LA CALÈCHE ARRIVA AUX ABORDS DE LA VILLE DE CRIMSONNE.
Comparé à la dernière fois, les rues n’étaient pas animées par le marché hebdomadaire. C’était même assez calme, quelques passants se promenant en discutant ensemble le long des rues marchandes.
— Bienvenue à Crimsonne ! Entama Blaike, en prenant son rôle de guide au sérieux. Elle connaissait après tout la ville comme sa poche. La jeune femme y avait passé beaucoup de temps, lorsqu’elle n’était pas entre les murs du manoir, et s’y repérait très bien. Ce n’était toutefois pas vraiment le cas pour les villes voisines ou pour la capitale, qu’elle n’avait jamais vue. « C’est plus sympathique lors du marché, le mercredi ou le dimanche, mais il y a quand même de jolies choses à voir. »
Intimant le valet à la suivre, Blaike lui fit faire le tour de la place du marché, lui montrant où les marchands se posaient et lesquels il pouvait trouver sur place. Ils passèrent devant la boutique du couturier Ashcombe, devant la pâtisserie préférée de Rosélia, puis devant un musée d’art. Vinrent enfin les quelques restaurants et auberges de la ville, joliment décorés de parterres fleuris, puis la banque…
— C’est effectivement petit, mais joli, commenta Kennan lorsqu’ils eurent fait le tour de Crimsonne. Blaike lui avait tout expliqué : les coins préférés de Rosélia, les heures d’ouverture des boutiques, ou encore les divers événements qui avaient lieu sur la grande place. Le valet l’avait écoutée avec beaucoup d’attention, marchant à ses côtés et observant ce qu’elle lui montrait avec intérêt. Blaike était ravie de pouvoir présenter un endroit aussi familier pour elle, et le poids du regard que Kennan posait sur elle n’était pas pour lui déplaire. Un dernier détour par la grande place pour en observer les bannières ensoleillées et les statues et ils se dirigèrent en direction du fleuriste, la boutique de Madame Frost, un petit écrin coloré niché dans une ruelle discrète.
À l’intérieur, l’atmosphère était douce et enivrante. L’air était saturé des parfums délicats des fleurs disposées avec soin sur des étagères en bois clair, toutes de couleurs vives et variées. Leurs pétales semblaient presque vivre, éclatant de teintes chaleureuses et apaisantes. Blaike s'arrêta un instant pour les observer, l’œil attiré par l’éclat des couleurs qui dansaient sous la lumière tamisée. Elle reconnaissait les roses, les lys, les pervenches, et les marguerites, des classiques toujours aussi envoûtants. Mais son regard se posa sur des fleurs qu’elle n’avait jamais vues, aux formes exotiques, comme les oiseaux du paradis. Leurs longs pétales orange et violets semblaient flotter autour d’une tige élancée et Blaike les trouva fascinantes, aussi belles que mystérieuses.
Se recentrant sur leur objectif, Blaike tourna les yeux à la recherche des lilas, ces grappes délicates de petites fleurs mauves si parfumées. Elle les repéra rapidement et s’en approcha.
Ses yeux se posèrent sur les brins de lavande, juste à côté, leur parfum apaisant se mêlant à celui des autres fleurs. Ils en avaient autour du manoir et elle savait que Rosélia aimait s’arrêter en respirer le parfum. Alors elle s’imagina déjà le bouquet final : un mélange harmonieux de tons violets et de petites touches d’une autre couleur pour balancer.
— Je pense que ce serait plus joli de faire un bouquet un peu varié, fit remarquer Blaike en regardant les lilas, puis les brins de lavandes qu’il y avait non loin. C’est alors que la femme tenant la boutique s’approcha d’eux pour leur demander ce qu’ils cherchaient : un bouquet violet.
— Je peux vous préparer ça, un petit instant s’il vous plaît.
La fleuriste s'affaira avec une agilité tranquille, ses doigts effleurant les tiges et les pétales avec une précision experte. Elle choisit d'abord les lilas, en prenant soin de ne pas abîmer leurs grappes délicates. Ensuite, elle se tourna vers les lavandes, choisissant celles aux tiges les plus longues et droites, avant d’ajouter quelques roses blanches, leurs pétales doux comme du satin. Blaike observait attentivement chaque geste, fascinée par la fluidité des mouvements de la fleuriste.
— Vous avez l’œil pour les compositions, fit remarquer Blaike, admirant les gestes précis de la fleuriste.
La femme lui offrit un sourire discret. « C’est mon métier, après tout. Chaque fleur, chaque couleur, a une place dans la composition. Elles doivent se sublimer entre elles.» Elle continua son travail, ajoutant à la composition quelques petites pervenches et des brins de gypsophile, des touches subtiles qui apportaient de la légèreté au bouquet. Enfin, elle attacha le tout avec un ruban en satin blanc qui complétait l’ensemble avec une élégance simple.
Une fois le bouquet terminé, elle le présenta à Blaike, qui s’approcha pour l’examiner. Les couleurs s’harmonisaient à la perfection, un mélange subtil de tons violets et blancs. L’ensemble était léger, aérien, presque magique.
— C’est magnifique, murmura Blaike, touchée par la beauté du bouquet. Elle s’imagina déjà la réaction de la fille du baron en le recevant. Un sourire se dessina sur ses lèvres, satisfaite de la réussite de leur quête. Elle présenta le bouquet à Kennan, qui l’observa minutieusement à son tour.
— C’est parfait, le marquis va être ravi. déclara-t-il en payant la fleuriste, laissant à Blaike le soin de porter le bouquet.
Madame Frost les regarda avec bienveillance. « Je suis heureuse qu’il vous plaise. J’espère qu’il fera plaisir à la personne à qui vous l’offrirez. »
Ravis, ils saluèrent la fleuriste avant de sortir de la boutique, le petit carillon de la porte tintant doucement lorsqu’ils rejoignirent la ruelle marchande. Blaike jeta un regard à Kennan, ravie.
— C’est une affaire rondement menée ! Plus qu’à l’apporter au marquis.
— Oh, pas besoin. Il m’a demandé de déposer le bouquet dans la chambre de Rosélia afin qu’elle le découvre en allant se coucher.
— Très bien, j’irai le déposer dans sa chambre dans ce cas.
Kennan sortit une montre à gousset de sa poche pour vérifier l’heure et ils se mirent d’accord pour rentrer. Retournant là où les attendait leur calèche, ils montèrent à bord et repartirent en direction du manoir des Beauregard. Le trajet du retour fut rapide, ils échangèrent un peu au sujet de leur maître respectif, que ce soit les habitudes, les lubies, les talents… et échangèrent de nombreux sourires. Blaike était ravie de découvrir en Kennan un homme intéressant et intelligent, avec de la discussion. C’était rassurant étant donné qu’ils seraient amenés à se croiser régulièrement, voire même à vivre sous le même toît lorsque Rosélia serait mariée au marquis.
De retour au manoir, Kennan aida Blaike à descendre de la calèche avant de déposer un baiser sur le dos de sa main, son regard venant s’accrocher au sien.
— Merci beaucoup de m’avoir accompagné et servi de guide, remercia-t-il avant de la laisser devant le manoir pour retourner vaquer à ses occupations. Un instant prise de cours, Blaike prit quelques secondes pour remettre ses idées en place et calmer son cœur, qui s’était agité dans sa poitrine. Elle partit au niveau des cuisines pour retrouver les autres employés et demander des nouvelles, et d’après Georgia et Aimée, Rosélia profitait encore de boire le thé dans le jardin en compagnie du marquis et de la gouvernante, mais n’allait pas tarder à rentrer à l’intérieur pour se changer. Elle était donc rentrée au bon moment !
Montant les escaliers principaux, Blaike traversa le couloir réservé à la famille du baron et s’arrêta devant la porte de la chambre de Rosélia. Elle y entra, la pièce parfaitement rangée et lumineuse l’accueillant aussitôt. S’approchant de la petite table de chevet en bois sculpté, elle déposa le bouquet dans un vase finement ouvragé, veillant à placer chaque tige de manière à ce qu’elles se mêlent harmonieusement. Le parfum subtil des lilas et de la lavande s’échappait de l’arrangement, emplissant la pièce d’une fraîcheur apaisante. Le bouquet semblait prendre vie dans ce décor sobre, ajoutant une touche de couleur et de douceur à l’atmosphère calme et délicate de la chambre. C’était parfait !
Elle jeta ensuite un regard au miroir qui trônait dans la pièce, croisant son reflet, et lissa par habitude les plis de ses vêtements. Ses cheveux corbeau étaient attachés en un chignon parfait qui ne laissait que quelques boucles s’échapper d’une manière subtile. Sa frange dissimulait encore parfaitement son œil ambré, qui détonnait avec le second d’une couleur aussi sombre que sa chevelure. Elle le cachait depuis petite, à la fois de sa propre volonté que par une injonction de ses parents, car la couleur trop différente de son iris attirait trop l’attention sur elle. Bien une chose que l’on ne voulait pas d’une employée, qui se devait d’être discrète, invisible.
Lorsque Rosélia revint de balade, Blaike était là pour l’aider à se changer et enfiler une autre tenue. Un petit sourire de satisfaction étira ses lèvres lorsque la jeune femme découvrit le bouquet avec un plaisir non voilé, ses yeux pétillant de bonheur face aux fleurs violacées.
— Il vous plaît, Mademoiselle ? C’est un cadeau du marquis.
— En dehors du fait qu’il vienne de lui, oui, c’est un bouquet absolument splendide. Répondit la fille du baron en effleurant les pétales de l’index. Blaike hocha la tête, satisfaite malgré tout, et se permit de lui poser une question concernant son après-midi tout en rangeant sa robe de promenade.
— La balade ne vous a pas plue ?
— Ce n’était pas si mal, le marquis a de la conversation, je n’ai pas passé un aussi mauvais moment que ça. C’est juste trop tôt… Et entre nous, je préférerais pouvoir choisir moi-même mon futur époux.
— Je comprends, Mademoiselle. Avez-vous essayé d’en parler avec votre père ? En tout cas concernant la date.
— Non, pas encore.
— Je pense que ce serait la première étape afin de savoir quoi faire ensuite. Mais si vous dites que le marquis n’est pas si mal, c’est déjà ça.
La jeune femme avait l’air stressée, faisant les cent pas dans sa chambre en fronçant les sourcils. Cette histoire de mariage la travaillait visiblement beaucoup, elle n’avait pas l’air de savoir quoi faire entre suivre les attentes familiales ou les siennes. Blaike ne voudrait pas être à sa place, bien contente de ne pas avoir affaire à un mariage arrangé.
— Vous promettez de ne rien en dire à mon père, Blaike, n’est-ce pas ? Rosélia se tourna soudain vers elle pour lui agripper les épaules, l’air inquiet. Avec un petit sourire qui se voulait réconfortant, Blaike posa ses mains sur les siennes afin d’en retirer l’emprise délicatement.
— Non, Mademoiselle, ce que vous me dites reste entre nous.
— Très bien, très bien… M'aiderez-vous à m’enfuir, si on en arrive à cet extrême ?
À s’enfuir.
Rosélia était décidément bien plus inquiète par la perspective de son mariage qu’elle ne le pensait, pour imaginer la fuite comme seule solution. Blaike pensait qu’après la discussion de la veille, Rosélia s’était faite à l’idée ou l’acceptait, mais il semblerait qu’elle triturait ce problème depuis lors. Il allait lui falloir désamorcer cette bombe et l’empêcher de profiter de la nuit pour se carapater loin du manoir. Aucun doute que Rosélia ne ferait pas long feu, à vivre par elle-même loin de sa famille… C’était bien trop dangereux.
— … Nous verrons en temps et en heure, d’accord ? Avant d’en arriver-là, parlez-en avec votre père, s’il vous plaît. essaya de tempérer Blaike en gardant les mains de Rosélia, fines et délicates, dans les siennes. « Il y a sûrement une solution qui n’implique pas votre départ. »
Rosélia hocha de la tête, visiblement perdue dans ses pensées. Plus qu’à espérer qu’elle l’aie convaincue. D’autant plus que Rosélia avait beau avoir un peu d’argent, sans le baron pour la soutenir, elle ne pourrait pas garder ce train de vie. Elle ne devait pas avoir réfléchi à tout ce que ça impliquait, parlant sous le coup d’une impulsion et du stress.
Rosélia se détourna lentement de Blaike, le regard perdu dans le vide. Elle se laissa tomber sur le fauteuil près de la cheminée, le regard fixé sur les flammes vacillantes qui dansaient dans l'âtre.
— Vous avez raison… murmura-t-elle, presque pour elle-même. « Je ne peux pas tout envoyer valser sans réfléchir aux conséquences. Mais cela me semble si injuste. » Un soupir profondément mélancolique s’échappa de ses lèvres. « Pourquoi ne puis-je pas choisir mon propre avenir ? »
Blaike resta silencieuse un instant, observant la détresse de la jeune femme. Elle comprenait parfaitement ce sentiment de frustration, mais elle savait aussi que la société dans laquelle elles vivaient n’était pas prête à tolérer ce genre d’indépendance, surtout pour une femme de la noblesse. Il lui semblait également qu’à ce moment précis, Rosélia avait davantage besoin d’être écoutée que conseillée, mais elle lui dit quand même le fond de sa pensée.
— Je sais que ce n’est pas facile, Mademoiselle. Mais parfois, il faut prendre le temps de voir les choses sous un autre angle. Parfois, accepter la situation n’est pas un signe de faiblesse, mais un moyen de protéger ce qu’il y a de plus précieux.
Le visage de Rosélia se tourna alors vers elle, une lueur d’interrogation dans ses yeux. « Vous croyez que j’ai quelque chose de précieux à protéger, Blaike ? » Un rire amer s’échappa de ses lèvres, mais il se perdit vite dans le silence lourd qui régna alors entre elles.
Blaike ne répondit pas immédiatement. Elle savait que Rosélia n’attendait pas de solution facile. Elle avait juste besoin de comprendre qu'elle n'était pas seule dans cette épreuve. Après un long moment, elle répondit doucement :
— Oui, vous avez encore votre liberté, même si cela semble compliqué. Mais il y a des manières d’obtenir ce que l’on veut sans tout sacrifier.
— Et si, au fond, je n’avais pas envie d’être une noble, d’avoir tout ce luxe et cette responsabilité sur mes épaules ? Elle se redressa brusquement, le regard s’allumant d’une nouvelle détermination. « Et si je voulais simplement être libre, choisir ma vie comme je l’entends, sans les contraintes de ma naissance ? »
Les lèvres de Blaike se pincèrent. Elle savait que la vie de Rosélia n’était pas aussi simple qu’un choix entre la liberté et la richesse, mais il y avait tellement de choses à prendre en considération. Pour elle, ça lui semblait impensable que la jeune femme vive sans le luxe dans lequel elle baignait depuis sa naissance, mais peut-être pouvait-elle être surprise. Alors, oui, Rosélia ne voulait pas toutes ces responsabilités, mais les richesses, le matériel, elle l’aimait et le désirait assurément. Quant à la volonté de vivre sa vie comme on l’entend, oui, parfois, Blaike aussi rêvait de s’affranchir de son statut, de ne pas être définie par son rôle d’employée, d’avoir une vie différente. Mais elle savait aussi que ce genre de rêve ne se réalisait pas du jour au lendemain.
— C’est un rêve que beaucoup partagent, Mademoiselle. Mais peut-être que ce n’est pas le moment de tout bousculer. Peut-être qu’en attendant, vous pourriez trouver un compromis… un moyen d’obtenir ce que vous voulez sans renoncer à tout ce que vous avez.
Rosélia la regarda, ses yeux remplis de doutes mais aussi d'une lueur d'espoir fragile. Elle hocha lentement la tête, comme si elle avait accepté l’idée d'un compromis, mais qu'il lui faudrait encore du temps pour y parvenir.
— Je vais essayer de parler à mon père, comme vous l’avez suggéré. Mais si je trouve un moyen de m’échapper de ce carcan, je vous en informerai. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. « Merci, Blaike. »
Blaike lui rendit son sourire. « Vous n’avez pas à me remercier, Mademoiselle. Je serai toujours là pour vous, si vous en avez besoin. »
La jeune femme se leva finalement, un peu plus calme, et se dirigea vers le miroir pour se contempler un instant. Blaike se permit alors un petit soupir de soulagement : crise évitée.
Le lendemain, tôt dans la matinée, Blaike croisa Kennan dans le couloir des employés menant aux cuisines. Ils se saluèrent brièvement, prenant le temps de discuter de comment s’était passée la balade pour leur maître respectif, mais plus la conversation durait, plus le valet semblait froncer les sourcils. Elle finit par lui demander si tout allait bien.
— Oui, oui. J’ai juste… pas pu m’empêcher de remarquer que vous aviez une couleur d'œil très singulière.
Avec une petite grimace, Blaike remarqua effectivement que sa frange rebiquait un peu sur le côté et ne dissimulait pas aussi bien son œil qu’à l’accoutumée. Elle espérait sincèrement que Kennan garderait ça pour lui, sachant que la noblesse pouvait parfois avoir de drôles de pensées concernant les singularités physiques.
— Pourquoi le cachez-vous ?, demanda-t-il, visiblement curieux de ses raisons. Elles étaient pourtant logiques, à son avis, mais elle répondit quand même.
— Être domestique, c’est aussi être invisible, ne pas sortir des rangs, vous-même le savez. Cet œil… il est beaucoup trop visible.
Kennan resta silencieux un moment, devant remarquer la tension qui habitait son visage.
— Mais… commença-t-il, toujours sur un ton mesuré, « ne pensez-vous pas que cela pourrait justement vous rendre unique ? Ce genre de singularité… » Il hésita, cherchant les mots justes. « Cela pourrait même être perçu comme une sorte de… marque de distinction, non ? Une rareté. »
Blaike tourna lentement la tête vers lui, son regard indéchiffrable, avant de soupirer : elle savait ce qu’il pensait, c’était un raisonnement noble, en apparence. La singularité, la différence, parfois même l’excentricité étaient parfois valorisées. Avoir un employé avec une particularité physique pouvait à la fois être une bonne chose qu’une mauvaise, selon comment le maître de maison décidait de voir les choses. Ça pouvait être une rareté la distinguant des autres en bien, mais pour elle, c’était tout l’inverse : ça la distinguait en mal. Il s’agissait d’un trop grand risque. Que se passerait-il si, au pire des cas, on l’accusait de sorcellerie ? Si elle était renvoyée car elle devenait la source de trop de on-dit et de commentaires qui pèseraient sur le baron ? Ce n’était encore jamais arrivé, après toutes ces années, et le baron et sa famille étaient au courant, mais on était jamais assez prudent.
— Vous ne comprenez pas, dit-elle finalement, la voix basse mais ferme. « Ce n’est pas un signe de distinction dans ma position. C’est une... fragilité. Une imperfection qui me rend trop visible. La noblesse n’aime pas toujours les différences, elles peuvent être enviées ou mal vues. »
Kennan la regarda longuement, un silence s’étendant entre eux. Il semblait réfléchir à ses mots, cherchant à comprendre la profondeur de ce qu’elle disait.
— Je comprends, souffla-t-il, presque pensif. Puis, il ajouta, avec un petit sourire : « Mais si vous voulez tout savoir, pour moi, vous n’êtes pas invisible. »
Quelque chose au creux de son estomac se réchauffa à ses paroles et Blaike se sentit légèrement rougir. C’était plutôt agréable, comme compliment, et la manière dont Kennan avait réagi en découvrant sa particularité avait été appréciable, sans jugement. Elle garderait ce petit commentaire, qui lui avait fait chaud au cœur, dans un coin de sa tête pour les jours à venir.