Une foule. Compacte, mouvante. Des dizaines, des centaines, des milliers. Ils sont partout. Ils piaillent, ils crient, ils jacassent.

Taisez-vous !

Je veux être seule, loin de ce brouhaha étouffant, loin de cette masse grouillante et hurlante. Ils poussent, me pressent contre ceux qui me précèdent grâce à la masse de ceux qui me succèdent.

Lâchez-moi ! Poussez-vous !

Un coude qui me rentre dans les côtes, un sac qui me tord le dos. Et une voix proche, si proche, presque dans mon oreille. Une voix qui hurle. Une autre qui lui répond semblablement. Une chaussure qui écrase mon pied, des cheveux qui me giflent. Ils sont partout autour de moi. Ils sont devant et derrière, à gauche et à droite. S'il le pouvaient, ils seraient sur moi, en train de me piétiner.

Reculez ! De l'air ! Je veux de l'air !

Une chaleur étouffante. Je transpire, j'ai des sueurs froides. Je frémis à chaque contact que j'espère être le dernier. Mais non. Ils me touchent et me broient dans leur étau.

Un pas en avant. La foule qui rugit. La pression qui se fait plus forte et, enfin, la porte. Jaillissement. J'échappe brutalement à la masse. Soupir de soulagement. Je m'étire joyeusement, défaisant les noeuds de mon cou et de ma nuque.

Le bruit s'atténue. L'espace se libère. Je peux de nouveau respirer. Inspiration. Expiration. Une. Deux. Une. Deux.

Calme.

Mais ça ne dure pas. Un instant plus tard, ils sont de nouveau là. Effroi. Sensation d'étouffement. Un coude au creux du dos. Un bras qui appuie sur mon sac, me pliant en deux, la tête vers le plafond. Je me dégage. Regard outré.

Eh oui, j'existe.

J'ai trop chaud. Il y a trop de bruits, la migraine monte. Je ne m'entends même plus penser. De l'air. Il me faut de l'air. Et de la place.

Laissez-moi de la place ! Je veux respirer !

Bousculade. Cris. Elle le griffe, il la gifle. Ils hurlent. Silence. Enfin. Ils sont tous concentrés sur le combat qui se déroule non loin. Il n'aurait pas dû la doubler. Espace. Je me faufile. Plus qu'un mètre. Un dernier pas et bip. Je suis libre. Je récupère mon dû et file.

Adieu foule hurlante et grouillante. Adieu cris et coups. Adieu piétinements. Adieu, animaux affamés. Adieu et à demain.