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❝𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄❞
❝𝐈 - 𝐍𝐄𝐆𝐎𝐂𝐈𝐀𝐓𝐈𝐎𝐍❞
❝𝐈𝐈 - 𝐀𝐋-𝐇𝐀𝐊𝐈𝐊𝐀𝐇❞
❝𝐈𝐈𝐈 - 𝐁𝐋𝐔𝐄 𝐐𝐔𝐑𝐀𝐍❞
❝𝐈𝐕 - 𝐑𝐀𝐓𝐓𝐑𝐀𝐏𝐄𝐑❞
❝𝐕 - 𝐈𝐍𝐄𝐕𝐈𝐓𝐀𝐁𝐋𝐄 𝐑𝐄𝐍𝐂𝐎𝐍𝐓𝐑𝐄❞
❝𝐕𝐈 - 𝐀𝐋𝐋𝐄𝐑 𝐒𝐈𝐌𝐏𝐋𝐄 𝐏𝐎𝐔𝐑 𝐒𝐀𝐑𝐈𝐘𝐀❞
❝𝐕𝐈𝐈- 𝐎𝐔 𝐋𝐀 𝐇𝐀𝐈𝐍𝐄 𝐏𝐋𝐎𝐍𝐆𝐄 𝐕𝐄𝐑𝐒 𝐋'𝐀𝐁𝐈𝐌𝐄❞
❝𝐕𝐈𝐈𝐈 - 𝐎𝐔 𝐋𝐀 𝐇𝐀𝐈𝐍𝐄 𝐏𝐋𝐎𝐍𝐆𝐄 𝐕𝐄𝐑𝐒 𝐋'𝐀𝐁𝐈𝐌𝐄 #𝟐❞
❝𝐈𝐗 - 𝐏𝐑𝐎𝐂𝐄𝐃𝐔𝐑𝐄𝐒❞
❝𝐗 - 𝐏𝐑𝐎𝐂𝐄𝐃𝐔𝐑𝐄𝐒 # 𝟐❞
❝𝐗𝐈-𝐕𝐈𝐂𝐓𝐈𝐌𝐄❞
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❝𝐈𝐗 - 𝐏𝐑𝐎𝐂𝐄𝐃𝐔𝐑𝐄𝐒❞


ۄۏ۱ۧۥۧŰȘ

❝𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟗❞


❝𝐑𝐎𝐓𝐓𝐄𝐑𝐃𝐀𝐌 - 𝐍𝐄𝐓𝐇𝐄𝐑𝐋𝐀𝐍𝐃𝐒

𝐓𝐀𝐒𝐍𝐈𝐌 𝐒𝐀𝐑𝐈𝐘𝐀'𝐒 𝐕𝐈𝐄𝐖𝐏𝐎𝐈𝐍𝐓

𝟏𝟒𝟒𝟏 - 𝟐𝟎𝟏𝟗❞

- ŰȘŰłÙ†ÙŠÙ… ŰłŰ§Ű±ÙŠŰ©

J'avais ouvert la fenĂȘtre et un vent frais venait remuer ma chevelure et caresser mon visage, comme lors du dernier soir que j'avais passĂ© en hĂŽpital psychiatrique. Mais le vent Ă©tait cette fois-ci plus froid, plus glacial, aussi gelĂ© que le serait le corps de la procureur demain.

J'Ă©tais revenue Ă  l'hĂŽtel oĂč Ryan m'avait fait dĂ©poser mes affaires, observant Rotterdam par la vitre, m'en tenant un peu Ă©loignĂ©e. Mon sac avait Ă©tĂ© retournĂ© par moi-mĂȘme, alors que je savais que je n'avais que deux jours Ă  faire ici. Je devrais bientĂŽt tout ranger, ce que je ferais sĂ»rement demain matin si la fainĂ©antise s'abstenait de venir s'ajouter Ă  mon Ă©tat.

Mais j'avais plus important que des vĂȘtements Ă  plier. Je tenais toujours dans ma main droite un papier, sur lequel Ă©tait Ă©crit de multiples informations qui concernaient ce que je ferais demain. Le procĂšs Ă©tait programmĂ© pour quinze heures, et devrais en thĂ©orie durer une heure et demi, en fonction de la tournure qu'il prendrait.

Ryan s'irritait vite, je ne savais pas comment faisait-il pour exercer un mĂ©tier oĂč il fallait garder son calme. Demain, de ce que j'avais compris, serait compliquĂ©, et ADAK risquait gros dans cette affaire.

Je relu la feuille que je tenais. Elle expliquait ce qu'il se passerait demain, contenait aussi des informations sur Noam El-Sayed. Mais Ryan n'Ă©tait pas mentionnĂ© dans le document, son nom n'apparaissait nulle part. ADAK ne devait pas ĂȘtre au courant qu'il Ă©tait l'avocat de l'homme qui passait Ă  la barre.

D'ailleurs, comment se nommait cet accusé ? Je parcourrai donc de nouveau des yeux les lignes serrées, à la recherche de son nom : Jafar Bakhtiyari. Accusé d'actions criminelles, l'affaire avait été traßnée en cassation aprÚs de nombreux plaidoyers écrits, des plaintes de différents partis. Personne n'avait en fait de preuves concrÚtes le concernant, mais on savait qu'il y avait quelque chose.

D'aprĂšs les dires du lieutenant que j'avais pu rencontrer cette nuit, El-Sayed avait fait preuve de beaucoup d'engouement et de ferveur dans le procĂšs, comme si elle y avait un intĂ©rĂȘt. Or, il Ă©tait impossible de lui soutirer la moindre information. Et c'Ă©tait pour ça que l'on devait l'Ă©liminer.

L'exĂ©cuter Ă©tait une mission pĂ©rilleuse, et surtout risquĂ©e, je savais bien que c'Ă©tait pour cela que l'on me la confiait Ă  moi. Personne au sein de cette mafia Ă  laquelle j'avais Ă©tĂ© introduite les deux heures prĂ©cĂ©dentes ne voulait se risquer Ă  ĂȘtre pris sur un fait comme celui-ci.

El-Sayed disparaßtrait. Elle était un barrage à mes plans, pour rentrer au sein d'ADAK et découvrir les derniÚres vérités de ce monde, dans le laps de temps trÚs limité que je possédais, je me devais de la tuer, sans la connaßtre.

D'un geste désinvolte, je lùchai la feuille que je tenais jusque-là, la déposant sur le chevet blanc à cÎté du grand lit. Elle se retrouva en compagnie de mon portable, que je consultais rapidement. Ryan ne m'avait pas renvoyé de message aprÚs notre appel qui fut relativement bref.

Je ne lui avais pas dĂ©taillĂ© ma soirĂ©e, je le ferais plus tard si jamais c'Ă©tait nĂ©cessaire. Il n'avait pour le moment pas besoin de tout connaĂźtre du dĂ©roulĂ©, mĂȘme si c'Ă©tait lui qui m'engageait et m'assumait financiĂšrement. Lui non plus ne m'avait pas expliquĂ© comment s'Ă©tait passĂ©e son dĂ©but de nuit, il m'avait simplement dit qu'il Ă©tait Ă  Amsterdam parce que je lui avais posĂ© la question. De surcroĂźt, il n'avait pas pris la peine de m'informer du fait qu'il plaidait aux Netherlands avant notre dĂ©part.

Je fermai la fenĂȘtre et me plaçais dos au mur, m'y appuyant. J'aurais pu m'allonger ou m'asseoir, mais j'Ă©tais trop fĂ©brile et excitĂ©e pour ça, je ne dormirais probablement pas jusqu'au matin, il Ă©tait dĂ©jĂ  trois heures du matin.

Nous Ă©tions maintenant le trois dĂ©cembre. Hier avait Ă©tĂ© la fĂȘte nationale aux Ă©mirats, que je n'avais pas cĂ©lĂ©brĂ©e depuis un certain temps. Je n'Ă©prouvais pas mĂȘme une once d'envie de la fĂȘter, ni de regarder Ă  travers mon Ă©cran, loin d'Abu Dhabi, les gens le faire. Je ne faisais plus partie du peuple Ă©mirati, surtout aux yeux de ce dernier, j'Ă©tais simplement originaire du pays. Je l'avais quittĂ© moins de vingt-quatres heures auparavant comme on l'avait tant rĂ©clamĂ©.

J'expirai profondément d'un souffle chaud qui traduisait une légÚre irritation à cette pensée. J'avais tué et on m'avait exclue de la société, alors que ma victime avait amplement mérité qu'on lui arrache la vie. Ali... Ali. Un cadavre enterré six pieds sous terre, c'était tout ce qu'il était. Et l'internat qui avait suivi mon crime était à présent derriÚre moi. Je n'avais plus à y penser, j'avais accompli ce que je m'étais promis de faire lorsque j'avais vingt ans.

Et demain je recommencerai. Je tuerai de nouveau, et je devrais faire preuve du mĂȘme sang froid que lorsque je m'Ă©tais mouvĂ©e avec aisance dans son appartement au quartier des affaires. Cette fois-ci, je le ferais dans un tribunal, l'arme Ă  la main de la mĂȘme maniĂšre.

Je me demandais si j'aurais encore l'occasion de jeter quelqu'un du haut d'un bùtiment. D'une part, j'en avais de nouveau envie, le pousser avait été si satisfaisant, ça avait été pour moi un énorme soulagement. D'une autre, je voulais qu'assassiner de cette maniÚre reste quelque chose d'unique, propre à cet homicide de 1441.

Passant mes doigts les uns contre les autres, je fermai les yeux pour me replonger dans mes souvenirs. Je ressentais le métal froid de la gùchette contre ma peau, glaciale sensation qui venait hérisser ma chair.

J'Ă©tais toujours vĂȘtue de mon haut, mon kimono et mon jean. Je les sentais coller Ă  ma peau, avec la sueur de la journĂ©e. Demain j'opterais pour une tenue plus sobre, plus discrĂšte, mais qui m'accorderait tout de mĂȘme du crĂ©dit face Ă  Ad-Dawla al-Khafiyyah et le tribunal. Si on me voyait en ce dernier et qu'on m'interpellait, il fallait que je sois habillĂ©e de façon crĂ©dible, de maniĂšre Ă  pouvoir mener Ă  bien ma mission.

J'avais répondu à trois énigmes, trois questions formulées comme des poÚmes, qui avaient fait appel aux sentiments pour y répondre. Je m'en souvenais approximativement. Non... Je m'en souvenais parfaitement, elles avaient été l'objet de profondes réflexions, longues devant la table de bois, avec le sentiment d'avoir été observée.

"Je suis plus fort que l'acier, mais je fonds sous la chaleur.

Je suis invisible, mais mon absence fait hurler les hommes.

J'habite entre deux mondes : le devoir et l'émotion.

Qui suis-je ?"

La loyautĂ©. Sans elle, les hommes criaient, hurlaient, se dĂ©chiraient. Elle Ă©tait Ă  la fois un sentiment, et un devoir, imposĂ© au sein de la mafia. Sous la chaleur de l'envie et du dĂ©sir, elle fondait, mais se devait d'ĂȘtre forte. Elle Ă©tait parfaitement choisie.

Pour répondre à chaque énigme, j'avais du remuer mes méninges, je l'avouais. Chacune s'était faite un dilemme, en particulier la seconde, plus compliquée qui avait été une question ouverte.

"Deux chemins s'offrent à toi, mais un seul mÚne à la vérité.

L'un est pavé de richesse et de gloire,

L'autre, d'obscurité et de silence.

Prends le mauvais, et tu perds ton Ăąme.

Prends le bon, et tu perds ton cƓur.

Que choisis-tu ?"

Le dilemme. L'énigme mettait en scÚne celui-ci, m'y confrontant et me testant par le biais de cette confrontation. La réponse était ouverte, et j'avais répondu que je prenais le bon chemin. C'était hypocrite de ma part, j'aurais en réalité choisi le mauvais si je n'avais pas été dans des examens aussi cruciaux. Je ne craignais guÚre que l'on considÚre que j'ai perdu mon coeur, c'était fait depuis longtemps déjà.

Je préférais gloire et richesse à loyauté, sang et obscurité. Mais avec ADAK, je ne pouvais pas me le permettre, silence et pénombre étaient la mafia, reconnaissance et argent étaient l'autre cÎté. L'autre cÎté, celui qui s'opposait à la mafia, et ces deux éléments pourraient tout aussi bien représenter les inconnus dirigeants de ce monde, que je savais régner quelque part, tirant les ficelles de la vérités.

Mais j'avais noté et sorti de ma bouche, prononcé avec mes lÚvres, que je choisissais le bon chemin, soit celui du silence et de l'obscurité. Bien que cette notion de bien et de mal soit relative, il fallait replacer les choses en contexte, ce dernier étant important afin de fournir de correctes réponses. Le chemin mafieux, loyal et conservateur formait dans ces questions le bon, et celui opposé le mauvais, en étant considéré comme ennemi.

Beaucoup auraient rĂ©pondu avec honnĂȘtetĂ© Ă  ces quelques questions, mais moi, j'avais pris le choix de le faire avec hypocrisie, je devrais user Ă  dessein de cette derniĂšre pour me montrer le plus possible Ă  mon avantage et convaincre. Et j'avais produit l'effet recherchĂ© auprĂšs de ceux que j'avais ce soir rencontrĂ©.

La derniÚre question avait été formulée autrement, mais restait dans le thÚme du dilemme. Elle n'avait fait qu'exposer qui j'étais, ou plutÎt l'avait tenté, il n'était pas facile de me déjouer :

Dans un jardin, une rose pousse au milieu des ronces. Un serpent veille, prĂȘt Ă  frapper quiconque s'approche.
Tu peux choisir :

Tenter de cueillir la rose, au risque d'ĂȘtre mordu.

Laisser la rose derriĂšre toi et avancer.
Quelle est la meilleure décision ?

Aucune. Aucune n'était une bonne décision, simplement ils cherchaient par cette question à savoir comment les pensées du candidat s'organisaient-elles, notamment face au risque. Ils avaient su ce qu'ils faisaient en posant cette question, beaucoup n'auraient pas su quoi y répondre.

Me concernant, j'avais choisi la premiÚre proposition. Elle témoignait du courage et de la volonté, la rose représentait ici une récompense, et pour moi, une des vérités de ce monde, pour lesquelles je pourrais risquer ma vie afin de les cueillir. On aurait pu penser que je préconiserais la précaution, mais en aucun cas.

Replongée dans les souvenirs de quelques heures auparavant, revivant chaque instant, j'étais toujours adossée au mur. Je changeai de place, m'asseyant au bord du lit dont les draps étaient repassés et frais.

Je n'Ă©tais pas venue jusqu'ici pour faire preuve de bontĂ©, de tolĂ©rance, d'humilitĂ© ou encore mĂȘme de sincĂ©ritĂ©. Je m'Ă©tais rendue jusqu'ici, Ă  Rotterdam, j'avais quittĂ© les Ă©mirats qui m'Ă©taient pourtant chers pour dĂ©couvrir les vĂ©ritĂ©s enfouies de ce monde, pour savoir ce qui jusqu'ici avait Ă©tĂ© cachĂ©, que ce soit Ă  moi ou au peuple.

Comme je me l'étais promis, je révÚlerais ce que je découvrirai au grand jour, j'obtiendrais ensuite gloire, recevrais reconnaissance et détiendrais pouvoir. On me jetterais des fleurs, à moi, Tasnim Sariya, qui avait pourtant toujours été dénigrée.

Il fallait aussi que je tienne compte du temps qu'il me restait. Quelques mois, environ une annĂ©e. J'Ă©tais saisie de façon rĂ©curente par de fulgurantes douleurs au milieu du ventres, de remontĂ©es acides. J'avais une vĂ©ritable maladies, quelque chose se faisait en moi, je pouvais le sentir. Mais ce serait loin de m'empĂȘcher de faire ce que j'avais Ă  faire.

Je mis la tĂȘte entre mes deux mains, massant lĂ©gĂšrement mon front de mes longs et fins doigts. Ce geste me surprit, mais il Ă©tait agrĂ©able, je n'avais pas l'habitude de le faire. C'Ă©tait Ben Sayour qui se comportait souvent de la sorte lorsqu'il s'enfermait sur lui-mĂȘme, rĂ©flĂ©chissant.

Je lui avais peut-ĂȘtre inconsciemment empruntĂ© ce geste. Humoristiquement, je me demandais si au tribunal il se permettait d'avoir cette pose aussi, agacĂ© par ses procĂšs.

Un petit rictus s'échappa de mes lÚvres dans le silence de la grande suite que j'occupais seule. Mes cernes tiraient mes yeux, que la fatigue venait aussi piquer. Pourtant, je n'avais pas sommeil, et ne possédais pas non plus le temps de dormir. Je devrais retourner au quartier général d'ADAK aux alentours de midi.

Maquillée, déguisée, habillée discrÚtement je serais. On ne me reconnaßtrait pas et j'exécuterais mon taff à la perfection, montrant de quoi j'étais capable. ADAK m'intégrerait, ferait de moi son élite et j'aurais alors accÚs à toutes les informations dont j'aurais besoin.

Je regardais une nouvelle fois l'Ă©cran de mon portable, relevant la tĂȘte de mes mains. Ryan ne m'avait pas recontactĂ©e, il devait ĂȘtre en train de dormir, aprĂšs tout, c'Ă©tait lui qui serait demain le plus actif.

Mes paupiÚres, contre mon gré, tendaient à se fermer, et ma vision devenait floue, alors que je voulais voir clair. Ce fut bientÎt tout mon corps qui s'alourdit, pris d'assaut par la fatigue. Je ne le sentais presque plus, et malgré la lutte acharnée que je menais pour rester éveillée, je m'assoupie, mon dos tombant lourdement contre le matelas.

La sonnerie de mon portable résonna dans la chambre, me réveillant avec joie et engouement, soit tout le contraire de mon humeur. Les paupiÚres à peine entre- ouvertes, je me levais, titubante comme une ivrogne pour en regarder l'écran.

C'était Ryan qui m'appelait, alors qu'il était seulement dix heures passées. La sonnerie prit fin sous mes yeux, puisque j'avais mis trop de temps à répondre, mais reprit, à mon grand désespoir, de plus belle lorsque quinze secondes aprÚs, il me passa un nouvel appel. J

Je décrochais sans en avoir l'envie, sachant pertinemment que si je ne répondais pas là, il insisterait encore et encore.

— Allî, me lança-t-il d'un ton aussi froid qu'à son habitude.

— Quoi.

Je lui avais répondu sans vraiment le faire sÚchement, de ma voix endormie, rauque et masculine au réveil.

— Au bout du cinquiùme appel, ce n'est pas trop tît.

— Oh, Ben Sayour, est-ce que c'est toi qui a veillĂ© pour rencontrer une mafia ? Non, donc laisse-moi tranquille.

— Jamais, rĂ©torqua-t-il d'une voix sĂ©rieuse mais trahie par une note d'amusement. Raconte-moi comment c'Ă©tait exactement hier. Tu ne m'as pas donnĂ© de dĂ©tails au tĂ©lĂ©phone.

A l'autre bout du fil, je soufflais, ce qu'il ne sembla pas remarquer. Il devait ĂȘtre au volant, je l'entendais conduire, reconnaissant le bruit du moteur de la Porsche de la veille.

— J'ai dĂ» rĂ©pondre Ă  quelques questions, et j'ai fait la rencontre d'un lieutenant qui ne m'a pas dit son nom. Et il m'a expliquĂ© quels seraient les tests d'admission, l'informais-je aprĂšs le blanc qui avait tĂ©moignĂ© de ma rĂ©ticence Ă  lui parler.

— D'accord rĂ©pondit-il simplement. Tu viens de te lever ?

Il le savait bien que je sortais de mon lit, Ă  l'entente de ma voix c'Ă©tait Ă©vident, mais il posait tout de mĂȘme la question alors qu'il n'y avait pas d'intĂ©rĂȘt.

— Tu es oĂč ?

J'avais répondu à sa question par une autre, l'esquivant. Ce qui, je le sentais, allait l'irriter de bon matin. Alors que nous devions faire preuve de sérieux pour les procédures qui allaient suivre, alors que je tuais, alors qu'il plaidait, nous nous exercions au sarcasme et à l'agacement.

— En route vers le tribunal, et toi toujours à l'hîtel. Et vous or-

— Mais dis-moi, Ben Sayour, le coupais-je, pensant subitement Ă  quelque chose. En fait, tu savais trĂšs bien que je devrais partir le jour de la fĂȘte nationale, Ă©tant donnĂ© que ton procĂšs Ă©tait programmĂ© le lendemain.

— Non, le procĂšs a Ă©tĂ© avancĂ©, et quoi qu'il arrive je voulais Ă  l'origine faire un aller-retour.

Sa réplique avait été rapide, et dite avec spontanéité. Sans doute s'attendait-il depuis longtemps à ce que je lui pose la question, du fait qu'elle éclaircissait l'enchaßnement des évÚnements.

— Donc, reprit-il, j'allais te demander, comment organisez vous les choses cette aprùs-midi ?

— Je retourne Ă  ADAK vers midi, je vais au tribunal avec, j'y pĂ©nĂštre et je fais ce que j'ai Ă  faire.

Je triturais d'une main fébrile mes cheveux détachés en bataille, tenant de l'autre le téléphone contre mon oreille. J'entendis l'Algérien souffler comme je l'avais fait quelques instants auparavant, sûrement saoulé de ma personne.

— LĂ -bas, si on se voit, Sariya, commença-t-il gravement, c'est comme si on ne se connaissait pas. Et quoi qu'il arrive, tu devras ĂȘtre mĂ©connaissable. Habille-toi avec discrĂ©tion cette fois, lĂąche la mode khaleeji pour quelques temps.

Si il pensait m'apprendre quoi que ce soit en me disant cela. J'avais déjà prévu d'agir comme il venait de me l'ordonner, c'était évident d'agir comme cela dans une pareille situation.

Il serait trop Ă©trange de nous trouver en mĂȘme temps, au mĂȘme endroit. J'espĂ©rais aussi qu'ADAK ne sache pas que Ben Sayour et moi nous connaissions, sinon, nos plans seraient gĂątĂ©s. Les Ă©mirats et les Pays-Bas Ă©taient sĂ©parĂ©s par des milliers de kilomĂštres, en thĂ©orie, ils ne savaient pas que Ryan et moi avions pris contact. Lorsqu'il m'avait dĂ©fendue, je ne l'avais mĂȘme pas su, dans l'imaginaire de la mafia nous ne devions toujours pas nous connaĂźtre.

Nous Ă©tions toujours au tĂ©lĂ©phone, mais ne nous disions plus rien. Je pris une grande inspiration, commençant Ă  ĂȘtre rĂ©veillĂ©e. Ryan l'entendit, et relança :

— Ce que je t'ai donnĂ©, les papiers avec entre outre tes articles, tu en as eu besoin ?

— Oui, pour dĂ©cliner mon identitĂ© ainsi que prouver ma criminalitĂ©, ça m'a Ă©tĂ© utile.

— Tant mieux alors, ils ont compris que tu n'Ă©tais donc pas n'importe qui. Bon, j'y suis. Recontacte-moi dans l'aprĂšs-midi.

— Tiens-moi au courant aussi.

Je raccrochai avant qu'il n'ait le temps de le faire, appuyant avec satisfaction sur le bouton rouge. La fin de l'appel était arrivée rapidement, il avait brutalement retourné la conversation, alors qu'habituellement, c'était moi qui le faisait.

Mettant dans un coin de ma tĂȘte l'Ă©trange avocat, je sortai de mon sac le chargeur de mon portable pour en ficher le bloc dans le mur et rĂ©alimenter le cellulaire, qui je le sentai, serait mon alliĂ© tout au long de cette Ă©popĂ©e.

Je tirai Ă©galement du bagage des vĂȘtements, cette fois-ci sobres, noirs. Un kimono moins ample que celui dont j'Ă©tais Ă  l'actuelle vĂȘtue, et une abaya lĂ©gĂšrement cintrĂ©e, qui laisserait apparaĂźtre la forme de mes hanches. Ce serait sĂ»rement surprenant pour les nĂ©erlandais de voir une femme habillĂ©e comme ça, mais pas flagrant.

J'abandonnai l'idĂ©e d'ajouter un voile culturel Ă  ma tenue. Il serait trop repĂ©rable et montrerai clairement que j'Ă©tais khaleeji. MĂȘme si j'y tenais, je devais le mettre sur la touche pour le moment. Ben Sayour serait heureux de voir que j'avais appliquĂ© sa consigne, de laquelle je m'Ă©tais d'abord moquĂ©e en mettant dans mes affaires de nombreux vĂȘtements voyants.

Mes vĂȘtements Ă  la main, je poussais la porte de salle de bain y prendre une douche. L'eau brĂ»lante glissa en minces filets sur ma peau sĂšche et terne, sans me dĂ©ranger avec sa chaleur excessive. Je me demandai si je ne faisais pas une quelconque carence alimentaire, mais en rĂ©alitĂ©, cela m'Ă©tait guĂšre important. Mon pancrĂ©as se mourrait, et j'Ă©tais loin d'en ĂȘtre prĂ©occupĂ©e, alors comment pourrais-je ĂȘtre inquiĂ©tĂ©e par une carence en vitamine D ou en fer ?

Sortant d'entre les rideaux blancs, je m'habillais rapidement. Je m'observais ensuite dans le miroir qui recouvrait le mur, d'abord l'entiÚreté de mon corps, estimant que ma tenue était correcte, puis seulement mon visage.

Ce dernier était aussi terne que le reste de ma peau, mon teint virait au gris, révélateur du cancer dont je souffrais. Prenant place sur un tabouret, je débutais une longue séance de maquillage, m'appliquant à changer d'apparence. Je durcissais mes traits, en adoucissais certains. Ma mùchoire devint brute, mon nez plus bossu, mes lÚvres plus rondes et claires.

Je soulignai mon regard d'un crayon bleu foncĂ©, qui sous certains angles apparaissait gris. Je ne recourbai pas mes cils, contrairement Ă  mon habitude, les laissant droits et lĂ©gĂšrement tombants. Je n'avais pas non plus rĂ©chauffĂ© mon teint, le laissant clair et froid, d'une pĂąleur similaire Ă  celle de la mort malgrĂ© que je vienne d'un pays oĂč les tempĂ©ratures Ă©taient Ă©levĂ©es.

Une fois le travail achevĂ©, je m'observai de nouveau. J'Ă©tais en effet mĂ©connaissable, c'Ă©tait pour le moins troublant de ne pas se reconnaĂźtre soi-mĂȘme. Mais qu'importait-il, c'Ă©tait nĂ©cessaire pour mener Ă  bien une mission de la plus haute importance, qui serait dĂ©cisive pour mon avenir et mes recherches. Je ne doutais pas une seule seconde que je rĂ©ussirais Ă  l'effectuer comme il le fallait.

Me munissant d'un élastique, j'attachais mes cheveux en un chignon décoiffé, laissant deux mÚches encadrer mon visage, avant de quitter la piÚce. Le changement de température fut frappant, ma chair se tendit en sentant le vent froid la caresser.

Je consultai mon tĂ©lĂ©phone, qui m'informa qu'il Ă©tait dĂ©jĂ  onze heures et quart. M'apprĂȘter avait bien sollicitĂ© une bonne heure, et je devrais bientĂŽt sortir.

Je pris quelques instants pour ranger mes affaires, les pliant avec plus ou moins de soin. Je fourrai ensuite mon portable dans la poche de ma abaya, enroulant le chargeur et le rangeant lui aussi dans mon sac. J'avais à peu prÚs débarassé la piÚce, je pouvais la quitter.

Pour les chaussures, j'optais pour une paire d'escarpins relativement hauts, Jimmy Choo, stables et élégants qui ne contrasteraient pas avec ma tenue, au contraire qui rendaient cette derniÚre plus crédible.

Les clefs de la chambre en main, je quittais cette derniĂšre, reposant l'objet Ă  l'accueil. Me retrouvant dans les rues de Rotterdam, oĂč les nĂ©erlandais parlaient dans leur Ă©trange langue, je repris le chemin vers le bĂątiment oĂč s'Ă©tait implantĂ© Ad-Dawla Al-Khafiyyah. Une fois devant, j'en fis le tour. On m'avait la veille ordonnĂ© de passer par l'arriĂšre, pour plus de discrĂ©tion.

Je passais furtivement un grillage, pour me retrouver face Ă  l'arriĂšre du bĂątiment. Je poussai une porte exactement comme celle du hall qui m'avait menĂ©e aux Ă©nigmes. Elle aussi Ă©tait gravĂ©e du nom du rĂ©seau en arabe, et donnait sur des escaliers, moins Ă©troits que celui du hall. Je les descendai, les yeux fixĂ©s sur la pĂ©nombre. Je commençais Ă  ĂȘtre expĂ©rimentĂ©e en escaliers, avec tous ceux que j'avais pu voir en quelques jours.

J'arrivais dans une piÚce que je n'avais pas visité la veille, mais on m'y attendait déjà, en cercle autour d'une table. Cinq hommes, assis derriÚre une table de bois verni, pour ne pas changer du luxe. Un de ce cinq, les mains croisées sur la table, me regarda immédiatement d'un regard insistant, pénétrant. 

  — Bienvenue à toi, Tasnim Sariya, me lança-t-il. Viens t'asseoir devant moi. 

Je m'exécutais, bien évidemment sans en avoir l'envie, son ton dictateur n'avait en moi que suscité la volonté de retourner le meuble. Mais, en acceptant les tests de la veille ainsi que les consignes de Ben Sayour en cherchant à intégrer la mafia, j'acceptais aussi les ordres malgré mes envies destructrices d'aller contre ce qui était établi et ordonné. 

L'homme dĂ©croisa les mains, m'en tendant une, que je serrais fermement. Il en parut surpris, ne l'ayant pas connu la veille, il ne savait pas que j'avais autant de poigne qu'un homme faisant ayant jusqu'Ă  deux fois plus de masse musculaire que moi. L'observant, ancrant mon regard dans le sien, je le reconnus : c'Ă©tait l'homme de la veille, qui Ă©tait venue Ă  ma rencontre tard, faisant rĂ©sonner sa voix dans la piĂšce oĂč j'Ă©tais, Aylan Al-Mahdi, le lieutenant d'ADAK. 

Avoir à faire à lui dÚs le départ m'avait surpris, mais aprÚs tout j'étais une criminelle réputée, et cette mafia étant arabophone, elle avait du avoir vent de mon existence, et d'aprÚs Ben Sayour, elle avait attendu ma venue depuis longtemps. 

— Tu sais ce qu'on fait aujourd'hui, Sariya, reprit-il. 

— Mes tests d'admission, rĂ©pondis-je avec un grand sourire, presque arrogante. 

— Effectivement. Comme je te l'ai dĂ©jĂ  dit hier, ta cible est Noam El-Sayed, la procureur du procĂšs de Jafar Bakhtiyari, un de nos membres s'Ă©tant fait attraper. 

Il saisit une pochette à cÎté de lui, m'en tirant un cliché. Il le mit face à moi, me laissant l'analyser. 

— C'est elle, Noam El-Sayed, ĂągĂ©e de 29 ans, elle n'exerce que depuis deux annĂ©es ici, aux Pays-Bas, mais avec sa ferveur elle s'est fait une place facilement dans son mĂ©tier, m'expliqua-t-il. Elle a un peu trop traĂźnĂ© l'affaire avec Jafar, cherchant par tous les moyens Ă  pousser son affaire sur la scĂšne juridique, le conduisant en procĂšs. Elle est un danger pour nous et - 

— Et c'est pour ça que je dois l'Ă©liminer, complĂ©tais-je en l'interrompant. 

— Effectivement. ADAK compte sur toi, Sariya, si tu rĂ©ussi, tu feras partie de nous. 

— ConsidĂ©rez que c'est dĂ©jĂ  fait. On y va ? 

Je me levais de la table, sans autorisation, et Aylan m'adressa un sourire, que je lui rendit par un confiant. Son regard restait malgré tout froid, je ne le connaissais que depuis hier soir, et je constatais bien que son comportement était de glace. 

— Allons-y, lñcha-t-il, prenant avec moi la direction des escaliers. 

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