–– Ashton ––
Il y a de ça une semaine, lorsque je me suis levé et suis sorti pour partir au garage de mon oncle comme chaque matin, j'ai découvert ma caisse recouverte de farine. La rage est instinctivement montée en moi à la vue de cette scène. J'ai commencé par retirer une partie de la poudre blanche, mais il en restait tout de même sur le pare-brise.
Quand je suis monté dans ma voiture pour gicler un peu de produis à vitre pour retirer cette merde, et qu'il s'est avéré que ce n'était pas du lave vitre, mais de l'huile, j'ai dû me retenir d'hurler. Je suis sorti rageusement de ma voiture, en jetant un sombre regard en direction de la fenêtre de la démone qui me sert de voisine.
Bien sûr, elle était là pour observer le spectacle qui s'offrait à elle. Les yeux pétillants et un sourire machiavélique étirant ses lèvres. J'arrivais presque à m'imaginer le rire diabolique qui devait provenir de ses cordes vocales et s'évaporer d'entre ses lippes.
J'étais sûr qu'il n'y avait qu'elle pour me faire un coup pareil. Mais je ne pensais pas qu'elle aurait le culot de s'en prendre à ma voiture.
Enfin bref, je me retrouve sept jours plus tard et je n'ai toujours pas pris ma vengeance. Mais ceci était calculé. J'ai préféré ne pas passer à l'acte tout de suite, pour la laisser penser que je ne suis pas quelqu'un de rancunier. Pourtant, il m'est rare de patienter pour pouvoir prendre ma vengeance, mais cette fois-ci, j'ai préféré attendre le bon moment. Je suis moi-même étonné de ma capacité à prendre mon mal en patience.
Je sais que ça peut paraître infantile, mais je ne peux pas rester là à rien faire et encaisser les coups qu'elle me donne sans riposter.
Alors évidemment, j'ai prévu de lui rendre la monnaie de sa pièce dès cette nuit.
Elle a agi dans l'ombre sans que personne ne puisse la prendre en flagrant délit, alors je vais faire de même.
Certes il est peut-être ridicule que je m'abaisse à son niveau, mais au moins ainsi nous jouons d'égal à égal.
Hier, ma mère a gardé Maya, la petite soeur à la diablesse. Et j'ai entendu dire qu'elle commençait l'école demain matin et que ce sera sa chère "Jezzy" qui l'y emmènerai. Étant donné que nous sommes dimanche j'aurais donc toute la nuit pour faire ce que j'ai prévu.
Je suis conscient que la petite ne devrait pas subir les conséquences de la guerre qui s'est déclarée entre ma diablesse de voisine et moi, mais je refuse catégoriquement de me laisser abattre devant elle, alors qu'il en soit ainsi. La pitié n'est désormais plus de la partie.
La seule chose dont je vais maintenant avoir besoin, c'est d'une clef de croix. Elle a décidé de s'en prendre à ma voiture, alors je vais faire de même.
Comme ma caisse à le don de faire du bruit quand il ne le faut pas, je décide d'aller chercher mon outil qui se trouve dans le coffre de celle-ci. Pour que lorsque l'heure sera venue, je n'aurais plus qu'à sortir de chez moi, mon objet métallique à la main, et à me diriger vers sa voiture.
Je vous arrête tout de suite, je n'ai pas l'intention de lui cabosser sa caisse ou de lui péter des vitres. J'ai simplement prévu de lui dévisser les boulons de deux roues.
****
Le soir venu, lorsque les lampadaires du quartier se sont allumées et que toutes les lumières de la villa de ma démone de voisine sont éteintes, je m'éclipse de ma chambre. Je n'ai pas de quoi m'inquiéter du côté de ma mère, puisqu'elle est partie faire sa garde de nuit à l'hôpital de la ville.
J'enfile mes baskets et sors de ma maison, ma clef de croix à la main. Déterminé à me venger, je me dirige vers la caisse de la diablesse.
Arrivé à celle-ci, je m'accroupis face à la roue avant gauche de l'Audi A6 de mademoiselle et commence à en dévisser les boulons. Lorsqu'ils sont entièrement dévissés, je les replace délicatement de manière à ce qu'elle ne se doute de rien et je fais de même avec sa roue arrière droite.
Avant de me décider à rentrer chez moi, j'admire mon oeuvre et je vérifie que tout soit bien comment prévu.
Une fois que je considère ma mission comme étant réussie, je vérifie les alentours pour être sûr que personne ne m'a pris en flagrant délit et je regagne mon habitat pour prendre une douche avant de retourner me coucher.
–– Jezabel ––
Quand je me réveille le lendemain matin à sept heures, je file réveiller Maya avant d'aller me préparer pour l'emmener à son premier jour d'école.
Une fois que je suis fin prête, je descends lui préparer son petit déjeuner pendant qu'elle doit probablement être en train d'enfiler ses derniers vêtements.
Lorsque la demoiselle aux yeux bleus a enfin terminé son bol de céréales, on part enfiler nos vestes ainsi que nos chaussures avant d'enfin monter en voiture.
Quand nos ceintures sont enfin bouclées, je démarre, mais quand je fais marche arrière, c'est la catastrophe...
J'entends quelque chose tomber et une partie de l'arrière de la voiture bascule sur un côté, complètement paniquée, je hurle à Maya de sortir de la voiture et j'associe l'acte à la parole après avoir pris le temps de couper le moteur.
Une fois à l'extérieur et que je me suis assurée que ma benjamine va bien, je me dirige vers le cul de ma caisse et je remarque que ma roue est tombée et que les boulons trainent à côté de celle-ci.
-Putain de bordel de merde ! m'exclamé-je.
-Jezzy ! Les vilains mots ! Ça fera quinze dollars dans le pot à gros mots, me réprimande ma petite sœur.
Je pince mes lèvres et n'ajoute rien, un nouveau mot grossier me brûlant la langue car ça n'est certainement pas le moment de me reprendre sur mon langage lors d'une situation pareille.
Bon sang quelle idée j'ai eu d'instaurer ce fichu pot à gros mots.
Un soupir frustrer m'échappe avant que je me décide à appeler un taxi pour que je puisse déposer Cendrillon à sa nouvelle école.
En attendant le taxi, je regarde Maya courir après un papillon alors que je me perds dans mes pensées. J'essaie de trouver qui est le coupable de ce piètre coup. Les boulons de mes roues ne se sont pas dévissés tout seul, c'est impossible.
Je pourrais suspecter tout le voisinage, mais un seul reste dans mon viseur : Ashton. Et je suis persuadée que ça ne peut être que lui. Parce que certes il n'avait aucune preuve contre moi pour ce que j'ai fait à sa voiture par le passé, mais je pense que tout comme moi, il ne voit pas qui d'autre ça aurait pu être.
Donc il a décidé de prendre sa vengeance de cette manière : en dévissant mes roues. Les lèvres pincées, je réfléchis déjà à ma prochaine vengeance.
Vingt minutes plus tard, le taxi est là. On monte toutes les deux dans la bagnole et je donne le nom de l'école pour que le conducteur nous y conduise.
Sur la route, je téléphone au garagiste le plus proche que j'aie pu trouver sur internet pour qu'il vienne réparer ma voiture. Il m'annonce qu'un de ses gars va venir, et je raccroche puis me tourne vers Maya.
- Bon, qu'est-ce que tu fais si une fille te cherche des noises ? la questionné-je pour voir si elle a retenu ce que je lui ai dit la veille au soir.
- Je vais dire à la maitresse ? me demande-t-elle en étirant ses lèvres en un large sourire, fière de sa réponse.
Je secoue négativement la tête, en soupirant, dépitée.
- Tu la menace, et s'il le faut tu frappes, lui réponds-je en la regardant droit dans les yeux, tout en étant consciente qu'à ces mots, mon regard c'est assombri.
La simple idée de me dire qu'il est possible que des gamines puissent vouloir du mal à Maya simplement parce qu'elle est nouvelle -même si c'est le début d'une nouvelle année scolaire- me met déjà hors de moi.
- Mais j'ai pas de force et je sais pas taper Jezzy ! s'exclame-t-elle en affichant une petite mine boudeuse pour appuyer ses propos.
- Bien sûr que tu le sais !
- Peut-être que les filles seront gentilles, elle me regarde les yeux pétillants d'espoir et elle confirme ses paroles en m'adressant un magnifique sourire.
Je préfère me taire pour ne pas briser ses espoirs et j'essaie de me résonner en me disant qu'il y a peut-être des chances pour qu'elle ait juste. Après tout, il n'y a pas de raison pour que les élèves s'en prennent à elle.
Mais en même temps les gens n'aiment tellement pas les différences que j'ai peur qu'ils l'attaquent simplement parce qu'elle est elle-même.
Alors que mon cerveau commence à bouillir sous toutes mes réflexions, le chauffeur nous annonce que nous sommes arrivés à destination. Ce qui me fait sortir de mes songes.
Je demande au taximan de patienter quelques minutes avant de quitter l'habitacle avec la morveuse.
Je lui répète quinze fois de faire attention à elle, cinquante de ne pas être trop gentille, et cent qu'elle va tout défoncer et qu'elle est la meilleure de toute.
Quand la sonnerie retentit, je la serre une dernière fois dans mes bras -le cœur lourd de devoir la laisser ici- avant de la regarder s'éloigner de moi pour se diriger vers sa nouvelle maitresse qui emmène tous ses élèves dans l'établissement.
Lorsque je n'arrive plus à repérer Maya parmi tous ces enfants dans les couloirs, je me résonne à partir, c'est le moment, il faut aussi qu'elle apprenne un minimum à voler de ses propres ailes, et de toute manière, je reviens la chercher pour seize heures.
Ça n'est quand même pas si long que ça ?
Une fois à nouveau installée à l'arrière du taxi, je demande au conducteur de me reconduire chez moi. Au courant du trajet, je ne prête même pas attention au paysage qui m'entoure. Mes écouteurs vissés à mes oreilles, et ma musique battant son plein dans mes tympans.
Les yeux clos et tentant éperdument de ne pas céder à la panique à la simple pensée que j'aie pu laisser Maya se laisser volontairement glisser dans la gueule du loup.
Je ne vois pas le temps passé, si bien que vingt minutes plus tard, qui me semblent pourtant n'en être que cinq, la voiture s'arrête. Ce qui me fait sortir de mes songes et a pour effet de me faire soulever mes paupières. J'écarquille les yeux, et me rends compte que je suis déjà arrivée chez moi. Je retire l'un de mes écouteurs.
- Nous sommes arrivés à destination mademoiselle, m'annonce le chauffeur en me regardant dans le rétroviseur intérieur.
- J'avais remarqué, merci, lui réponds-je sur un ton un peu plus sec que ce que j'aurais voulu en réalité.
Il m'annonce le prix que je paye sans râler. J'ai hésité plusieurs secondes à lui laisser un pourboire, mais je me ravise et sors de l'habitacle en me questionnant intérieurement sur ce qui me prends de tout à coup de vouloir être si gentille avec les gens.
Quand je passe le portail de la nouvelle propriété familiale, je vois un homme à la tignasse rouge et à la peau bronzée accroupit à côté de ma voiture. Un crique maintient celle-ci légèrement au-dessus du sol. Une clef de croix à la main, je n'arrive pas à savoir s'il remet ou enlève les pneus de ma voiture.
Sa chemise à carreaux noirs et blancs, traine par terre malgré qu'elle soit nouée autour de son bassin et son torse doré luit sous les chauds rayons du soleil. L'ancre noir de ses tatouages apparaissent à la lumière et je me surprends à essayer de les détailler du regard.
Je me reprends rapidement et reporte mon attention sur autre chose.
Quand je vois la sueur qui recouvre son épiderme qui n'est pas camouflée par un vêtement, je me rends compte de la chaleur qu'il fait alors qu'il n'est que onze heures.
Étouffant sous l'épaisseur de mon gros sweat gris à capuche, je le retire et le noue autour de mes épaules avant de m'avancer vers ma voiture et donc du potentiel garagiste qu'on était censé m'envoyer.
- Qu'est-ce que tu fiche ici ? questionné-je la tignasse rouge une fois que je n'ai plus de doute sur l'identité de cette personne qui me fait désormais face.
Avec un peu de chance il vient réparer sa connerie, du moins j'essaie de m'en persuader.