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Carmina-Xu
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06

Tandis que l’astre flamboyant se levait, l’euphorie commença à naitre chez Éva. Une joie surprenante qui venait de nulle part. À chaque aube du solstice, elle se sentait résonner comme au cœur de ses rêves avec cette femme. Tout comme elle se mit à timidement chanter alors qu’elle ne faisait jamais en temps normal. Ces paroles dans une langue inconnue coulaient avec clarté et sincérité :

— Quand l’aube du solstice se lève, quand la terre se gorge de sève…

Cette résonance qui la faisait sentir entière se renforça. Une douce ivresse qui lui permettait de s’oublier sans la moindre réticence. Elle claqua les mains au-dessus de sa tête tout en se laissant emporter par son élan avec plus de conviction :

— Dansons ! Dansons ! Chantons ! Chantons !

Par habitude, son regard fixait un point précis au pied de la tour. Comme toujours, elle ne voyait rien de particulier, pas même cette étonnante déformation visuelle. Elle ne pensait pas que ce soit encore le bon solstice, mais peu importe. Elle était venue et le reste n’avait pas d’importance. Ses yeux se reportèrent sur le soleil qui se révélait de plus en plus. Une curieuse sensation naquit, comme si quelque chose était en train de se réveiller en elle. Néanmoins, elle n’y porta pas davantage attention. Elle continua de chanter avec plus de cœur :

— Chronos, accordez de nous une nouvelle éternité ! Gaïa, offrez-nous une inépuisable fertilité !

Cependant, cette énergie qu’elle percevait pour la première fois était en train de grandir. Éva devint nostalgique dans sa joie sans comprendre. Comme chaque année, elle se laissait emporter par tout un tourbillon d’émotions qui lui semblait à la fois étranger, mais aussi intime. Elle entama doucement quelques pas de danse ancrés en elle. Elle balançait des bras comme si elle tenait un objet qui constituait une extension d’elle-même. Elle savait quoi exactement, mais sa raison refusait de l’admettre. Son esprit se perdit tout en continuant de fredonner et en émettant des sons de gorge. Cette sensation familière autour d’elle devint de plus en plus présente. La force de la terre se levait. C’était la seule chose qu’elle pensait spontanément pour le décrire. Avec une ferveur qui lui ressemblait peu, elle s’époumona sur les dernières paroles :

— Ô Akhenn ! Bénissez votre Création ! Ô Akhenn ! Admirez notre moisson !

Au même instant, une concentration soudaine d’énergie stoppa ses pas et attira son regard vers la place en contre bas. Si sa vision ne se troublait pas en un point précis, elle émettrait des doutes, mais ce n’était pas le cas. Ce qui se produisait sous ses yeux, elle l’attendait depuis huit ans ! Une vive déchirure jaune naquit et se dissipa immédiatement lorsqu’une silhouette vêtue d’un long et large manteau noir aux coutures et décorations d’or, la tête cachée sous une capuche, posa les pieds à terre. Il ressemblait à ceux qu’elle voyait dans ses rêves même si la couleur différait. Elle venait de faire un « pas », elle en était convaincue !

Cependant, lorsqu’elle remarqua ce qu’il tenait, Éva prit une douche froide. Un grand sceptre doré à la pointe étoilée et ornée d’une pierre opaque à l’aspect bleuté… Exactement le même que celui de cette femme qu’elle aimerait tant pouvoir nommer. Son regard ne se décrochait plus de celui-ci et elle resta muette sans comprendre ce qu’il se passait. Cette personne le prit des deux mains avant qu’il ne change de forme. Son long manche se transforma en chaine tandis que le symbole se métamorphosa en médaillon. Elle baissa enfin sa capuche pour mettre le collier autour de son cou tout en le cachant dans ses vêtements.

Éva recula de plusieurs pas pour ne pas être repérée, mais pas trop pour encore l’apercevoir. C’était un homme qui devait avoir au moins cinquante ans, les cheveux châtain qui grisonnaient un peu. De sa position, elle n’arrivait pas vraiment à le détailler, mais elle vit des signes qui s’avéraient évocateurs. Il regardait tout autour de lui en serrant des poings. Il n’avait pas l’air d’être perdu…

Soudainement, son euphorie s’estompa. Éva réalisa que sa seule et unique prémonition venait de se concrétiser à plus de huit ans d’intervalle et maintenant, elle n’avait tout simplement pas la moindre idée de ce qu’elle devait faire. Est-ce qu’elle devait retourner à son quotidien en se disant que courir après le solstice n’avait plus de sens ? Ou bien essayer de rentrer en contact avec lui ? Ou le laisser partir comme si elle ne l’avait pas vu ? Il y avait forcément une interférence temporelle à ses yeux, mais Éva ne parvenait pas à la définir. Sans plus d’informations, c’était quitte ou double avec de potentielles conséquences désastreuses. Cependant, il avait en sa possession le sceptre qui la fascinait tant dans ses rêves…

Son choix arriva en un instant : elle devait aller à sa rencontre. En revanche, Éva avait l’impression qu’on le lui avait soufflé. Quand cet homme partit d’un pas tranquille, elle ne se posa pas davantage de questions. Elle se précipita en enfilant ses gants qu’elle avait gardés dans ses poches pour descendre l’échelle en partie rouiller sans s’abimer et plus vite. Elle ne devait pas perdre sa trace ! Denat était une ville tentaculaire !

Une fois après avoir retrouvé la terre ferme, elle se mit à le suivre en restant à l’abri de son regard. Elle passait à travers les bâtiments ou elle se cachait dans l’angle des ruelles quand elle n’utilisait pas les gravats. Elle remarqua très vite une chose, il savait très bien où il se rendait. Pas une seule fois, il ne s’arrêta pour chercher sa direction et sa démarche était assurée. C’était comme s’il connaissait vraiment cette cité par cœur. Il s’engouffrait même dans des rues étroites qu’elle n’avait jamais découvertes jusqu’à maintenant. Elle, elle n’était jamais parvenue à explorer la ville entièrement à cause de son temps limité.

En passant à un bâtiment qui s’était presque en grande partie effondré sur lui-même, visiblement ravagé par le feu, il marqua une longue pause pour l’observer. À la forme qu’avaient les ruines, elle devina qu’il ne s’agissait pas d’un lieu d’habitation. Un magasin peut-être. Peu à peu, elle avait l’impression qu’il redécouvrait Denat, comme s’il l’avait vraiment connu en pleine activité alors que ça faisait plus de deux-cents ans qu’elle se trouvait à l’abandon. Néanmoins, il reprit assez vite son chemin. Éva se demandait si ce lieu n’était pas chargé de souvenirs, comme beaucoup d’autres dans cette cité.

En toute discrétion, elle recommença sa filature en gardant de bonne distance. Il n’avait pas l’air de l’avoir repérée. Enfin si c’était le cas, il n’en montrait rien. Son allure restait constante et il ne paraissait pas spécialement aux aguets. Cependant, ils atteignirent une partie de la ville qu’elle ne connaissait que très peu par manque de temps d’exploration. Un quartier qui semblait avoir moins souffert de l’incendie qui avait ravagé la cité… Ou du moins, c’était ce qu’elle supposait. Tout un carré d’immeuble s’était effondré contrairement aux autres et quand elle regardait la noirceur des pierres, le feu qui avait eu lieu ici avait été des plus virulent.

L’homme s’arrêta devant un des bâtiments dont l’entrée tenait encore par miracle debout. Elle le vit hésiter tout en se frottant le visage cette fois-ci. Alors qu’il commença à fouiller dans les gravats pour dégager un passage, Éva décida de profiter qu’il soit occupé pour prendre de la hauteur sur un toit qui ne semblait pas trop abimé pour mieux l’observer.

Alors qu’elle grimpait les étages en quatrième vitesse, son interrogation lui revint comme un boomerang. Que devait-elle faire ? Elle qui n’hésitait jamais quand il s’agissait de donner une information en tant que Chamane s’avérait si perdue. Elle retint de justesse la trappe pour ne pas déchirer le silence qui régnait en claquant. Elle se précipita à la bordure et découvrit qu’il avait déblayé un passage qui semblait rejoindre un sous-sol. Il existait aussi un réseau sous-terrain à Denat ? Un instant de panique la prit, et s’il filait sans qu’elle puisse rien faire ? Cependant, lorsqu’elle entendit du vacarme de plus en plus fort, elle eut l’espoir que c’était lui. Elle le vit remonter en tirant une grosse malle de métal qui se cognait et raclait bruyamment contre la pierre.

Éva l’observait d’un œil curieux. Le coffre qu’il avait trainé paraissait sécuriser par un code et le mécanisme avait l’air vieux. Il y sortit des habits bien plus communs que sa cape qu’il retira en révélant un corps pas vraiment musclé vêtu d’une tunique blanche. Le collier qu’il portait l’hypnotisait. Alors qu’il continuait de prendre du matériel, entre autres un sac à dos où il rangea son manteau, l’homme lui sembla d’un coup méfiant en arrêtant son geste.

Elle eut aussitôt un mouvement de recul et choisit un autre angle pour l’observer. Cependant, ce fut lui qui quitta son champ de vision pour visiblement se mettre un peu à l’abri et changer de vêtements. Quand il se montra à nouveau, il récupéra les dernières affaires dont il avait besoin avant de claquer la malle pour la refermer. Éva se dit que d’un coup, il ressemblait à un Errant, ces nomades marchands qui passaient de cité en cité. Sans ménagement, il poussa la caisse de métal du pied pour la renvoyer là où il avait été la chercher et boucha l’accès avec des gravats pour la dissimuler. Puis il regagna la rue, mais Éva paniqua en comprenant qu’il se dirigeait vers son bâtiment. Elle entendit dans son dos alors qu’elle envisageait de faire demi-tour pour trouver un autre coin pour se planquer :

— Qui es-tu pour m’épier dans une ville en ruine ?

Éva sursauta de surprise en même temps qu’elle se redressait et fit volteface en tombant nez à nez avec cet homme. Sa main se posa sur son cœur tandis qu’elle commença à se défendre :

— Je t’ai vue ! J’étais juste curieuse ! Tu…

Son pied tapa contre le rebord du toit en même temps qu’elle reculait pour reprendre de la distance et son équilibre se brisa. Elle se sentit partir en arrière sans parvenir à se rétablir. Puis la chute devint inévitable. Éva se tenait au quatrième étage avec personne qui pourrait l’aider si elle s’en sortait… Elle regarda cet homme qui semblait d’un coup horrifié. Comment avait-il fait pour arriver si vite à elle ? Elle n’obtiendra probablement pas la réponse. Par instinct, elle tendit les bras avec le vain espoir de trouver une accroche. Contre toute attente, l’inconnu l’attrapa avant que ses pieds ne quittent le toit. Elle entendit un énorme claquement, mais avant qu’elle ne réalise que son poignet métallique venait de casser, sa conscience se fit happer par une vision. Aussitôt, Éva comprit que ça n’avait rien de normal, ce qu’elle avait touché, ce n’était pas l’esprit de cet homme, mais autre chose. Quelque chose d’indescriptible.

Ses yeux se révulsèrent. Quelque chose de puissant et intense la traversa corps et âme. Un terrible mélange de souvenirs la frappa. Sans rien pouvoir contrôler, elle sentait des connexions se faire et se défaire. Ses rêves se mêlaient à cette vision indéfinissable. Des images si brèves et nombreuses, qu’elle ne parvenait pas à assimiler ce flot d’informations phénoménal. En revanche, des mots résonnèrent dans son esprit avec une clarté sidérante :

« Prêtresse des cieux… »

Puis une image s’imposa à ses yeux perdus dans une autre dimension. Bien que parfaitement fixe, elle s’avérait incapable de la comprendre. Dans un monde où la nuit régnait, décoré de nombreuses constellations, un être qui lui parut divin lui tendit une main. Sa question vibrante et à la voix résonante l’ébranla subitement :

« Reviendras-tu vers moi prêtresse des cieux ? »

Le contact fut soudainement rompu. Éva avança de plusieurs pas en retrouvant le centre du toit. Alors qu’elle s’attendait à s’évanouir après une telle vision, elle se rendit compte qu’elle ne subissait même pas les habituelles brumes de l’esprit. Cependant, elle était aussi incapable de traiter cette vision. C’était comme si elle se sentait coincée. Ses yeux se levèrent sur cet homme qui paniquait autant qu’elle. Il ne l’avait pas directement touchée, pourquoi avait-elle aperçu tout ça ? D’un coup, la fatigue mentale l’emporta et sa vue se troubla. Difficilement, elle arriva à se mettre à genou avant qu’elle ne chute. Alors qu’elle se laissait glisser, elle marmonna quelques mots sans même se rendre compte qu’elle employait cette langue mystérieuse avant de perdre connaissance :

— J’suis une Chamane… Pas une prêtresse…

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3 Comments

21 days
Je me demande où se situe temporellement ce roman par rapport à Orion 😁
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21 days
Trèèèèèèès loin après Orion ! xD

Orion, c'est le mythe de l'Atlantide revisité, techniquement basé avant les premières grandes civilisations. Sirius se place bien après Dreamers au niveau temporel. Je suis prise d'un doute, j'ai daté Sirius ? parce qu'on est arrivé en 2301 ici 😅

En tout cas, si tu penses tout savoir d'Orion, alors laisse moi te faire douter 😈
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21 days
Trèèèèèèès loin après Orion ! xD Orion, c'est le ...
Ah ! Je m'étais dit que l'événement de ce chapitre était peut-être dû à ce qui se passait dans Orion, je suis encore loin du compte ! 😂
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