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Xian_Moriarty
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Les Savoyards levaient le camp. Malgré les soldats restés à la surface, une bonne partie des spectateurs de ce rituel infernal avait fui. Les prisonniers se limitaient à quelques domestiques qui étaient remontés par le chemin emprunté par les ducs de Savoie et de Lesdigiuières pour descendre dans cette gueule de l’enfer. Ceux qui s’étaient échappés par l’entrée basse avaient tous déguerpi sans demander leur reste.

Charles-Emmanuel 1er de Savoie beuglait ses ordres. Depuis son retour à la surface, il se montrait impassible. Son chagrin demeurerait probablement enfoui dans ces souterrains maudits.

Un soldat savoyard baragouinant un peu de français prévint François de Bonne que la voiture pour les reconduire en France était arrivée. Le vieux soldat hocha la tête. Il soupira, soulagé de pouvoir enfin partir. Le duc se releva avec difficulté. Toute cette affaire lui rappelait son âge. Les chutes, plus que les combats, lui laissaient des douleurs terribles dans les articulations, surtout son épaule droite. C’est le cœur lourd qu’il dut laisser son second porter sa petite fille, toujours inconsciente.

Une fois l’enfant installée, bien au chaud sous de lourdes couvertures de laine, le duc de Lesdigiuères alla voir le duc de Savoie. Depuis leur retour à la surface, ils avaient peu échangé. Le Français ne pouvait se résoudre à partir sans lui témoigner toute sa reconnaissance. Bien que tous les opposaient, les deux hommes avaient su s’unir. Et sans cela, jamais François de Bonne n’aurait pu retrouver sa fille. Et encore moins vivante.

Charles-Emmanuel 1er se tenait à la lisière du campement. Ses yeux fixaient les ruines de ce château maudit. C’est à peine s’il lança un regard vers Lesdiguières. Après un long silence, il desserra un peu les dents.

— Je vais raser cet endroit. Pas une seule pierre ne subsistera. Elles serviront à boucher définitivement l’entrée de cette gorge des Enfers. Dus-je faire s’effondrer la montagne si nécessaire, il ne restera rien !

François de Bonne approuva d’un signe de tête. Il n’aurait pas agi autrement si ces terribles événements avaient eu lieu dans le Dauphiné.

Une boule au ventre, il se risqua à demander :

— Et l’enfant ?

Le visage du duc de Savoie s’assombrit. Pourtant, pas un seul sentiment ne transparut dans ses paroles :

— Il sera inhumé dans la première église que nous croiserons.

Lesdiguières n’avait pas vu le corps du garçonnet.

— Qu’allez-vous dire à sa mère ?

Charles-Emmanuel prit une grande inspiration.

— Que nous sommes arrivés trop tard. Que son fils a reçu une sépulture décente.

Il grimaça.

— Je ne peux pas lui ramener la dépouille. La perte de son enfant sera déjà assez dure à entendre sans qu’elle… voit son corps.

Une décision dure, mais sage, bien que mentir ne soit jamais une bonne chose. Mais pouvait-il décemment narrer à cette pauvre femme, déjà accablée par la perte de son fils, le récit de ce qui s’était passé là-dessous ?

Encore aujourd’hui, les survivants peinaient à croire à ce qu’ils avaient vu. Vécu. Seule la petite Emmanuelle, que son père surveillait jour et nuit, témoignait de la réalité des horreurs qui eurent lieu dans la bouche de l’enfer.

— Il reste encore les responsables de ce rituel immonde à saisir, soupira Lesdiguières.

Le duc de Savoie fit de même. Les quelques prisonniers risquaient de ne pas leur dire grand-chose, et sûrement pas qui avait orchestré ce sabbat infernal. Leurs indices se limitaient donc aux symboles qui avaient déjà permis à Charles-Emmanuel 1er de remonter jusqu’au château maudit, ainsi qu’à la cicatrice qui allait marquer le bras de la bretteuse encapuchonnée que le duc avait affrontée dans la salle du lac.

— Si cette femme fréquente ma cour, je le saurai vite. Je vous invite grandement à faire surveiller vos nobles dames françaises. Sur ce, mon ami, je vous conseille de partir. Vous devriez arriver au premier village avant la nuit.

Le duc de Savoie se tourna vers le duc de Lesdiguières. Les deux pères s’observèrent un moment. Puis le Savoyard prit le Français dans ses bras, lui témoignant ainsi son amitié et son respect. Dès qu’ils se séparèrent, un petit sourire narquois se dessina sur les joues de Charles-Emmanuel 1er :

— Je crois bien que vous êtes le premier, et j’espère le dernier, huguenot que j’embrasse ainsi. N’allez pas croire que je serai tendre avec vous lors de notre prochaine bataille.

— Je n’en espérais pas moins de vous. Votre Altesse.

François de Bonne salua le duc. Puis il alla rejoindre sa fille dans la voiture qui se mit en branle.

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