumelle lady Caléa…
Les intéressées s’inclinèrent avec un grand sourire.
-...et la duchesse agurienne lady Bryanne. Elle est la nièce de sa majesté l’impératrice Katerina.
Cette dernière s’inclina poliment devant Taega, mais la fixa alors avec une regard haineux. Lady Bryanne ne semblait pas trop apprécier la boréenne.
-Alors mère, demanda soudain lady Serena, que pensez-vous de notre jeune amie ?
Lady Adella, qui s’était mise à l’écart lors de l’échange entre sa fille et la boréenne, lui répondit :
-Elle est bien trop jeune.
-Je n’en ai pas l’impression, rétorqua-t-elle, au contraire, elle me semble très mature.
-Elle ne connaît rien de l’étiquette albanéenne, s’offusqua la duchesse, et elle possède un fort caractère qu’elle ne semble pas maîtriser !
-Je ne vois pas en quoi cela serait un problème.
-Mais il s’agit de la Cour tout de même !
-Justement, remarqua lady Serena, la Cour est un milieu impitoyable où je n’aurais pas droit à l’erreur.
Elle fixa alors la jeune boréenne est déclara :
-Il me faut un caractère comme le sien auprès de moi pour me guider.
Lady Bryanne se racla la gorge :
-Mais, que cela signifie-t-il Madame ? demanda-t-elle d’un ton inquiet
-Cela signifie ma chère lady Bryanne, répondit la jeune duchesse, que Taega Mennor de Borée fait officiellement parti du cercle de mes dames d’honneur.
Le visage de Lady Adella s’empourpra :
-Cela ne se peut ! s’écria-t-elle
-Cela est surtout non discutable, rétorqua sa fille
Puis, se tournant vers Taega, elle déclara :
-Je ne suis pas encore impératrice, dit-elle d’un ton satisfait, mais Taega Mennor, vous serez ma première victoire en tant que telle.