Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Hiurda
Share the book

21 - Honte

L’emplacement du Hovedhuren n’avait pas été choisi au hasard. Ishta avait d’abord pensé que le village avait été construit à cet endroit, car il était judicieusement placé sur une colline entre l’eau, la forêt et la montagne. Elle s’était ensuite dit que la proximité de la tanière du Glemslött n’était pas une coïncidence, mais la vraie raison était tout autre.

Bâti à flanc de colline, le Hovedhuren abritait en son sein l’entrée d’une caverne gigantesque. Éclairée d’une torche, Toumet accompagna Ishta vers une porte, au fond du couloir qui menait à sa chambre. À peine l’eut-elle ouverte qu’une chaleur humide se dégagea de l’escalier derrière. Plus elles descendaient et plus la température devenait intense.

Arrivée tout en bas, Toumet entreprit d’allumer les lampes accrochées aux murs, laissant tout le temps nécessaire à Ishta pour découvrir les lieux. Dans l’immense cavité se trouvaient plusieurs bassins naturels remplis d’eau fumante à l’odeur âcre qui se déversait de l’un à l’autre. Le courant finissait sa route dans deux piscines richement décorées, taillées directement dans la pierre et entourées de marches s’enfonçant dans l’eau. Le plus petit, contre la paroi de droite, servait pour le linge. Ishta le comprit aux ustensiles déposés sur les bords, grattoirs, bacs et brosses. Le plus grand, occupant le cœur de la pièce, était superbe et une dizaine de personnes pouvait s’y baigner confortablement. Ishta n’était pas sûre d’avoir pied en son centre, mais Toumet pouvait surement s’immerger jusqu’aux épaules.

Les murs de pierre étaient gravés de scènes de contes épiques qu’Ishta avait entendus lors des veillées et celui près de l’entrée était creusé de petites alvéoles contenant du linge, des savons et toutes sortes de bouteilles de parfum. La plupart des étagères étaient vides certainement qu’elles servaient à déposer les affaires avec lesquelles on était arrivé. La pièce était superbe, mais elle ne comprenait pas d’où venait la température de l’eau.

« Le Storkan bloque la sortie d’une des sources chaudes de la montagne et l’emmène directement dans cette grotte, lui expliqua Toumet. Nos ancêtres ont eu beaucoup de chance de découvrir cet endroit. Nous ne sommes pas le clan le plus grand des Konungalands, mais nous sommes l’un des plus anciens et des plus respectés. Il nous arrive d’héberger une partie d’autres clans durant les storkans les plus sévères et ce n’est possible que grâce à cette caverne.

— Tout le monde viendre quand lui veut ? demanda Ishta.

— Oui, et non », répondit Toumet avec un sourire.

Elle lui expliqua que tout le monde avait le droit d’accéder à la grotte, plus que ça, c’était un devoir envers le clan. Mais pour être certain que chacun ait son tour, on ne pouvait le faire qu’à des périodes précises. Les matins étaient consacrés au nettoyage des draps et du linge, les bains se prenaient donc l’après-midi. Les gens se baignaient par groupe d’une dizaine de personnes, souvent par famille ou entre amis. Chaque groupe en profitait durant une tombée de clepsydre puis il fallait laisser la place aux suivants et l’on ne pouvait y retourner tant que tout le monde n’y était pas passé. Il était également interdit d’échanger son tour sans autorisation spéciale obtenue lors d’un forsvar, la punition pour une telle transgression pouvait aller jusqu’à l’exclusion du Hovedhuren. Au milieu du Storkan, cela signifiait tout bonnement la mort. Ishta ne voyait pas Toumet en arriver là pour un simple bain manqué, mais quand l’Ansatt lui rappela que c’était une mise en danger de tout le clan, son air sévère ne donnait aucun doute sur ce qu’elle pensait de ces gens. Elle précisa tout de même que certaines exceptions peuvent avoir lieu, mais alors la demande devait être soumise au vote du clan au grand complet.

Elle avait déjà remarqué à plusieurs reprises l’importance de l’hygiène chez les Íbúa. Dès leur première rencontre à vrai dire, alors que la seule odeur qu’ils dégageaient était celle de l’herbe et du cheval. Et, bien qu’elle-même prît plusieurs bains par semaine et qu’elle ne pensait pas avoir à rougir, il lui avait fallu un moment pour comprendre comment ils y arrivaient. En fin de compte, ce n’était qu’un mélange entre un changement d’habits très régulier et l’usage du bloc de savon, qui ne laissait pas de senteurs sur la peau et la rendait sèche et douce au toucher. Non pas que les gens de l’Empire ne se savonnaient pas, mais ils utilisaient des huiles lavantes saturées de parfum de fleur ou autres herbes aromatiques qui s’ajoutaient à l’odeur de transpiration des vêtements portés trop longtemps. Elle rougit en se disant qu’elle ne devait pas sentir très bon à son arrivée au Konungalands. Elle était heureuse d’avoir changé ses habitudes si rapidement.

Elle était perdue dans ses pensées quand elle vit le regard inquiet que lui lançait Toumet.

« Tu as question pour moi, non ? l’interpella Ishta.

— Tu vas devoir participer aux bains de la même manière que les autres… »

En effet, Ishta essayait de ne pas y songer. Il lui suffirait de trouver un groupe composé que de femmes. Le cas contraire, elle s’entourerait de personnes de confiance derrière qui elle pourrait se faire toute petite. Elle pensait déjà demander de l’aide à Holga quand Toumet reprit la parole.

« Je sais que dans certains peuples, le bain se prend avec une chemise légère ou une serviette, mais les Íbúa se lavent nus. Tu n’auras que peu de chance de garder ton dos à l’abri des regards. Ça va aller pour toi ? »

C’était donc pour ça que Toumet l’avait prise à part pour lui présenter les bains. Et elle avait raison. Outre la mixité homme femme, elle ne pourrait cacher que son blason n’était pas fini. Et, contrairement à la croyance de son père, la prévenance de Toumet montrait bien que les Íbúa en comprenaient la signification. Le rouge monta aux joues d’Ishta. Ces dernières semaines lui avaient complètement fait oublier sa peur d’être découverte qui revint la frapper de plein fouet. Le sentiment familier d’être acculée refit surface. Mais cette fois, il ne lui vola pas son souffle, n’amena pas de mouchettes noires devant ses yeux et elle n’était pas sur le point de s’évanouir. Elle se sentait calme et prête.

Elle avait confiance en la prévenance des Íbúa. Elle savait que le blason n’avait que peu d’importance dans une culture ou le statut était accordé en fonction des accomplissements personnels et de la confiance donnée par les membres de la communauté. Son ego en prendrait un coup et tous verraient le dédain que son père avait pour elle, mais ça s’arrêterait là. Et certainement qu’aucun n’aurait l’inconvenance d’en parler, car les Íbúa ne se mêlent pas de ce qui ne les regarde pas.

« Ça va aller pour moi, dit-elle, non sans fierté, et elle ne put empêcher un léger sourire. »

Mais elle s’était réjouie un peu trop vite et, maintenant qu’elle se tenait devant le bassin où se baignait Holga, ses filles et quelques autres femmes. Debout sur le rebord, interdite, elle ne pouvait se résoudre à enlever sa chemise face à ce qu’elle voyait. Une nouvelle fois, sa stupidité lui sautait au visage et l’ampleur de la vérité qui s’étalait sous ses yeux la laissa pétrifiée.

Elle s’était levée ce matin-là pleine d’entrain, elle savait qu’elle devait se laver, mais elle avait réussi à tout organiser au mieux. Ayant pris son courage à deux mains, elle était allée voir Holga et lui avait parlé de ses inquiétudes concernant la mixité des bains. Elle s’était préparée à devoir expliquer d’où venait son angoisse, quitte à paraître faible, et elle était fière de sa décision. Mais Holga ne lui posa aucune question et accepta la requête d’Ishta pour ce qu’elle était, une demande de soutien. Elle lui promit de rassembler un petit groupe de ses amies et la rassura autant que possible.

Elles étaient donc descendues dans un joyeux brouhaha et toutes avaient commencé à se déshabiller, Ishta comprise. Mais alors qu’Holga enlevait sa chemise, le sang se retira de son visage et son cœur rata un battement.

Holga n’arborait pas de blason.

Mais pas seulement. Là, le long de sa colonne vertébrale et s’étalant sur ses omoplates, le tatouage d’un corbeau stylisé aux ailes déployées. Son regarde se posa sur les amies d’Holga, mariées pour la plupart, mais elle ne vit que des dos lisses, immaculés ou décorés à l’encre.

Incapable de bouger, Ishta essayait de donner un sens à ce qu’elle voyait. Une partie d’elle se trouvait fort stupide d’avoir cru que les Íbúa porteraient un blason. Il n’avait aucune signification ni aucune valeur dans leur civilisation. Alors que, pour elle, le blason est le fondement même de toute son éducation, toute sa culture, toute sa vie. On lui en avait toujours parlé comme quelque chose d’universel et elle n’avait jamais pris la peine de remettre en question ce fait, bien qu’elle ait passé plus d’un mois parmi les Íbúa.

Elle avait bêtement cru que les blasons n’étaient pas affichés à cause des habits chauds qui ne le permettaient pas. Mais, maintenant qu’elle se trouvait devant l’irréfutable réalité, elle devait en convenir, Finn préférerait mourir plutôt que de fouetter ses filles à sang ne serait-ce qu’une fois. Et il n’en avait pas l’utilité puisque leur valeur ne dépendrait pas d’un dessin gravé sur leur peau, mais plutôt de leurs actions et leurs caractères.

Quant à l’hystérie féminine dont lui parlait son père, que le Vasheekaran était sensé exorciser de leurs âmes… La preuve en été sous ses yeux qu’elle n’existait pas. Aucune de ces femmes n’y avait succombé et elles en avaient pourtant toutes l’âge. L’énormité de la situation lui coupa le souffle.

Son peuple opprimait ses femmes depuis la nuit des temps sans aucune excuse valable, tuant des enfants à peine adolescentes à coups de fouet pour le plaisir de les dominer. Parce qu’elle avait de la chance, son statut lui avait offert des conditions de rétablissement et de soin des plus idéales. Toutes les femmes de l’Empire ne pouvaient en dire autant. Ils allaient jusqu’à leur faire croire que ce n’était qu’un désagrément passager pour avoir le droit de vivre. Parlant de la souffrance qu’eux-mêmes enduraient sous l’aiguille, douleur dite insoutenable et pouvant tuer une femme. Menaçant les plus récalcitrantes de les tatouer.

Mais les femmes qui rentraient maintenant dans le bassin ne semblaient pas mortes d’avoir été décorées à l’encre. Les dessins affichés un peu partout sur leur corps soulignaient leurs formes et leurs musculatures. Ils mettaient en avant leur beauté et elles les montraient avec fierté. La peau de leur dos claire et intacte paraissait douce. Celui des femmes de l’Empire suintait la douleur et le traumatisme. Ses cicatrices, soignées grâce à Toumet depuis plusieurs semaines, lui brûlaient le dos comme si elles étaient encore à vif. La chaleur lui prit la tête et ses yeux vomirent des larmes sur ses joues rougies de honte d’avoir été si naïve.

Holga vit la pauvre fille et se précipita vers elle. Toutes l’entourèrent alors qu’elle tombait à genoux, repliée sur elle-même et cette blessure béante qu’était devenu son cœur. On lui parlait, mais elle n’entendait que ses propres pleurs et le bruit du fouet. Elle ne sentait que ses morsures sur ses chairs et l’injustice de ne pas être née au bon endroit. Et, quand bien même elle passerait le reste de sa vie parmi les Íbúa qui la considéreraient comme l’une des leurs, elle aurait toujours ces plaies hideuses pour lui rappeler d’où elle venait. Elle était à jamais marquée par la haine et la condescendance de ce père qui l’avaient mutilée à vie sans plus y penser que s’il lui avait coupé les cheveux.

Et elle comprit que la réaction de Toumet ne provenait pas de la présence d’un blason non fini, mais de l’existence même de ces lacérations. Elle hurlait de douleur et pleurait de rage. Elle aurait voulu arracher la peau de son dos et la brûler. Elle ne voulait plus appartenir à ce peuple sanguinaire et décadent. Elle ne voulait plus rien qui la relie à cette culture arriérée et stupide. Elle avait honte de tout ce que l’Empire représentait. Honte d’être la fille de celui qui le dirigeait sans aucune intention de l’améliorer.

Sans trop savoir comment, elle se retrouva dans les bras de Toumet. Toujours sur le sol au bord du bassin, elle s’était enfin calmée sous les paroles douces de toutes les femmes qui l’entouraient. Holga lui offrit de quoi se moucher et se rincer le visage, une autre lui tendit un verre d’eau et chacune n’affichait que des regards inquiets.

Elle finit par reprendre le contrôle de sa respiration et de sa voix. Elle ne put s’empêcher de s’excuser auprès de toutes. En apparence de les avoir inquiétés, mais son cœur s’excusait d’être à nouveau faible, à nouveau un poids, toujours un problème… 

Mais, enfin, elle put les rassurer. Non, elle n’était ni blessée ni souffrante. Tout du moins plus maintenant. Et, à sa propre surprise, elle retira sa chemise. Il s’en fallut de peu pour que les hoquets d’horreur qui en résultèrent fassent rejaillir les larmes, mais elle parvint à se contrôler et répondit aux questions muettes qu’elle voyait sur tous les visages.

Sans s’en apercevoir, elle raconta l’entièreté de son éducation, en quoi consistait le Vasheekaran ou le blason et pourquoi elle avait été tant inquiète de le montrer jusqu’ici. Alors qu’elle parlait, Toumet la dirigea vers le bain et l’aida à se savonner. Une fois de plus, l’eau chaude fit des merveilles et elle se détendit doucement. Les femmes autour d’elle se lavaient aussi et posaient parfois des questions, mais toutes l’écoutaient avec attention. Le dégoût et la consternation qui se lisaient sur leurs visages la rassurèrent. Pour la première fois de sa vie, quelqu’un avait une réaction qui lui paraissait proportionnée face à ce rituel infâme.

Elle leur parla du fouet et du baume de son père. Elle leur parla de l’isolement et Nishka, du rituel de l’heure du thé et de Ning. Elle leur raconta comment il l’avait abandonné et comment elle avait été déstabilisée par les agissements des guerriers d’Ulrik dans la salle du trône. De sa peur face à ce peuple que tout le monde appelait « barbare ».

Mais quand elle en vint au rituel d’ouverture, elle se tut.

Toutes attendaient la suite, mais, voyant qu’elle ne pouvait continuer plus loin, elles se mirent à discuter entre elles de ce qu’Ishta leur avait dit. Acceptant simplement le fait qu’elle n’était pas encore prête à partager le reste. Elle ne leur demanda pas de garder le sujet sous silence, comme elle l’avait fait avec Toumet au tout début. Qu’elles en parlent ou pas, peu importait ! Elle ne pouvait se défaire de cette part d’elle-même, mais, désormais, elle n’était plus seule pour y faire face.

Les jours s’écoulèrent avec la même routine, chacun s’occupant avec une tâche ou l’autre, changeant souvent, pour ne pas tomber dans l’ennui. Ishta comprenait un peu mieux les règles des différents jeux contés ou chantés et se surprit à y participer une fois ou l’autre, sous le regard approbateur de ses proches. Le soir, elle retournait dans sa chambre, bien vite rejointe par une demi-douzaine d’adolescentes surexcitées de passer un moment ensemble.

Petit à petit, les choses changèrent autour d’elle, des gens qui, auparavant, ne faisaient même pas acte de sa présence se mirent à lui dire bonjour et lui adresser la parole. Les regards hostiles se firent de moins en moins sentir.

Malgré ça, l’atmosphère générale se détériora. Au bout de trois semaines, les éclats de voix se firent entendre plus souvent et innilokun étaient de plus en plus invoqués. Quand Ishta en parla avec Askel, faisant part de son inquiétude pour la suite du confinement, celui-ci eut un sourire énigmatique.

« D’ici la fin de la semaine, la plupart d’entre eux auront oublié leurs pudeurs et leur humeur va s’améliorer t’inquiète pas ! »

La remarque fit beaucoup rire son frère et Ishta sut qu’elle n’avait pas envie d’en savoir plus.

Un matin, alors qu’elle taillait des lanières de cuir à tresser, une femme s’approcha de son groupe de travail et immédiatement l’atmosphère changea.

Tout le monde se tut, mal à l’aise. Finn, assis à côté d’elle, se redressa et porta la main à sa ceinture, le regard dur. Petite, par rapport aux autres Íbúa, des cheveux roux flamboyant, la femme fit un geste d’apaisement vers le guerrier et se tourna vers Ishta.

« Je m’appelle Oda et je suis la sœur d’Ivar, l’homme qui t’a attaquée. »

Ishta se raidit, cependant la femme ne semblait pas agressive, plutôt mal à l’aise.

« J’aurais voulu te raconter une histoire, si tu veux bien l’entendre ? »

Sans rien dire, Ishta se décala sur le banc pour laisser une place à Oda. Celle-ci s’installa et commença à tailler des lanières de cuir tout en parlant.

« Il y a une douzaine d’années, mon clan d’origine a été décimé par un autre. J’avais treize ans et ils m’ont prise comme esclave. J’appartenais à quelqu’un de cruel qui s’amusait à dessiner sur ma peau au fer blanc. »

Elle s’était arrêtée de travailler et Ishta la regarda avec horreur.

« Je ne te raconte pas ça pour recevoir ta pitié. Au bout de quelques mois, je me suis enfuie et j’ai été recueillie ici. Si je te dis tout ça, c’est parce que je sais ce que c’est que d’être marquée à vie et de ne pas pouvoir se défaire de souvenirs traumatisants. »

Elle fit une pause, n’osant pas regarder Ishta. Elle ne semblait pas sûre de comment continuer sa phrase et Ishta ne savait trop comment réagir. Elle ne comprenait pas où la femme voulait en venir. Cela ressemblait à des excuses, mais sans vraiment en être.

« L’attitude de mon frère a été ce qu’elle a été et je n’en suis pas responsable même si je la déplore. Il a fait son choix. Je t’en ai voulu lorsque j’ai vu que tout le monde se ralliait doucement à ta cause.

— Je pas avoir de cause ! Je juste veux survivre !

— Je sais ça, maintenant… Et c’est pourquoi je suis là. Mon frère a été buté. J’ai été butée. Pour ça, je veux te partager la solution que j’ai trouvée pour faire face à mon passé. J’ai jamais vraiment pu m’en défaire, au lieu de quoi je l’ai embrassé et me le suis réapproprié à ma façon. »

Elle souleva ses jupes pour dévoiler ses jambes. Ishta dut y regarder à deux fois pour comprendre ce qu’elle voyait. La peau claire était marquée par des sillons de brûlures, mais chacun d’entre eux était entouré d’encre, créant des formes délicates et raffinées, reliant chaque cicatrice dans un motif complexe impressionnant. Oda n’avait pas essayé de cacher ces cicatrices, mais elle en avait fait une œuvre d’art et pouvait à nouveau admirer son propre corps sans trembler d’angoisse. 

« Je suis la dessinatrice sur peau la plus demandée des clans alentour, j’ai fait ces motifs moi-même, ajouta-t-elle avec fierté. J’ai attisé le feu qui brûlait contre toi dans le cœur de mon peuple, c’est en partie ce qui a poussé mon frère à agir bêtement… Je voudrais réparer ma bêtise. Ce serait un honneur pour moi de t’aider à te réapproprier ton passé si tu en ressens le besoin. Les hommes de ton peuple t’ont enchaînée par la peur de l’encre, est-ce que ça te plairait de leur montrer que tu t’es libérée e leur emprise ? »

Il y avait trop d’informations à assimiler pour Ishta. L’idée de l’aiguille faisant rentrer les pigments dans sa peau la terrifiait, une crainte incrustée dans son esprit par seize années d’endoctrinement. D’un autre côté, le pied de nez à l’Empire était bien trop tentant pour être ignoré, il n’existerait pas de meilleure manière de clamer au monde qu’elle ne leur appartenait plus. Par la même occasion, elle montrerait aux Íbúa qu’elle était prête à embrasser pleinement leur univers et leur culture.

Oda prit son silence pour de l’incertitude.

« Tu n’es pas obligée de me répondre aujourd’hui, l’encre ne peut pas être appliquée dans un environnement comme le confinement, trop de risques d’une mauvaise réaction. Il faudra attendre la fin du storkan, ce n’est pas pressé. »

Ce n’est pas la première fois que les Íbúa interprétaient son temps de réflexion comme un refus silencieux. Aussi elle rectifia la situation tout de suite.

« Ça, c’est parfaite idée. Merci de me le proposer, Oda. Au Saa… À la Dod Varmt je pas le droit parler alors je habituer à beaucoup réfléchir. Je mets du temps de répondre, mais je suis d’accord. »

Oda sourit et continua son travail, Ishta fut surprise qu’elle ne retourne pas d’où elle venait, mais les discussions reprirent normalement et cela ne semblait déranger personne.

Comment this paragraph

5 Comments

1 month
Très beau chapitre, j’aime vraiment beaucoup ta plume
show more
1 month
Merci beaucoup 🧡 :)
show more
1 month
Merci beaucoup 🧡 :)
La présence d’Ulrik m’a manqué mais j’imagine qu’il est de son côté pour l’hiver. Il me tarde de le retrouver. Tes personnages sont tous super attachants et ça m’a poussé à reprendre une de mes histoires que j’avais laissé en pause.
show more
1 month
La présence d’Ulrik m’a manqué mais j’imagine qu’i...
Ooooh ! 😍 ça me touche beaucoup ! J'espère que tu va bien t'amuser en reprenant l'écriture de ton histoire hihi
Il y a toujours un côté un peu réconfortant à reprendre un ancien projet. C'est comme remettre son pied dans ses chausson favori une fois l'été fini… 
Oui je sais j'ai des métaphores pourries ! Mais c'est vraiment la sensation que j'en tire.
show more
1 month
Ooooh ! 😍 ça me touche beaucoup ! J'espère que tu ...
C’est tout à fait ça ! J’ai même pris mon courage à deux mains et j’ai commencé à la publier. J’écris beaucoup sans jamais rien montrer de mon travail par un complexe et une peur de ne pas être légitime.
Ton histoire est vraiment incroyable, je l’aime beaucoup
show more