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Carmina-Xu
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05

Le moment était enfin venu. La journée d’hier avait été affreusement longue aux yeux d’Éva. Toutes ses pensées étaient tournées sur ce moment présent. La nuit était encore noire, mais elle savait qu’elle ne devait pas trainer. Elle était rentrée en douce dans les garages de l’ambassade et que la sécurité risquait de bientôt rappliquer. Aussi, elle avait besoin de temps pour la route cahoteuse qui l’attendait et arriver avant que l’aube ne se lève.

Elle avait déjà pris ses précautions afin de gagner de précieuses minutes, notamment en enfilant la combinaison qui allait la protéger du champ électromagnétique de la moto qu’elle comptait emprunter et un casque. Tout en parcourant les allées de véhicule, elle trouva enfin l’un des trois modèles qu’elle cherchait. Une allure plutôt sobre malgré son carénage, différente des thermiques ou électriques. Étant donné la rareté de ces moteurs et le fait qu’elle était elle-même composée de métal, elle avait tout intérêt de faire attention. Ses prothèses pourraient s’aimanter en causant des dégâts irréversibles. Elle défit la béquille et commença à pousser la moto vers la sortie du garage. Elle entendait vaguement des paroles, signe que des personnes approchaient, mais elle ne pouvait pas démarrer sans que son sifflement alerte tout le monde.

À force d’observation au fil des années après avoir réussi à piquer un boitier de contrôle, elle savait très bien ouvrir les passages pour quitter l’enceinte de l’ambassade. Le portail devant elle se leva alors que les voix devinrent plus claires. Éva déverrouilla la moto en plaquant sa main de chair sur un espace puis tapa le code quand le rideau fut assez haut pour passer. Le bruit sifflant de l’électromagnétisme qui se lançait résonna dans le garage en alertant définitivement les hommes qui venaient de rentrer. Éva remit son gant en vitesse tout en enfilant son casque et serra rapidement les sangles de son sac à dos pour ne pas être gênée. Sans attendre plus, elle donna un coup d’accélérateur. À force, elle savait la manier et l’électronique compensait pour maintenir son équilibre.

Sans trop se presser, elle passa les différents points de contrôle qui était automatisé sur l’un des chemins de service pour quitter l’ambassade. Au fur et à mesure, le bruit de son moteur s’atténua et lorsqu’elle traversa Ilvigre, le sifflement se mêla à ceux des nombreuses éoliennes qui tournaient sans cesse sur les toits des plus hautes habitations. Elle roula au pas et sans son phare pour ne pas trop attirer l’attention et profita de la luminosité de la ville.

Ce ne fut qu’à trente longues minutes qu’elle put enfin l’allumer tout en accélérant pour quitter la périphérie d’Ilvigre. Les premières lueurs de l’aube ne se montraient pas encore. Malgré sa visibilité réduite, elle devait rester constante dans sa vitesse pendant une heure si elle voulait arriver à Denat avec assez d’avance pour rejoindre son coin et pouvoir se changer pour être plus à l’aise. Elle ne devait surtout pas rater ce lever de soleil qui s’était gravé à jamais dans sa mémoire. Éva tenait plus que tout à cette liberté même si ce futur prédit semblait irréel et qu’il ne se produirait probablement jamais.

Cependant, lorsqu’elle trouva les vieilles routes abimées par le temps, elle se concentra sur son chemin pour éviter les trous les plus gros. Rouler à côté sur la terre sèche et le sable n’était pas la meilleure des idées pour avoir déjà tenté par le passé. Sans l’assistance de la moto, elle aurait sûrement pris une belle gamelle.

Éva restait tellement focalisée sur son objectif qu’elle soupira de soulagement lorsqu’elle aperçut les premiers bâtiments délabrés de l’ancienne cité-État. Le soleil commençait tout juste à percer l’horizon sans se montrer pour le moment. Son temps était compté, mais elle savait aussi qu’elle était à l’heure pour suivre sa routine habituelle une fois qu’elle aura atteint le cœur de la ville.

Au fur et à mesure qu’elle s’enfonça sur l’avenue principale parsemée de nombreux gravats plus ou moins gros, elle roula plus doucement pour pouvoir slalomer entre. Tous ces bâtiments détruits et en partie rongés par un incendie étaient devenus si familiers. Pourtant, elle se demandait encore pourquoi tous les immeubles qu’elle longeait sur la route ressemblaient plus à des remparts qu’à des lieux d’habitation. Lors de ses explorations, elle avait découvert qu’il y avait de nette délimitation qui devait former des quartiers bien distincts.

Denat représentait un véritable mystère dont il ne restait que ces ruines, et pas que pour elle. L’histoire l’avait oublié, rayé de son passé. Personne ne pouvait dire ce qui l’avait menée à l’abandon total. Certains natifs disaient que cette ville était maudite, un enfer. Même les Errants qui connaissaient la région préféraient les éviter et allonger leur route pour se rendre à Ilvigre. Éva ignorait si ces mots étaient justes ou bien exagérés. En tout cas, elle devait admettre que ce vestige lui glaçait le sang. Alors imaginer comment elle pouvait être à son apogée…

Quand elle approcha de sa destination, elle constata que de nouveaux gravats se trouvaient sur la chaussée. À force d’intempéries dans cette région, elle allait devoir envisager de passer par un autre chemin si elle voulait atteindre la tour sans devoir marcher. D’ailleurs, celle-ci devenait bien visible. L’immeuble qu’elle apercevait depuis un moment et qui ressemblait à une version miniature des tours des Dreamers s’imposait de plus en plus.

En arrivant sur la place qui l’entourait, Éva posa un instant pied à terre pour l’observer. Elle était dépouillée de sa façade qui devait probablement être constituée de métal. Cette matière avait presque disparu pour être réutilisée comme dans tout le reste de la ville. Bien que les lueurs du jour devinrent plus présentes, elle se sentait intimidée, presque craintive. Elle avait tendance à penser que certains lieux pouvaient avoir une âme, que la vie et ses événements passés l’animaient encore d’une certaine manière. En revanche, Denat lui faisait presque peur. Heureusement que les sites chargés d’histoire ne déclenchaient pas de vision.

Néanmoins, elle ne s’attarda pas davantage et amena la moto jusqu’à un bâtiment à la façade éventré qui lui servait depuis plusieurs années comme garage improvisé pour la cacher. Même si elle n’avait jamais croisé autre chose que des animaux errants, elle tenait tout de même à s’assurer un minimum de sécurité. Elle en profita également pour se débarrasser de sa combinaison qui l’étouffait à bonne distance de la moto après avoir coupé le moteur dont le champ électromagnétique allait mettre un certain temps à se dissiper.

C’était avec soulagement qu’elle enleva son sous-pull et son legging pour laisser sa peau respirer. Elle n’avait pas peur de révéler son bras et sa jambe de métal ici, personne n’était là pour voir le poids de sa culpabilité. À Denat, elle n’était plus la Chamane, mais juste « Éva ». Cette peur viscérale qui l’empêchait de pointer son nez dehors dans une ville s’effaçait durant une matinée entière.

Elle estima les lueurs du soleil avant de se dépêcher de rejoindre un autre bâtiment non loin et d’accéder au toit. Depuis huit ans, elle s’installait toujours au même endroit. Elle ne dérogeait jamais au point de vue qu’elle avait eu durant son rêve prémonitoire. Tout en grimpant une échelle extérieure qui devenait trop branlante à son gout, elle essaya de prendre son mal en patience pour ne pas l’abimer davantage. Déjà qu’elle était contente qu’elle soit encore là alors qu’elle était en métal… Sûrement parce qu’elle avait rouillé avec le temps.

Éva souffla d’effort en atteignant le sommet. Elle ne pouvait pas dire qu’elle était une grande sportive d’origine et le poids trop important de ses prothèses ne l’aidait clairement pas à vouloir l’être. Tout en retrouvant sa respiration, elle découvrit que le transat qu’elle avait monté avait disparu. Elle supposa que le vent l’avait sûrement emporté. Cependant, cette fois, elle n’avait pas le temps de se poser un peu pour patienter. Les rayons du soleil juste à côté de la tour devenaient de plus en plus marqués. L’aube était sur le point de se lever.

Elle se rapprocha du bord du toit, assez pour trouver l’exact point de vue de sa vision. Est-ce que cet homme, apparut de nulle part comme s’il avait fait qu’un pas, allait enfin se montrer au pied de cette tour ? Elle en doutait sincèrement. C’était bien trop irréel pour que ça puisse se produire. Pourtant, une partie d’elle osait y croire. Qui devait-elle écouter ? Sa logique ou son intuition ? Définitivement, elle n’arrivait pas à le savoir.

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2 Comments

22 days
Ça m'intrigue cette histoire de rêve prémonitoire...
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21 days
La suite au prochain épisode ~

Je pensais pas la sortir un jour celle là ! 😁
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