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Prologue
Chapitre 1 - Et ainsi l'histoire commença
Chapitre 2 - La messe rouge
Chapitre 3 - Les stigmates d'une terre à sang
Chapitre 4 - Le discours qui souleva les cœurs meurtris
Chapitre 5 - L'enfant qui fit trembler la volonté
Chapitre 6 - La bénédiction donnée aux marins
Chapitre 7 - La mer de sang
Chapitre 8 - La Damnée
Chapitre 9 - Les Sanglants
Chapitre 10 - Les larmes versées par les défunts
Chapitre 11 - Cette douceur qui fut jadis celle de son père
Chapitre 12 - Les désirs qui l'importèrent sur la raison
Chapitre 13 - Les monarques
Chapitre 14 - La volonté d'un puresang
Chapitre 15 - Les larmes de celui qui souffrait
Chapitre 16 - La lame qui dansait sous le sang
Chapitre 17 - D'Od naquit la discorde ; du désespoir naquit Anela
Chapitre 18 - De l'amour naquit le regret
Chapitre 19 - Il y aura mille vies qui précéderont sa renaissance
Chapitre 20 - Le festin macabre offert par un fils
Chapitre 21 - L'enfant sauvage dont l'âme fut sauvé par la paix
Chapitre 22 - Le démêlé des Ducs, du Vicaire et du Monarque
Chapitre 23 - Le Duc de Beausang qui offrit son pardon
Chapitre 24 - Le chant qui fut porté à l'oreille du siffleur rouge
Chapitre 25 - L'aperçu d'un demain meilleur qu'aujourdhui
Chapitre 26 - La plume de la hardiesse et le Duchesse de Blansang
Chapitre 27 - La lettre de l'enfant
Chapitre 28 - Le cœur qui avait besoin de son semblable
Chapitre 29 - L'union d'un peuple : les Sanguinaires
Chapitre 30 - La malédiction des dieux
Chapitre 31 - À l'aube de la dernière bataille sanglante
Chapitre 32 - Les corps entrelacés
Chapitre 33 - Les derniers échanges des mangesangs
Chapitre 34 - Et ainsi, l'histoire se termina
Épilogue
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LeenFeuerwisp
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Chapitre 30 - La malédiction des dieux

Anela

Un choix. À qui revenait-il de choisir si les vies des puresangs méritaient d'être sacrifiées au profit de certains d'entre nous ? J'avais grandi pour les protéger, pour maintenir Vilsang debout et prête à se dresser face aux mangesangs. J'avais été le rempart des duchés durant des années. Aujourd'hui, me demandait-on véritablement d'oublier toutes ces années de protection ? Voulait-on sincèrement que je renonce à protéger ? Y renoncer c'était renoncer à tout ce que j'étais.

Debout devant Od et les monarques, tous attendaient que mon choix soit donné. Pourtant, il avait été pris dès que l'idée m'avait été glissée. J'avais vacillé et douté, mais mon choix était demeuré le même. Je n'étais que le Duc de Vilsang, le Vicaire Sanglant qui avait protégé le peuple, mais jamais, ô grand jamais, je n'avais pris de décision en leur nom. J'avais été si prudent ces derniers jours. J'avais fait taire ma colère, mon chagrin et ma rancœur par peur que les monarques puissent percer à jour à mes projets.

J'avais éteint au mieux tous mes ressentiments. Je m'étais mêlé à eux, à ceux qui nous avaient causé du mal et j'avais plongé, comme Rune, mais comme lui, je refusais de reculer. Je m'étais résolu : qu'importe les pouvoirs des monarques et l'étendue de leurs forces, je n'allais laisser aucun d'eux retirer la liberté aux puresangs. Ils avaient eu l'insolence de me demander, à moi, un homme du peuple, mon accord. Je n'étais personne pour choisir pour les puresangs, personne pour avoir droit de vie ou de mort.

Les monarques n'en avaient pas plus droit non plus. Je laissais sans crainte tout m'échapper. J'expirai, relâchant toute ma fureur, et dégainai mon épée. Raj et Jek m'avaient entraîné des jours durant et j'avais réussi à faire tomber les deux avant le repas sans me prendre de coup. C'était aujourd'hui ou jamais. Luna, qui s'était toujours méfiée, fut la première à réagir. Elle avait été ma plus grande crainte. Son regard ne m'avait jamais lâché et j'avais continuellement eu l'impression qu'elle me perçait à jour.

En agissant aussi vivement, elle confirmait n'avoir jamais baissé sa garde. Je plaquai mon bras sur sa gorge pour la faire reculer et Fratera, dont l'âme et le cœur ne s'étaient jamais désunis des miens, se jeta sur elle. Désarmé, cela ne l'empêcha pas de l'éloigner de moi et de la renverser violemment au sol. Elle poussa un cri de rage qui aurait pu me faire trembler si la mienne n'était pas plus forte encore. Je n'eus le temps de ne faire que trois pas avant que Ruka ne se plante devant moi.

C'était ça. C'était tout cela qu'ils nous avaient caché durant notre séjour. Cette soif de sang horripilante et nauséabonde. Je reculai d'un pas pour éviter le brouillard rouge qui sortit de sa gueule déformée et je levai mon épée dans l'espoir de la planter dans son corps. Ce fut comme si le repas jovial que nous avions partagé n'avait jamais existé. Je m'étais amusé, mais jamais je n'avais oublié. Puis, alors que la main de Ruka s'apprêtait à saisir mon crâne et certainement à la presser tel un fruit, Rune intervint.

Il retint le poignet de son frère et saisis son visage en posant sa paume sur ce dernier. Je vis ses doigts se crisper sur le visage de Ruka. Il ne voulait pas faire de mal à son frère, mais l'idée que celui-ci m'en fasse semblait encore plus insupportable pour lui. Rune avait les yeux écarquillés. Il était profondément sous le choc et je profitais de celui-ci pour continuer mon avancée. Raj était face à moi, mais je vis à son visage désillusionné qu'elle n'essaierait rien contre moi. Il en était de même pour Jek. Je m'en voulus d'avoir, comme Rune, éprouvé de la tendresse pour eux.

Elle n'en demeurait pas moins sur ma route. Je levai mon épée et lui tranchai l'avant-bras qu'elle avait mis devant son visage pour se protéger. J'entendis vaguement Jek me hurler de ne pas faire ça et je grinçai des dents. J'enjambai Raj qui s'était recroquevillé sur le sol et me retrouvai devant Od. Cependant je vis du coin de l'œil, aussi clairement que je l'entendis, Luna revenir à la charge. Je ne pouvais pas tuer Od, j'en étais conscient. Et je n'en avais pas besoin pour ce que je voulais réaliser.

— Luna, non ! hurla Jek.

Mon pas vers Od était déjà lancé. Ce dernier était incapable de se battre. Rune nous l'avait dit : les bénédictions étaient données à ses enfants. Quand bien même était-il un dieu, il demeurait le moins effrayant. J'avais pu voir les pétales autour de lui faner de son propre corps et à chaque pétale tombé, je l'avais vu s'affaiblir. Il allait mourir de lui-même. Je ne pouvais pas me permettre d'échouer ; pour les puresangs, pour leur montrer que tout était possible.

Je me laissai tomber vers l'avant, les mains au sol et levai mon pied dans un coup qui s'abattit dans la mâchoire de Luna. Aussitôt, des ronces surgirent du corps de Jek et elles emprisonnèrent les bras de Luna. Au vu de la colère qui animait cette dernière, les ronces ne tiendraient pas, mais... Jek l'avait empêché de m'atteindre. Il m'avait, comme Rune et Raj, choisi. Od se leva alors et sa main fut brandie face à moi. Mon corps devint si lourd que je fus à deux doigts de lâcher mon épée.

Lourdement, je pris de l'élan. Je saisis ma lame, me tranchant la main sans même hésiter, et rejetai mon bras en arrière. Avec toute la force qu'il me restait et l'essor donnaient par mon mouvement, je jetai mon épée vers lui. Cependant, ma trajectoire fut légèrement déviée par Raj qui avait encerclé ma taille pour me faire perdre l'équilibre. Od, surpris, eut tout juste le temps de bouger sa tête pour éviter mon épée. Elle se planta dans son siège et je tombai à genoux, le corps trop lourd pour le supporter et Raj toujours fermement accroché à mes hanches. Od avait encore un don, mais peu importait.

De ma lame perla une goutte de sang. Le sang de Raj ne donnait pas vie à des créatures, mais de la larme écarlate qui chuta, un enfant naquit. Une créature impie, inachevée, et couverte de la laideur de l'humanité : un mangesang. Son odeur pestilentielle assaillit nos narines, mais je souris. Od releva une main hésitante à sa joue. Il saignait. J'avais espéré une plaie plus grande, mais elle était suffisamment voyante.

Un rire incontrôlable me prit. J'éclatai de rire, aux éclats, sans pouvoir m'arrêter et sans qu'aucun d'eux ne sache quoi faire, sous le choc. Luna se libéra des ronces et d'une main sur mon crâne, fracassa ma tête contre le sol. Mon corps écrasa celui de Raj qui ne se décidait pas à me lâcher. Je gémis de douleur à travers mon hilarité folle et crachai du sang. Puis, Luna me lâcha et une autre main saisit durement mes cheveux.

Le visage d'Od fut aussi laid que celui des enfants, transformés par une colère sourde, mais je ne pouvais que sourire.

— Vous venez de condamner vos duchés aux pires souffrances, Vicaire Sanglant, promit Od.

Je pouffai à nouveau en secouant la tête.

— Vous êtes les seuls condamnés. Vous... n'avez pas le droit de choisir pour eux qui devra vivre ou mourir. Ils ont le droit de choisir et je ne suis personne pour le faire à leur place, annonçai-je en retrouvant mon sérieux. Et aujourd'hui, avec cette blessure, vous venez de leur montrer que vous êtes mortel. Qui peut être blessé, qui saigne, peut être tué.

Sa prise se raffermit sur mes mèches et malgré la douleur, je restai stoïque, le regard ancré dans le sien. Nous nous ressemblions d'apparence, mais mon cœur n'était pas aussi laid que le sien.

— Avec ou sans mon accord, vous les auriez tués. Aujourd'hui, je leur ai juste donné une chance d'espérer et l'espoir gagnera cette guerre, quand bien même vous nous soumettez.

Il me jeta en arrière, Raj avec, et Luna m'attrapa par les bras pour m'immobiliser. Od saisit le pommeau de ma lame et la retira de son siège.

— Préparez-vous les enfants. Dès l'aube, nous...

— En tant que Vicaire Sanglant façonné par Rodel, je vous maudis, vous et vos enfants. Quelles que soient vos vies et vos existences, vous serez hanté par moi. Vous ne cesserez de penser à moi, d'être obsédé par le troisième fils de Rodel, par ce que j'ai fait, par ce que je représente.

Je ne lâchai pas Od du regard. On pouvait bien me briser les bras ou me couper la tête que mes yeux ne le quitteraient pas. Lui, le père de la discorde, tant que mes paroles pour lui ne seraient pas entendues, je refusais de faiblir.

— Je vous maudis, Od. Vous auriez pu achever les duchés et leurs habitants, et vous auriez dû le faire lorsque vous le pouviez encore. Ils se battront et vous blesseront. Que le sang qui coule de votre plaie ne s'efface jamais. Ce sang et cette blessure seront le symbole de votre mortalité ; le symbole de la foi des miens. Et votre chute entrainera vos enfants.

Puis, je laissai mon regard vagabonder sur les monarques. Je vis Fratera, allongé au sol, le visage ensanglanté, et cela ne fit que rendre plus terrible tout ce que je ressentais déjà. Les enfants d'Od, chacun d'eux...

— Je vous maudis monarques. Que le goût de la chair que vous avez dévoré vous brûle la gorge comme un feu sans fin. Qu'aucun mets ne trouve grâce à votre bouche ; qu'aucune boisson ne vous abreuve ; qu'aucun amour ne vous satisfasse. Vous vivrez autant d'existence dans ces conditions que de vie que vous avez massacré et mangés.

Que Rodel m'en soit témoin.

— Et toi, Rune. Puisse ton obsession pour moi te consumer. Je te maudis et te condamne à m'aimer jusqu'à la folie, à chacune de tes vies et ce, même si je n'éprouve rien à ton égard dans l'une de ces vies. Tu écouteras sans cesse mes mots et mes ordres et je serais ton unique raison de vivre. Je te condamne à n'éprouver aucun autre bonheur que celui que je déciderais de t'accorder.

Rune ne bougeait plus. Son visage candide semblait prêt à se fissurer sous la peine et j'en avais mal au cœur, bien sûr.

— Rodel aidera mon peuple. Il portera secours aux puresangs et vous ne serez pas les gagnants de cette dernière bataille. Tout cela pour vous être joué de nous, pour nous avoir trahis, tués, dévorés ; tout cela pour assurer notre vengeance et apaiser notre fureur. Rodel ne vous viendra pas en aide.

Mes paroles portaient les voix de tous les défunts.

— Dans la société que vous créerez, je renaîtrais et je serais plus important que vous tous. Ma légende s'élèvera plus haut encore que la vôtre et je serais le véritable héritage. J'éclipserais vos existences des mémoires et des souvenirs. Je vous condamne, après vos malédictions accomplies, au néant.

— Il suffit ! hurla Od. Ce ne sont que paroles et calomnies ! Je ne suis moi-même pas capable d'influencer sur les vies qui viendront. Pèse tes mots ! Si toi, pauvre fou, tu n'avais pas été façonné par la main de Rodel, je t'aurais arraché la tête, Vicaire Sanglant ou non !

Je tentai de me redresser pour lui faire face, mais Luna me maintenait toujours fermement. Elle était à la limite de me briser les os.

— Vous avez été imprudent, aveuglé par votre amour pour moi, exposai-je. Beret est mort suite à votre attaque. Mes triades sont mortes à cause de vous. Vous avez mangé la chair de mon peuple. Si vous ne me tuez pas aujourd'hui, je ne cesserais de vous hanter dans la vie comme dans la mort.

— Tu survivras, grogna-t-il. Et tu verras les puresangs souffrir par ta faute. Je t'ai offert l'opportunité de vivre en paix avec nous, de leur offrir une mort sans douleur, mais tu as choisi la souffrance.

— J'ai choisi la liberté. Les puresangs sont un peuple libre, pas une monarchie.

Il leva à nouveau sa main et une pression monstrueuse s'abattit sur mes épaules. Ce n'était pas grave. Je n'avais plus rien à accomplir dans cette vie, plus rien à regretter. Je m'étais battu. Le reste n'était plus de mon ressort. C'était aux puresangs d'agir désormais.

Je pouvais me reposer.

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