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AzaliaBouvry
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Chapitre 1 : Une alliance forcée

  Le balancement régulier fut la première chose dont Althea prit conscience. Ce mouvement familier, celui d'un navire fendant les vagues, était inscrit dans son corps comme une seconde nature. Puis vint la douleur, un élancement sourd dans ses côtes, une pulsation à l'arrière de son crâne, la brûlure des cordes autour de ses poignets.

Elle ouvrit lentement les yeux, accueillant le monde par une fente prudente entre ses paupières. Un plafond bas de bois sombre oscillait doucement au-dessus d'elle. L'air était chargé d'une odeur de sel, de goudron et de bois humide; l'odeur caractéristique d'un navire en mer, mais pas le sien.

Les souvenirs affluèrent brusquement : la tempête, le Tempête Noire, le combat, la capitaine aux yeux gris. Mira Belleville.

Althea tenta de se redresser, mais la douleur dans ses côtes l'obligea à retomber sur ce qui semblait être une couchette étroite. Ses mains étaient liées devant elle par une corde épaisse qui avait déjà commencé à marquer sa peau pâle.

Une inspection rapide de sa prison révéla qu'elle se trouvait dans une cabine spartiate mais propre. Pas la cale où l'on jetait habituellement les prisonniers. C'était... inhabituel.

La porte de la cabine s'ouvrit soudain, révélant une silhouette massive qui bloquait presque tout l'encadrement. Un homme à la peau sombre, au crâne rasé et au visage marqué par une vie de batailles s'avança d'un pas. Il portait un gilet de cuir sans manches qui laissait voir des bras puissants couverts de tatouages représentant des créatures marines.

 — La princesse est réveillée, constata-t-il d'une voix grave au fort accent des îles du sud. La capitaine va être contente.

Althea se redressa malgré la douleur, refusant de paraître faible devant son geôlier.

 — Où suis-je ? 

L'homme émit un rire bref. 

 — Où tu crois ? Sur le Tempête Noire, bien sûr. Le navire le plus rapide et le plus craint des sept mers. 

 — Et que me veut votre capitaine ?  demanda Althea, s'efforçant de garder une voix ferme.

Au lieu de répondre, l'homme fit un pas de côté. Derrière lui se tenait maintenant Mira Belleville, en personne, aussi imposante qu'Althea s'en souvenait, malgré sa taille moyenne. À la lumière du jour, Althea put mieux détailler son visage : des traits anguleux adoucis par des lèvres pleines, des pommettes hautes qui auraient pu appartenir à une aristocrate dans une autre vie, et toujours cette cicatrice pâle qui semblait presque luire sur sa peau hâlée par le soleil.

 — Laisse-nous, Karim,  ordonna Mira sans quitter Althea des yeux.

Le géant s'inclina légèrement et sortit, refermant la porte derrière lui.

Pendant quelques instants, les deux femmes s'observèrent en silence, chacune jaugeant l'autre comme deux prédateurs qui se rencontreraient sur un territoire disputé.

 — Althea Marlow, dit enfin Mira, prononçant son nom avec une étrange familiarité qui mit Althea mal à l'aise. L'ancienne lieutenant de la marine royale d'Avaloria. Cartographe de génie. Navigatrice exceptionnelle. Et maintenant... contrebandière solitaire. Quelle déchéance, susurra-t-elle en se rapprochant doucement.

Althea ne laissa rien paraître, mais les mots avaient touché juste. 

 — Je préfère le terme  — commerçante indépendante — .

Un sourire froid étira les lèvres de Mira.

 — Bien sûr. Tout comme je préfère  — acquéreuse d'objets de valeur —  à 'pirate'. Mais les euphémismes ne changent pas ce que nous sommes. 

Elle s'approcha de la couchette et, sans prévenir, saisit le menton d'Althea entre ses doigts, l'obligeant à lever le visage vers la lumière filtrant par le hublot. Son pouce effleura une cicatrice presque invisible près de la lèvre d'Althea.

 — Les cicatrices racontent des histoires, lieutenant Marlow. Les vôtres sont... intéressantes. 

Althea se dégagea d'un mouvement brusque. 

 —Je ne suis plus lieutenant depuis longtemps. Et mes cicatrices ne vous regardent pas. 

 — Tout ce qui se trouve sur mon navire me regarde,  répliqua Mira, sa voix soudain plus dure. Y compris vous.

Elle sortit quelque chose de sa poche et le laissa pendre devant le visage d'Althea. Un médaillon en argent terni, représentant une constellation inconnue sertie de minuscules pierres bleues qui semblaient capturer la lumière d'une façon presque surnaturelle.

Le cœur d'Althea manqua un battement. 

 — Où avez-vous trouvé ça ? 

 —Sur votre navire, avant qu'il ne coule. Caché dans un compartiment secret de votre cabine. Mira observait attentivement les réactions d'Althea.  Un objet auquel vous semblez tenir particulièrement.

Althea lutta pour maintenir un visage impassible, mais quelque chose dû la trahir car le sourire de Mira s'élargit.

 — Je me demandais ce qu'une ancienne officielle de la marine faisait seule au milieu de l'océan, si loin des routes commerciales. Ce petit bijou pourrait-il avoir un rapport avec votre présence ici ? 

 — Rendez-le moi ! exigea Althea, incapable de dissimuler l'urgence dans sa voix.  C'est un souvenir de famille, rien de plus.

 — Un souvenir de famille, répéta Mira, faisant tourner le médaillon entre ses doigts. La lumière dansait sur les pierres bleues, projetant d'étranges motifs sur les murs de la cabine. Avec une carte stellaire que je n'avais jamais vue auparavant. Quel curieux souvenir de famille. 

Elle s'assit sur un tabouret face à Althea, le médaillon toujours dans sa main.

 — Savez-vous ce que je pense, Althea Marlow ? Je pense que ce n'est pas un simple bijou. Je pense que c'est bien plus important que cela. 

Althea garda le silence, mais ses yeux ne quittaient pas le médaillon.

 — Une carte pour un trésor peut être  poursuivit Mira.  —  Un trésor que vous cherchiez. 

 —Vous vous trompez,  répondit enfin Althea.

 — Vraiment ? Alors pourquoi aviez-vous en votre possession des cartes de l'Archipel des Murmures ? Une région que seuls les fous ou les chasseurs de trésors osent approcher ? releva Mira, un sourcil arqué

Althea sentit un frisson lui parcourir l'échine. Comment cette femme pouvait-elle savoir pour l'Archipel ? Ses cartes étaient codées, illisibles pour quiconque ne connaissait pas son système.

Comme si elle lisait dans ses pensées, Mira ajouta : 

 — J'ai eu le temps d'étudier vos cartes pendant que vous étiez inconsciente. Votre système de codage est ingénieux, mais pas indéchiffrable. Surtout pour quelqu'un qui a... disons, une certaine expertise dans le domaine. 

Elle se pencha en avant, son visage soudain proche de celui d'Althea. 

 — Voici ma proposition, lieutenant. Vous allez me guider jusqu'à ce trésor. Vous allez m'expliquer ce que représente réellement ce médaillon et comment l'utiliser. En échange, je vous laisse la vie sauve. Et qui sait, si vous vous montrez coopérative, peut-être même une petite part du butin. 

 — Et si je refuse ? demanda Althea, connaissant déjà la réponse.

Le regard de Mira se durcit. 

 — Alors vous rejoindrez votre navire par le fond. Après avoir révélé tout ce que vous savez, bien sûr. Karim a des méthodes très... persuasives pour délier les langues. 

Althea soutint son regard. 

 — Vous pouvez me torturer si ça vous chante, mais sans moi, vous ne trouverez jamais ce que vous cherchez. Ce médaillon ne s'ouvrira pas pour vous. 

Un éclair de surprise traversa le visage de Mira. 

 — S'ouvrir ? 

Althea se mordit la lèvre, consciente d'en avoir trop dit.

Mira examina plus attentivement le médaillon, cherchant un mécanisme d'ouverture qu'elle n'avait pas remarqué auparavant.

 — Intéressant, murmura-t-elle. Puis, relevant les yeux vers Althea: Il semble que vous soyez encore plus précieuse que je ne le pensais. 

Elle se leva, rangea le médaillon dans sa poche et se dirigea vers la porte. Avant de sortir, elle se retourna 

 — Réfléchissez à ma proposition, lieutenant. Nous avons une longue route devant nous, et je préférerais la faire avec votre coopération volontaire. Mais ne vous y trompez pas – avec ou sans votre consentement, j'obtiendrai ce que je veux. 

La porte se referma derrière elle, laissant Althea seule avec sa douleur et ses pensées.

Le médaillon. De tous les objets qu'elle possédait, c'était le seul qu'elle ne pouvait se permettre de perdre. Le dernier lien avec sa mère disparue. Et maintenant, il était entre les mains d'une des femmes les plus dangereuses des sept mers.

Althea ferma les yeux, cherchant à calmer les battements affolés de son cœur. Elle avait survécu à des situations désespérées auparavant. Elle survivrait à celle-ci.

Mais pour la première fois depuis longtemps, Althea Marlow n'était pas certaine de la marche à suivre. Car le médaillon n'était pas qu'un simple souvenir. Mira avait raison sur un point : c'était bien un accès. Mais ce qu'elle ouvrait était bien plus dangereux, et précieux, qu'un simple coffre au trésor.


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