Loading...
1 - Prologue
2 - Chapitre 1 - Et ainsi l'histoire commença
3 - Chapitre 2 - La messe rouge
4 - Chapitre 3 - Les stigmates d'une terre à sang
5 - Chapitre 4 - Le discours qui souleva les cœurs meurtris
6 - Chapitre 5 - L'enfant qui fit trembler la volonté
7 - Chapitre 6 - La bénédiction donnée aux marins
8 - Chapitre 7 - La mer de sang
9 - Chapitre 8 - La Damnée
10 - Chapitre 9 - Les Sanglants
11 - Chapitre 10 - Les larmes versées par les défunts
12 - Chapitre 11 - Cette douceur qui fut jadis celle de son père
13 - Chapitre 12 - Les désirs qui l'importèrent sur la raison
14 - Chapitre 13 - Les monarques
15 - Chapitre 14 - La volonté d'un puresang
16 - Chapitre 15 - Les larmes de celui qui souffrait
17 - Chapitre 16 - La lame qui dansait sous le sang
18 - Chapitre 17 - D'Od naquit la discorde ; du désespoir naquit Anela
19 - Chapitre 18 - De l'amour naquit le regret
20 - Chapitre 19 - Il y aura mille vies qui précéderont sa renaissance
21 - Chapitre 20 - Le festin macabre offert par un fils
22 - Chapitre 21 - L'enfant sauvage dont l'âme fut sauvé par la paix
23 - Chapitre 22 - Le démêlé des Ducs, du Vicaire et du Monarque
24 - Chapitre 23 - Le Duc de Beausang qui offrit son pardon
25 - Chapitre 24 - Le chant qui fut porté à l'oreille du siffleur rouge
26 - Chapitre 25 - L'aperçu d'un demain meilleur qu'aujourdhui
27 - Chapitre 26 - La plume de la hardiesse et le Duchesse de Blansang
28 - Chapitre 27 - La lettre de l'enfant
29 - Chapitre 28 - Le cœur qui avait besoin de son semblable
30 - Chapitre 29 - L'union d'un peuple : les Sanguinaires
31 - Chapitre 30 - La malédiction des dieux
32 - Chapitre 31 - À l'aube de la dernière bataille sanglante
33 - Chapitre 32 - Les corps entrelacés
34 - Chapitre 33 - Les derniers échanges des mangesangs
35 - Chapitre 34 - Et ainsi, l'histoire se termina
36 - Épilogue
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Share the book

Chapitre 23 - Le Duc de Beausang qui offrit son pardon


Rune

— Tu as choisi de révéler la vérité alors même que tu savais qu'ils pourraient ne jamais te pardonner. Tu aurais pu nous cacher la vérité sur Vyl, mais tu as fait le choix de l'honnêteté.

— Je voulais être honnête. Ce qui arrive, les répercussions, je ne les dois qu'à moi. Ce sont mes erreurs, quand bien même je ne regrette pas certaines d'elle, avouai-je.

Fratera était resté. Il avait fait le choix de ne pas s'en aller et mieux encore, de rester à mes côtés. Je ne pouvais être plus reconnaissant que je ne l'étais déjà. C'était important pour moi d'avoir une once de soutien de sa part. C'était important de savoir que ce que nous avions vécu était suffisamment important pour qu'il me laisse une seconde chance. Il s'avança vers moi, sans crainte dans le regard, et saisit mon bras. Je pouvais bien lire de la déception, mais il m'acceptait. Il me croyait.

— Pero est jeune et... tu lui as enlevé beaucoup, mais sais-tu pourquoi Anela et elle souffrent tant de ton comportement ?

Je secouai la tête. J'étais soulagé de ne pas avoir hérité de la bénédiction de Luna, de ne pas ressentir les émotions avec autant de clarté qu'elle. Je ne m'en sentais pas capable et je savais que j'aurais ployé sous le poids de celles qui assaillaient Pero et Anela. Je ne voulais pas comprendre l'ampleur de leurs chagrins, de leurs colères ou de leurs déceptions. Je m'accrochai à Fratera. Il était là lorsque les autres ne l'étaient pas. J'avais besoin de son soutien ; du soutien de quelqu'un qui avait fait le voyage avec moi.

— Parce qu'ils t'aiment. Ils t'ont ouvert leurs cœurs. Tu as agi avec Pero comme un frère l'aurait fait. Le jour où tu lui as attaché les cheveux, elle a réitéré ce geste encore et encore. Tu as agi avec Anela comme un amant l'aurait fait. Il s'est reposé sur toi comme il ne l'avait encore jamais fait. C'est l'amour qui fait mal.

Je n'étais pas certain d'avoir un jour pleuré. Bien sûr, j'avais pleuré dans les bras d'Anela en comprenant l'ampleur de mes sentiments à son égard et voyant l'avenir qui nous attendrait, mais avant ça, pas une larme ne m'avait échappé. Aujourd'hui, je m'apprêtai à réitérer l'action et Anela n'était pas là pour les sécher. Mes yeux me brulèrent si férocement que même tenter de retenir mes larmes échoua. Elles ruisselèrent sur mes joues et je tentai, vainement, de les essuyer.

— Je t'en veux Rune. Je t'en veux d'avoir mangé les miens, d'avoir fait du mal à tous ces gens et je t'en veux de ne pas avoir dit la vérité, mais... je comprends.

— Je... je ne savais pas ce que je faisais. Je n'avais encore jamais rencontré de puresang lorsque j'en mangeais ! J'ai... réitéré les actions des plus grands. Je n'étais pas conscient que c'était mal et je ne l'aurais jamais compris si je ne vous avais pas étudié. J'ai aimé ça, mais je suis désolé !

La main de Fratera se resserra sur mon bras et je tentai de le regarder, mais mes larmes coulaient si abondamment que je parvenais tout juste à voir son visage. Je ne voyais pas distinctement quelle expression il pouvait m'octroyer. Peut-être était-il répugné ?

— Je ne recommencerais pas. Et je... Si j'avais dit la vérité sur qui j'étais... Lorsque l'idée de vous le révéler frôlait mon esprit, je savais que je ne pourrais pas ! Je savais que vous auriez fui, comme aujourd'hui. Fratera, je ne mens pas. Je me suis attaché à chacun de vous !

— Je te crois, mais tu as fait des erreurs. Tu ne peux pas t'attendre à ce que chacun comprenne comme moi. J'ai plus de recul que Pero et Anela.

Sa main me quitta et alors que je pensais qu'il allait m'abandonner à mes larmes, son corps tout entier rencontra le mien. Il m'étreignait. Ses bras entouraient tendrement mon corps et je fis de même. Je me promis de me souvenir de ce moment, de cette douceur et de l'homme qui vit en moi bien plus que mes erreurs. Je le serrais plus fort encore que lui ne le faisait. Rien ne l'avait obligé à le faire, mais ce fut sans dégoût qu'il caressait affectueusement mon dos et mes cheveux.

— J'ai vu le chagrin transformer plus d'une personne, mais c'est la première fois que la transformation est si drastique. Tu semblais si sûr de toi durant le voyage, si fort, et te voilà, essuyant un chagrin comme un enfant.

Je fermai les yeux, les larmes intarissables. À nouveau, ce fut cette voix douce et rassurant qui parlait contre mon oreille.

— Mais qu'importe ton apparence ou ton comportement, je te reconnaitrais toujours dans la façon que tu as eu de prendre soin de nous. Tu nous as empêchés de manger les nôtres, tu as écouté la demande silencieuse de Pero de ne pas faire de mal à Selene et tu ne t'imposes pas à Anela lorsqu'il ne le souhaite pas.

Ses doigts massèrent mon crâne et je laissai mon poids retomber sur lui.

— Tu prends soin de nous. Je te reconnais, même avec ce visage Rune, et je crois en toi. Un jour viendra où, tu verras, Anela comprendra ta situation. Pour Pero, il lui faudra du temps.

J'acquiesçai, perdu dans ses bras et noyé dans sa tendresse. J'avais protégé au mieux les Ducs durant le voyage, mais Fratera avait pris soin de nous. Il s'était assuré de notre santé mentale et physique. Toutes les petites attentions venaient toujours de lui. Il était foncièrement bon, encore en ce moment. Il avait tort. Il y avait des gens que même le chagrin ne parvenait pas à transformer. Il demeurait le même être naturellement paternel.

Et entendre mon nom, mon véritable nom, de sa bouche allégea ma tristesse. Mes larmes, lentement, refluèrent au rythme de ses caresses ; à la cadence de son cœur qui battait contre ma poitrine. Je ne me serais jamais décidé à le lâcher. Aussi, ce fut lui qui rompit notre étreinte après un temps qui me sembla être une agréable éternité. Je daignai le lâcher et un silence, un peu gêné pour ma part, enveloppa la pièce. Là encore, Fratera le brisa.

— Je n'ai pas encore vu Beret. Luna m'a brièvement dit que son corps était conservé. Et si nous y allions ensemble ?

Voir Beret...

— Je ne sais pas si j'en ai le courage, murmurai-je. C'est de ma faute. Lui faire face...

— Je n'ai pas le courage d'y aller seul, Rune. J'aimerais que tu m'y accompagnes.

Je le soupçonnai de me mentir pour m'entraîner avec lui, mais j'appréciais le fait qu'il m'incitait à le faire. Je suivis ses pas, sans hâte. Je lui indiquais le chemin, faiblement. À nouveau, comme lorsque j'y avais accompagné Anela, les couloirs me semblèrent étroits et étouffants. Je me sentais suffoquer, pourtant, lorsque Fratera attrapa ma main, je retrouvais du courage. Nous pénétrâmes la salle et Beret fut bien là, installer sur cet autel rougeoyant.

Fratera lâcha ma main pour s'approcher et sans crainte, il posa ses doigts sur la peau de Beret. Cette dernière devait être si froide... juste ainsi, en l'imaginant, je frissonnai. Sa peau était pâle, mais son visage... son visage était...

— Il semble être parti en paix, constata Fratera en même temps que je le pensais. Il affiche une mine si sereine.

— Penses-tu... penses-tu qu'il s'en est allé en me haïssant ?

— Je ne pense pas qu'il a su pour toi, mais là où il est, il doit savoir désormais.

Je déglutis.

— Je suis convaincu qu'il t'aurait pardonné plus vite qu'Anela et Pero, toujours moins que moi vu comment il était buté. Je l'imagine se battre avec toi pour avoir des réponses, pour se soulager de ses nerfs, et vous auriez fini tous les deux épuisés, à en rire.

Je souris, cette vision s'imposant à mon esprit.

— Beret t'aurait insulté, mais il aurait compris. Son rire bruyant aurait animé cette bâtisse. Bien qu'en réalité... tu l'aurais écrasé au combat !

Je rigolai devant la véracité de cette information. Je me décalai un peu pour voir quel visage pouvait bien faire Fratera et mon cœur manqua un battement. Il pleurait, mais un sourire mélancolique embellissait son visage.

— Je me souviens... de ce rire, oui. Il riait si fort que je pensais qu'il attirerait tous les mangesangs dans les bois et... je me mettais à rire avec lui, à ses blagues graveleuses qu'il faisait sans prendre en compte que Pero n'était qu'une enfant.

Fratera pouffa à son tour et il hocha la tête. J'eus le courage de me rapprocher. Je laissai mon épaule frôler la sienne pour lui apporter du soutien à mon tour.

— Et il se plaignait toujours de la nourriture que nous mangions et je le comprenais, mais la façon qu'il avait de le dire était si hilarante ! Il était le rire de notre petite équipe. Il était le soleil qui jamais ne se couchait, affirma Fratera.

J'osai toucher la peau froide de Beret. Je devais avoir le même visage que Fratera, ni triste ni vraiment joyeux.

— Je l'entends encore dans chaque rire, dans chaque sifflement du vent, confiai-je. C'est incessant.

— Il est parti en paix. Nous ne pouvons pas le retenir avec notre chagrin ou notre culpabilité. Nous lui avions offert un merveilleux dernier voyage. On pourrait appeler ça... « le voyage qui a changé l'avenir » !

— C'est un peu long.

Il y concéda par un hochement de tête amusé et puis, le moment devint plus solennel. Il posa une main sur son propre cœur et son sourire se fana.

— Que le sang de Rodel te bénisse Beret, qu'il veille sur toi et te protège des cauchemars.

Une dernière parole. Je posai moi aussi ma main sur mon palpitant éprouvé, l'autre toujours fermement accroché au bras de notre ami.

— Que tes pas soient guidés par le chant des siffleurs rouges, mon ami.

Puis, sentant le regard de Fratera sur moi, je le regardai. Nous échangeâmes un sourire sincère avant de nous murer dans le silence. Nul mot ne fut plus fort que ce moment. Quelque chose avait changé entre lui et moi. Quelque chose avait évolué et j'en étais pleinement conscient. J'avais une épaule sur qui me reposer, autre que mes frères et mes sœurs. Fratera était là désormais et c'était un premier pas. C'était le premier pas d'un lien qui se formait ; d'une alliance entre mangesang et puresang. Plus que cela, c'était une amitié pleine de sincérité et de pardon.

Je n'eus plus aucun regret lorsque nous nous séparâmes plus tard, car je n'avais plus peur qu'il m'en veuille. J'avais hâte d'être à notre prochaine discussion. Il m'avait pardonné et l'idée germait doucement dans mon esprit : et si je parvenais aussi à me pardonner ?

— Rune, père veut te parler !

J'acquiesçai face aux paroles de Ruka.

Je regagnai la salle principale, là d'où il ne bougeait plus depuis de longues années maintenant. Je le retrouvais assis sur l'immense siège, les pétales de consanguines virevoltant autour de lui. Ils étaient de plus en plus nombreux. Tristement. Lorsqu'il me vit, il tendit la main pour m'inviter à approcher et je m'agenouillai face à ses jambes. Sa main se perdit brièvement sur ma joue avant qu'il n'inspire profondément et lorsqu'il expira, des milliers de pétales le quittèrent.

— Je suis heureux que tu sois de retour, bien que tu ne sembles pas aussi ravie que nous.

— Je le suis, détrompez-vous père, mais la situation est compliqué pour moi. J'aime Anela, et les Ducs.

— Aimez le Vicaire Sanglant... Aimer un dieu façonné par Rodel n'est pas une chose à faire. Seul Rodel sait de quoi est capable sa création. C'est pourquoi nous devons être méfiants.

Certainement dus-je avoir un visage contrarié puisqu'il pinça ma joue.

— Il ne me reste plus beaucoup de temps. Délaisser mes bénédictions pour vous les offrir m'a beaucoup coûté. Rodel n'a jamais pu se résigner à porter la main sur moi pour m'arrêter, mais il a trouvé une solution qui lui ressemble bien. Chacun de vous, de mes enfants, a coûté un peu de ma propre vie.

Je le savais. Il nous le racontait souvent, comment Rodel le tuait avec l'amour qu'il nous portait.

— Je vivrais tout juste assez pour voir le nouveau monde, mais si Anela décide de se battre avec les siens, alors je crains ne jamais voir ce monde. Convint le Rune.

— Il ne m'écoute plus, père. Le choix lui appartient.

Il soupira et hocha la tête.

— Lorsque je ne serais plus là, je veux être sûr que mes enfants seront dans un meilleur monde. Avant que tous les pétales ne se fanent, je veux avoir une chance de vous voir heureux dans un monde de paix, mais je fatigue Rune.

Je le laissai caresser ma joue sans dire quoi que ce soit. J'étais conscient de sa situation, de son but et de sa dévotion à notre égard, mais je ne pouvais décemment pas forcer la main à Anela. Pourtant... il disait vrai. Alors même que je croulais sous l'amour que je portais à Anela, j'ignorais de quoi il était capable.

Rodel ne pouvait pas avoir fait d'Anela un simple mortel. Il était sa création ; sa plus époustouflante création.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet