Sophia
Voilà deux heures que nous sommes confinés ici, les heures passées m’ont donnée la sensation d’être enfermée depuis une éternité et je fais de mon mieux pour ne pas laisser mes angoisses prendre le dessus, tout me ramène à l’enfer que j’ai vécu, séquestrer dans un endroit réduit et sans lumière du jour.
Tess et Lana essayent de garder la tête hors de l’eau, mais je vois dans leurs yeux qu’elles sont inquiètes. Elles ont sûrement peur pour les garçons, on ne sait pas de quoi sont capables les RedsBlossoms. Je me lève difficilement, prenant appuie sur le mur derrière moi, je serre les dents lorsque je m’appuie sur ma jambe blessée. En boitant, je rejoins les filles qui viennent d’arriver, les bras chargés de cartons.
— Besoin d’aide ?
— Tu devrais d’assoir, tu vas avoir mal à ta jambe.
— C’est toi qui parles ?
Lana rit en regardant le bandage qui entoure sa cuisse,
— Moi, j’ai l’habitude.
— Donne-moi des cartons.
Lana finit par me donner deux petits cartons, elle me demande de les poser dans un coin de la pièce, ce que je fais. Tess me fait découvrir leurs contenus : des sacs de nourritures, où sont emballés des bouteilles d’eaux et des sandwiches, de quoi tenir encore plusieurs heures, ce qui annonce que la situation à l’extérieur est loin d’être réglé.
— Tu peux distribuer tout ça, un sachet par personne.
— Tess, est-ce que tu vas bien ?
Elle me regarde, ses yeux anthracite se remplissent de larmes,
— J’ai peur pour eux. Avec Lana, on a entendu plein de coup de feu. Les Reds sont tenaces.
— Moi, je crois que les garçons sont bien plus rusé. Et puis avec ce grand mal alpha de Leighton rien ne peut leur arriver.
Elle rit tout en essuyant ses larmes,
— Tu sais réconforter.
Je lui souris, prend plusieurs sachets dans mes mains,
— J’ai simplement confiance.
Tess et Lana se regardent surpris, dans ce genre de moment la confiance est primordiale, et si je m’écroule à mon tour ça n’arrangera pas les choses, je hais Leighton, mais je suppose qu’on peut lui faire confiance pour protéger son territoire.
Je m’éloigne des filles et commence à donner des sachets aux membres du gang. Nous sommes tous épuisés et en état d’alerte, l’ambiance est lourde, pesante, comme si l’air devenait irrespirable, que des ombres nocives planaient au-dessus de nous, pour mieux nous détruire. C’est dans ce genre de moment que j’ai bien besoin de nicotine.
Je me rends une nouvelle fois vers les cartons où je prends des sachets, je continue de les distribuer jusqu'à ce que tout le monde est de quoi se nourrir et je finis par m’écrouler sur le sol, ma jambe me brûlant. Tess et Lana suivent le même mouvement et s’installent à côté de moi, elles ouvrent leurs sachets et commencent à manger les pauvres sandwich. En face de moi est accroché une horloge, son tic-tac résonne dans ma tête comme un compte à rebours, chaque minute semble durée une éternité, chaque mouvement d’aiguille est l’espoir de voir les garçons arriver, en vie.
— Soph.
Mes yeux quittèrent l’horloge pour se poser sur la petite blonde tatouée à côté de moi,
— Tu ne manges pas ?
— Je n’ai pas très faim.
Lana fronce les sourcils, inquiète.
— Tout va bien Lana.
— Je suis convaincu du contraire. Mange, ça pourrait durer toute la nuit.
Toute la nuit ! je me tourne et ferme les yeux, mon cœur s’emballe dans ma poitrine, me torturant. Mon cerveau se replonge dans mes souvenirs les plus profonds, je remonte mes genoux à ma poitrine, mes mains jointent, je cache mon visage. J’essaye de prendre de grandes respirations, comme me le conseiller ma psychologue. Je reste concentrée sur mon cœur, à la manière dont il bat, les images dans mon cerveau se font moins forte, s’estompant peu à peu, mon cœur reprend un rythme cardiaque normal, j’ouvre les yeux, des larmes perlent le long de mes joues, je les essuie rapidement, je crois que c’est la première fois que j’arrive à calmer une angoisse. Je relève la tête, je prends la bouteille d’eau qui se trouve dans le sachet,
— Tout va bien ?
Je lève la tête vers Eddy qui est debout devant moi, je hoche la tête, il vient s’assoir à côté de moi.
— Tu ne manges pas ?
— Pourquoi vous êtes tant obsédés par ça ?
— Parce qu’on s’inquiète.
— Manger ne résout aucun problème. La nourriture ne me fera pas sentir mieux.
— Alors, je me tais.
Il tourna la tête, la basculant légèrement en arrière pour rencontrer le mur derrière lui, son profil s’offre à moi, sa barbe de plusieurs jours descend dans son cou, ses longs cheveux ébène touchent ses épaules, ses yeux commencent à se rider. Eddy est le style d’homme qui parait négligé et qui pourtant passe une heure dans la salle de bain.
Je détourne le regard,
— Nous parions sur Leighton, nous nous sommes trompés.
Je fronce les sourcils, et fixe Tess qui a chuchotée cette phrase dans le creux de mon oreille, Lana souriant à côté, montrant sa dentition parfaite,
— Vous êtes dingue, ni l’un ni l’autre ne me plait. Et vous avez sérieusement parié sur Leighton ?
Elle se contente de hausser les épaules, Lana de son pouce et index joint, fait mine de fermer sa bouche à clé.
— J’espère que ce n’est pas de l’argent en jeu les filles, car vous risquez de perdre, Leighton ne sera jamais celui que j’aimerais.
****
Je commence à crever de chaud dans ce bunker, quatre longues heures se sont écroulées. La quasi-totalité des membres s'est endormi, dont Eddy qui a la tête posée sur mon épaule, ce qui a fait jubiler les filles, qui parie des choses sur ma vie amoureuse. Je fixe de nouveau l’horloge, dans dix-minutes, ça fera quatre heures trente que nous sommes ici, dans ce bunker qui commence à devenir irrespirable, je me tourne vers Lana qui pique du nez,
— Tu crois qu’ils vont bien ?
— Lana, ils vont bien.
Lana a du mal à me sourire, elle est en train de se faire bouffer par l’inquiétude. Mais cela ne dure pas, car la porte extérieure du bunker s’ouvre dans un fracas qui réveille tout le monde, Leighton rendre amoché, ses yeux bleus/gris se posent sur moi. Il fixe la tête d’Eddy encore posée sur mon épaule, un éclair transperce ses yeux. Lana se lève et le prend dans ses bras, son inquiétude disparait et la mienne aussi quand Parker et Ellis surgissent, eux aussi, dans un sale état.
Je pousse la tête d’Eddy qui se réveille et s’excuse, gêné, je me lève, mes yeux sont toujours fixés sur Leighton, sa lèvre inférieure est fendue, son œil droit prend une teinte noire, sa pommette gauche est gonflée, du sang abime ses mains, son long nez fin dérive légèrement signe qu’il a dû le remettre en place, mais je n’ai pas le temps de plus le regarder que Parker me saute dans les bras,
— Sophia, tu es encore là.
— Oui, Parker, je suis encore là.
— J’ai envie de chanter tellement je suis content.
J’explose de rire, Parker a un caractère bien à lui, ce qui jure complètement avec son meilleur ami, qui porte une ombre de souffrance constante sur le visage, c’est ce que nous avons en commun lui et moi, nous avons l’âme déchirée.
— Bon, très bien. Nous allons renforcer la sécurité, je veux tous les hommes de terrain, il s’avance vers moi. Toi aussi Papillon, seulement moi, avait pu entendre ce surnom qui me fit frissonner. Il est temps que tu fasses tes marques.
— QUOI ? Elle est blessée Leigh.
— Mais ça ce n’est pas mon problème. Les autres aller vous couchez. Ellis, je te laisse d’occuper de Sophia.
Ellis vient vers moi, l’air navré. Je le suis jusqu'à dehors, je prends une grande bouffée d’oxygène, l’air caresse mon visage,
— Tu seras à l’entrée de la forêt, tient, c'est pour toi.
Il me donne un gilet pare-balles et une ceinture où je peux ranger une arme et des couteaux. Je les prends et les enfile immédiatement, il me donne ensuite quelques couteaux, que je place à des endroits stratégiques et faciles d’accès, puis il sort une arme, mais je l’arrête,
— Je n’en veux pas. Je ne suis pas prête.
— Tu l’es, la dernière fois, tu as visé deux fois le cœur.
— C’était un coup de chance. Je serai me défendre avec seulement ces couteaux.
— Je vais cacher l’arme sous ce rocher, utilise-la si ta vie est enjeu.
Ellis me laisse seul, la nuit est pesante, les oiseaux chante, les feuilles des arbres s’entremêlent. Peut-être que c’est ce soir que je vais revoir la mort, cette fois, je serai plus convaincante. Je fixe l’horizon, je suis seule.