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1 - Prologue
2 - Chapitre 1 - Et ainsi l'histoire commença
3 - Chapitre 2 - La messe rouge
4 - Chapitre 3 - Les stigmates d'une terre à sang
5 - Chapitre 4 - Le discours qui souleva les cœurs meurtris
6 - Chapitre 5 - L'enfant qui fit trembler la volonté
7 - Chapitre 6 - La bénédiction donnée aux marins
8 - Chapitre 7 - La mer de sang
9 - Chapitre 8 - La Damnée
10 - Chapitre 9 - Les Sanglants
11 - Chapitre 10 - Les larmes versées par les défunts
12 - Chapitre 11 - Cette douceur qui fut jadis celle de son père
13 - Chapitre 12 - Les désirs qui l'importèrent sur la raison
14 - Chapitre 13 - Les monarques
15 - Chapitre 14 - La volonté d'un puresang
16 - Chapitre 15 - Les larmes de celui qui souffrait
17 - Chapitre 16 - La lame qui dansait sous le sang
18 - Chapitre 17 - D'Od naquit la discorde ; du désespoir naquit Anela
19 - Chapitre 18 - De l'amour naquit le regret
20 - Chapitre 19 - Il y aura mille vies qui précéderont sa renaissance
21 - Chapitre 20 - Le festin macabre offert par un fils
22 - Chapitre 21 - L'enfant sauvage dont l'âme fut sauvé par la paix
23 - Chapitre 22 - Le démêlé des Ducs, du Vicaire et du Monarque
24 - Chapitre 23 - Le Duc de Beausang qui offrit son pardon
25 - Chapitre 24 - Le chant qui fut porté à l'oreille du siffleur rouge
26 - Chapitre 25 - L'aperçu d'un demain meilleur qu'aujourdhui
27 - Chapitre 26 - La plume de la hardiesse et le Duchesse de Blansang
28 - Chapitre 27 - La lettre de l'enfant
29 - Chapitre 28 - Le cœur qui avait besoin de son semblable
30 - Chapitre 29 - L'union d'un peuple : les Sanguinaires
31 - Chapitre 30 - La malédiction des dieux
32 - Chapitre 31 - À l'aube de la dernière bataille sanglante
33 - Chapitre 32 - Les corps entrelacés
34 - Chapitre 33 - Les derniers échanges des mangesangs
35 - Chapitre 34 - Et ainsi, l'histoire se termina
36 - Épilogue
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Chapitre 29 - L'union d'un peuple : les Sanguinaires


Rune

Il pleuvait.

Je ne parvenais pas à me souvenir de quand datait la dernière fois où j'avais pu entendre la pluie s'abattre sur la maison. La voir s'écoulait en torrent et percevoir chacune de ses petites perles glisser sur les consanguines était hypnotisant. Je n'aurais su apprécier ce spectacle un jour avant. Je n'aurais su me sortir de la spirale infernale dans laquelle je m'étais plongé après m'être éloigné et ma tête aurait été submergée par cela.

Pourtant aujourd'hui, et malgré mon chagrin pour Pero, j'étais apaisé. Anela était revenu vers moi, de lui-même. Pero avait réussi à nous rapprocher et son sacrifice me laissait un goût mon amer. Anela avait passé la journée, la nuit avec moi ! Même s'il ne m'avait accordé aucun baiser, il m'avait laissé me blottir contre lui. Nos lèvres s'étaient frôlées et cette caresse suffisait à ravir mon cœur. Il ne me pardonnait pas, mais il était dans mes bras.

Je pouvais bien attendre dix vies supplémentaires pour obtenir son pardon s'il le désirait, mais il était dans mes bras et pas dans ceux d'un autre. C'était contre moi qu'il s'était blotti la nuit dernière. C'était mon étreinte qu'il avait cherchée pour supporter son chagrin. C'était contre ma chair qu'Anela avait pleuré. Il avait pleuré. Durant les mois que j'avais passés dans les duchés, les rumeurs sur le Vicaire Sanglant n'avaient jamais manqué.

On disait de lui qu'il ne pleurait jamais et cela m'avait rendu curieux. J'avais eu l'envie de le faire pleurer, de découvrir ce qui pourrait le briser au point de le faire fondre en larme, mais maintenant qu'il avait versé ses premières larmes devant autrui, face à moi, je trouvais cela trop solennel pour en parler à quiconque. Je ne les avais pas vus à proprement parler, mais je les avais sentis. Ces sournoises s'étaient cristallisées pour s'enfoncer dans mon cœur.

Elles m'avaient fait beaucoup de mal, mais Anela m'avait choisi. Il m'avait conduit tout contre son cœur sans peur aucune que je ne le détruise. C'était bouleversant et je voulais que cela n'appartienne qu'à moi, dans cette vie et les autres, car j'étais bien décidé à ce qu'il m'appartienne dans chacune d'elles. Et le voir danser au milieu de l'averse, épée en main face aux jumeaux, me confortait dans mon idée. Anela était celui en qui je croyais et j'étais prêt à me mettre le dos à lui pour lui.

— Des jardins de Rodel, Beret et Pero doivent être heureux de vous voir vous entendre à nouveau, glissa Fratera.

Assis sur les marches, là où la pluie ne pouvait pas m'atteindre, je relevai la tête pour voir ce dernier. Il transportait les plats du repas avec Luna. Je lui rendis son sourire radieux.

— Nous passons à table ! annonça Luna d'une voix forte.

En reportant mon regard sur Anela, je vis que ce dernier était parvenu à maîtriser les jumeaux. Jek avait l'épée sous sa gorge et Raj était à terre, la trachée bouchée par le pied du Vicaire Sanglant. Je restai subjugué par sa puissance, par sa magnificence et plus encore. Sous la mention du repas, Anela relâcha les jumeaux et les deux bondirent à la vitesse de la lumière pour rejoindre la table. Je me relevai et attendis patiemment que mon Anela me rejoigne.

Il s'arrêta face à moi et malgré le sourire transi de bonheur que je lui offris, il demeura... solennel. C'était étrange. Ma joie se fana et j'inclinai la tête, cherchant dans ses yeux la raison d'un tel comportement. Il ne me répondit pas, mais en passant à côté de moi, il frôla mon épaule de la sienne. Ce ne fut pas violent. Je reconnus sa caresse par ce simple geste, mais quelque chose m'inquiétait encore. Il attrapa mon poignet et s'adressa à la table.

— Commencez sans nous. Nous allons voir Selene quelques instants.

Je fronçai les sourcils. Selene ? Je m'en fichais profondément. Je n'avais pas envie de le voir et qu'Anela le veuille me faisait gronder, mais je m'abstins de toute remarque. Sa main était humide à cause de la pluie et ses cheveux étaient plaqués à son front, trempés. Je le suivis à contrecœur sous les geignements de désapprobation de Raj. Je savais bien que Selene était mal en point à cause de moi, mais je ne parvenais pas à me sentir coupable. Il avait été celui qui avait enlacé mon Anela. Pour qui s'était-il pris ?

Ancré dans ma rage, je me fis rappeler à l'ordre par le raclement de gorge d'Anela lorsque nous fûmes dans la chambre du blessé. Ce dernier reposait sur son lit, du baume et des bandages recouvrant son corps. Anela lâcha mon poignet et s'approcha de Selene. Il s'arrêta devant son lit et se retourna vers moi. Ce fut à nouveau ce regard inquiétant, celui que je ne parvenais pas à déchiffrer. Cela m'angoissait au plus haut point.

— Selene souffre de brûlure interne. Ses voies respiratoires sont endommagées, sa peau est à vif et sa rétine droite est inutilisable. Selene est aveugle de cet œil. Tout son corps a été éprouvé, énuméra Anela.

— Désolé, marmonnai-je.

— Ce ne sont pas des excuses que je veux. Tout ceci est la répercussion de ton obsession pour moi. Tu as été capable de ça pour moi, parce que tu m'aimes. Alors que penses-tu que je serais capable de faire pour défendre tout mon peuple ?

Oh, c'était donc cela. Anela s'apprêtait à prendre sa décision. J'étais soulagé, car nous ne serions plus dans le doute, mais il avait un air si sombre que je craignais le pire. De quoi pouvait-il être capable ? Anela avait à cœur de protéger son peuple, mais qu'entendaient-ils par là ? Misait-il sur la survie de quelques-uns ou sur le souhait du peuple qui préférait se battre ? Je l'ignorais. Cette ligne était encore floue pour moi. L'était-elle pour Anela également ?

Je m'approchai et il se retourna, le regard posé sur Selene qui dormait. J'en profitais pour me plaquer à son dos, une main sur son ventre pour le maintenir fermement contre moi. L'autre vint se poser sur son cou et je le serrai légèrement, juste assez pour ne pas qu'il s'échappe. Il ne tenta pas d'ailleurs ; il ne montra aucun signe quelconque. Déçu, je vins laper la petite goutte qui avait coulé de ses cheveux rougeoyants jusqu'à sa nuque.

Je le sentis alors frémir et son corps trouva le mien de lui-même, se collant intimement à moi. Je vis alors son air vulnérable ; ses sourcils froncés au point de rendre cela difficile à regarder ; ses lèvres ouvertes pour souffler son plaisir ; ses yeux humides face à la pression qu'il devait ressentir. Je décalai son épée à sa taille pour avancer ma cuisse contre la sienne et poussai mon corps toujours plus contre le sien. J'embrassai longuement sa joue, groggy de désir juste avec cela.

— Je sais que tu feras ce qui est juste pour toi et les puresangs. Tu veux les protéger, murmurai-je à son oreille.

Je l'obligeai à me regarder et, rassemblant tout mon courage et mon audace, je tentai de l'embrasser. Il détourna à nouveau son visage et je grondai de désarroi.

— Nous devrions aller rejoindre les autres.

Il se dégagea de ma prise, bien qu'il eut plus de mal pour ma main accrochée à sa gorge. Pourquoi... étions-nous venus là au juste ? Je jetai un regard méprisant à Selene. Ça n'était pas juste pour me faire part des blessures que je lui avais infligées, si ? Non. Anela m'avait posé une question, mais comment aurais-je pu répondre justement à cela ? Je n'avais jamais porté tout un peuple sur mes épaules, je n'aurais jamais su lui répondre convenablement !

Nous rejoignîmes les autres. Raj tentait d'engloutir le repas, mais Ruka parvenait toujours à l'en empêcher sous des rires joviaux. Ils nous avaient finalement attendus. Je pris place, Anela à côté de moi. Son air sombre me faisait mal au cœur, mais je n'eus pas le temps de m'y attarder. Père se leva de son assise pour nous rejoindre à table. Il tendit l'un des plats à Anela. Je ne me souvenais pas avoir vu père aussi heureux un jour. Il avait, bien plus que nous tous, l'espoir de pouvoir faire les choses avec le soutien du Vicaire Sanglant.

Plus que se rattraper pour ses erreurs envers les puresangs, il savait que le soutien d'Anela signifierait le soutien de Rodel. Autrefois, père avait laissé la discorde le corrompre, mais aujourd'hui, il répétait ses erreurs avec l'amour. Il voulait un nouveau monde en harmonie pour ses enfants. Il désirait faire de bonnes actions pour se faire pardonner auprès de Rodel plus que tout. Après des siècles de chaos entre eux, père n'en pouvait plus. Le moment où il retrouverait Rodel était proche.

Il l'avait quitté dans la haine, mais souhaitait le retrouver dans l'union.

— Nous avons essuyé des drames depuis votre arrivée et des disputes, mais je ne pense pas m'avancer en disant que nous sommes comblés par vos présences, Ducs.

Fratera hocha poliment la tête. La mort de Pero l'avait éprouvé aussi. Il était fatigué. J'avais eu la chance d'avoir eu Anela avec moi pour panser mon chagrin, mais il n'en était rien pour lui. Il avait dû se montrer fort, seul, quand bien même nous étions là.

— J'ai pris ma décision, annonça Anela. Nous devrions manger paisiblement avant d'aborder tout autre sujet.

— Bien sûr. Je tiens seulement à vous remercier. Vous auriez pu continuer à nous faire la guerre dans ce foyer, mais il n'en est rien. Nous avons pu, tous ensemble, donner un aperçu de ce que serait notre avenir. Un peuple uni malgré les douleurs et erreurs du passé.

Père, le regard dans le vide, imaginer le monde dont il rêvait. Luna posa sa main sur la sienne et il la serra dans la sienne.

— Il n'y aurait alors plus de mangesang ou de puresang, mais nous ne serions qu'un : les sanguinaires, un peuple dont l'union se fit dans le sang.

— Voilà un terme qui conviendrait bien pour ne pas oublier les temps sombres qui nous ont conduits jusque là, assura Fratera avec un sourire.

Et sous l'approbation de Jek et Raj, nous festoyâmes. Ce moment fut plus marquant encore que notre entente des derniers jours. Je surpris Anela à sourire, à taquiner Raj et Jek qui ne cessaient de l'appeler « mon oncle ». Même Ruka, d'ordinaire si silencieux et posé, se mettait à rire et à manger avec entrain. Notre union ne pouvait être plus belle qu'en ce jour. Le repas aurait pu être médiocre que nous aurions pris plaisir à le savourer, car c'était bien plus qu'un estomac remplit qui comptait pour nous.

Le bonheur était tel que lorsque je vis à nouveau le souvenir de Beret et de Pero qui me hantait, ils n'étaient plus couverts de sang et prêts à me faire payer mes erreurs ; ils étaient souriants eux aussi et je découvris qu'avec une paix comme celle-ci, même les plus terribles cauchemars pouvaient disparaitre. Nous pouvions le faire. Les puresangs pouvaient nous pardonner si nous leur offrions une quiétude telle que celle-ci et j'en étais heureux au possible.

C'était l'euphorie d'une grande annonce qui nous rendait moins timides, qui était parvenue à chasser les quelques retenues qui avaient persisté. C'était si bon, si apaisant. Jamais repas ne m'avait autant plu. Père demeurait silencieux, mais il n'avait pas besoin de mot. Le sourire ô combien soulagé qu'il arborait parlait pour lui. Les pétales qui s'échappaient de lui à chaque expiration ne me donnaient plus un goût amer, aussi magnifiques fussent-ils.

Et lorsque le repas arriva à son terme, père regagna sa grande assise et nous nous répartîmes autour de lui. Nos souffles se coupèrent lorsque Anela et Fratera se levèrent à leur tour. Le Vicaire s'avança de quelques pas de plus que Fratera et je vis à nouveau dans ses yeux cette lueur si sombre. Il me regarda et je l'interrogeai du regard. Quelque chose se passa. En une seconde, les choses dégringolèrent. Anela dégaina son épée, mais nous reconnûmes tous l'aura meurtrière derrière ce geste.

Luna se jeta sur Anela pour l'arrêter, mais Fratera s'interposa. Il la saisit par la taille avec une violence que je ne lui soupçonnais pas et la fit chuter violemment contre le sol. Luna hurla de rage, comprenant comme moi ce qu'il se passait. Ruka s'interposa entre Anela et le chemin qu'il traçait jusqu'à père. Je n'eus qu'une demi-seconde à choisir qui je voulais protéger. Je connaissais suffisamment mes frères et mes sœurs pour savoir lorsque leur envie de tuer prenait le dessus.

Je devais laisser Ruka tuer Anela ou choisir d'ouvrir la voie à Anela ; choisir entre mon Dieu ou mon père.

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