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❝𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄❞
❝𝐈 - 𝐍𝐄𝐆𝐎𝐂𝐈𝐀𝐓𝐈𝐎𝐍❞
❝𝐈𝐈 - 𝐀𝐋-𝐇𝐀𝐊𝐈𝐊𝐀𝐇❞
❝𝐈𝐈𝐈 - 𝐁𝐋𝐔𝐄 𝐐𝐔𝐑𝐀𝐍❞
❝𝐈𝐕 - 𝐑𝐀𝐓𝐓𝐑𝐀𝐏𝐄𝐑❞
❝𝐕 - 𝐈𝐍𝐄𝐕𝐈𝐓𝐀𝐁𝐋𝐄 𝐑𝐄𝐍𝐂𝐎𝐍𝐓𝐑𝐄❞
❝𝐕𝐈 - 𝐀𝐋𝐋𝐄𝐑 𝐒𝐈𝐌𝐏𝐋𝐄 𝐏𝐎𝐔𝐑 𝐒𝐀𝐑𝐈𝐘𝐀❞
❝𝐕𝐈𝐈- 𝐎𝐔 𝐋𝐀 𝐇𝐀𝐈𝐍𝐄 𝐏𝐋𝐎𝐍𝐆𝐄 𝐕𝐄𝐑𝐒 𝐋'𝐀𝐁𝐈𝐌𝐄❞
❝𝐕𝐈𝐈𝐈 - 𝐎𝐔 𝐋𝐀 𝐇𝐀𝐈𝐍𝐄 𝐏𝐋𝐎𝐍𝐆𝐄 𝐕𝐄𝐑𝐒 𝐋'𝐀𝐁𝐈𝐌𝐄 #𝟐❞
❝𝐈𝐗 - 𝐏𝐑𝐎𝐂𝐄𝐃𝐔𝐑𝐄𝐒❞
❝𝐗 - 𝐏𝐑𝐎𝐂𝐄𝐃𝐔𝐑𝐄𝐒 # 𝟐❞
❝𝐗𝐈-𝐕𝐈𝐂𝐓𝐈𝐌𝐄❞
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❝𝐕𝐈 - 𝐀𝐋𝐋𝐄𝐑 𝐒𝐈𝐌𝐏𝐋𝐄 𝐏𝐎𝐔𝐑 𝐒𝐀𝐑𝐈𝐘𝐀❞


❝𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟔❞

6- Ű·Ű±ÙŠÙ‚ ÙˆŰ§Ű­ŰŻÂ ŰłŰ§Ű±ÙŠŰ©


❝𝐀𝐁𝐔 𝐃𝐇𝐀𝐁𝐈 - 𝐔𝐍𝐈𝐓𝐄𝐃 𝐀𝐑𝐀𝐁 𝐄𝐌𝐈𝐑𝐀𝐓𝐄𝐒

𝐓𝐀𝐒𝐍𝐈𝐌 𝐒𝐀𝐑𝐈𝐘𝐀'𝐒 𝐕𝐈𝐄𝐖𝐏𝐎𝐈𝐍𝐓

𝟏𝟒𝟒𝟏 - 𝟐𝟎𝟏𝟗❝ 

  - ŰȘŰłÙ†ÙŠÙ… ŰłŰ§Ű±ÙŠŰ©

Rien de trop voyant. C'était ce qu'il m'avait ordonné. Mais c'était aussi un ordre que je ne respecterais pas. Il n'était personne à mes yeux pour me dicter la maniÚre dont je devais m'habiller, et plus il m'imposerait de choses, plus j'irais à son encontre.

Alors que nous étions dans une situation délicate, dont je prenais peu à peu conscience, il était là à vouloir m'apprendre à m'habiller, au lieu de me donner une conduite à tenir et des informations concrÚtes. Mais aurais -je respecté quoi que ce soit qu'il m'aurait ordonné ?

Je ne savais pas qui avait fait mes placards, et je doutais fortement du fait que cela puisse ĂȘtre Ben Sayour, ça avait Ă©tĂ© trop bien fait pour que ce soit lui qui s'en soit chargĂ©. Le style khaleeji Ă©tait dans cette armoire omniprĂ©sent, allant de tenues sobres Ă  des tenues faites pour dĂ©filer. Tout y Ă©tait Ă  mon goĂ»t, mĂȘme les jeans et les escarpins semblaient avoir Ă©tĂ© dĂ©signĂ©s pour moi. Ce style Ă©tait d'Ă©lĂ©gance pure, mĂ©tissĂ©e Ă  la culture et la modernitĂ©. Des kimonos et des abayas satinĂ©es, mats, dĂ©corĂ©s de strass, des robes lĂ©gĂšrement cintrĂ©es mais amples. . . Il y avait de tout.

Je sĂ©lectionnais quelques kimonos, avec des abayas et des sous- robes. J'avais mis de cĂŽtĂ© quelques vĂȘtements relativement sobres, pour les cas oĂč je devrais vraiment me faire discrĂšte, bien qu'ils soient tout de mĂȘme luxuriants. Pour le reste, j'avais optĂ© pour du tout aussi Ă©lĂ©gant, mais plus voyant, avec des paillettes et des strass, ainsi que du satin, beaucoup de satin.

Il y avait mĂȘme des voiles, destinĂ©s Ă  ĂȘtre culturels et non lĂ©gifĂ©rĂ©s, que j'avais choisis assortis aux tenues que j'avais prĂ©parĂ©. Des opaques, des transparents, des dĂ©corĂ©s . . . c'Ă©tait aussi Ă  variĂ©tĂ© que les kimonos. Pour les chaussures, une paire d'escarpins hauts simples, de marque, et une seconde un peu plus basse, pour plus de confort et de libertĂ© de mouvement, tout aussi luxueuse.

Cette aise financiÚre m'avait manquée, j'avais grandi dedans, mais ne m'était jamais rendue compte combien elle était une chance. Je ne savais pas si vraiment je la méritais, mais aprÚs tout, le mérite n'était -il pas un faux principe, inventé pour nous faire croire que chacun avait sa chance d'exceller, pour nous faire croire à l'équité.

J'avais fini de faire mes affaires. J'avais tirĂ© un sac du voyage du placard et les avais mises dedans. J'avais aussi flashĂ© sur un sac Ă  main, dans lequel je ne savais que mettre, mais que je prendrais tout de mĂȘme avec moi.

Je pris une dizaine de minutes pour plier les vĂȘtements. J'avais tirĂ© du placard un gros sac de voyage, dans lequel je rangeais le tout aprĂšs avoir fini de plier avec soin. Je ne savais plus quoi faire, j'avais Ă  contre- cƓur effectuĂ© la tĂąche que Ryan m'avait ordonnĂ©e, et maintenant j'allais devoir m'ennuyer.

Lui avait sûrement bien des choses à faire, et s'il m'accompagnait, il devait aussi se préparer, alors il serait occupé pour un bout de temps. Ce n'était pas plus mal, je ne souhaitais pas vraiment le voir.

Saisie par une douleur prÚs de mon foie, je posais la main dessus. J'avais donc vraiment un cancer qui grignotait rapidement ma durée de vie.

C'Ă©tait de sa faute. Si je ne m'Ă©tais jamais mise Ă  fumer, ni Ă  consommer, je n'aurais jamais eu cette maladie. Je pourrais mĂȘme dire que c'Ă©tait de leur faute. Si ils avaient Ă©tĂ© plus prĂ©sents, je n'aurais jamais sombrĂ© de la sorte. Si ils n'Ă©taient pas non plus morts bĂȘtement sans doute aurait -ce Ă©tĂ© diffĂ©rent. Et si lui en particulier ne m'avait pas brisĂ©e, sans doute n'en serais -je pas lĂ , sans doute n'aurais- je jamais eu Ă  endurer l'asile, sans doute n'aurais -je jamais Ă©tĂ© la meurtriĂšre de 1439, sans doute n'aurais -je jamais Ă©tĂ© la psychopathe des Ă©mirats.

Et maintenant, on me blĂąmait. Ils voulaient m'accuser de vol, alors que moi-mĂȘme j'avais Ă©tĂ© volĂ©e. Ils m'appelaient "assassin", alors que moi-mĂȘme j'avais Ă©tĂ© tuĂ©e. Ils me reprochaient d'ĂȘtre mauvaise, alors moi-mĂȘme je n'avais jamais subi que du mal. Ils n'Ă©taient bons qu'Ă  parler, Ă  dĂ©nigrer, sans se rendre compte que la source de nos maux Ă©tait leurs paroles et leurs injustes accusations. Ce n'Ă©tait que risible, de voir des gens prĂ©tendre dĂ©noncer ce qu'eux-mĂȘmes ont crĂ©e.

Mon poing se serra, mes ongles s'enfoncÚrent dans ma peau et mon corps se crispa. C'était la rage qui refaisait surface, la haine jamais enterrée qui m'animait, les drames qui me rattrapaient, les désirs qui me convainquaient.

Finalement, ce cancer était une bénédiction, je n'avais grùce à lui que quelques mois à faire sur cette planÚte dont le nom rimait ironiquement avec " enfer".

D'un regard circulaire, je regardais un peu la chambre, analysant chaque objet qui s'y trouvait. Il y avait un bureau, avec dessus, du papier et un pot plein de stylos, qui n'attendaient que d'ĂȘtre utilisĂ©s.

Je me levais du bord du lit pour m'asseoir derriÚre le bureau de bois. D'un geste délicat qui m'était inhabituel, je saisi le pot pour y chercher un stylo à la couleur sombre. Le récipient devait contenir au minimum une vingtaine de crayons, je trouverais bien de quoi faire. Je choisissais un stylo plume, fait d'acier noir, simple, qui reflétait la lumiÚre. Il était facile à tenir en main. J'en enlevais le capuchon et pris un calepin aux pages semblables à du parchemin qui était posé là pour débuter ma rédaction.

L'encre violette était telle mon existence : elle était sombre, tirant légÚrement sur le noir. Le papier lui, était fin, fragile comme ma santé et n'absorbait pas l'encre, alors que moi, j'absorbais la noirceur. Mon écriture dessus était fluide, j'avais écrit mon nom en lettre latine et ensuite en arabe, de l'autre cÎté de la ligne.

Le calepin me rappelait vaguement mon journal, qui devait ĂȘtre restĂ© dans le placard de ma chambre d'hĂŽpital. J'aurais aimĂ© le rĂ©cupĂ©rer avant qu'il ne tombe entre de mauvaises mains, mais il Ă©tait trop tard.

Je commençais à écrire en anglais. Je laissais mon écrit suivre le fil de mes pensées, s'orientant tantÎt vers un écrit intime, tantÎt vers une lettre d'aveux.

" Premier décembre 2019

Je me suis retrouvĂ©e en compagnie de Ryan Ben Sayour, avec qui en l'espace de 24 heures j'ai signĂ© un contrat. Je le connais depuis peu, mais je le cerne dĂ©jĂ  bien. Il est avocat, je le suppose donc intelligent, mais il ne montre de lui que de la stupiditĂ©. Peut-ĂȘtre son diplĂŽme est-il une fraude ? Pourtant, il l'exhibe avec fiertĂ©, il l'a accrochĂ© dans l'entrĂ©e de son organisation. . ."

J'allais ainsi de suite, étirant les lettres en mots, les mots en lignes, et les lignes en pages, pendant que les secondes devenaient des minutes, et les minutes des heures.

Je n'avais pas l'heure sur moi, Ryan m'ayant retirĂ© mon tĂ©lĂ©phone, et la chambre, Ă©tant situĂ©e en souterrain, ne composait pas de fenĂȘtre. Ce fut, une vingtaine de pages plus tard, qu'Ă  l'appel Ă  la priĂšre je sus qu'il Ă©tait environ 19 heures. C'Ă©tait le second qui Ă©tait fait depuis que j'avais commencĂ© Ă  Ă©crire.

Me concernant, je ne priais plus depuis longtemps, Ă  quoi bon ? J'avais tuĂ©, et je m'apprĂȘtais Ă  rentrer dans la mafia, oĂč je commettrais du mal comme l'on m'a certes fait, comment pourrais- je dignement me prĂ©senter Ă  Dieu ?

Je me demandais si l'autre avocat, lui priait. MĂȘme si il me laissait penser de lui qu'il Ă©tait stupide et indiffĂ©rent, je sentais en lui du sĂ©rieux, ce trait de personnalitĂ© se reflĂ©tait mĂȘme dans les lieux, qui lui appartenaient. Je le pensais donc un minimum pieux, mĂȘme s'il Ă©tait pour moi hypocrite de sa part qu'il le fasse, alors qu'il m'avait ordonnĂ© de tuer pour son compte et qu'il me parrainerait au sein du rĂ©seau mafieux hollandais dans lequel il s'apprĂȘtait Ă  m'envoyer. Au moins, s'il priait, il avait le courage de se montrer Ă  Dieu malgrĂ© ses lourds pĂ©chĂ©s.

C'Ă©tait donc l'heure du Maghreb, et Ryan n'Ă©tait pas rĂ©apparu. J'avais lĂąchĂ© mon stylo et Ă©tirĂ© ma main. J'avais beaucoup Ă©crit, peut-ĂȘtre trois heures d'affilĂ©e.

— Tasnim !

C'était lui. Il m'avait appelé de sa voix grave un peu rauque, et dont l'accent maghrébin persistait. Je me préparais donc à le voir pénétrer dans ma chambre, ce qu'il fit quelques secondes aprÚs avoir crié mon nom.

— Oui ? fis-je Ă  son entrĂ©e.

Il s'était positionné dans l'encadrement de la porte, et tenait quelque chose dans sa main. PlutÎt que de me répondre, il me posa ce qu'il avait dans la main sur mon bureau, duquel j'étais toujours non loin. C'était le téléphone qu'il m'avait acheté et que j'avais configuré trois ou quatre heures plus tÎt. Je le pris dÚs qu'il l'eut posé.

— Va dormir, demain je te lùverais tît, ajouta- t-il.

Je levais les yeux vers lui. Il avait troquĂ© son pull et son cargo contre une dichdacha blanche immaculĂ©e accompagnĂ©e d'un rabat blanc Ă  carreaux rouges. Il n'y avait que quelques fines mĂšches de ses cheveux qui en dĂ©passaient. MalgrĂ© le fait qu'il soit Ă  l'origine maghrĂ©bin, il avait bien su s'approprier les coutumes et traditions du moyen- orient. Dans cette tenue, c'Ă©taient surtout son regard qui ressortait, avec ses sourcils prononcĂ©s, un peu arquĂ©s, et ses yeux aux reflets marron -verts. Je pouvais sentir que tout son ĂȘtre me toisait, avec encore une fois un sentiment incomprĂ©hensible, qui ne devait exister qu'en lui.

— Tes affaires sont faites ? me demanda-t-il.

Je m'étais abstenue de répondre à son commandement et voilà qu'il enchaßnait avec une question. Je lui donnais, du menton, un signe approbateur, ayant exécuté la tùche plusieurs heures auparavant.

— A demain, alors, Tasnim. Tu pourras aussi dormir dans l'avion.

Sur ce, il ferma la porte et s'en alla. J'entendis ses pas résonner dans les couloirs. Les étages eux aussi s'étaient agités, ils commençaient à bavarder, et sûrement finiraient- ils par hurler.

Mon portable affichait 19 heures 38. Il était encore tÎt et j'étais loin d'avoir sommeil.

Les actualitĂ©s parlaient chacune de la fusillade. Les commentaires des articles m'accusaient mĂȘme parfois , disant que l'on aurait dĂ» me tuer, que j'Ă©tais inĂ©vitablement l'autrice de cette mascarade. Certains disaient mĂȘme que Ryan m'avait fourni, nous Ă©tions aux yeux de la population complices, si ce n'Ă©tait plus.

Mais je finirais pas les faire taire. Je savais que bien des choses étaient enfouies, et que seuls les plus persévérants et déterminés pouvaient déterrer. Et je faisais partie de ces seules personnes capables de le faire, je saurais bien vite ce qui nous était caché, et le révélerais au grand jour. A ce moment-là, je deviendrais Tasnim Sariya , l'héroïne de ce monde.

J'enlevais mon kimono satiné pour rester en Abaya, et m'allongeait. Je détachais aussi au passage mes cheveux, et posait l'élastique sur le chevet. Devant l'écran du portable, je pinçais les lÚvres. D'anciens articles que j'avais écrit trois années auparavant avaient été ressortis. Plusieurs étaient introduits pas " Qui dirige vraiment notre monde ? ". Trois ans plus tard, je comprenais enfin pourquoi on m'avait étiquetée à tord et faite passer pour une folle à travers le pays. Quelle piÚtre journaliste j'avais été.

Replacarder ces articles sur les réseaux visait apparemment à me discréditer, me rabaisser et rappeler combien j'avais été médiocre dans mon travail. Attiser la haine contre moi ne faisait qu'encore plus animer celle que j'avais déjà envers le monde. Encore une fois, ils verraient. La chute serait magistrale et ne marquerait pas seulement les émirats, mais le monde entier, j'en faisais la promesse.

Un nom attira mon attention : celui de Rayhanna Ibn Hillal, sur une actualité au sujet du Coran Bleu. Elle avait pris des photos des traces d'effraction au Louvre Abu Dhabi, postées dans les articles avec son identité. Comme si les photographies à l'appui dans la page de journal dédiées à Ryan et moi ne lui avaient pas suffit.

Curieuse de savoir à quoi elle ressemblait, je tapais le nom de la femme, en arabe pour optimiser les résultats. Ce fut une femme arabe à la peau matte, avec des cheveux coupés aux épaules qui fit son apparition en résultats. Sur de rares photos, elle portait un voile culturel semi-transparent.

Ryan n'avait pas menti en m'expliquant qu'elle Ă©tait une photographe travaillant pour Abu Dhabi Noor. Elle apparaissait partout comme Ă©tant telle, et semblait plutĂŽt rĂ©putĂ©e Ă  Abu Dhabi. Elle Ă©tait mĂȘme passĂ©e Ă  la tĂ©lĂ© de nombreuses fois.

Je me rappelais que Ryan, contrairement Ă  l'autre sĂ©nĂ©galaise, l'avait appelĂ©e par son prĂ©nom. J'avais pensĂ© que c'Ă©tait parce qu'elle Ă©tait Ă©miratie, mais peut-ĂȘtre mĂȘme la connaissait -il personnellement. C'Ă©tait Ă©trange, qu'elle mette son nez dans de telles affaires, qui Ă©taient des choses risquĂ©es sur lesquelles on possĂ©dait peu d'informations, alors qu'elle avait l'air plutĂŽt apprĂ©ciĂ©e du public. Elle Ă©tait qualifiĂ©e de façon trĂšs mĂ©liorative par les mĂ©dias Ă©miratis.

Je ricanai. Elle ne craignait pas, pour se fourrer dans de telles histoires, surtout qui me concernaient. J'espérais sincÚrement que Ryan la traßnerait en justice pour diffamation, avec sa collÚgue sénégalaise. Si j'en avais le pouvoir prochainement, je la traquerais, et lui ferait réaliser son erreur.

Je sentais mon nez me piquer, la haine et la soif de reconnaissance monter Ă  ma tĂȘte. J'avais tuĂ©, mais avec raison, et voilĂ  que le pays m'haĂŻssait pour cela, alors que c'Ă©tait parfaitement justifiĂ©. Ils voulaient considĂ©rer ma motivation comme grave, mais ne souhaitaient pas se rendre compte que ce que j'avais subi l'Ă©tait aussi.

Finalement, j'effaçais ma recherche concernant la photographe. J'aurais tout aussi bien pu regarder qui était Sokhna Sitté Diatta, mais, à vingt heures, je ne voulais pas avoir de frayeur.

Le chevet possĂ©dait une lampe, que j'allumais en m'aidant de la lumiĂšre qu'Ă©mettait l'Ă©cran. Une nouvelle fois par curiositĂ©, j'ouvrai le premier tiroir du meuble. J'y trouvais de la nourriture, bien que j'ai mangĂ© un peu plus tĂŽt dans la froide compagnie de la NigĂ©riane qui servait de collĂšgue Ă  Ben Sayour. Je pris une barre de chocolat, qui Ă©tait Ă  l'orange. Mon prĂ©fĂ©rĂ©, comment avaient-ils su ? Je ne saurais probablement jamais qui l'avait mis lĂ , mais j'apprĂ©ciais le geste. Je mangeais, devant mon portable, dont l'Ă©cran affichait diverses informations, en tout genre, mais majoritairement concernant la fĂȘte de demain et moi-mĂȘme.

La fatigue commençait à venir, accompagnée par de petits picotements au niveau de mon pancréas et de mes globes oculaires. Je me rallongeais, éteignant la lampe. Mes yeux fixaient le vide, je maintenais mes paupiÚres ouvertes, détaillant le plafond que je voyais flou.

[...]

— Sariya, lĂšve-toi ! fit une voix fĂ©minine en m'agressant presque.

Un courant d'air froid se plaqua à ma peau, me faisant frissonner. C'était un gracieux réveil, agréable et qui m'avait insufflé joie et envie de vivre. C'était motivant à sortir de mes couvertures.

— Oui je le fais, maugrĂ©ais- je.

C'Ă©tait Fashola qu'on avait missionnĂ©e pour me rĂ©veiller. DĂšs qu'elle vit que j'avais parlĂ© et ouvert les paupiĂšres, elle sorti, me laissant seule me dĂ©pĂȘtrer avec mes couvertures et ma fatigue.

Mon portable Ă©tait au sol, il avait dĂ» passer la nuit dans mon lit, je m'Ă©tais sĂ»rement endormie avec. Je sentais fort, une douche s'imposait, mĂȘme si la crasse pour moi n'Ă©tait pas grave.

La chambre était une suite, je poussais le battant de la salle de bain, un jean, un kimono beige tirant sur le marron et un haut noir en main. J'ajouterais aprÚs quelques accessoires si la tenue s'avérait trop fade.

L'eau brĂ»lante tomba en cascade sur ma peau, la dĂ©tendant. Le savon Ă  l'odeur sucrĂ©e vint ensuite la nettoyer. SucrĂ©. . . Comme l'odeur de sa chambre. La fragrance Ă©tait la mĂȘme que celle de son lit, dont je me souvenais fait et parfumĂ©. J'avais mĂȘme poussĂ© le battant comme j'avais poussĂ© celui de son lieu conjugal.

Je sortais de la salle de bain, habillĂ©e et propre. Mon bas glissait, j'Ă©tais d'une maigreur extrĂȘme, sans aucun doute Ă  cause de ma maladie, dont l'amaigrissement Ă©tait un symptĂŽme. Sur la coiffeuse de la piĂšce, je trouvais quelques produits pour les cheveux et des bijoux. Je parais mes oreilles de fleurs dorĂ©es et laissait mes cheveux que j'avais brossĂ© lĂąchĂ©s. Je n'en avais plus que peu, et mes boucles, en manque de santĂ©, s'Ă©taient rĂ©duites Ă  de simples ondulations. Je surmontais ma tĂȘte d'un voile culturel du mĂȘme bleu que mon pantalon, mais transparent, et m'en allai. Je pris le chemin du salon, pensant tout de mĂȘme Ă  prendre mon portable par terre.

Deux couloirs, j'arrivais dans la piĂšce oĂč j'avais de mon sang signĂ© le contrat.

— Salam, me lança Ben Sayour qui s'y trouvait en me voyant.

J'haussais les sourcils. Il venait de me saluer, chose dont je ne le pensais pas capable. Une preuve de respect à mon égard, c'était surprenant de sa part.

— Ben Sayour, il est cinq heures du matin, murmurais -je amùrement sans lui rendre sa salutation.

— Le vol est Ă  six heures quinze, il y a sept heures d'avion et trois heures d'escale, Sariya. Je t'ai levĂ©e au plus tard. On arrivera aux alentours de vingt heures.

— A Amsterdam ? demandais -je sans vraiment le faire, pensant connaĂźtre la rĂ©ponse.

— Non. Rotterdam, un peu plus loin. La ville avec le grand port.

Je lui offrais un nouveau haussement de sourcils. Il ne m'amenait donc pas à la capitale. Du peu que j'en savais, grùce à la culture générale que j'avais acquise en tant que journaliste, Rotterdam était aussi une grande ville, à l'économie développée, et au commerce international. Ce n'était pas finalement étonnant que des activités illégales se trament là-bas.

— Et on part quand ?

— Dans vingt minutes, prend le temps de manger un peu, je m'occupe de tes affaires. Viens, ajouta -t- il avec un signe de la main.

Il prit le couloir dont je sortais, et je le suivis. Il le traversa complĂštement pour arriver sur une salle un peu plus petite que les deux salons que j'avais visitĂ©, mais tout de mĂȘme Ă©norme. Une table haute, servie, s'y trouvait au centre. D'un second signe de la main, il m'invita Ă  m'y assoir, ce que je fis avec une moue.

Alors que je pensais qu'il s'assiérait avec moi, il préféra s'en aller à pas feutrés, veillant sûrement à ne pas faire de bruit.

Je commençais à manger, les yeux fixés sur mes pensées. J'imaginais le vol et la journée. J'allais devoir me coltiner l'avocat pendant une journée, sans interruption. Je devais commencer à préparer mes piques, ou les sept heures de vol se feraient longues.

Il me laissait bien trop perplexe. Il avait l'air stupide, mais Ă©tait avocat, il Ă©tait relativement froid avec moi, mais me faisait quelques attentions. Il m'avait obligĂ©e Ă  mettre ma ceinture, m'ouvrait les portiĂšres et voulait en plus s'occuper de mes affaires. De surcroĂźt, il m'avait dĂ©fendue devant la justice Ă©miratie, en prenant le risque d'ĂȘtre la risĂ©e de son mĂ©tier.

J'allumais mon portable, de ma main gauche, tenant un gùteau de semoule de l'autre. Un petit 1 s'affichait sur l'application de messagerie, ce qui m'intrigua. Ne possédant pas de carte SIM pour le moment, l'Algérien m'ayant promis de m'en fournir une une fois arrivés au Pays-Bas, personne ne pouvait m'envoyer de message.

" Sariya, remonte dans cinq minutes. Dehors."

Les textos avaient Ă©tĂ© expĂ©diĂ©s par un contact nommĂ© " Vous", et s'affichaient deux fois, une fois cĂŽtĂ© expĂ©diteur et l'autre fois du cĂŽtĂ© destinataire. Je pris un instant pour faire un tour dans les rĂ©glages et pu constater que j'Ă©tais connectĂ© sur le compte de l'AlgĂ©rien, ce qui expliquait les messages. Il avait trafiquĂ© mon portable pour y avoir accĂšs. Ce n'Ă©tait mĂȘme pas Ă©tonnant, il m'avait prĂ©venu qu'il le ferait.

Je finis mon gùteau, bus un verre d'eau, et retournais à ma chambre. J'y pris mon sac à main, et y fourrais mon matériel d'écriture, soit le calepin et le stylo plume dont je m'étais servie la veille.

Ben Sayour m'attendait dehors, debout, et comme toujours il avait le nez fourrĂ© dans son portable, encore en train de composer de multiples messages dont les destinataires m'Ă©taient inconnus. Il s'Ă©tait coiffĂ©, et mĂȘme apprĂȘtĂ©, mais ses cernes violacĂ©es trahissaient sa fatigue, il semblait ne pas avoir dormi de la nuit, comme Ă  son habitude. Il Ă©tait vĂȘtu d'un pull noir, dont le col Ă  fermeture Ă©clair Ă©tait ouvert, sur un pantalon ample qui lui-mĂȘme tombait sur une paire de basket noires et blanches. Il s'habillait large et simple, et se distinguait du peuple Ă©mirati, la plupart prĂ©fĂ©rant se vĂȘtir dans les coutumes, avec des vĂȘtements souvent modernisĂ©s, mais restant culturels. A mon goĂ»t, son style n'Ă©tait pas laid, il lui allait mĂȘme plutĂŽt bien, alors qu'il Ă©tait grand et fin.

— Enfin lĂ , Sariya, me fit-il avec un sourire lorsqu'il releva la tĂȘte.

Son expression sonnait terriblement faux, ses muscles s'Ă©taient contractĂ©s contre son grĂ© pour la prendre, sa chair le hurlait, mais j'Ă©tais loin d'en ĂȘtre Ă©tonnĂ©e, sans doute se prĂ©parait -il psychologiquement Ă  ce qu'il allait endurer.

— Je suis lĂ  depuis cinq minutes, mais comme tu as des centaines de messages auxquels rĂ©pondre tu ne m'as pas vu.

Il leva les yeux au ciel et haussa ses sourcils arqués, qui quelques instants avant étaient pourtant froncés.

— Tu restes une plus grande cĂ©lĂ©britĂ© que moi, Tasnim Sariya, notre journaliste, plaisanta -t- il ironiquement en retour.

— Avocat Ben Sayour, souhaiterais- tu finir comme Ali ?

J'avais lancé la pique sans une once d'ironie ou de plaisanterie, mon ton avait été sérieux comme celui d'un juge lors d'un procÚs, pourtant, lui le pris légÚrement.

— Docteur Ben Sayour, me rectifia-t-il. J'ai un doctorat, et ne t'inquiùtes pas, tu pourras faire des centaines de victime si tu le souhaites, mais je n'en ferais pas partie.

Il avait un doctorat, cet imbécile. Il avait fait des études de droit et possédait un tel diplÎme . A quatre-vingt-dix pourcent de chances, son doctorat était trafiqué, je ne croyais pas une seule seconde à un diplÎme gagné par ses compétences, j'étais persuadée qu'il constituait une véritable fraude.

Tandis que moi, je n'avais que des diplÎmes basiques, un baccalauréat et une licence en lettres. Je fixais à présent le sol, à deux mÚtres de lui. Il s'approcha de moi, son ombre se déplaçant contre les dalles vers ma propre anatomie.

— Aller, viens, on doit y aller.

Il Ă©tait Ă  prĂ©sent devant moi, et Ă  quelques centimĂštres de mon visage se trouvait son cou. La blessure sanguinolente que je lui avais infligĂ©e Ă©tait encore visible, profonde. Il n'avait mĂȘme pas dĂ» s'en occuper, et Ă  coup sĂ»r elle lui laisserait une cicatrice avec laquelle il serait contraint de vivre.

Je relevais mon regard vers lui et le ciel. Son corps couvrait le soleil de ses larges Ă©paules, je n'en voyais que quelques rayons cuivrĂ©s illuminer le quartier pourtant glauque. C'Ă©tait semblable Ă  une Ă©clipse, avec le ciel qui lui, Ă©tait nuancĂ© de bleu nocturne, de jaune Ă©toilĂ©, et d'orange pĂąle. De petites bandes d'un violet pastel Ă  certains endroits subsistaient malgrĂ© l'aube, faisant du ciel une mosaĂŻque de couleurs. Le tout projetait de pĂąles et jaunĂątres lueurs sur son visage et nos vĂȘtements.

Lorsqu'il tourna la tĂȘte derriĂšre lui pour voir ce que j'admirais tant, je revins Ă  la rĂ©alitĂ©. Je l'avais scrutĂ© lui et le ciel, et mon regard s'Ă©tait abandonnĂ© Ă  la frontiĂšre qui sĂ©parait l'observation de la contemplation.

— Je viens, acquiesçais -je alors qu'il s'en allait, les pouces dans les poches, quatre doigts en sortant.

Je me pliais au rĂšgles. Ca m'irritait profondĂ©ment, c'Ă©tait Ă  mes yeux de la soumission, mais je n'avais pas le choix, j'avais des intĂ©rĂȘts et des objectifs.

Il effectua le tour du bùtiment, le derriÚre en étant un parking. De sa poche, il tira ses clefs de voitures, celle de sa Audi grise. J'avais cru comprendre, par les dires de la Nigériane, que la 4 matic noire qu'il avait garée un peu plus loin lui appartenait aussi et qu'il l'avait prise hier pour sortir.

Il me fit monter, me tenant encore une fois la portiĂšre, ce qui lui donna le gracieux droit Ă  un regard plein de dĂ©dain. Peut-ĂȘtre qu'il voulait se faire abattre, je ne savais pas. Prochainement, je serais en possession d'armes, dont je savais me servir, utiliser un sniper Ă  son insu ne serait pas compliquĂ©.

— Le rĂ©seau oĂč tu m'envoies est aussi impliquĂ© dans des trafics de drogues ? demandais en me voulant la plus impassible et calme possible.

— Ils sont impliquĂ©s dans tous types d'activitĂ©s illĂ©gales, il y a mĂȘme chez eux des secteurs dont un particuliĂšrement discret, dont un qui -

— Qui a la mĂȘme façon de penser que moi, celui vers lequel je devrais m'orienter, devinais- je en l'interrompant.

ConcentrĂ© sur la route, il me rĂ©pondit par un hochement positif de la tĂȘte. L'aĂ©roport d'Abu Dhabi devait se trouver non- loin, puisqu'il Ă©tait situĂ© en pĂ©riphĂ©rie du centre de la ville, pour plus d'espace. Le trajet s'effectuait en silence, je n'avais aucune autre question Ă  poser, seulement des pensĂ©es Ă  faire tourbillonner.

D'aprÚs ses dires, Ad-Dawla Al-Khaffiyah était impliqué dans tous types d'activités criminelles, ce qui signifiait aussi le trafic de drogues dures. J'allais pouvoir regoûter à la fameuse poudre, ressentir à nouveau sa brûlure dans ma gorge, revivre la sensation de l'adrénaline montant à mon cerveau. La légÚreté pourrait de nouveau m'envahir, ensuite suivie de lourdeur, et en cas d'excÚs, de saignements et d'évanouissements.

Ryan avait une main sur le volant, et l'autre sur sa cuisse, je pouvais vaguement sentir qu'il concentrait son Ă©nergie spirituelle sur la route, de par son flagrant dĂ©tachement et la rigiditĂ© de ses mains sur le volant. Je n'Ă©tais qu'Ă  moitiĂ© attachĂ©e, me concernant, et il ne l'avait mĂȘme pas remarquĂ©.

Je consultais mon portable, qui m'indiqua qu'il était six heures moins quinze. Le vol était prévu dans une demi-heure. Un panneau routier affichait l'aéroport, nous y étions presque arrivés.

L'AlgĂ©rien prit un virage Ă  une main, regardant Ă  peine dans l'angle. MĂȘme les pauvres petits parisiens de France aurait Ă©tĂ© choquĂ©s par sa conduite, mĂȘme peinĂ©s.

Finalement, il se garait sur le parking de l'aéroport, un des plus grands qui soient. A cette heure-ci, il était déjà pleins, des touristes originaires des quatre coins du monde venus passer leurs hivers aux émirats s'agitant.

Je quittais aujourd'hui Abu Dhabi, Ă©mirat oĂč on ne voulait plus de moi. Il Ă©tait ma patrie, ma ville, et on m'en rejetait. Je ne savais pas si j'y remettrais les pieds, mais ce qui Ă©tait certain Ă©tait que je n'y reviendrais pas de si tĂŽt.

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