Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
DarkOctober
Share the book

Briser les chaines

41e jour de la saison des soleils 2447

Les soldats menaçaient de trancher la gorge exposée de Leith. Un homme costaud empêchait la vieille femme de bouger en lui tenant fermement les bras derrière le dos. Malgré la situation délicate, Leith ne se débattait pas. Un simple sourire de confiance dominait son visage.

— Je suppose que tu te rends ? questionna Bayrne, sa silhouette imposante surplombant son adversaire.

— Ton Père m’aurait écouté, répliqua Leith calmement.

— Évidemment. Il était un bon souverain, mais comme homme familial, il faisait piètre image, termina-t-il sauvagement.

— Il savait mieux. Il ne levait pas le petit doigt pour la cause.

— Qu’est-ce que tu veux dire?

— Les dragons sont les êtres les plus importants d'Aerinda. En tuer un pour une raison déterminée par un jugement si pauvre est un crime envers les landes qui te nourrissent. Et que fais-tu de la devise de ton propre royaume? Seulement la paix guérit.

— Les gens connaissent rarement la deuxième partie.

Il s'approcha d'elle et posa la cime de son épée sur la peau fragile de son cou.

— Les temps sombres apportent la paix.

— Une grande peur est enracinée dans ton cœur.

— Tu vas te taire. J'en ai fini avec tes bêtises.

Azéna était consciente de la fermeté de son père adoptif, mais sa cruauté l'abasourdit. Elle savait ses intentions; il allait tuer Leith et le dragon pour obtenir la paix pour son royaume.

La colère de Bayrne le vieillissait, crispant son visage et accentuant les subtiles rides, mais elle le rendait aussi plus menaçant.

Malgré tout, Leith resta impassible. Elle attendit avec indulgence que le seigneur fasse quelque chose d'elle.

Bayrne jeta un regard noir au soldat qui la retenait. Sans mots, ce dernier hocha la tête et dégaina son épée.

— Absolument pas! aboya Azéna.

Le dragon poussa un rugissement féroce et s'élança en direction de

Leith. La vitesse à laquelle il piqua surprit Azéna. Elle serra les dents

alors qu'un vent froid et puissant rabattit son visage. En plus de cet inconfort, les griffes de son porteur menaçaient de déchirer son linge. Elle garda son sang-froid et regarda droit devant elle. Le sol s'approchait à une vitesse folle. Cette descente était une aventure à elle seule. Son sang lui monta à la tête et son cœur se débâtit, affolé par l'adrénaline.

Puis, sans avertissement, le dragon effectua une rotation. À l'envers, il ouvrit la gueule, révélant deux rangées de crocs gigantesques, et il inspira profondément. Une énergie violente se forma dans son ventre, puis un bref et puissant tremblement secoua Azéna.

Les citoyens, soldats y compris, furent pris d'une panique et s'enfuirent. Une bourrasque puissante s'abattit sur eux. La plupart des victimes furent poussées au sol, incluant Leith et le garde qui la retenait. Celui-ci tenta de récupérer son épée, mais elle glissa trop loin.

Le dragon effectua une deuxième rotation, le ramenant à sa position initiale. L’une de ses pattes avant s'ouvrit, relâchant ainsi Azéna et agrippant le pantalon de Leith et la souleva. Il battit puissamment des ailes et s'éleva à nouveau vers le ciel, laissant le soldat abasourdi derrière.

Voler s’avérait difficile en raison du poids d'extra et de sa blessure. Son cœur accéléra et il dut ouvrir la bouche pour respirer à son aise.

Azéna ne savait qu’une chose : elle devait les guider loin d’ici. L’endroit le plus isolé était généralement le cimetière royal.

Elle pointa l'endroit sombre du doigt et le dragon redoubla ses efforts. Quelques flèches volèrent à côté d'eux. Elles sifflèrent aux oreilles sensibles de l’adolescente.

— Ils nous tirent dessus! Ils ont perdu la tête. Soldats noklyssants et idiots!

Son visage violacé de rage, Bayrne hurla et les archers cessèrent leur attaque. Il ne put qu'observer alors que sa fille adoptive s'éloignait.

Pendant leur trajet, Leith ne dit pas un mot. Azéna ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire lorsqu'elle l'aperçut la tête dans le vide et les fesses tenues par les griffes du dragon. Le béhémot ailé poussa des grognements étranges et irréguliers que l'adolescente reconnut comme un rire.

— Je ne savais pas que les dragons avaient un sens de l'humour.

— La plupart des gens pensent qu’ils en connaissent à propos d’eux, expliqua Leith. Ils ne peuvent pas être plus aveugles.

Ils étaient presque arrivés à destination. Le dragon hurla de douleur et ses ailes cessèrent de battre. Azéna écarquilla les yeux et la panique fit surface. Le sol devint le ciel.

Son sang bouillant, Azéna hurla sa joie. C'était comme si elle était née pour voler à dos de ce dragon. Elle allait être libre. Un sentiment d'invulnérabilité l'envahit et elle maudit la cité et son père dans un cri de guerre.

Dans une douleur paralysante, le dragon aux yeux iris glapit. Il ne pouvait rien faire d'autre que de tomber.

— Attention à l'arbre! glapit Azéna.

Le dragon enveloppa les deux femmes de ses ailes dans le but de les protéger comme l'aurait fait un bouclier. Il réussit à se tourner sur le dos juste au moment où il s'écrasa au sol, labourant la terre à son passage. Il s'arrêta net lorsque son crâne transperça l'arbre.

Pendant un long moment, il demeura là, sonné. Pendant ce temps, ses protégées lui donnèrent de l’espace.

Finalement, il se débattit et tourna sa tête dans tous les sens en tentant de se libérer. Leith et Azéna se dépêchèrent de l'autre côté de l'arbre où son visage ressortait.

— Qu'est-ce qu'on fait maintenant? Demanda la rebelle, submergée par ses sentiments.

— Les gardes à l’entrée! s’exclama Leith. Vite! Vérifie s’ils nous ont vus!

Azéna jeta un coup d'œil et n'aperçut personne.

— Ils ne quittent jamais leur poste sauf pour une rotation de tour. C'est sûrement Bayrne qui les a convoqués à la défense de la cité.

— Cela nous donne du temps, mais rien qu’un peu. Ils viendront.

Le dragon pleurnicha. Dans un rugissement, il exhala une bourrasque. Les cheveux d'Azéna et de Leith dansèrent dans la violence du courant. La Kindirah poussa une mèche entortillée de son visage. La voyageuse s'agenouilla devant la créature qui paniquait. Son expression faciale s'endurcit.

— Du calme. Sois calme, Tyrath.

Ses paroles apaisèrent le jeune dragon qui détourna son regard vers Azéna. Sa pupille se dilua lentement. Il renifla férocement et ses lèvres s'étirèrent étrangement pour former une espèce de sourire espiègle. Ses crocs révélés intimidèrent l'adolescente sur le coup. Elle tressaillit. Une seule morsure pourrait sans aucun doute casser son corps fragile en deux.

— Tyrath? murmura Azéna, un sentiment de merveille l'envahissant.

Mais pourquoi et comment Leith connaissait-elle son nom ?

Le dragon argenté se redressa de force, mais le tronc l’en empêcha. Les entraves autour de ses pattes claquaient bruyamment.

— Cesse tes singeries! ordonna Leith sèchement en levant un doigt sévère.

Le dragon gémit puis baissa les yeux.

— Bien, approuva la mystérieuse dame. Concentre-toi, petit cabochard. Je comprends ton enthousiasme, mais nous n’avons guère le temps.

La créature majestueuse planta ses griffes dans le sol, durcit son expression faciale et se mit à souffler, mais ce n’était pas un souffle normal. Celui-ci était puissant, comme une tornade naissante. Cela lui donna l’élan pour se défaire du tronc d’arbre.

Lorsqu’il se libéra, il fouetta la queue dans les airs et faillit heurter sa sauveuse qui ne semblait pas inquiète. Il leva le regard au même niveau que les yeux de Leith et renifla, de toute évidence offensé.

— Comment arrives-tu à le faire obéir? demanda Azéna.

Leith s'approcha du dragon qui l'observa avec un œil irrité. Elle lui caressa le bout du museau affectueusement. Il se mit à ronronner tout doucement et cligna lentement.

— Comment as-tu pu l’amadouer si aisément? continua Azéna. Qui es-tu? Pourquoi est-ce qu'il est ici? Qu'est-ce qui se passe?

Inaffectée par l'énergie de son interlocutrice, Leith leva la main devant son visage.

— Trop de questions s'attardent dans ton esprit. On en discutera plus tard.

Un couinement étouffé résonna sous la pierre tombale qui mène au nid de Shirah.

— Ignorez-la, conseilla Leith. Nous devons partir.

— Mais... je veux la ramener. Elle ne peut pas rester coincée dans ce trou pour toujours. Elle mérite la liberté, comme tout le monde.

Des couinements plus insistants retentirent dans tout le cimetière.

— Nous partons, ordonna Leith. Maintenant.

Alors qu'elle commençait à se diriger vers la sortie, personne ne lui emboîta le pas. Le dragon secoua la tête, faisant un pas vers Leith avant de s'arrêter et de regarder Azéna à nouveau. Cette créature supposément avide et destructrice qui ne respectait pas le Panthéon n'agissait pas exactement comme les prêtres le prétendaient. En fait, c'était un peu comme s’il avait un esprit loufoque coincé dans le corps d'un prédateur.

Pourquoi mettait-il Azéna dans un tel état de bonheur ?

— Tu peux m’aider?

Le dragon courba son puissant cou vers le haut et hocha la tête. Sans hésiter, il souffla une rafale agressive sur la pierre tombale qui bascula en arrière dans un bruit sourd.

Shirah sauta hors du trou comme si ce n’était rien et fila vers Azéna pour frotter son museau contre sa joue.

Leith s’immobilisa et n'avait pas l'air impressionnée.

— Allons-y maintenant.

— Nous devrions voler par-dessus le mur. Ne retournons pas en ville, suggéra Azéna qui désigna l'arrière du cimetière.

Derrière les plus grosses pierres tombales se trouvait le mur de pierre endommagé qui serpentait tout autour de la ville.

— Aucun dragon n'est un animal de compagnie, expliqua Leith. Tu ne peux pas t'attendre à ce qu'il nous porte. Jeune fille, tu ne veux pas insulter un dragon.

Mais la créature en question renifla, ouvrit ses grandes ailes de chauve-souris et leur fit signe de venir.

— Je pense que c'est bon, dit Azéna en souriant.

Elle commençait à se sentir suffisamment à l'aise pour taquiner son nouvel ami.

— Ton atterrissage aurait pu être meilleur.

Le dragon ronchonna, autant enjoué que fier.

— Azéna!

Un visage familier encadré d'une crinière acajou se précipita à l'entrée du cimetière.

— Fayne!? appela la Kindirah.

Les écailles du dragon se hérissèrent, le faisant paraître un peu plus large. Il grogna et fit claquer ses mâchoires.

— Oh, non ! C'est mon amie, glapit Azéna, paniquée.

 Le dragon ne changea pas de position, mais il ne bougea pas non plus. Fayne, quant à elle, était devenue pâle et tremblait.

— Jeune Litfow, s'il vous plaît, partez avant d'avoir des ennuis, demanda Leith. Vous pourriez être accusé à tort.

— C'est vrai, grogna Azéna. Les choix de Père seront limités si on te voit avec nous.

— Mais... Et toi? demanda la rousse avec inquiétude.

Le cœur d'Azéna se tordit dans sa tristesse. Elle avait espéré éviter ce moment.

— C'est ma chance de partir.

Les yeux de son amie devinrent humides alors que des larmes se formaient dans les coins.

— Zé, tu n'es pas sérieuse. Je sais que tu en as toujours rêvé, mais...

— Je ne veux pas être enchaînée à la volonté de la Kindirah.

Elle évita son regard, ravalant ses propres émotions. Elle ne pouvait pas être faible, pas en ce moment.

— Pars, Fayne! S'il te plaît!

— Je n'abandonne pas ma famille comme un lâche! tonna l'herboriste, des larmes coulant sur son visage.

Le dragon se mit à souffler et à taper ses pattes avant, de manière intimidante. Même avec ses mâchoires fermées, certains de ses crocs saillaient de sa gueule, lui donnant un air terrible.

Sa tactique fonctionna. Fayne commença à reculer lentement, encore hésitante. Elle craignait tous les dragons, car son entourage avait toujours peinturé une image sinistre d’eux.

— Azéna... ne me force pas à faire ça.

Sa voix tremblait, redoutant la réponse.

— Qu'est-ce qu’il y a? demanda Leith, son corps se crispant.

Elle avait fixé son attention sur le dragon dénommé Tyrath. Il avait une patte avant en l'air et reniflait sans cesse. Même Shirah semblait en état d'alerte.

— Ein ? dit Azéna, ne voyant rien d'anormal.

— Écoutez attentivement, chuchota Leith.

Le bruit de multiples paires de bottes courant dans la boue résonna doucement au loin.

— C'est trop tard, couina la fille aux yeux bleus. Tu dois venir avec nous, Fayne. Tu ne dois pas être vue ici.

Ils se précipitèrent tous vers l'arrière du cimetière.

Une fois là-bas, Tyrath commença à faire des histoires pour ne pas transporter quelqu'un d'autre qu'Azéna, affirmant qu'elle était sa seule priorité. Il paniquait lui aussi.

— Tyrath, pars avec elle, ordonna Leith. Amène-la à l'académie. Grand Maître Terenas saura quoi faire.

— Quoi!? s'exclama Azéna qui ne s'attendait pas à ce sacrifice. Tu ne le feras pas! Et Fayne, elle!?

Elle sentit son visage se tordre sous sa colère croissante.

— Trouve un autre moyen.

Les bottes étaient si bruyantes. Elles étaient presque sur eux.

— Emporte-la, Tyrath! tonna la vieille dame.

Alors que le dragon saisissait Azéna par le col et la soulevait comme un chaton, les premiers gardes tournaient le coin, leur lance à la main.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet