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Cassiopee
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Chapitre 2

  Il fallut encore attendre une heure de plus avant que leur voiture ne s’arrête enfin. Cette dernière heure de voyage s’effectua dans les dédales infinies de la capitale. Partagée entre profonde fatigue et angoisse intense, Taega avait essayé d’apaiser son esprit en contemplant le spectacle qui s’offrait sous ses yeux. Et quel spectacle ! Pour cette jeune fille montagnarde et étrangère au paysage urbains, Ori, capitale d’Alba, s’avérait être un véritable bouleversement.

   La ville, construite entre mer et falaise, offrait une architecture composé de petite maison blanche aux formes parfois arrondie, équipé de toits d’un bleu aussi profond que la mer les soirs de tempêtes, ainsi qu’une multitudes de rues pavées de schiste. Une partie de la capitale était même construite sur l’eau ! En fait, il s’agissait d’un quartier bâti sur le fond du lagon replié sur lui même, épargné par la houle de la mer. Ce lagon, s’avérant peu profond, avait permis l’implantation d’un riche quartier de marchands en tout genre. Toutefois, bien que le commerce et les déplacements s’effectuaient en majorité à travers un réseau de petits canaux, des centaines de ponts avait été bâti ici et là, permettant également les déplacements terrestres.

  Le quartier central, plus traditionnel, n’avait rien à envier à cette « ville sur les eaux ». Abritant la majeure partie de la haute société albanéenne, le quartier central était composé de manoirs tous plus magnifiques les uns que les autres, rivalisant de luxe et il fallait bien l’admettre, également d’extravagance ! C’est dans ce quartier que la jeune fille et son père allaient résider le temps de leur « opération ».

  Lors de sa traversée, la jeune comtesse fut totalement ébahis par la myriade de jardins, murs blancs décorés de moulures, allées parsemées d’ifs taillés soigneusement, terrasses aux carrelages tantôt de couleurs chaudes, tantôt de couleurs froides, double portes d’entrée en bois massif ornée de motifs de fleurs d’or… En voyant tout cela, l’imaginaire de la boréenne se mis à bouillonner. Il lui semblait déjà entrevoir leur nouvelle résidence, débordante de luxe et de charme comme celles qui s’offraient au regard de la jeune fille.

  Elle avait encore l’esprit embrumé par toutes ses images lorsqu’une haute bâtisse perchée au sommet d’une falaise attira son attention. Il s’agissait d’un château. Long, orné de quatre immense tour s’élevant vers le ciel tel des flèches en plein vol, le château donnait à quiconque une impression de puissance. Depuis la petite fenêtre de leur voiture par laquelle la jeune fille observait ce mastodonte, elle ne pouvait apercevoir que les quatre tours blanches, illuminée par l’éclat d’un soleil mourant se reflétant sur la mer.

-Le palais impérial, déclara alors doucement le comte, entièrement rénové par l’empereur Frerick à la fin de sa vie.

-C’est lui qui a imaginé ce palais ?

-En grande partie oui, Frerick voulait que sa résidence soit une œuvre d’opulence et de puissance.

-Et bien on peut dire que c’est réussi, s’exclama amèrement la jeune fille.

-Pourtant il va bien falloir qu’il te plaise ce château, répondit le comte, tu vas y vivre pendant un moment.

-Oui je sais, soupira-t-elle.

Puis, ramenant de nouveau son regard vers les manoirs environnants, elle demanda :

-Notre résidence ressemblera-t-elle à celles-ci ?

Le comte, croyant que derrière cette question se cachait un désir cupide lui répondit sèchement :

-Crois-tu réellement que j’aurais dépensé la fortune de mes ancêtres dans une extravagante résidence albanéenne ? Certainement pas ! Réfléchis un peu Taega avant de parler !

La jeune noble baissa les yeux, prise dans la contemplation soudaine de ces chaussures.

-Je vous prie de m’excuser père, déclara-t-elle d’un ton timide.

-Il vaudrait mieux.

Un lourd silence s’installa alors entre le père et la fille, silence qui se prolongea jusqu’à l’immobilisation de leur voiture. Devant le comte, le caractère rebelle de la jeune fille faisait place à l’angoisse.

   A leur arrivée au manoir, le comte et sa fille furent accueillie par une dizaine de domestiques, tous boréens. Taega était heureuse de pouvoir enfin se dégourdir les jambes après tant de route, mais en voyant sa nouvelle demeure, la jeune fille resta figée, ne pouvant qu’afficher un air de dégoût. Le manoir albanéen que le comte avait choisi comme résidence s’avérait d’apparence médiocre. Pire que cela, il était même sinistre. Des murs gris et ternes, un toit aussi noir que la nuit, un simple porte en bois lisse… l’ensemble donnait réellement l’impression que la construction de la bâtisse avait été bâclée, comme si on avait éprouvé le désir de le terminer au plus vite et ceci, dans l’absence de goût la plus total. Côté jardin, ce n’était guère plus attrayant. Celui-ci se composait d’une grande pelouse encadré par des carrés de pierres blanches et entrecoupé de petites allées. Ici et là, on pouvait voir de petites fontaines, placée au centre des carrés de pelouse dans un soucis d’un aménagement paysager quasi-géométrique. Néanmoins la terrasse semblait avoir un plus grand potentiel. Composée de carreaux noir et blancs, elle offrait une vue plongeante sur le modeste jardin. Elle était en outre, entourée par quatre piliers blancs autour desquels du lierre venait mourir, s’agrippant à la pierre blanche tel une myriade de serpents endormis. Cette terrasse donnait un côté romantique à la propriété qui plut beaucoup à la jeune fille. Sans plus de réflexion, elle décida qu’elle serait son nouveau refuge au sein de cette austère demeure.

-Cela ne te plaît pas ? demanda le comte devant l’expression de dégoût qu’affichait Taega

Celle-ci ne répondit pas. Elle savait que derrière cette question d’apparence banale se cachait en réalité une menace. En fait, le comte essayait de défier la jeune fille en lui demandant son avis. Cela avait naturellement pour but de voir si la boréenne oserait contester le choix de son père.

Taega adressa alors un grand sourire à son père et déclara :

-C’est parfait père.

Le comte esquissa un rictus satisfait.

-Je suis ravi qu’il te plaise, dit-il, d’autant que nous allons séjourner ici durant un bon bout de temps.

Puis posant une main sur l’épaule de sa fille, il ajouta :

-Je tenais vraiment à faire plaisir à la prunelle de mes yeux.

On ne pouvait imaginer de phrase plus hypocrite lorsque l’on sait que le comte a toujours détesté sa fille. La pique, qui n’avait pas échappé à la jeune noble lui arracha un mince sourire. C’était en général le comportement qu’elle adoptait dans ce genre de situation. Taega savait parfaitement que chaque larme versée, chaque peur et chaque doute qu’elle ressentait constituaient des armes que son père aimait à retourner contre elle. Dès lors, elle avait décidé qu’à chaque fois qu’elle se sentirait blessée, elle afficherait un sourire béas, semblable à celui qu’elle affichait lorsqu’elle était satisfaite. Semer le doute dans l’esprit de son père était son seul salut pour survivre à son oppression. Le comte n’a jamais été un père pour elle, a ses yeux, il a toujours été le comte de Mennor et rien de plus. Soudainement gênée, Taega dégagea alors doucement son épaule de la main du comte et demanda :

-Pourquoi avoir fait venir autant de domestiques ? Après tout, nous ne sommes que deux, non ?

De nouveau, le comte esquissa mince sourire.

-Trois, rectifia-t-il, j’ai également fait venir quelqu’un de spécial.

La jeune fille haussa les sourcils de surprise. Depuis la disparition de son frère et la mort de sa mère, le comte et sa fille vivaient seul.

-Qui donc ? demanda-t-elle

-Oh crois moi c’est quelqu’un que tu apprécies beaucoup, répondit-il avec un ton amusé.

Taega, ne voyant toujours pas de qui il s’agissait, s’empressa de réitérer sa question :

-De qui s’agit-il père ?

Le comte n’eus pas le temps de répondre car une autre voix se fit entendre :

-Mais simplement du plus charmant boréen que cet empire n’est jamais connu !

Taega poussa alors un long soupir en entendant cette voix arrogante qu’elle ne connaissait que trop. Cette voix, cette insupportable voix, était celle d’Eri, jeune baron voisin du domaine Mennor. De trois ans l’aîné de Taega, il connaissait les Mennor depuis son plus jeune âge et était le meilleur ami de Vaeron. Depuis sa disparition après son arrestation par les troupes albanéennes, Eri s’était rapproché du comte, d’abord pour obtenir des renseignements sur la prison où se trouvait Vaeron, puis pour le servir. Depuis toujours, Taega le détestait. Elle ne pouvait supporter son comportement souvent injurieux, et surtout son égo démesuré. Le jeune homme était devenu officiellement baron après que son père, trop malade pour s’en occuper, lui confia le domaine. Dès lors, il était devenu plus insupportable que jamais. Néanmoins le comte l’appréciait beaucoup et lui faisait confiance pour bon nombre de chose.

Devant l’air exaspéré qu’affichait la jeune fille, le jeune baron demanda :

-Tu n’as pas l’air très contente de me voir, si ?

-A ton avis ! s’écria-t-elle

Le baron pris un faux air attristé et demanda alors :

-Je t’inspire réellement tant de dégoût que ça ?

-Pire que cela, répondit Taega, tu me répugnes !

Le jeune homme afficha un grand sourire. En réalité, et malgré ce qu’elle pouvait lui dire, Eri appréciait beaucoup Taega.

-Allez, ajouta-t-il, avoue que je t’ai manqué ?

Pour toute réponse, la jeune fille lui lança un regard assassin. Eri s’exclama alors :

-Tu ne changera jamais Taega ! dit-il avec un grand sourire

Puis, se tournant vers le comte, il déclara :

-Vous serez ravi d’apprendre que tout est en ordre.

-Parfait, acquiesça le comte.

-Comment ça tout est en ordre ? demanda Taega

Le comte soupira et répondit :

-Cela fait plus d’un mois que Eri est arrivé. Je l’avais chargé de préparer le manoir pour notre arrivé et de prendre quelques renseignements sur le palais.

Taega fixa le jeune homme. Etait-il réellement capable de s’occuper d’une tâche aussi complexe ?

-Et oui, ajouta Eri, tu vois que tu n’es pas la seule à être importante dans l’histoire.

-On pouvait parfaitement s’en sortir sans toi !

-Comme si tu aurait été capable de faire ce que j’ai fait ! ironisa-t-il

-Qui t’as dit que je ne pouvais pas m’en charger ?

-Le simple fait que ton père me l’est demandé à moi par exemple.

Touché. Taega se tut et dévisagea le jeune homme. Comment osait-il lui parler sur ce ton ? N’était-elle pas l’héritière des Mennor ? N’était-elle pas la petite sœur de son meilleur ami ? Entre les paroles d’Eri et le fait que son propre père fasse plus confiance au jeune homme qu’à sa propre fille, Taega n’aurait su dire ce qui était le plus blessant.

-Si j’ai demandé à Eri d’effectuer cette mission, intervint le comte, c’est parce que j’avais besoin de toi ailleurs Taega, et pour un rôle plus important qui plus est ! Alors évite de te plaindre !

Un lourd silence s’installa que ni Taega ni Eri ne voulu rompre. Devant le regard furieux du comte, la jeune fille hocha la tête. Eri lui, préféra entraîner le comte un peu plus loin pour laisser de l’espace à la jeune fille, prétextant de discuter d’affaires domestiques. Il évitait de le dire, mais il trouvait révoltant la façon dont le comte parlait à sa fille et avait à cœur le bien être de Taega. Celle-ci, ne se laissant pas abattre par cet incident, entreprit d’aider les domestiques à installer ses bagages dans sa chambre.

   L’intérieur de la maison n’était pas plus attrayant que l’extérieur. Un sol de marbre, des murs tantôt gris, tantôt blancs… L’ensemble donnait presque l’impression d’un dessin effectué au crayon tant la couleur était absente. En explorant sa nouvelle demeure, Taega nota que son père avait fait venir certain meubles et tableaux de leur résidence en Borée. Elle remarqua notamment le piano en bois d’épicéa sur lequel sa mère se plaisait à jouer. Celui-ci se trouvait au centre de la bibliothèque qui jouxtait au hall d’entrée du côté gauche. A droite se trouvait la salle à manger, et au fond, en dessous d’un escalier de marbre se trouvait une salle de réception.

-Où se trouve donc ma chambre ? demanda Taega à une domestique

-Mademoiselle pourra trouver sa chambre à l’étage, répondit-elle, elle est entièrement prête à vous accueillir.

-Je vous remercie.

  Sans plus tarder, Taega commença à gravir l’escalier de marbre. Celui-ci menait au premier étage ou l’on pouvait trouver sur la droite la chambre de Taega et sur la gauche, la chambre du comte et la chambre d’Eri. Le couloir reliant les deux côté était tapissé de murs gris recouvert par des tableaux représentant différents membres de la famille des Mennor. Même loin de sa Borée natale, le comte ressentait le besoin d’étaler son pouvoir et de montrer à quel point il était fier de sa famille. Taega ne connaissait pas la plupart de ces austères visages, dévisageant le spectateur de cet air supérieur et menaçant propre aux Mennor. Elle passa devant sans y prêter attention, plus pour agacer son père que par manque d’intérêt. Elle savait que le comte était fier de sa lignée et depuis son plus jeune âge, Taega avait toujours fait en sorte d’exprimer son dégoût envers ses ancêtres, comme un défi qu’elle lançait à son père. Elle le détestait et faisait tout pour lui faire ressentir.

  En la voyant arriver, un domestique lui ouvrit la porte de sa chambre. La jeune comtesse le remercia et découvrit alors son nouvel univers. Plus petite que sa chambre du manoir boréen, celle-ci se composait de mur vert émeraude et d’un parquet de bois sombre. A droite se trouvait un immense lit en baldaquin orné de rideaux fait du même vert émeraude que les murs. Au centre se trouvait une petite table à thé décoré par un bouquet de jacinthe fraîchement cueillies. Au milieu des deux fenêtre donnant sur la rue, se trouvait un petit secrétaire de bois où la jeune fille pourrait aisément déposer ses livres et écrire des lettres. En face du lit, dans le coin supérieur de la pièce se trouvait une coiffeuse, disposé à côté d’un paravent qui permettra à la jeune fille de pouvoir se changer à l’abri des regards indiscret. La boréenne disposait même d’une salle d’eau attenante à sa chambre, salle qu’on pouvait facilement atteindre par une petite porte liant les deux pièces. Enfin, au dessus d’une petite cheminée se trouvait un portrait. En le voyant, la gorge de Taega se serra. Ce portrait représentait une petite fille assise sur les genoux d’un jeune garçon plus âgé qu’elle. Le garçon possédait les même yeux que la petite fille, de ce vert si intense qui caractérisait les boréens. Bien qu’il possédait des cheveux plus foncé, la ressemblance entre les deux enfants était frappante. Une larme roula alors le long de la joue de Taega. Ce jeune garçon sur le tableau, c’était Vaeron, son frère. A l’époque, la comtesse avait insisté pour faire un tableau représentant ses deux enfants, tableau qu’elle avait par la suite disposé dans sa chambre. Taega avait alors quatre ans et Vaeron neuf. En ce temps là, Taega et son frère était inséparable, passant toute leurs journée ensemble. L’année de ses dix ans, le comte décida de prendre en charge l’éducation de son fils, mettant ainsi fin à leurs années de bonheur. Taega ignorait ce que le comte faisait à son frère mais dès lors, le garçon devint distant avec sa cadette, parfois même agressif. Il changea du tout au tout et Taega n’eut plus jamais l’occasion d’entretenir une bonne relation avec lui. Néanmoins depuis son arrestation il y a deux ans, Vaeron lui manquait beaucoup.

Taega resta un long moment figée devant ce tableau, partagé entre la nostalgie et l’inquiétude de savoir ce qui était arrivé à son aîné.

-Il te manque beaucoup non ? demanda Eri qui venait de la rejoindre

Taega et lui avait beau se détester, lorsqu’il s’agissait de Vaeron, il mettait leur rivalité de côté.

Devant l’absence de réponse de Taega, le jeune homme déclara :

-Moi il me manque énormément.

-Où crois-tu qu’il est maintenant ? demanda la jeune fille, les yeux toujours rivés sur le tableau

Eri pris le temps de réfléchir quelque instant.

-Sûrement dans une prison albanéenne, dit-il, probablement dans la prison impériale. C’est là qu’ils enferment tous les rebelles.

-Crois-tu qu’il va bien ? l’interrogea Taega

-Je l’ignore, répondit le jeune homme, personne ne sait réellement de quoi les albanéens sont capable.

La jeune fille fut alors secoué d’un sanglot.

-Eh, la rassura Eri, quoi qu’il se soit passé, je suis sûr que ton frère est vivant. Je suis sûr qu’il va bien, qu’il est juste prisonnier quelque part.

-Mais comment peux-tu en être si certain ?

-Je le sais c’est tout.

Taega leva les yeux au ciel.

-Comme si cela était suffisant ! s’emporta-t-elle

-C’est la seule chose à laquelle nous pouvons nous raccrocher Taega, répondit le boréen, ça et notre soif de vengeance. Ce sont les deux seules choses qui peuvent encore nous donner espoir.

Taega s’éloigna alors du jeune baron pour se placer devant la fenêtre.

-Et si je n’étais pas assez forte ? demanda-t-elle

-Tu le seras, répondit Eri, tu es forte. Et quand bien même, il en va de l’avenir de notre pays et de la vie de ton frère. Nous n’avons pas d’autres choix.

-Parfois j’aimerais bien qu’il y est une autre voie, lui confia la jeune fille

Eri ne répondit pas. Un lourd silence s’installa alors entre les deux jeunes gens, silence qui ne fut brisé que lorsqu’Eri déclara :

-Je vais aller aider ton père à s’installer.

Et sans plus de sentiments, il quitta la pièce en fermant délicatement la porte, laissant Taega à ses doutes.


  La soirée se déroula dans une ambiance étrange, sorte de mélange entre le malaise et les non dits. Taega n’adressa la parole à personne lors du dîner, et monta le plus tôt possible dans sa chambre. Au fil des heures, la jeune fille sentait son estomac se nouer. Le lendemain matin, elle devra affronter lady Adella et pour cela, elle ne sentait pas prête du tout. Mille et une question se bousculaient dans son esprit. Comment sera-t-elle reçue ? Comment tenir tête face à cette duchesse ayant la haine des boréens ? Comment faire en sorte de lui plaire pour entrer à la Cour ? Comment fera-t-elle pour taire ses sentiments ?

  La jeune fille passa ainsi une bonne partie de la nuit. Faisant les cents pas dans sa chambre, elle passait de son lit à la fenêtre, puis de la fenêtre à la cheminée, puis de la cheminée à son lit encore. En faisant cela, elle tentait de se calmer en essayant d’imaginer la scène, comment elle se présenterait à la duchesse. Incapable de trouver le sommeil, prise par d’horrible nausée, la jeune boréenne venait de mesurer le poids qui pesait sur ses frêles épaules. Elle n’avait que dix-sept ans, et déjà on lui demandait d’être parfaite, de se conduire en parfaite adulte, de taire ce qu’elle ressentait pour ne pas offenser les autres. Curieusement, personne ne lui avait demandé si elle en était capable. Le comte notamment, était un spécialiste en la matière. Un peu plus tôt, il était monté voir sa fille pour lui rappeler l’importance de l’entrevue du lendemain et entre autre, lui rappeler quelles seraient les conséquences si elle échouait. Le message était clair, Taega n’avait d’autre choix que de réussir car comme le lui avait rappelé un peu plus tôt Eri, « il en allait de l’avenir de leur pays ». Cette phrase tournait en boucle dans la tête de la jeune fille sans qu’elle puisse s’en défaire. Ainsi lorsque le sommeil finit par la gagner dans une nuit déjà bien avancée, elle y pensait encore.

Le lendemain, une aube grise se leva sur Ori et ses habitants. Le soleil venait à peine de se lever que Taega fut réveillé par de petits coup donnés à sa porte de chambre.

-Mademoiselle est priée de se lever, lui dit alors une domestique, je vous apporte votre petit déjeuner.

Taega soupira : elle avait à peine dormi quelques heures.

Sans plus d’explication, une femme de chambreentra, l’obligea à se lever, l’habilla, la coiffa. Taega ne toucha pas à son petit déjeuner tant elle était angoissé.

Une heure plus tard, elle descendit dans le hall où le comte et Eri l’attendait.

-Voilà notre héroïne du jour ! s’exclama le jeune baron en la voyant descendre les marches dans une splendide robe violette.

Puis, lorsqu’elle fut arrivé à leur niveau, il ajouta :

-Tu es ravissante.

Taega eut à peine la force d’incliner légèrement la tête pour le remercier.

-Te sens-tu prête ? lui demanda le comte

-Oui, répondit timidement la jeune fille.

-Parfait, reprit le comte, parce qu’aujourd’hui, tu n’as pas le droit à l’erreur.

Taega ne put répondre car déjà une boule s’était formée dans sa gorge, l’empêchant de parler. Dehors, la voiture les attendait. La jeune fille et les deux hommes montèrent et la voiture se mit en route pour le manoir Glowenn. En quittant le manoir, Taega eut l’horrible impression que sa vie tout entière allait changer à partir de cet instant précis.



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