Le drap souillé de rouge l'empêcha de provoquer tout mouvement pouvant le faire du mal. Le tenir ressemblait à un supplice, revoir ces rideaux brillants de toute leur splendeur au-dessus de ce cadavre lui donnaient envie de se morfondre sur le sol propre de l'appartement.

Il avait en tête l'idée de le poser et de regarder la télévision...

Or, son esprit lui avait conseillé de rester planté à cet endroit comme un arbre et d'attendre son nouvel colocataire.

Son téléphone à terre n'arrêtait pas d'émettre des sons de vibration. Si vifs, qu'ils étaient capables de faire bouger la veste les accueillant en son sein. Si précis, qu'une mélodie rythmée s'était délicatement dessinée dans son cœur.

Quelle façon de pénétrer pour la première fois chez quelqu'un... Mal à l'aise, la boule de poil s'avança lentement vers la porte d'entrée.

Cependant, plus ses pas se furent ensevelis par le silence pesant de la pièce, plus la porte se mouvait d'elle-même.

Alors qu'il s'apprêtait à avoir les yeux écarquillés...

Il découvrit un sac de courses d'une marque de supermarché bien connue prendre de la place sur le carrelage.

– Enfin chez soi... j'en pouvais plus de rester dans ce supermarché bondé...

Voyant que le rosé eut plusieurs sacs de courses à sa charge, le plus jeune se décolla du sol et alla porter secours à son Hyung.

– Bonsoir Hyung !

– Oh, Jimin, L'appela-t-il un peu surpris. Je ne m'attendais pas à te voir ici.

– Bah, bredouilla le grisé, tu as laissé la porte ouverte et...

– Ooh, je vois, c'était pour Namjoon ! Informa le plus vieux. Parce que soit, il oublie les clés, soit, il oublie le code... Je laisse souvent la porte ouverte lorsque je sais qu'il viendra ici.

Le plus petit se contenta de faire un signe de tête et aida son aîné à aller ranger les sacs de courses. La bonne humeur du rosé le confortait dans le choix d'oublier rapidement ce linge curieux. Il devait dès à présent se mettre dans la tête qu'il n'était plus chez lui. Avoir un nouveau toit où dormir pourrait être la meilleure solution pour lui de passer outre à cette scène digne d'un roman policier.

Même si ce rouge prenait de plus en plus de place dans sa mémoire perdue...

Non, être avec Seokjin lui fera beaucoup de bien. En plus, il daignait vraiment connaitre ce Hyung qui, depuis un bon moment maintenant, arrangeait pour lors les courses tout en faisant l'idiot.

Ah oui ! Les courses ! C'est vrai que j'ai faim en plus...

Il piocha au hasard dans l'un des sacs et en sortit une boite avec une multitude d'assortiments d'épices à l'intérieur. Voyant l'objet entre les mains de son cadet, le rosé lui quémanda de l'arranger dans le placard à côté de la gazinière.

– Enfin, tu poses ça dans le placard en bas à droite et ça en haut dans la salle de bain... 1ʳᵉ porte à gauche.

Après une bonne trentaine de minutes, il conduisit ses jambes vers la salle d'eau en tenant un savon quelconque dans sa main. Cela faisait longtemps que le gris n'avait pas aidé quelqu'un à réaliser ce type de tâche. En compagnie de ses parents, puisque ceux-ci estimaient que c'était à lui de les arranger, ils ne prenaient même pas la peine de lui demander s'il voulait de l'aide. Bien que cette action était un acte normal lorsqu'il s'agissait de se nourrir, avoir donné un coup de main au plus vieux ne l'avait pas fait enlever ce sourire apaisant sur son visage.

Il tomba sur les escaliers de l'appartement. Ils étaient de couleur neutre, les murs peints en couleur bleu pétrole et le couloir du haut avaient des tons marron pâle, de quoi proposer une atmosphère plutôt sympathique. Il ouvrit la porte de la salle de bain et posa la savonnette sur le coin du lavabo et descendit les marches une par une des escaliers. En observant que le plus vieux avait fini de ranger les produits, l'étudiant prit les sacs et les plia les uns après les autres et les déposa dans un placard situé au-dessus de sa tête.

– Merci beaucoup de m'avoir aidé ! Ah tiens ! Tu veux manger une chose en particulier ?

Le gargouillis provenant du ventre de Jimin fit au rire de l'ainé s'échapper de sa protection. Amusé, il toisa du regard son cadet qui, à cause des bruits, semblait fixer un autre point. Il tapa sur son ventre comme un acharné. Quémandant d'une voix douce s'il était décidé, le gris repris tout à coup ses esprits.

– Hmm, non, fais comme tu veux Hyung.

Le décoloré acquiesça et se leva de son fauteuil, sortit de quoi préparer le dîner, remonta les manches de son habit et commença à siffloter un air de musique.

– Ah, mets-toi à l'aise, ta chambre est la seconde porte à ta droite, un peu en face de la salle de bain.

Tout en n'oubliant pas de remercier son Hyung, Jimin se saisit de sa valise et de son sac et monta pour la deuxième fois en cinq minutes pour trouver sa future pièce intime. Il ne disposa pas de difficulté à monter sa valise malgré l'étroitesse des escaliers. Pourtant, il ne put pas s'empêcher de stimuler un soupir avant de pousser la porte grise de sa chambre.

La chambre avait des tons de blanc cassé, qui rentrait en contraste avec le blanc crème des meubles. Un bureau situé à côté du lit en bois de cerisier fit sourire le gris, s'imaginant en train d'effectuer comme un acharné les devoirs de son professeur. Une grande armoire était placée vers la porte de la chambre, fabriquée en bois de noyer. Sa couleur marron ne laissait personne indifférente, car elle était aussi agrémentée d'un miroir...

Se voir avec une sale tête dès le matin n'était pas dans ses habitudes.

Des petits poufs ici et là remplissaient l'espace de la pièce à coucher, leurs couleurs argile ressemblaient un peu au gris de l'étudiant, qui d'ailleurs s'était assis pour reposer un peu ses muscles des jambes.

Sa conscience à peine reposée le força à repenser à son altercation avec le nouveau.

– Chim, tu peux venir s'il te plaît ?

La voix soudainement sérieuse de son ami le fit tressaillir. Sous le rythme de son cœur se faisant de plus en plus vite, le drap souillé de rouge refit une splendide apparition dans son esprit. Peut-être que l'attitude enfantine du rosé n'était qu'un leurre pour mieux le manipuler davantage. Avoir une boule au ventre se plaçant graduellement en son sein permit à ses sourcils de se froncer. Il n'était pas correct de penser ainsi.

Ne voulant pas entendre son Hyung l'appeler de nouveau, il mit ses chaussons puis descendit les escaliers. La bonne odeur de nourriture caressant ses narines ne l'aida pas à se détendre. Une place vide occupant la table se fit occuper par ses pieds quémandant à son propriétaire de retrouver le lit moelleux de la chambre.

Évidemment, le cuisinier remarqua tout de suite le comportement étrange de son cadet.

– J'avais juste besoin de savoir si tu étais allergique à quelque chose concernant la nourriture...

Ah bah oui, c'est vrai qu'il ne connait pas ce que je mange au quotidien... Franchement.

Le tissu s'envolant cette fois-ci pour de bon hors de sa mémoire, un sourire traduisant du regret s'installa sur sa face. Il se plaça à côté de lui puis inspira un bon coup la soupe bouillant frénétiquement dans la casserole. Remarquant cela, le rosé tapota doucement l'épaule de son colocataire.

– Tout me va, tu peux mettre ce que tu veux, je mangerai.

– Je prends note. Oh, tu peux aller chercher le courrier s'il te plaît ?

Les clés se trouvant dans sa poche, il les donna à la boule de poil qui partit remettre ses chaussures. Il ne prit pas la peine d'enfiler un manteau puisqu'il savait que ceci n'était l'affaire de quelques secondes. L'appartement était à peine chauffé, assez pour ne pas ressentir la brise du froid caresser l'épiderme. Seokjin dit à Jimin où se situaient les boites aux lettres. Les magazines et les prospectus pour se faire livrer n'étaient pas destinés à se faire jeter. Tout en acquiesçant, le plus jeune claqua la porte derrière lui et se mit à marcher.

Le froid l'environnant lui ordonna de se dépêcher afin qu'il rentre pour se réchauffer. L'ascenseur lui ouvrit de bon cœur ses lourdes portes métalliques. Une vieille dame lui sourit en sortant de l'appareil. Se mettant à l'intérieur de celui-ci, les gargouillis présents dans son estomac le firent rougir de peu. Ne pas avoir mangé depuis la sortie des cours le fatigua. Il avait prévu de s'avancer sur ses devoirs juste après le repas alors, penser à ceux-ci même s'il n'avait pas rempli sa panse pourrait le fausser dans ses réflexions.

Quelle sortie de classe...

Le casier de la boite aux lettres fit apparaitre dans son champ de vision une personne de son entourage. Une mirette enjouée apparut sous le carreau sale de l'immeuble.

– Nam, je suis là ! Fit le plus jeune avant que son ami ait atteint l'ascenseur

Le vert se retourna et vit qu'effectivement, son ami était bien présent. Il lui demanda ce qu'il faisait là, celui-ci lui rapporta simplement qu'il voulait seulement commencer à cohabiter avec son amant le plus tôt que possible avant que lui-même ait oublié que le rosé lui eut proposé cela. D'un air las, composé d'une petite moquerie et d'un sentiment d'abandon, le plus vieux des deux tapa légèrement sur le dos du gris et accédèrent dans l'appartement du décoloré, non sans voir sa porte entrouverte donnant la capacité de sentir la nourriture en train de cuire.

Les deux enlevèrent leurs chaussures et partirent vers la cuisine, le gris déposa sur la table le courrier et posa son fessier sur l'une des chaises de la table. Il sortit son portable de sa poche et se contenta juste de regarder l'heure avant de le poser sur la structure en verre.

– Ça y est Chim, tu es... Ooh, coucou toi !

En découvrant son amant dans la cuisine, Seokjin déposa un léger baiser sur la bouche de son cadet et partit ouvrir les nombreuses enveloppes blanches qui furent sur sa table, un peu fatigué. Il y trouva une facture d'eau à payer, une contenant une facture de gaz, puis une contenant une brochure pour un futur magasin de vêtements. Il déroba deux aimants de l'un des placards de la cuisine et accrocha les factures sur le frigo, de peur qu'il les oublie au fil du temps.

Quelques minutes plus tard, après que le repas fut déposé sur la table, les trois jeunes hommes s'installèrent et prirent leurs baguettes en main, non sans appétit.

– Alors, Nam, commença le rosé, tu peux m'expliquer comment vous vous êtes rencontrés toi et Jimin ?

– Hum... on s'est rencontrés non-loin de Busan, dans une école primaire... je me suis vite pris d'affections pour lui, tellement adorable. Ensuite, à cause de la situation financière de mes parents, on a dû déménager à Seoul et on s'est revus là-bas, mais on ne fréquentait plus les mêmes établissements... jusqu'aujourd'hui.

Ladite « situation financière » émise par ses lèvres obligèrent ses sourcils à se froncer. Si sa famille avait les moyens de déménager à Seoul, l'une des villes les plus chères du pays, pourquoi ne pas avoir emménagé dans une villa à Busan ou même, changer de cap pour permettre à son enfant de s'épanouir davantage ? Une autre raison voulait se faire entendre au sein de l'appartement, mais la dire maintenant pourrait bien faire provoquer les rires de ses occupants.

Un premier mensonge et une première fausse attitude s'ajoutèrent au carnet de fausse route de Namjoon.

Un air las s'implanta sur son visage, remarquant cela, le rosé prit la parole pour continuer la conversation.

– Ooh, je vois. Donc, ça fait longtemps que vous vous connaissez du coup.

– Oui, lui répondit Jimin, voire très longtemps. Et vous deux ?

L'interrogation de Jimin permit au vert de revenir sur Terre. Il regarda les deux compères se regardant joyeusement et oublia de peu le petit monologue qu'il avait sorti sur sa rencontre avec le gris. Bien que ceci pressentait une part de vrai, il ne put néanmoins s'empêcher de penser aux véritables raisons de ce déménagement...

Une raison aussi sordide qu'insensée.

– Je peux lui dire si tu veux...

– Non, je vais le faire. Alors, on s'est aperçus de vus lors d'une fête entre étudiants lorsque Seokjin était en dernière année de lycée... pour tout te dire, je ne le sentais pas, il était... Bizarre pour moi.

Le mot « bizarre » était très mal choisi, en quoi était-ce bizarre de vouloir faire plus ample connaissance avec un camarade de promo ?

– Mais, reprit Namjoon, plus les heures avançaient, plus je m'étais dit que j'avais fait mon constat trop vite et de manière irréfléchie... donc, j'ai demandé à l'un de ses potes de me filer son portable et depuis, tout se passe pour le mieux.

– Vous vous êtes avoué vos sentiments quand ?

– Après ma remise de diplôme... très émouvante. Continua le rosé. Je me souviens d'avoir pleuré quelques secondes après son «je t'aime»... c'était triste. Il imita un signe de tristesse avec ses mains.

– Oh... J'aimerais aussi trouver l'amour... Sortit le grisé 'une manière nonchalante. Tu peux me passer l'assiette de carottes s'il te plaît ?

– Il faudrait que tu grandisses un tout petit peu Chim niveau mentalité...

– Grrr...

Et lui donc.

L'étudiant en dernière année de LEA effectua la requête du plus jeune et mangea la dernière part de viande de son assiette avant de se lever et de mettre son plat dans un lave-vaisselle.

Quelques heures plus tard, une fois que le trio eut joué à se chamailler et à commenter des émissions qu'ils regardaient à la télé, les deux colocataires montèrent se coucher. La journée qui allait suivre était aussi une journée de travail. Avant que celle-ci ne vienne, la boule de poil prit de son sac ses affaires pour pouvoir procéder à la réalisation de ses devoirs.

Le sommeil venant progressivement à lui, le dernier mot noté sur son cahier l'autorisa à aller se coucher.

Après une bonne nuit à regarder sans discontinuer les étoiles désirant briller de mille feux, le soleil se décida à se lever. Les premières voitures se dirigeant vers leur lieu de travail ainsi que les premiers habitants le faisant à pied survinrent sur les fenêtres des appartements de la capitale. L'air légèrement endormi, la boule de poil se leva péniblement de son lit. L'habitude d'avoir une source de lumière caressant son visage ne semblait pas vouloir disparaitre aussi rapidement que prévu. Agar, il vint s'appuyer contre le dossier de son meuble. Son visage accompagné de ses cheveux sens dessus dessous le salua amusé. Il se fusilla du regard et frotta la tête. Quelques pensées indiscrètes s'étaient logées dans ses rêves pendant cette longue nuit.

D'abord s'ajoutant le fait de dormir autre part que chez soi ne l'avait pas donné trop de problèmes à s'assouplir, le stylo bleu de son voisin de table caressant le bout de ses lèvres l'avait tout simplement empêché de réussir ses huit heures et demie de sommeil.

L'heure tournant dans l'horloge le pressa d'aller se préparer pour la journée. Il vit la porte de la chambre de son colocataire ouverte.

Son lit parfaitement fait et ses volets montés lui donnèrent l'information qu'il était déjà parti au travail. Il ferma la porte puis partit prendre son petit-déjeuner.

Le pain de mie ainsi que le jus d'orange présents sur la table ne laissa pas de place à l'élaboration d'un casse-croûte pour décoller d'ici. Il s'assit, ouvrit le sachet et en prit deux. L'odeur du pain fraichement acheté la veille permit à son estomac de se remplir. Or, une mauvaise habitude n'en chasse pas une autre, les nombres affichés sur son téléphone le firent boire en vitesse sa boisson et filer à toute allure vers son bus.

Son manteau rapidement mis et son sac correctement placé sur ses épaules l'autorisa à partir de son nouveau lieu d'habitation. Un message remontant sur son portable le permit de mémoriser le code de l'appartement. Même si le vert le lui avait déjà donné, il serait bon de l'avoir en plusieurs fois enregistré sur l'appareil.

Voyant le bus sur son trottoir approcher, il déduit que le sien allait arriver dans quelques instants. Il se dépêcha de traverser le trottoir puis attendit le car.

Les nuages semblaient être gorgés d'eau pouvant tomber d'une minute à l'autre. Le ciel, aussi bleu fut-il, paraissait avoir envie de se noircir. Une noirceur qui désirait se loger dans l'esprit de la boule de poil faisant signe à la conductrice de s'arrêter. La musique réconfortante se baladant dans ses oreilles l'empêcha d'en faire ainsi.

Enfin, elle aura d'autres occasions de réaliser le fruit de sa convoitise.

L'arrivée imminente à l'université Han l'obligea à commencer à se concentrer pour la journée. Descendant de l'autocar, il remit en place son vêtement le détournant d'avoir froid et mit le cap vers le hall principal.

Un hall qui fit sortir un châtain courant à toute allure vers Yoongi, remettant son téléphone dans sa poche. Un sourire fallacieux s'était incrusté sur son visage innocent. Sourire qui s'évanouit lorsque sa lucarne rencontra celle de Jimin saluant le noireau.

– Eh, je peux savoir ce que tu fais là ?

– Il me salue juste Jungkook, dédramatise un peu.

– Non, tu ne m'as pas salué moi. Pourquoi dédramatiser alors que je t'ai demandé de me dire bonjour tous les jours avant n'importe qui ?!

– T'abuses... Bon, bonjour mon cher Kook, comment ça va ?

Tout à coup, un bisou volé se logea sur la joue du noir du jais. Abasourdies, les rougeurs qui arrivèrent sur son visage essayèrent néanmoins de canaliser la colère qui montait en lui. Ce n'était pas de la colère à proprement parler, mais plutôt une façon comme une autre d'exprimer sa gêne envers cet acte.

Un acte semblant se tordre d'excitation, le brun se frottant à lui.

– Mon Yoon, je vais super bien ! Surtout après avoir vu cette expression sur ton visage ! Dis, tu pourrais la refaire ??

– Allons à l'intérieur.

Forçant Jungkook à avancer devant lui, il fit un geste de la main à la boule de poil qui paraissait complètement être ailleurs après avoir vu, du coin de la lucarne, le blond se dirigeant vers les escaliers.

Il se dépêcha de le rejoindre sans pour autant lui parler. La scène des toilettes paraissait refaire surface, lui dire « bonjour » pourrait la déclencher sans qu'il ne le souhaite. Se pressant pour le doubler tout en feignant de ne pas l'avoir vu, il manqua de peu de tomber à cause d'un de ses lacets mal fait. La gêne ne manquant pas, elle, de se montrer, il s'assit sur sa chaise et sortit ses affaires.

~

– Salut Park, ça va ?

C'était ce que le cendré répétait à son camarade depuis maintenant dix bonnes minutes afin de le remettre sur Terre. Comme s'il était déconnecté, le gris avait les yeux rivés sur sa fenêtre. La mine sombre, le crayon s'amusant avec ses doigts, il n'avait pas remarqué que les affaires de son voisin étaient sorties et qu'un son avait traversé la barrière de ses lèvres.

Soupirant un bon coup, Taehyung fit tourner d'un geste habile la tête de Jimin et le força à plonger son regard dans le sien. Une drôle d'atmosphère s'installa sur les deux jeunes hommes. La mirette légèrement plissée de la boule de poil semblait traduire que quelque chose de cupide était en train de se produire dans son esprit. Comme si un ange s'était positionné au-dessus de sa tête, il toucha de peu les cheveux de son partenaire de table.

Un toucher qui le fit revenir à lui, écarquillant en grand ses yeux dont la cupidité s'était implantée.

– Enfin, tu es revenu à toi.

– Aaah mais... Pour ça... Excuse-moi... J-

– Ça ne m'a pas déplu.

Un hochement de tête étrange permit aux deux étudiants de se focaliser sur l'entrée de leur professeur, tenant son ordinateur à la main. Il ordonna d'une voix ferme à ses élèves de sortir le devoir qui était à faire pour aujourd'hui.

Cependant, observant la majorité des tables vides de l'exercice fit aux sourcils de l'enseignant. Il s'empressa de leur faire la morale sur ce geste intolérable de leur part, rappelant que lui avaient déjà ses diplômes lui permettant de vivre convenablement. Tout en allumant le vidéoprojecteur, il prévint qu'au prochain devoir non fait, toute la classe serait contrainte de rester une heure en plus dans le bâtiment pour travailler davantage.

Et cette matinée n'était pas près d'oublier son incroyable envie d'aller embêter le professeur Kwon.

Celui-ci avait littéralement renversé du thé sur son ordinateur, une montagne de filles lui avait demandé s'il sortait avec quelqu'un à cause de son énième trace de rouges à lèvres sur ses vêtements.

La seule solution pour espérer repartir sur de bonnes bases était de libérer ses étudiants une heure plus tôt.

L'argenté fut maintenant en compagnie du noiraud. Il racontait sa dernière dispute avec son père, qui faisait l'objet d'un prétendu manque de respect envers son paternel à cause d'un simple «la ferme».

Le duo Min était en perpétuel conflit depuis que la mère avait cessé de donner de l'attention à son mari. Tout en faisant les comptes pour payer son loyer, le fils avait ordonné au père de faire des efforts afin que sa femme n'aille pas voir ailleurs. Tout en lui quémandant de changer de comportement, le père avait décidé de hurler à tout bout de champ sur son fils. C'était à ce moment-là que cette expression était sortie.

Le gris écouta attentivement ses phrases jusqu'à voir une allure apparaitre dans son champ de vision. Son attention se reporta désormais sur la silhouette qui fut de plus en plus claire.

L'action que son ami avait subie avant d'aller en cours le fit rougir de peu.

– Regarde Yoon, il y a Jungkook qui arrive...

– Ah.

Le châtain sauta dans les bras de son ami en ignorant complètement le gris, il lui fit des petits bisous un peu partout sur son visage avant d'être repoussé par Yoongi, légèrement agacé.

Un agacement vite partagé lorsqu'un blond subvint dans le champ de vision du décoloré.

– On peut savoir ce que tu fais ici ? L'action de ce matin ne t'a pas suffi ? Demanda Jimin

– Oooh, je vois que l'on est jaloux... Mais, ça te regarde ? Répliqua le brun. Il est venu pour moi, je lui ai demandé de venir.

– Ah bon, vous vous connaissez ? Depuis quand ?

– Ça t'intéresse autant ? Tu veux me le prendre ? Je ne te le permettrai pas !

– Ce n'est pas un objet Kook...

– Ah oui ? Pourtant, vous irez très bien dans ma collection tous les deux. Vous êtes si beau...

– Je répète ! Sortit Jimin irrité. Depuis quand vous vous connaissez ?

– Ne rentre pas dans son jeu. Je crois que c'est depuis hier Chim. Exposa le noiraud d'une voix calme, mais un peu agacée. Allez, on s'en va.

Les deux meilleurs amis disparurent de là où ils étaient pour finalement partir devant la salle de classe du plus vieux. Soudain, le noireau fut pris d'un mal de tête, il fit part à son ami qu'il devait aller aux toilettes pour ne boire qu'un peu d'eau avant de reprendre les cours. Un peu inquiet, l'argenté mima un signe de tête et s'assit près de la salle de classe de son ami.

Il s'interrogea sur le lien qui y avait entre l'insupportable Jungkook et l'indifférent Taehyung...

Remonter dans le temps était nécessaire. Après la discussion entre Yoongi et Jungkook, le brun avait déjà trouvé le blond sans demander à une âme innocente. Sa sociabilité quelque peu dérangeante l'avait permis de se diriger dans l'enceinte de son bâtiment où tous se ressemblaient. Il eut tapoté l'épaule du nouvel arrivant en espérant faire plus ample connaissance.

Pour mieux l'affectionner comme un trésor des plus rare à obtenir.

– Salut toi. Commença le plus jeune.

La seconde suivante eût tout à coup du mal à suivre la cadence de l'écoulement du temps.

– Tu veux quelque chose ? Le jaune reporta son attention sur son écran.

– Hey, je n'ai pas fini ! Tu as eu des soucis avec le petit ?

– En quoi ça te concerne ?

– Eh bien, je dois avouer que moi aussi, il m'énerve... même si ça ne fait vraiment pas longtemps que je le connais...

– C'est censé m'émouvoir ?

– Un peu de larmes pour me nettoyer le visage ne me ferait pas de mal. Bref, tu es libre ce soir ?

– Pourquoi je sortirai avec toi d'abord ? T'es bizarre.

– Ok, marché conclu, ce soir à 19 heures devant l'université, et tu n'as pas intérêt à me poser un lapin !

Après cette conversation frivole entre les deux, un échange de numéro de téléphone s'était imposé sous les yeux de quelques passants.

Tandis que les nuages défilèrent dans le ciel, le grisé ne vit pas son aîné aux cheveux noirs revenir. Pensant à un problème de santé, il se dirigea à petites foulées vers les sanitaires. Le souvenir d'un épisode migraineux de Yoongi au temps d'une promenade affluait ses sens. Les quelques perles de transpirations roulèrent sur ses tempes à mesure qu'il se rapprocha de sa destination.

Le temps semblait volontairement avoir suspendu son cours. Une angoisse peu commune était progressivement en train de se loger dans sa gorge. Plus il avançait, plus une couleur familière s'aventura à se meubler dans son regard. Des pas furtifs et des éclaircissements de voix se firent entendre tout autour de lui. Une envie de faire demi-tour le paralysa brusquement.

Le gris ne comprenant pas pourquoi celle-ci le forçait à penser ainsi, il se mit en tête qu'il allait juste aider le noireau pour se sentir mieux.

La peur de se confronter à un corps mort ou quoi devait immédiatement sortir de son esprit.

Or, les gouttes se faisant de plus en plus fraîches ne laissèrent pas de place, au doute grandissant dans son cœur.

Les murs sales de cette pièce intime, les éviers remplis de choses impurs...

Cette lucarne rouge vif désirant le dévorer réussit à lui faire arracher un hoquet de surprise.

Yoongi se trouvait en train de mordre Hoseok.

Un simple contact obligea Jimin à quitter les lieux, sous la lucarne contrariée du noir de jais, enfonçant davantage ses crocs.

La scène de la découverte ne pouvait pas être simplement effacée d'un simple coup de baguette magique. Le faire serait même inhumain. Le sang dansant dans la bouche de son ami lui rappela la danse des rideaux maculés de sa teinte flamboyante. Même s'il ne voulait pas y croire, ni même y penser, il spécula sur le fait que cela pourrait être des êtres de la nuit qui auraient dérobé la vie de son paternel.

Or, possédant des amis vampires qui ne lui ont jamais fait rien de mal, il préféra oublier cette hypothèse.

Cependant, celle-ci lui revenait à la tête lorsqu'il observait malgré lui des vampires qui prenaient plaisir à boire du sang.

Un peu épuisé par ce qu'il venait d'être témoin, il poussa la porte de sa salle non sans quelques regards négatifs de ses camarades de classe. Il se dirigea vers son rang où il y avait sa fenêtre préférée. Quelques secondes après son entrée dans la salle de classe, le nouvel étudiant arriva, un peu essoufflé croyant qu'il serait en retard, vers sa place indiquée.

Sans raison particulière, le gris aspirait à prendre sa revanche sur son altercation survenue avec le blond 24 heures auparavant.

Sans état d'âme, il le poussa en avant vers leur coin de table, qui procura à celui-ci un léger coup sur le ventre, étant donné que le coin de table s'était appuyé dessus.

En étant convaincu que son camarade de classe allait réagir face à son comportement plus qu'enfantin devant la salle de classe, l'argenté afficha un sourire de vainqueur... jusqu'à l'arrivée du professeur Kwon, encore un peu dépassé par les événements de ce matin.

– Bien, compréhension écrite, manuel page 20 et à rendre avant la fin des deux heures... en silence. Il s'assit lourdement sur sa chaise et alluma son ordinateur.

Les élèves poussèrent des soupirs et prirent une copie double de leurs sacs. En ayant entendu que le prof n'avait pas émis les groupes de mots 'travail à deux', les étudiants oublièrent rapidement de déranger leurs voisins pour effectuer ce travail... bien que cette situation était plutôt favorable pour certains d'entre eux.

Deux heures plus tard, la vieille cloche retentit pour la dernière fois de la journée. Les étudiants déposèrent un par un leurs devoirs sur la table de l'enseignant et chacun d'entre eux dit au revoir à celui-ci avant de franchir la frontière entre leur salle de classe et le couloir. Beaucoup d'entre eux désiraient de retrouver leurs chambres afin de se réchauffer un peu. Le froid automnal n'était pas apprécié chez les étudiants de LEA, certains désiraient juste poser leurs affaires et de sortir un peu, car le week-end débutait le jour suivant.

Hormis la brise caressant leur visage, deux élèves semblaient retarder le passage maison pour encore avoir des comptes à rendre.

Sauf que c'était le blond qui plaquait le gris contre un mur, l'air irrité par la récente expérience qu'il venait de vivre.

– Apparemment, tu n'as pas compris mon message de la dernière fois gamin.

– Pardon ? «Gamin» ? T'es qui en fait pour dire que je suis un «Gamin» ?

– Et tu crois que me pousser fait de toi un adulte ? C'est bon, t'es pas obligé de m'aimer, mais pousser les gens, ça date du siècle dernier.

– Moi ? T'aimer ? Même pas en rêve Kim.

Ce dernier resserra sa prise sur le décoloré, exaspéré par l'attitude de son camarade de classe.

– Ton attitude de ce matin parait me prouver le contraire, mais bref, n'essaie pas de me mettre hors de moi, compris ? Le blond lâcha rapidement son emprise sur le col de Jimin.

Tout en poussant un soupir, Taehyung ramassa son sac et se dirigea vers le hall de l'université, il passa de manière rapide une main dans ses cheveux et commença à marcher, lorsque quelqu'un lui fit une violente accolade au dos.

– C'est moi Hyung ! Fit le brun d'une voix grave.

– Tu veux quoi ?

– On sort ce soir ?

Une réponse négative accompagna le jeune à accaparer le bras du cendré, l'esprit encore dans sa récente conversation.

Alors qu'il se débarrassa de la moindre trace du doré sur ses vêtements, un objet métallique était à terre en train de contempler le plafond. Comme s'il savait que l'objet appartenait à Taehyung, il saisit de l'objet fin et le mit dans sa poche, un sourire débile apparut sur son visage.

~La saisie de cet objet froid déclencha, non loin de là, un désir bestial semblant vouloir le manger tout entier.~