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1 - Prologue
2 - Une fête pour Saria
3 - Perd cette dent
4 - La ville s’agite
5 - Un repaire
6 - Fille de la Tempête
7 - Écailles argentées
8 - Briser les chaines
9 - Vent fort
10 - Ombres insaisissables
11 - Agmeath
12 - L’académie d’Archlan
13 - La cérémonie du liage
14 - La suite
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Perd cette dent

31e jour de la saison des soleils 2447

Comme elle aurait aimé être l'un des clients, et ne pas jouer les serveuses. Mais elle avait promis aux Litfow de les aider pendant que Fayne se remettait d'une maladie. Par chance, Lyran avait convaincu sa femme de la laisser porter un pantalon alors que la tradition exigeait qu'elle porte une robe pour ce travail. Ainsi, elle se sentait plus à l'aise. Elle devait juste ignorer les commentaires grossiers de ceux qu'elle essayait de servir si gracieusement.

N'importe quoi pour les Litfow. N'importe quoi pour la famille qui la traitait comme une personne et non comme une sorcière aux cheveux dépravés de couleur. Oui, elle disait des choses profanes sur les supposées divinités. En fait, elle les maudissait quotidiennement, souvent à son détriment, mais sa fureur ne connaissait pas de limites. Les Daigorniens étaient pieux à l'excès, pensant qu'obtenir la faveur des divinités les sauverait de la colère des dragons gris. Les lézards ailés s'attaquaient tout de même à leur bétail et endommageaient leurs propriétés en laissant des vents violents et des tornades dans leur sillage. Les victimes avaient de la chance que ce ne soit que ça. Ils auraient pu facilement les dévorer aussi. Après tout, les dragons sont les plus grands prédateurs sur les terres de l’Aspérule Blanche.

Elle portait un plateau de breuvages, principalement des chopes de bière mousseuse. Elle se mordue la lèvre inférieure, s'abstenant de prendre une gorgée. Sûrement, cela engourdirait son ennui.

Elle l'apportait à sa table la plus redoutée. Se déplaçant avec agilité et grâce, elle se faufila entre les tables et évita les clients turbulents. Deux hommes grisonnants jouaient au bras de fer. Leurs spectateurs beuglaient et lançaient des pièces de bronze et d'argent, pariant sur le vainqueur.

Envieuse, elle expira et tenta de se calmer. Elle savait qu'elle n'était pas de taille pour eux et qu'ils la rejetteraient. Pourquoi était-elle née avec des cheveux argentés si anormaux ? Ce n'était pas littéralement une malédiction, mais ça semblait ainsi.

Pourtant, Fayne complimentait souvent sa crinière sauvage, mais parfaitement domptée, qu'elle refusait de couper par rancune. Elle brillait comme aucune autre, comme si elle avait capté le clair de lune et absorbé sa teinte.

Elle s'approche d'une table où étaient assis quatre hommes : trois adultes d'âge moyen et un adolescent. Leurs chopes étaient vides et leurs yeux assoiffés suivaient la serveuse attentivement.

L'adolescent heurta la table comme pour la convoquer.

— Hé, sorcière! As-tu utilisé un sort pour transformer ta robe en pantalon? J'ai toujours su que tu voulais être un homme.

— Je m'appelle Azéna, noklysse de trou du cul! Pas sorcière! Tu sais que je ne jette pas de sorts, sinon je t'aurais fait subir bien pire!

Elle avait argumenté son cas un million de fois. Mais ça n'avait pas d'importance. Rien de ce qu'elle a dit ne rentrait dans la tête épaisse de ce garçon. Il était peut-être légèrement plus âgé et plus fort qu'elle, mais elle avait gagné la moitié de leurs combats. Ils étaient à la gorge l'un de l'autre depuis leur première rencontre.

Son père reste impassible, la mâchoire serrée par le mépris. Au moins, il avait un peu d'autodiscipline, contrairement à son idiot de fils qui continuait à s’agiter.

— Comment oses-tu continuer à salir le nom d'Elysia avec ton existence et tes paroles profanes?

— Comment oses-tu blablater sur quelque chose dont tu ne peux même pas prouver l'existence et intimider ceux qui pensent ou portent une allure différente, Bentrh?

Elle sentait son sang bouillir de colère. Ses muscles se contractaient dans l'anticipation de le frapper. Tout cela lui semblait trop familier. Elle était ravie.

— Tu peux aussi bien aller coucher avec ces maudits dragons, sale créature! hurla-t-il pour que tout le monde l'entende.

Azéna dut se rappeler pourquoi elle était là : pour aider les Litfow. Elle posa les breuvages sur la table et poussa celle de Bentrh un peu trop fort. Celle-ci glissa plus vite que son cul d'ivrogne ne pouvait réagir et la bière lui éclaboussa le visage.

Il serra les dents, ses dents parfaitement droites.

— Tu veux être un garçon et porter un pantalon? Eh bien, montre-moi ta bite alors, ma Dame!

Il agrippa par l'aine et serra.

Elle ne vit que du rouge. Furieuse, elle jeta son plateau sur lui. Le reste des tasses se répandirent sur lui et tombèrent au sol, explosant à l'impact.

Leurs regards haineux se croisèrent. Un éclat de verre s'était logé dans le sourcil de Bentrh. Le sang s'écoulait lentement de la blessure.

— Salope! Tu n'es rien de plus qu'une chienne!

Il se leva, poussant sa chaise sur le côté et fonça sur elle.

Plus agile, Azéna asséna le premier coup de poing, mais les dégâts furent minimes. Son assaillant la força au sol, la plaçant sous lui. Alors qu'il levait un poing, elle passa ses mains autour de son cou, se releva et lui donna un coup de tête. Elle a senti sa dent de devant fissurer contre son front.

Bentrh beugla et commença à frapper la jeune fille élancée sans relâche. Après avoir subi quelques coups, Azéna réussit à recourber ses jambes et à le repousser d'un coup de pied, en poussant sur sa poitrine aussi agressivement qu'elle le pouvait. Il tituba pendant un moment, lui donnant l'occasion de se relever. Leurs visages étaient ensanglantés.

Peu après, une masse surgit derrière Azéna et l'attrapa par le bras, la faisant glisser comme si elle n'était qu'une simple marionnette. Pressant le pas une fois de plus, Bentrh vola la tête la première dans la table occupée par les hommes qui jouaient au bras de fer.

— Discipline ton garçon, Frauk. Il est comme un taureau sans pensées.

L'homme appelé Frauk demeura assis là en silence. Il savait qu'il ne fallait pas défier l'homme qui lui versait de la bière.

Alors que Lyran et Azéna sortaient de la taverne par la porte arrière réservée aux employés, on pouvait entendre des hurlements de colère venant de derrière eux. Les hommes qui jouaient au bras de fer menaçaient Bentrh et Frauk n'intervenait pas.

Lyran désigna un vieux tonneau de bois vide. Azéna était assise, les bras croisés et les lèvres pincées.

— Je m'occupais très bien de lui.

Le gros ours soupira. Il faisait deux têtes de plus haut qu'elle et faisait probablement trois fois sa taille.

— En effet. Bon travail, petite.

Azéna s'attendait à être réprimandée et blâmée, comme d'habitude, mais elle avait l’impression que ça n’allait pas être le cas. Sa colère s’estompa lentement, remplacée par de la confusion. Elle cligna et regarda Lyran avec des yeux écarquillés.

 — Ce garçon te tourmente depuis que tu es enfant, dit le propriétaire de la taverne. Il a mérité de perdre cette dent.

— Mais...

Il sourit, un sourire honnête et fier.

— Ce n'est pas toujours le meilleur chemin à prendre, tu sais. Mais je suis fier que tu aies riposté.

— Je ne sais pas quoi dire.

Les émotions gonflaient en elle. Elle refusait de les laisser remonter à la surface. Elle ne se permettait pas de montrer une faiblesse. Elle serra les poings et une larme coula sur sa joue. Elle était si heureuse que quelqu'un la soutienne.

Lyran lui frotta doucement le haut du dos.

— Cependant, tu ne peux plus dire noklysse. Tu sais comment ces gens réagissent à cela. Même si tu as eu raison de te défendre, tu dois aussi faire preuve de retenue.

— Ack ! Stupide religion. Qui se soucie de si j'insinue que deux êtres qui n'existent même pas sont une abomination fusionnée?

— Crois-moi, je partage ce sentiment. Mais ce mot a une signification puissante. C'est un moyen de se rebeller contre le clergé. Tu devrais tenir ta langue sur ce point. Je ne désire pas te trouver morte, tu comprends?

Azéna grommela. Elle essuya la larme et se leva de son siège plutôt inconfortable, prête à affronter le monde.

— Comme si ça arrivait.

— Un jour, tu maudiras la mauvaise personne, Zé.

— Ne m'appelle pas comme ça. Je vais...

— Me chatouiller jusqu’à la mort?

— Bien pire, vieil ours.

Lyran gloussa. Son grand rire résonnait dans ses oreilles, la remplissant de réconfort. Elle ne pu s'empêcher de se joindre à sa joie. Le tavernier pencha la tête sur le côté et l'invita à le suivre d'un geste de la main.

— Allez, viens. Tu as encore du boulot à faire. Je vais te préparer un chocolat chaud et nettoyer tes blessures de guerre.

Quand Azéna pensait à Bentrh, une vague de picotements l'envahissait. Malgré l'avertissement de Lyran, elle savait qu'elle recommencerait. Elle voulait le rendre édenté.

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