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Carmina-Xu
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03

Doucement, Éva s’éveilla au cœur de son songe. Même si elle était parfaitement lucide, tout ce qui se trouvait autour d’elle n’était qu’un vaste mirage que son esprit avait créé. Cependant, comme toujours, ce qu’elle voyait ne correspond en rien à un rêve conscient. Pas une seule fois dans sa vie, ils n’avaient révélé ses souvenirs passés. Encore et toujours, elle se glissait dans l’ombre de celle qu’elle admirait sans comprendre pourquoi.

À peine plus grande qu’elle, elle portait une cape d’émeraude aux coutures d’or, un sceptre en main dont la pointe était décorée d’une étoile avec une pierre opaque et bleutée. Cette même femme au large sourire rempli de joie qu’elle dessinait depuis des années sans s’en lasser. Beaucoup de choses les rendaient si différentes physiquement, mais un détail les reliait : l’aspect de leurs mains. Celle d’Éva était blanche de naissance alors qu’elle était mate par ses origines d’Amérique latine, tandis que celle de cette femme était en miroir aux siennes. Elles étaient brunies alors que sa peau avait une teinte immaculée tout en possédant des délimitations de pigmentation identique aux siennes.

Malgré tout, Éva se sentait apaisée même si elle la suivait constamment, piégée dans son ombre sans jamais réussir à agir par elle-même. Elle avait le sentiment qu’elle faisait partie d’elle, que sans elle, elle ne serait pas entière. Ce sentiment restait inexplicable. En vérité, cela faisait bien longtemps qu’elle avait cessé de chercher la logique et la signification qu’avaient ses songes. Elle ne rentrait absolument pas dans les standards établis plusieurs siècles plus tôt. Pourtant, elle gardait la ferme conviction qu’elle arpentait des souvenirs d’une tout autre époque.

Alors qu’elles admiraient à l’horizon un lever de soleil, au sommet d’une montagne glacée, la femme pivota légèrement sur un pied pour se tourner. En miroir, Éva fit de même, mais elle ne manqua pas ce visage radieux au regard si particulier qu’elle le trouvait envoutant. Opaque et bleu sombre, constellé de petit point blanc. Étonnamment, cet aspect ne l’avait jamais surprise. L’euphorie naquit en elle, en écho avec celle de cette femme qui s’apprêtait à s’élancer.

Un pas. Le décor changea radicalement en un simple clignement des yeux en même temps que cet étrange pas. La froideur des montagnes avait fait place à une chaleureuse clairière dont des arbres géants formaient une muraille naturelle. Au loin, un massif bâtiment tranchait avec le paysage. Pourtant, ce qu’elle voyait comme un temple s’intégrait avec symbiose avec son environnement riche et dense.

La satisfaction remplaça l’euphorie, ce lieu ressemblait à l’aboutissement d’un projet. Cependant, l’architecture laissait toujours Éva pensive. Elle avait beau faire des recherches, celle-ci restait introuvable dans les rares archives conservées à Ilvigre. C’était comme si elle n’existait que dans ses songes. Malheureusement, malgré ce sentiment de fierté qui la noyait, elle avait cette terrible impression qu’il manquait quelque chose dans ce tableau, de la vie plus précisément.

À nouveau, à l’unisson, elles réalisèrent un pas dans une direction différente. La transition lui fit tourner la tête, comme si durant une fraction de seconde, elle avait perdu tout repère spatial. Parfois, elle avait cette sensation d’accomplir des pas si grands que ça lui donnait l’impression qu’elle sautait d’un monde à un autre. Encore une fois, au sommet d’une structure de pierre qui ressemblait à un temple, elles admiraient le soleil se lever. Un instant qu’elle connaissait aussi par cœur s’offrit sous ses yeux. Cependant, quatre personnes étaient présentes. Quatre êtres qui portaient un manteau semblable à la couleur rouge-carmin. Sans jamais réellement voir leur visage, elle les considérait importants grâce à la récurrence de leur apparition. C’était le seul mot qui lui paraissait le plus juste.

La femme amorça un nouveau pas sans prévenir. Cette fois-ci, elle se retrouva au cœur d’une ville si riche et paisible, même sans l’ombre d’un habitant, Éva sentait à quel point ce lieu devait être agréable à vivre. Ce qui l’intriguait, c’était toutes ces machines ornées de pierre blanche et opaque. En revanche, l’inquiétude naquit quand elle observa cette étrange structure en partie immergée dans une rivière. Son massif joyau était strié de longue ligne noire, comme une maladie qui se répandait dans ses veines.

Soudainement, Éva prit conscience d’un fait inévitable : le rêve commençait à régresser. Là où le bonheur sous toutes ses formes régnait, le mauvais présage que cachaient ces pierres annonçait toujours une lente et violente dégradation. Le songe se transformait en cauchemar, et comme à chaque fois, elle n’avait aucun moyen de se réveiller par elle-même. Son cœur se mit à étrangement résonner.

Le ciel s’assombrit tandis que des étoiles violettes à la lumière vive avalaient toute celle qui se trouvait autour d’elle. Au loin, la mer se déchaina avec une violence effroyable sur les côtes. Une immense barrière bleue et translucide se dressa contre les flots qui montaient dangereusement. Le désespoir du chaos terrorisait Éva, un écho de cette femme qui semblait totalement impuissante devant tous ces événements. Un étrange flux transitait en elle… Puis vinrent les secousses.

La terre trembla avec tant de force que tout ce qui se trouvait autour d’elle tombait en ruine. Une terreur incontrôlable s’était emparée d’elle… Jusqu’à ce qu’Éva s’en rende compte, ce mouvement ne correspondait pas à celui qu’elle connaissait. Des appels. Deux voix distinctes. La première féminine et la seconde masculine. Deux noms, qui, entremêlés, devinrent incompréhensibles, mais elle jurerait que l’un d’eux était le sien. La montagne qui se trouvait devant elle explosa soudainement…

Éva ouvrit brutalement les yeux avec un vif sursaut. Durant de longues minutes, elle resta inerte, perdue dans les brumes de son esprit sans avoir encore vraiment réalisé qu’elle ne rêvait plus. Encaisser le choc, analyser ce qu’elle venait de voir. Un automatisme dont elle ne pouvait se défaire à cause de sa nature de Chamane.

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