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TiffanyM
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7 / La Nuit Dans Le Vent

7

La nuit dans le vent

« Le désert n’offre ni promesse ni refuge, seulement le silence d’un monde figé dans l’attente. »

-        Thalorian

La marche pénible a repris, et finalement, je me surprends à remercier cette longue journée passée dans la grotte. Je ne comprends pas encore tout à fait ce qui s’y est réellement produit, mais une chose est sûre : désormais, une autre personne est avec nous.

Je puise dans mes dernières forces, concentrant toute mon énergie dans mes jambes pour continuer à avancer. Mon regard, perdu droit devant moi, se fixe sur un horizon inconnu, qui ne promet rien d’autre que du sable. Du sable, encore et toujours, à perte de vue.

— Rassurez-moi… Il y a autre chose quand même ?

Arlhon, qui marche à mes côtés comme un ami ou un garde du corps, me jette un regard en coin, cherchant visiblement à comprendre le sens exact de ma question.

— Non, parce que… je ne vois rien d’autre que du sable.

Thalorian, le Nocten, ne dit rien. Il marche derrière nous, aussi loin que possible, tel une ombre silencieuse. Il me donne des frissons, et pourtant… sa présence est étrangement rassurante.

Je sais, c’est contradictoire. Mais c’est exactement ce que je ressens.

— Quelques jours de marche.

Je m’arrête net et fixe Arlhon. Derrière moi, Thalorian s’arrête aussi, comme s’il suivait le rythme sans vraiment écouter. Il ne sait toujours pas que je connais son nom. Je n’ai aucune idée de qui il regarde, mais je sens son regard peser sur nous.

— Comment ça, "quelques jours" ?

— Une semaine.

Arlhon pousse un soupir avant de reprendre sa marche, comme si ce délai n’avait aucune importance.

Une semaine.

C’est bien ce qu’il vient de dire.

Une semaine… pour arriver où, exactement ?

Où est-ce qu’on va, au juste ?

Ah oui. Arlhon m’a parlé d’un endroit où l’on pourrait trouver des réponses. Des réponses sur son abandon dans ce désert. Sur tout ça, peut-être.

— Donc on va à Tombouctou !

Thalorian tourne brusquement la tête vers la droite et s’immobilise un instant, comme s’il avait perçu quelque chose. Un mouvement, une présence… je ne sais pas.

J’essaie de faire comme si je n’avais rien vu.

Je n’ai pas peur.

Arlhon, lui, fronce les sourcils avant de me répondre :

— Dahrmara.

Puis il me lance un regard intrigué et ajoute :

— C’est quoi, Tombouctou ?

Je fais une petite moue, puis esquisse un léger sourire.

— Une ville !

Il prend une grande inspiration, sans me quitter des yeux. Je pourrais jurer y lire une insulte… et pourtant, rien ne sort de sa bouche.

Il reprend la route sans rien ajouter. Je l’ai sans doute agacé.

Mon regard glisse vers Thalorian, mais le sien reste fixé sur l’horizon.

Il se tient droit, une posture qui dégage une certaine force. De loin, dans la fraîcheur de cette nuit, il pourrait sembler menaçant. À vrai dire, il l’est déjà.

Il ne bouge presque pas. Juste sa tête, qu’il incline légèrement d’un côté, puis de l’autre, comme si ce simple mouvement pouvait lui offrir une meilleure perception de ce qui nous entoure.

Je le fixe un instant, hésitant entre fascination et malaise. Il semble ailleurs, connecté à quelque chose que nous, simples marcheurs, ne pouvons ni voir ni entendre.

Puis, sans prévenir, il se remet en marche, silencieux comme une ombre, ses pas effleurant à peine le sol.

Je détourne les yeux et reprends-moi aussi la route.

Le sable crisse sous mes pieds, le froid me mord les chevilles, et mes pensées dérivent. Une semaine… Une foutue semaine de marche dans ce vide infini.

Je sens la fatigue me gagner, mais je n’ose pas être le premier à demander une pause.

Arlhon est devant, droit comme un soldat. Thalorian est derrière, toujours à bonne distance. Et moi, coincé entre les deux, je commence à me demander si je ne suis pas en train de suivre des fantômes.

Le désert qui nous entoure semble sans fin, un océan de sable où le vent joue sans cesse avec les dunes, effaçant les traces laissées derrière nous. L'horizon se confond avec le ciel, une ligne floue où la terre et le ciel semblent se fondre dans une même couleur monotone. Le sable, d'un beige pâle au matin, devient presque doré sous le soleil brûlant, avant de virer à un gris métallique à mesure que la nuit tombe.

Il y a des moments où l’on a l’impression que tout est figé, comme si le temps lui-même s’était perdu dans ce vide. Les dunes s'élèvent puis se courbent, comme des vagues pétrifiées, immobiles depuis des siècles. À chaque pas, le sol semble se dérober sous nos pieds, ondulant et mouvant, comme s'il voulait nous engloutir. Le vent, toujours présent, souffle en fines rafales, emportant la chaleur du jour et laissant un froid mordant s'installer.

Il n'y a aucun bruit, à part le murmure du sable, ce bruit presque imperceptible qui grince sous nos pas. Pas d'oiseaux, pas de vie. Rien à l’horizon, si ce n’est ce désert, ce désert qui dévore tout, même l’espoir.

Un sifflement.

Pas humain. Animal.

Je frissonne, et ce n’est pas seulement à cause du vent qui frappe mon visage, glissant des grains de sable dans mes yeux et ma bouche.

— Il nous faut nous abriter.

La voix rauque et légèrement robotique de Thalorian me tire de mes pensées. J’étais parti dans mon imagination, me demandant ce que cette chose pourrait nous vouloir, et surtout, à quoi elle pourrait ressembler.

Mais Thalorian semble déjà la connaître.

Thalorian ne perd pas de temps. Sans un mot de plus, il s’avance, le pas vif mais mesuré, comme s’il savait exactement où aller. Arlhon et moi nous échangeons un regard rapide, l’inquiétude se lisant dans ses yeux.

On se hâte, suivant Thalorian dans un silence lourd, presque irréel, alors que le vent continue de tourbillonner autour de nous, emportant le sable en vagues qui recouvrent tout sur leur passage.

Je jette un coup d'œil en arrière, scrutant l’obscurité grandissante du désert, cherchant la source de ce sifflement, mais il n’y a rien. Juste des dunes qui ondulent sous la pression du vent, des ombres mouvantes.

Je sens une pression s’intensifier dans l’air, comme si quelque chose nous observait.

Thalorian se stoppe soudain, comme un prédateur figé dans l'attente. Il se retourne légèrement, ses yeux reflétant une lumière froide et étrange, et me fait signe de le suivre plus près.

— Restez près de moi, murmure-t-il, sa voix grave mais étrangement calme.

Arlhon ne semble pas rassuré. Il jette un dernier regard par-dessus son épaule avant de se rapprocher, visiblement sur ses gardes.

Moi, je n’ai plus qu’une envie : savoir ce que Thalorian connaît, ce que lui sait de cette chose qui nous guette. Mais je garde mes questions pour plus tard. Ce soir, l’urgence est ailleurs.

Je m’approche de Thalorian, tout en gardant une certaine distance, comme si à tout instant, il pouvait devenir le danger. Chaque mouvement de son corps, chaque respiration qu’il prend, semble chargé d’une énergie que je n’arrive pas à cerner. Il dégage une présence étrange, presque menaçante, et pourtant, je suis là, à sa suite, comme si j’étais prisonnier de ce désert et de ses mystères.

Arlhon reste derrière moi, silencieux, comme toujours sur le qui-vive. Le sable crisse sous nos pas, et le vent ne cesse de souffler, emportant tout sur son passage, laissant cette impression que le monde pourrait se dissoudre à tout instant.

Je jette un autre regard furtif à Thalorian. Ses yeux ne quittent pas l'horizon, mais quelque chose dans son regard, une lueur indéfinissable, me dit qu'il sait. Il sait ce que nous devons affronter, et peut-être même ce qu'il cache.

Je me force à respirer lentement, à ignorer ce malaise croissant qui m’envahit. Si je veux comprendre, je dois suivre. Ne pas poser de questions. Pour l’instant.

ARLHON

Un coup de vent plus fort que les autres fait vaciller Elyra. Je vois son corps se pencher en avant, le sable sous ses pieds s'effritant comme une promesse de chute. Mais avant même qu'elle ne perde totalement l'équilibre, une main se pose fermement sur son épaule, la redressant avec une brutalité qui me fait serrer les dents.

— Tient-toi sur tes pieds, gronde Thalorian d’une voix froide, presque tranchante, sans jamais croiser son regard. Ses yeux gris, impénétrables, restent fixes sur l’horizon, comme si la jeune femme n’était qu’un obstacle temporaire dans sa ligne de mire.

Je suis agacé. Il est toujours aussi distant, toujours aussi glacial. Il ne laisse aucune place à la faiblesse, comme si le moindre faux pas était un affront. Et pourtant, il est là, à la guider, mais sans jamais adoucir son ton. Pas un mot de plus, juste l’impassibilité de son regard figé sur l’horizon, comme si rien d'humain n’existait en lui.

Elyra se redresse, le vent la mordant violemment. Elle tente de garder son équilibre, mais je sens qu’une tension invisible, presque palpable, la retient. J’aimerais l’aider, mais la scène m’empêche de bouger. Thalorian semble vouloir nous faire comprendre que la moindre hésitation est un luxe qu'on ne peut se permettre ici, dans ce désert sans fin. Ce sable, ce vent, il nous rappelle à l’ordre.

Et pourtant, je suis partagé entre un sentiment de colère et de frustration. Ce désert, cette marche, c’est un combat constant. Et Thalorian, avec sa froideur inébranlable, est un allié autant qu’un obstacle. Il est là, mais il est aussi loin, insaisissable. Un protecteur qui ne protège pas, un guide sans paroles. Il semble ne jamais faillir, ne jamais se laisser envahir par l'incertitude. Mais moi, je ne peux m'empêcher de me demander : que se cache-t-il derrière cette froideur ? Pourquoi est-il ainsi ?

Et Elyra, elle… Elle ne semble pas plus comprendre que moi. Mais je vois bien qu’elle suit. Qu’elle lui obéit sans broncher. Peut-être qu’elle cherche des réponses, tout comme moi. Peut-être qu’elle ressent, tout comme moi, que ce désert cache plus que du sable. Et que ce Thalorian est l'une des clés de ce mystère.

Le vent continue de souffler, plus fort encore, comme pour nous rappeler que nous n’avons aucun contrôle ici, dans ce désert qui semble ne jamais se terminer. Je garde mes yeux rivés sur Thalorian. Chaque pas qu’il fait me semble calculé, comme s’il n’avait jamais douté une seconde du chemin à suivre. Pourtant, il y a quelque chose de déstabilisant dans sa certitude. Quelque chose que je ne peux pas saisir.

Elyra marche à côté de lui, en silence. Elle ne pose même pas de questions. Elle semble accepter son autorité sans discuter, comme si elle avait décidé qu’elle n’avait d’autre choix que de suivre. Mais moi, je n'arrive pas à me débarrasser de cette étrange sensation : pourquoi est-il toujours si... distant ? Si froid?

Je ralentis légèrement, ne voulant pas trop me rapprocher d'eux. Le vent me cingle le visage, mais ça me permet de réfléchir sans être vu. Peut-être que je suis trop suspicieux. Peut-être qu'il n'est que ce qu'il paraît : un allié silencieux mais fiable. Mais quelque chose en lui, cette manière qu'il a d’ignorer tout ce qui n’est pas essentiel à sa mission, m'intrigue autant qu’il me dérange.

Le sable, que je croyais avoir appris à connaître, me paraît encore plus menaçant maintenant. À chaque pas, je sens le sol bouger sous mes pieds, comme si cette étendue infinie de dunes nous observait. J'ai l'impression que chaque grain de sable, chaque souffle de vent, pourrait à tout moment nous engloutir.

Je jette un coup d'œil à Elyra. Elle semble perdue dans ses pensées, son regard dirigé vers l’horizon tout aussi lointain que celui de Thalorian. Mais il y a quelque chose dans sa posture qui me dit qu’elle aussi commence à douter. Peut-être qu’elle aussi voit ce que je vois : l'immensité de ce désert, et la façon dont il semble nous engloutir peu à peu, à mesure que nous avançons.

Je ne sais pas si Thalorian le voit. Je ne sais même pas s’il ressent quoi que ce soit. Mais moi, je commence à avoir l’impression que ce désert cache bien plus que de simples mystères. Et que, d’une manière ou d’une autre, Thalorian en sait plus qu’il ne veut bien nous dire.

Je suis pris entre deux mondes. D'un côté, je suis soldat. Un soldat qui doit garder son calme, toujours analyser la situation, garder une vue claire sur l’objectif. Je dois être fort, résister à la tentation du doute. Mais il y a aussi cette partie de moi, ce prince que je cache derrière des couches de responsabilité et de devoir. Un prince destiné à régner, un prince qui doit comprendre pourquoi il a été abandonné ici, dans ce désert.

Le vent frappe mon visage, mais c'est dans mon cœur que le froid se fait sentir. Je me force à ne pas y penser. Je dois être fort. Je dois rester calme. Mais comment ? Comment rester calme dans un endroit aussi vide, aussi déserté ?

Je regarde Thalorian. Il avance sans un mot, son regard fixé sur l'horizon, distant et impénétrable. Il ne montre aucune émotion. Il ne montre rien. Et ça m’irrite, plus que je ne voudrais l’admettre. Il ne dit jamais rien. Il nous guide, nous protège, mais sans jamais rien expliquer. Un soldat comme lui devrait comprendre l’importance de la mission. Mais ici, tout semble absurde. Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi m'ont-ils laissé dans ce désert sans fin ? On m'a abandonné. C'est une épreuve, certes, mais quelle est la finalité ? Pourquoi ? Que doit-on attendre de moi ? Si c'est juste une question de survie, je m'en sortirai. Mais ce n’est pas une question de survie. C’est une question de sens, de dignité.

Le prince en moi se révolte. Je n’accepte pas cela. Je n'ai pas choisi d’être ici. On m’a jeté dans ce désert, sans raison, sans explication. Je devrais être chez moi, au palais, à gouverner, à faire ce que l’on attend de moi. Pourquoi suis-je ici, sans guide, sans explication ? Tout ce que j’ai connu jusqu’à présent m’a préparé à diriger, à comprendre les enjeux, à avoir une place dans ce monde. Mais ici… tout est différent. Tout est flou, vide, comme si mon existence n’avait plus de sens.

En tant que soldat, je me force à analyser. Peut-être qu'il y a un plan que je ne comprends pas encore. Peut-être que cette épreuve a un sens plus grand. Mais au fond de moi, je sais qu’il y a aussi une autre possibilité. Et celle-là me dérange bien plus. Peut-être que ce n’est pas le désert qui est l’ennemi. Peut-être que l’ennemi, c’est ce qu'il cache.

Elyra marche près de moi, son regard perdu dans l’horizon. Elle aussi semble être dans ses pensées. Elle aussi doute. Mais moi… je ne peux pas me permettre de douter. Je dois comprendre. Pourquoi suis-je ici ? Ce n’est pas juste une question de survie. C’est une question de justice. Pourquoi m’ont-ils laissé là, dans ce désert, sans explication, sans une raison claire ?

Chaque pas que je fais me rapproche de la vérité, je le sens. Et cette vérité… je suis prêt à la découvrir, peu importe ce qu’elle coûte. Je dois comprendre. Parce qu’au fond de moi, je sais que ce désert n’est pas une simple épreuve. Il cache quelque chose. Et je le découvrirai.

Je sens le sable s'infiltrer dans mes chaussures à chaque pas, me rappelant constamment que je suis loin de chez moi. Ce désert, cette étendue infinie, me pèse. La chaleur brûlante du jour et le vent glacial de la nuit se succèdent sans relâche, me forçant à m’adapter sans cesse. J’ai l'impression d'être une silhouette fragile dans cet univers impitoyable, une poussière perdue dans une mer de sable.

Le regard de Thalorian ne se pose jamais sur moi. Il avance devant, comme une ombre imposante, presque indestructible, et je me demande, parfois, si son silence est une bénédiction ou une malédiction. Il semble tout savoir, tout comprendre. Et pourtant, il ne partage jamais rien. Il ne nous dit rien. Même son regard reste fermé, une porte derrière des yeux gris métalliques. Parfois, je me demande s'il ressent quoi que ce soit, ou si ce désert, cette vie de solitude, l'a tellement forgé qu'il ne ressent plus rien du tout.

Arlhon marche près de moi, plus silencieux que d’habitude. Il est différent. Il semble tendu, presque agité, et je sais qu’il se pose des questions. Beaucoup de questions. Moi aussi, d’ailleurs. Pourquoi sommes-nous ici ? Pourquoi nous a-t-on laissés dans ce désert ? Pourquoi moi ? Est-ce que j’ai mal fait quelque chose, pour mériter cela ? Et lui… Arlhon. Il est un prince. Il est fait pour régner, pour être là, pour diriger. Pas pour marcher dans un désert comme un simple soldat. Pas pour être laissé là, sans explication.

Je le regarde furtivement. Il ne me voit pas, trop perdu dans ses pensées, ou peut-être qu’il fait semblant de ne pas me voir. Je n’ose pas lui parler, je n’ose pas poser la question qui me brûle les lèvres : Pourquoi sommes-nous ici ? Mais je sais que je n’aurai probablement jamais la réponse. Pas de Thalorian, en tout cas. Pas de lui.

Le vent me frappe le visage, et je serre les dents. Je suis fatiguée, épuisée par ce désert qui semble ne jamais finir, par cette quête sans but que nous suivons. Mais je ne peux pas m’arrêter. Je ne peux pas flancher. Pas maintenant. Pas alors que je sens que tout le monde attend de moi que je sois forte. Que je sois capable de supporter ce fardeau. Ce fardeau d’être une survivante.

Je jette un regard vers l’horizon. Tout est pareil. Tout est le même désert, le même sable, les mêmes dunes à perte de vue. Rien n’a changé. Et je commence à me demander si ça changera un jour. Si nous allons sortir d’ici un jour. Si là-bas il y a encore quelque chose à retrouver.

Je n’ai pas de réponses. Mais peut-être qu'Arlhon en a. Peut-être que Thalorian sait quelque chose que je ne sais pas. Pourtant, chaque pas que nous faisons dans ce désert m’éloigne un peu plus de la personne que j’étais avant. Il ne reste plus qu’une version égarée de moi-même, une silhouette qui avance sans savoir pourquoi, portée par un seul espoir : celui de découvrir un jour pourquoi tout ceci nous arrive.

— Ne réfléchis pas trop ! Le danger approche ! AVANCE.

Cette fois, je ne me fige pas. Je continue et je maîtrise mes pas ainsi que ma réaction. Mais c’est toujours une sensation étrange, dans mon corps et dans mon esprit, quand cette voix résonne comme un écho en moi. Comme si, en réalité, on ne faisait qu’un.

Quand je relève le visage, mes yeux peinent à accrocher la silhouette de Thalorian, déjà loin devant. Je m'apprête à lui demander de ralentir, juste un peu… mais quelque chose me fauche.

Trop de voix. Trop de cris autour de moi. Mais tous répètent la même chose : mon prénom.

— ELYRA !

La voix dans ma tête hurle, perçant le tumulte, comme si elle cherchait désespérément à me rejoindre.

— Elyra !!

Cette fois, c’est Arlhon. Je reconnais son souffle, court, saccadé — il court dans le sable, il vient vers moi… pendant que je me fais traîner.

Mais je n’entends pas Thalorian. Et bizarrement, je ne suis pas surprise. Il ne parle pas. Il ne crie pas. Alors pourquoi crierait-il maintenant ?

Ce n’est pas Arlhon qui me sauve.

Ce n’est pas Thalorian, non plus — même s’il était tout près, même s’il aurait pu.

C’est autre chose.

Quelque chose de rapide, de fluide. De chaud et de noir. Enfin… presque noir. C’est une teinte mouvante, trouble, entre la braise et l’ombre.

La chose fond sur l’assaillant avec une précision déconcertante. Un cri — inhumain — se perd dans le vent, et le silence retombe aussitôt, brutal.

Je tombe à genoux, haletante. Le sable me brûle les paumes. Je relève les yeux, et là, je le vois

Cette forme. Majestueuse, étrange. Une créature au corps long, presque félin, entourée d’un voile d’énergie chaude, comme un mirage. Sa peau n’en est pas vraiment une : elle ondule, absorbe la lumière sans jamais vraiment en renvoyer. Elle n’a pas de regard, pas vraiment… et pourtant je sens qu’elle me voit. Qu’elle me reconnaît.

Mais elle ne me regarde pas. Elle tourne lentement la tête vers Thalorian.

Et Thalorian… il ne bouge pas. Il la regarde. Longuement. Intensément.

Pas avec de la peur. Non. Avec une sorte de reconnaissance muette, presque… intime. Comme s’ils se retrouvaient.

Je fronce les sourcils. Arlhon arrive à ma hauteur, épée en main, prêt à bondir, mais Thalorian lève à peine une main dans sa direction. Un geste bref. Clair. Ne bouge pas.

Et Arlhon, étonnamment, obéit.

Je comprends qu’ils se connaissent. La créature. Thalorian. Il n’est pas surpris. Il n’est pas dépassé.

Il sait.

Et dans son silence habituel, dans la rigidité de son regard d’acier, je crois lire quelque chose d’encore plus glaçant que la peur.

Un secret.

Quelque chose qu’il nous cache.

Quelque chose d’ancien, de sacré.

Je ne le comprends pas encore, mais je sens que ce n’est pas une simple bête. Ce n’est pas un compagnon. C’est bien plus.

L’animale, la chose, l’ombre.

Il ne salue pas. Il ne gronde pas. Il se dissout.

Littéralement. Comme de la fumée portée par le vent. Une brume sombre et chaude, qui se disperse dans l’air, sans bruit, sans trace, comme s’il n’avait jamais été là.

Mais moi, je sais ce que j’ai vu. Je sens encore sa chaleur sur ma peau, comme une caresse venue d’un autre monde.

Arlhon souffle fort à côté de moi, perdu, tendu. Il jette un regard vers Thalorian, prêt à exiger des réponses. Mais il ne dit rien. Parce que Thalorian bouge enfin.

Il reprend sa marche.

Simplement. Comme si rien ne s’était passé. Comme si le monde n’avait pas vacillé l’espace d’un battement de cœur.

Mais au moment où il passe près de moi, il s’arrête. Juste un instant.

Et il me regarde.

Un vrai regard. Pas un balayage froid, pas un jugement silencieux, pas cette neutralité impassible dont il s’habille toujours. Non. Là, il me regarde vraiment.

Ses yeux gris, d’ordinaire inaccessibles, croisent les miens. Et dans ce regard, il y a quelque chose de… différent.

Ce n’est pas de la tendresse. Ce n’est pas de la colère.

C’est... une faille.

Un éclair fugitif de quelque chose qu’il essaie de contenir. Comme une peur qu’il n’aurait pas voulu ressentir. Une peur qu’il a ressentie — pour moi.

Et puis, c’est fini. Il détourne les yeux. Il reprend sa route, silencieux, imperturbable. Comme toujours.

Mais moi, je reste là un instant, incapable de bouger. Parce que maintenant je sais.

Il n’est pas de pierre. Il n’est pas qu’un gardien silencieux.

Mais moi, je reste là un instant, incapable de bouger.

Parce que dans ce regard, quelque chose a vacillé.

Et je ne sais pas encore si c’était pour moi… ou malgré moi.

— On doit avancer !

La voix d’Arlhon claque dans l’air, tendue, mais ferme.

Il m’aide à me relever.

Moi, j’essaie de chasser cette peur qui m’a envahie tout entière.

Elle m’a engloutie.

Comme si, l’espace d’un instant, je n’étais plus qu’un corps pris dans le sable, sans volonté, sans force.

Je jette un regard en arrière, un instant. La chair de poule, les poils hérissés.

Je ne sais pas ce que c’était… et je n’ai pas envie de le savoir.

Alors, j’avance. Un peu plus vite cette fois, l’esprit embrouillé, le regard fixé sur Thalorian.

Cette chose. Celle qui m’a sauvée. Son ami, son animal… peu importe ce que c’était.

Il est arrivé si rapidement, presque comme s’il nous suivait, nous protégeant de loin, sans bruit. Une ombre silencieuse, là juste quand il le fallait.

Comment pourrais-je lui dire, Merci ?

Je ressens un flot d’émotions contradictoires, un tourbillon qui me déstabilise. D’abord, il y a cette gratitude brutale, presque instinctive, envers la créature qui m’a sauvée. Je ne sais pas ce que c’était, ni pourquoi elle est intervenue, mais il y a cette sensation étrange de soulagement, un souffle que je croyais perdu. La peur qui m’a paralysée se dissipe lentement, mais elle laisse place à un malaise diffus, une incertitude. Pourquoi, au fond, ai-je besoin d’être sauvée ? Qui est cette créature ? Et pourquoi est-ce qu’elle m’a protégée, moi ?

Il y a aussi cette confusion qui monte en moi. Ce monde, celui que j’ai créé, je n’arrive plus à le comprendre. Je croyais en avoir le contrôle, mais maintenant tout semble se dérober sous mes pieds. Le sable, qui semblait stable, devient instable, mouvant. J’ai écrit ce monde, j’y ai mis des règles, des certitudes… mais tout cela m’échappe. Je me sens comme une étrangère dans un lieu que j’ai pourtant conçu, une spectatrice de ma propre vie.

Je me demande pourquoi je ressens cela, pourquoi j’ai l’impression de ne plus avoir ma place dans ce qui m’entoure. Et pourtant, je n’arrive pas à m’empêcher de fixer Thalorian et je pense à cette créature. Il y a quelque chose en eux, un mystère, un secret qui me trouble autant qu’il me fascine. Je n’arrive pas à savoir si je dois leur faire confiance ou m’en méfier. Son silences, celui de Thalorian es lourds de secrets, et moi, je me sens si petite, si vulnérable face à tout ce que je ne comprends pas.

Je ne contrôle plus rien, pas même ce qui se passe ici, avec eux, dans ce désert. Et cela me fait peur. Plus que je ne l’aurais cru.

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