Au beau milieu d’une forêt, 17h00.
— Mais tu te fous de moi ? T’as besoin d’un psy, mon gars ! m’exclamai-je en le touchant du bout du doigt sur le torse.
— C'est moi qui devrais consulter alors que t’étais en train d’enlacer un foutu musicien de rue ? répliqua-t-il, le visage tordu de frustration.
— Ah, parce que c’est moi le problème ? Ce n'est pas toi qui te fais littéralement bouffer les lèvres par une pétasse au petit matin ?!
Je le vis esquisser un sourire en coin à l’évocation du mot "pétasse", ce qui ne fit qu’attiser davantage mon exaspération. Je levai les bras au ciel, un geste d’impuissance, puis les laissai retomber.
— T’es jalouse, dit-il d’un ton suffisant, fier de sa petite victoire.
Mais il lui manque vraiment une case…
— Tu crois vraiment que tout ça, c’est une question de jalousie ? répliquai-je, d’un ton sec. Ce n’est pas une compétition d’ego, Aaron ! C’est toi qui as déclenché tout ça !
Il s’approcha de moi, ses yeux perçants fixés dans les miens, et souffla presque comme un défi :
— Tout ce que je vois, c’est que tu t’énerves parce que je l’ai embrassée.
Je roulai des yeux, luttant pour ne pas exploser. Chaque mot qui sortait de sa bouche me donnait envie de crier. Il ne comprenait pas, ou pire encore, il faisait exprès de ne pas comprendre.
— Ce n’est pas la question ! Ce qui me rend folle, c’est que tu agisses comme si rien ne s’était passé. Comme si tu pouvais juste... continuer, sans conséquence !
Aaron fit un pas en arrière, alluma une autre cigarette, puis expira longuement avant de me fixer de nouveau, ses yeux se plissant légèrement sous la réflexion.
— Si tu veux des conséquences, princesse, tu les auras. Mais c’est moi qui décide quand. Pas toi.
Un silence lourd s'installa entre nous, interrompu uniquement par le crépitement de sa cigarette. Le vent frais commençait à souffler à travers les arbres de la forêt environnante, ajoutant une tension presque palpable dans l’air.
— Qu’est-ce que ça veut dire, ça ? dis-je, mes poings se serrant malgré moi.
Il ne répondit pas tout de suite, se contentant de me regarder avec une intensité troublante. Puis, il jeta sa cigarette au sol, l’écrasa sous son talon et se dirigea lentement vers la voiture, sans un mot de plus.
— Aaron, qu’est-ce que tu fais ?! criai-je, mais ma voix n’avait plus la même assurance.
Il s’arrêta net, dos tourné à moi, les épaules tendues. Il semblait réfléchir. Puis, dans un geste lent, il se retourna pour me regarder. Ses yeux n’étaient plus furieux, mais remplis d’une sorte de détermination froide.
— On va rentrer, dit-il simplement, sa voix étrangement calme, comme s’il avait pris une décision qui ne m’impliquait pas.
Je laissai tomber... Je n’avais plus la force de me battre avec cet idiot. Je montai dans la voiture et fixai la route à travers la fenêtre, perdue dans mes pensées tout au long du trajet.
— Tu as besoin de te changer avant d'aller au bar ? me demanda-t-il, l'air détaché.
— Non, répondis-je sèchement.
Au Culte, 17h30.
Nous arrivâmes finalement à destination, et je sortis de la voiture sans un mot. La nuit était fraîche, et l'air me frappait le visage comme un réveil brutal. Aaron me suivit de près, sa présence lourde derrière moi, mais je ne me retournai pas. Je ne voulais pas lui donner l'impression que j'étais affectée par sa colère.
En m'approchant de la porte, je remarquai quelque chose d'accroché. C'était une enveloppe noire. Avant que je puisse la saisir, Aaron me devança et l'attrapa.
— Avant que tu ne poses des questions, ça ne te regarde pas, déclara-t-il en ouvrant la porte avec une détermination qui me déconcertait.
Je le dévisageai, un mélange de frustration et d'inquiétude m'envahissant. Je voulais comprendre ce qu'il cachait, mais en même temps, je savais qu'insister risquait de raviver la tension entre nous. Je m'apprêtais à dire quelque chose, mais je réalisai que parfois, le silence pouvait être plus éloquent que les mots.
Je me dirige vers le bar pour m'assurer que tout soit prêt pour l'ouverture, tandis qu'Aaron se retire dans son bureau. Quelques minutes plus tard, Scott arrive, accompagné de Candy, qui fait une entrée remarquée avec de grands gestes.
— Mais qu'est-ce qui s'est passé ? s'exclame-t-elle en s'avançant vers moi, tandis que Scott, les yeux au ciel, laisse échapper un soupir.
— Mon dieu, sauvez-moi ! me lance-t-il, ce qui me fait sourire malgré la situation.
— Où est Aaron ? demande Candy, se retournant sur elle-même comme si cela allait l'aider à le repérer.
— Dans son bureau, répondis-je en vérifiant l'alignement des verres.
Elle se dirige alors vers le couloir menant au bureau d'Aaron.
— Je suis désolé pour ce qui s'est passé au centre commercial, me confie Scott avec un regard désolé.
— Ce n’est pas ta faute, tu n’as pas à t’excuser pour lui, lui dis-je.
— Je ne comprends pas ce qui lui a pris...
— Ah ça, je le sais, il est complètement fou, ton pote ! Il a tabassé Harry juste parce qu'il m'a enlacée ! Hilarant, non ? Lui, il s'autorise à m'embrasser pour ensuite embrasser une autre au petit mat...
Putain… Il faut vraiment que j’apprenne à la fermer.
Je lève les yeux vers Scott, qui affiche un large sourire, révélant ses 32 dents blanches.
Si ce sourire continue, il ne lui en restera plus beaucoup, c’est sûr…
— VOUS vous êtes embrassés, et je n'étais même pas au courant ! s'exclame-t-il, feignant la surprise en plaçant sa main devant sa bouche.
Je ne peux m’empêcher de rougir, réalisant que ma bouche a encore une fois dépassé ma pensée.
Je m'apprêtais à répliquer à Scott lorsqu’il éclata de rire.
— Sérieux, je suis impressionné. Aaron qui t’embrasse... et toi qui lui rends la pareille... Et c'est moi qui rate tout le spectacle !
— C'était pas un spectacle, Scott ! C'était une situation compliquée, répondis-je, tentant de dissimuler mon embarras.
— D'accord, d'accord, je me tais, dit-il en levant les mains en signe de reddition, mais tu dois me raconter tous les détails un jour. Pas de secrets entre nous !
Je roulais des yeux, mais ne pus m'empêcher de sourire malgré la tension. Avant que l'un de nous puisse poursuivre la conversation, un bruit éclata derrière nous.
— DÉGAGE !
La voix rugit depuis le couloir, perçant l'atmosphère déjà tendue du bar. Candy surgit de la direction du bureau d'Aaron, courant à toute allure vers nous, les yeux écarquillés de peur. Elle ne s'arrêta même pas pour nous expliquer, elle traversa le bar à toute vitesse et s'enfuit par la porte, sans un regard en arrière. Scott et moi échangions un regard, complètement décontenancés par la scène.
— Wow... marmonna Scott en fixant la porte encore oscillante.
— C'est quoi encore ce bordel ? soufflai-je, plus pour moi-même que pour lui.
— LEXIE ! Viens ici tout de suite ! Hurla Aaron depuis son bureau.
Son ton résonna dans le bar, me faisant sursauter. Je tourne la tête vers Scott, cherchant du soutien, et lui lance un regard désespéré.
— Je ne veux pas y aller seule.
Il secoue la tête avec force, un air horrifié sur le visage.
— Non, je ne veux pas mourir !
— Je te déteste… Écris au moins sur ma tombe que je suis morte jeune, dis-je.
— Ah, si ce n'est que ça, je n'y manquerai pas, t'inquiète ! répondit Scott avec un sourire malicieux.
Je soupire en roulant des yeux, puis me dirige à contrecœur vers le bureau d'Aaron. En arrivant devant la porte, je prends une profonde inspiration et toque doucement.
— Entre, dit-il, sa voix beaucoup plus calme que lorsqu’il a crié mon prénom.
J'ouvre la porte et découvre Aaron installé derrière son bureau, les coudes appuyés sur la surface et les mains jointes devant son visage. Son regard est intense, fixé sur moi.
— Assieds-toi, murmure-t-il, sans bouger mais en me scrutant droit dans les yeux.
Je m'installe sur le fauteuil en cuir noir. Sans quitter son regard, il se lève et vient s’asseoir en face de moi, ses yeux toujours rivés aux miens.
— Pourquoi tu m'as appelée ? demandai-je enfin, brisant le silence.
— Je l’ai renvoyée chez elle, dit-il, un léger sourire en coin.
— Quoi ? dis-je, le sourcil relevé, sans comprendre.
— Candy, reprit-il, c’est fini. Je l’ai renvoyée chez elle, c’est terminé.
Je le fixe, essayant de comprendre où il veut en venir.
— Et alors ? Qu’est-ce que tu attends de moi ? Après tout… C’est toi qui m’a fait sortir de ta chambre comme si j’avais la peste.
Aaron répète, le ton plus insistant cette fois :
— Je t’ai dit que c’est fini avec Candy, pour de bon. Alors, tu devrais faire pareil avec Harry. Ne lui parle plus, plus jamais.
Je le fixe, incrédule.
— Attends... Quoi ? Tu veux que je coupe les ponts avec Harry ? Parce que je l’ai juste salué et chanté avec lui ? Comparé à toi, Aaron, je ne l’ai pas embrassé.
À ces mots, je vois sa mâchoire se contracter, les muscles de son visage se tendent, signe évident qu’il imagine la scène. Ses poings se serrent, et son regard devient plus sombre, presque menaçant. Une colère silencieuse bouillonne sous la surface.
Il s’avance légèrement vers moi, ses yeux bleus étincelant de frustration contenue.
Je profite de son silence pour appuyer encore plus sur l’image qu’il s’est créée dans sa tête.
— Et si je l’avais invité chez moi, comme tu l’as fait avec Candy ? Si je m’étais assise sur ses genoux, que je l’avais embrassé tout en te fixant droit dans les yeux, comme vous ce matin ? Tu aurais réagi comment, Aaron ?
Son visage se ferme d’un coup, et il sort brusquement son arme de sa ceinture, la posant violemment sur la table devant moi.
— Tu n’aurais même pas eu le temps de cligner des yeux qu’il serait déjà mort. Et Scott serait en train de l’enterrer dans les bois, dit-il avec une froideur terrifiante.
Mon cœur se serre, et je déglutis difficilement, alors qu’il s’avance lentement jusqu’à moi, ses pas lourds résonnant dans le silence oppressant. Il s’accroupit, son visage à quelques centimètres du mien.
— Donc, j’aurais dû tuer ta Candy, alors ? dis-je avec une ironie glaciale.
Son regard devient encore plus dur, ses yeux brillants de colère contenue.
— Arrête ça, dit-il d’un ton tranchant.
— Arrêter quoi ?
— De l’appeler ma Candy, parce qu’elle ne l’est pas.
Je souris légèrement.
— Ah bon ? Pourtant, Harry pourrait devenir mon Harry, répliquai-je avec défi.
D’un geste brutal, il m’attrape la mâchoire, forçant mon regard à croiser le sien, son souffle chaud et menaçant près de mon visage.
— Elle n’est pas ma Candy, et il ne sera jamais ton Harry, murmure-t-il en me fixant droit dans les yeux. Fous-toi bien ça dans le crâne, princesse.