~ Propiedad Del GonzĂĄlez ~
Irina
Je me retournais pour rejoindre les escaliers lorsquâil apparaĂźt soudainement devant moi. VĂȘtu dâune veste en cuir noir et dâun jean, il me regarde avec un petit rictus en coin. Habituellement, je le lui aurai rendu, mais pas ce soir. Je ne mâattendais pas Ă sa visite et encore moi Ă ce quâil se rappelle oĂč jâhabite. Câest Ă©tonnant pour quelquâun qui ne me connaĂźt plus.
â Toi, ici, dis-je avec nonchalance en haussant les sourcils. Tu tâes souvenue de chez-moi ? Ou alors de mon nom ? Ah, non, câest vrai que tu ne te rappelles plus qui je suis !
Ma voix est remplie dâinsolence et de colĂšre. Ăa ne semble pas l'atteindre le moins du moins, puisquâil mâobserve, toujours avec ce sourire en coin.
â Tu nâas pas changĂ©. Toujours aussi⊠Impulsive.
Je fronce les sourcils.
â Quâest-ce que tu veux, Bruno ?
Son sourire ne quitte pas ses lÚvres et ça me trouble. Beaucoup trop.
â Ăcoute⊠Je⊠Je nâai pas le temps de discuter avec une personne qui oublie ses amis dâenfance. Maintenant, excuse-moi, je dois rentrer chez moi.
Alors que je commence Ă le contourner, il m'arrĂȘte en glissant une main sur mon poignet avec douceur. Mon regard se pose sur sa main puis remonte lentement vers sa mĂąchoire sculptĂ©e jusquâĂ atteindre ses yeux. Des yeux qui mâhypnotisent. Un frisson me traverse. Son contact me rend fĂ©brile.
Sans prononcer de mot, Bruno me regarde longuement, comme sâil veut retenir chaque parcelle de mon visage. Ăa me dĂ©stabilise quâil soit aussi proche de moi. Ăa ne met jamais arrivĂ©e Ă ĂȘtre autant proche dâun homme et si longtemps. Câest Ă©trange comme sensation.
En plus, il sent bon. Beaucoup trop bon pour résister à ce parfum qui emplit mes narines.
Bruno finit par se reculer lĂ©gĂšrement en lĂąchant mon poignet. Je reprends une bonne contenance. Je ne veux pas quâil me voie aussi troublĂ© par sa prĂ©sence.
â Tu es fĂąchĂ©e ?
Je hausse les sourcils.
â FĂąchĂ©e ?
â Oui, parce que j'Ă©tais trĂšs indiffĂ©rent quand nous nous sommes croisĂ©s Ă cĂŽtĂ© de lâĂ©tang. Jâai dĂ» te blesser en faisant semblant de ne pas te reconnaĂźtre. Je suis dĂ©solĂ© si je tâai paru froid, câest juste que⊠je ne mâattendais pas Ă te voir, aussi⊠Il marque une pause en me regardant, comme si je lâintimidais. Tu es devenue vraiment trĂšs belle, finit-il par dire.
Je dĂ©tourne le regard, gĂȘnĂ©e. Je souris comme une gamine face Ă son compliment. Lorsque je mâen rends compte, j'efface tout de suite ce sourire bĂ©at, collĂ© Ă mes lĂšvres et le regarde un peu plus sĂ©rieusement.
â Oh vraiment ? Tu as dĂ» voir des centaines de femmes bien plus jolies, lĂ oĂč tu Ă©tais.
â Oui, câest vrai, mais aucune dâelles ne t'arrive Ă la cheville.
Des papillons naissants envahissent le creux de mon ventre. Irina, contrĂŽle-toi. Ce nâest quâun compliment. Mais venant de lui, câest tellement diffĂ©rent.
â Merci, câest gentil.
â Maintenant que, tout est rĂ©glĂ© entre nous, je peux tâinviter Ă aller marcher sur la place ?
â M'inviter ? Ă sortir ? Moi ? hĂ©sitĂ©-je, surprise par sa proposition.
â Oui. Toi et moi.
â Ok, allons-y, dis-je en lui offrant mon plus beau sourire auquel il rĂ©pond.
Nous nous mettons en chemin.
~ Plaza de Andalucia ~
VoilĂ une demi-heure que Bruno et moi, nous sommes sur la place, assis sur un banc Ă discuter de tout et de rien, comme au bon vieux temps. Les mains soutenant mes joues, je lâobserve avec admiration, me raconter la vie quâil a eue depuis quâil a quittĂ© le village. Je ne me lasse pas de lâĂ©couter. Je pourrais lâĂ©couter pendant des heures entiĂšres. Il me parle avec tel facilitĂ© et passion que je lâenvie. Ăa se voit quâil a aimĂ© ce quâil a vĂ©cu et quâil ne regrette pas dâĂȘtre parti. Ăa remonte Ă loin cette Ă©poque oĂč sa mĂšre nous Ă sĂ©parerâŠ
Ensuite, nous nous mettons Ă rire des bĂȘtises que nous avons fait Ă©tant petits.
â Tu te souviens quand Hugo a remis lâargent du pĂšre Daniel dans son coffre, car on lui a dit que câĂ©tait du vol ? me dit-il en riant.
â Oui, je mâen souviens trĂšs bien. Le pĂšre Daniel lâa trouvĂ© en plein acte et quâaprĂšs il lâa puni pendant un bon mois ! riĂ©-je Ă mon tour.
Nous voulions nous rendre Ă la fĂȘte foraine et nous nâavions pas assez dâargent, donc Hugo sâest proposĂ© de prendre de lâargent pour complĂ©ter la somme.
â CâĂ©tait trĂšs drĂŽle.
â Oui.
Le silence sâinstalle entre nous et on sâobserve seulement, sans un bruit et sans dĂ©tourner le regard. La rue est presque dĂ©serte. Il nây a pas beaucoup de personnes dans les environs. Nous sommes seuls au monde. Ăa me fait du bien de le retrouver et je pense quâil doit se dire la mĂȘme chose.
Je suis trĂšs Ă lâaise Ă ses cĂŽtĂ©s mĂȘme si je dois avouer que⊠Sa beautĂ© mâintimide. Bruno est un homme dotĂ© dâune beautĂ© exceptionnelle. Les hommes que jâai pu croiser ici ne peuvent pas ĂȘtre comparĂ©s Ă lui.
â Je peux te poser une question ?
â Tu nâas jamais eu de fiancĂ© ? Une femme aussi belle que toi as certainement dĂ» en avoir.
â Non, jamais. Les hommes ici ne m'ont jamais perçue comme une Ă©ventuelle fiancĂ©e ou petite amie.
â Pourquoi ? demande-t-il, les sourcils froncĂ©s.
Je dĂ©tourne les yeux un instant, regardant les gens passer devant nous, alors quâil me regarde toujours, attendant ma rĂ©ponse. Je repose mon regard sur lui.
â Ăa ne mâa jamais intĂ©ressĂ©. Je prĂ©fĂšre quâon parle dâautre chose si tu veux bien.
Il hoche simplement la tĂȘte puis il me dit :
â Mais tu me rĂ©pondras si je te demande sâil se passe quelque chose entre Hugo et toi ?
Je fronce les sourcils, trĂšs surprise. Je ne mâattendais pas Ă ce quâil me demande ça.
Quâest-ce quâils ont tous Ă se demander si je sors avec Hugo ?
â Pourquoi cette question ?
â Simple curiositĂ©.
â Ne me dis pas que tu crois quâon est ensemble ?
â Qui dâautres le crois ?
Je pousse un soupir tout en détournant une nouvelle fois le regard, un sourire nerveux aux lÚvres.
â Tous les gens du village croient quâon sort ensemble parce quâon est souvent ensemble. Mais câest faux. Hugo nâest quâun ami.
â Ă vrai dire⊠Je pensais quâĂ mon retour, vous seriez ensemble.
â Pourquoi tu pensais ça ? je lui demande les sourcils lĂ©gĂšrement froncĂ©s en le fixant.
â Je ne sais pas, Irina, câest ce que je mâĂ©tais imaginĂ©.
â Je vois. Eh bien, tu tâes trompĂ©. Tu peux me croire, il nây a rien entre Hugo et moi.
Il me sourit.
â Câest incroyable.
â Quâest-ce qui est incroyable ?
â De te revoir et⊠aprĂšs tout ce temps. Tu mâas manquĂ©.
Je lâai manquĂ©e... Je le regarde avec un sourire, presque dĂ©stabilisĂ© tandis quâil ne me lĂąche pas du regard. Ses yeux brillent. Ils brillent pour moi.
â Bonsoir, je dĂ©range ?
Une voix angĂ©lique interrompt notre Ă©change silencieux. Je laisse Ă©chapper un soupir discret en dĂ©couvrant qui nous a interrompus. Une fille. Cette fille brune aux yeux verts sâappelle Eva.
Elle a des cheveux trĂšs longs lui arrivent jusquâĂ son bassin. Son visage est dâun teint clair et sa silhouette fine lui donne encore des airs dâadolescente. Câest bien une ado qui a 18 ans. Et de ce que je vois, elle est tombĂ©e sous le charme de Bruno puisquâelle ne regarde que lui. Elle nâa pas vu que jâĂ©tais avec lui. Du moins, elle le fait exprĂšs pour mâembĂȘter.
â Salut, Eva, dit-il en se levant.
â Salut Bruno, sourit-elle. Comment tu vas ? Et quâest-ce que tu fais ?
â Bien et toi ? Je discutais avec Irina. Nous nous rappelons le bon vieux temps.
Elle me regarde avec dĂ©dain au-dessus de son Ă©paule et je ne manque pas de faire de mĂȘme en la toisant. Elle dĂ©tourne le regard avec dĂ©sinvolture et sourit Ă Bruno comme si je nâĂ©tais pas lĂ . Cette situation mâexaspĂšre que je prĂ©fĂšre partir et les laisser seuls.
â Je vois. Mais tu devrais faire gaffe quand mĂȘme avec cette fille. Elle nâest pas trĂšs frĂ©quentable si tu vois ce que je veux dire.
â Pourquoi tu dis ça ?
â Eh bien, tu sais Bruno. Tous les hommes lui courent aprĂšs. Irina aussi court aprĂšs tout ce qui bouge. Tu devrais te mĂ©fier dâelle. Ta mĂšre ne te lâa pas dit ? Câest bien pour ça quâelle et tout monde la dĂ©teste dâailleurs. Au revoir Bruno, ravi de tâavoir revue. dit-elle en me toisant avant de sâĂ©loigner
De quoi elle se mĂȘle ?
Furieuse et un peu honteuse, je me lĂšve du banc et quitte Bruno rapidement. Ce dernier me rattrape par le bras.
â OĂč est-ce que tu vas ?
Je retire mon bras et le foudroie intentionnellement du regard. Ce nâĂ©tait pas mon intention de le regarder de la sorte, mais la colĂšre sâest emparĂ©e de moi.
â Elle a raison. Tu ne devrais pas me frĂ©quenter.
Ses sourcils se froncent.
â Raison de quoi ? Explique-moi, Irina.
â Tu sais parfaitement de quoi je parle. Je prĂ©fĂšre que tu ne viennes plus me voir. Nous aurons moins de problĂšmes comme ça.
â Attends, dit-il en me rattrapant de nouveau.
Je soupire.
â Si tu me dis tout ça Ă cause de ce quâa dit Eva, je veux que tu sache que ça mâest Ă©gal. Je sais quâil y a pas mal de rumeurs qui circulent sur toi et si vraiment ça mâintĂ©ressait, je tâaurais posĂ© la question, mais je ne lâai pas fait.
â Bruno, il fautâŠ
â ArrĂȘte sâil te plaĂźt, dit-il en sâapprochant de moi, ses mains se posent sur les miennes. Ăa mâest Ă©gale de ce quâil y a autour tant que je sais que tu nâes pas comme ça. Je sais dĂ©jĂ quel genre de personne tu es.
Ses mots me troublent et me touchent en mĂȘme temps. Je ne sais pas quoi lui rĂ©pondre.
â Alors⊠Câest vrai ? Tu ne crois pas Ă tout ce quâon raconte sur moi ? je lui demande en reprenant une contenance normale afin quâil ne voie pas mon trouble.
â Non, et puis je ne fais pas attention Ă ce genre de chose, admit-il.
Ces paroles mâĂ©meuvent. Je souris.
â Je suis contente.
Il sourit.
â Allez, je te raccompagne chez toi.
âĄ
~ Propiedad Del GonzĂĄlez ~
â Ăa a Ă©tĂ© un plaisir de discuter avec toi.
Je lui adresse un sourire en guise de remerciement et me perds dans ses yeux bleus quelques instants avant de me rendre compte de ce que je fais. Irina !
â Moi aussi, je rĂ©ponds en lui cachant mon trouble. Jâai passĂ© une bonne soirĂ©e en ta compagnie. Mais sauf quand Eva a dĂ©barquĂ© pour nous dĂ©ranger, ajoutĂ©-je lĂ©gĂšrement exaspĂ©rĂ©e en me rappelant de ce moment dĂ©sagrĂ©able tout en roulant des yeux.
Il lĂąche un petit rire Ă cause de mon changement de ton.
â Tu tâĂ©nerves toujours aussi facilement, tu ne changeras jamais, me charrie-t-il en me souriant.
Je secoue la tĂȘte en riant.
â Comment ne pas mâĂ©nerver aprĂšs tout ce quâelle tâa dit Bruno, câest vrai quoi. Je lâaurais bien remis Ă sa place, mais ça nâen valait pas la peine.
â Ne te prends plus la tĂȘte pour ça, Irina. De toute façon, je nâai pas cru un seul mot de ce quâelle a pu me dire.
â Tu es sincĂšre ?
â TrĂšs. Tu nâas plus Ă tâen faire.
Je souris et il me le rend. Je me comporte comme une idiote. JâespĂšre quâil ne le voit pas.
â Bonne nuit, me dit-il avant de me tourner le dos.
Mais il revient sur ses pas et pose ses lĂšvres sur le coin de ma joue pour y laisser un doux baiser. Mon cĆur tambourine au contact de ses lĂšvres sur ma peau. Il mâoffre un petit sourire puis il sâen va.
Les joues en feu, jâai le sourire jusquâaux oreilles tout en le regardant partir. Je ferme les yeux en soupirant.
Il mâa embrassĂ© sur la joue⊠murmurĂ©-je, en touchant lâendroit exact oĂč il a placĂ© ses lĂšvres.
Mon Dieu⊠Que se passe-t-il dans ton petit cĆur Irina ?
Il faut que je me ressaisisse.
Ce nâest pas bon pour toi, Irina. Pas bon.
Alors que je monte les marches, pour rentrer chez moi, jâentends la voix dâHugo derriĂšre moi :
â Alors comme ça, vous ĂȘtes redevenu les meilleurs amis du monde ? Il tâa mĂȘme raccompagnĂ©e, bravo, ironise-t-il dâun ton nonchalant.
Je fronce les sourcils en me tournant vers lui. Je m'arrĂȘte sur la marche d'escalier tout en le regardant avec interrogation. VĂȘtu dâune chemise Ă carreaux rouges, il tient son chapeau dans sa main droite, lâair grave. Mais quâest-ce qui lui arrive ?
â Quâest-ce qui se passe Hugo ? Serais-tu jaloux ? le taquinĂ©-je en souriant tout en descendant les marches, lentement.
â Jaloux ? Et pourquoi je serais jaloux ?
Je hausse les épaules.
â Tu es trĂšs Ă©nervĂ©, je lui fais remarquer en croisant les bras autour de ma poitrine.
â Non⊠Pas du tout. Câest juste que⊠Câest bizarre, balbutie-t-il.
Je me retiens de rire.
â Bizarre ? Je ne vois rien de bizarre Hugo. Bruno et moi, on se connaĂźt depuis tout jeune. Et tu le sais mieux que quiconque. En plus, nous avons pu longuement discuter et jâai rĂ©alisĂ© que nous avons toujours des choses en commun.
Il me tourne le dos pour regarder derriĂšre lui lâair encore Ă©nervĂ©.
â Ce mec est Ă©trange, dit-il en me regardant. Bruno nâest plus le mĂȘme, Irina. Je le trouve insupportable. Toi, tu es trop aveugle pour le voir. Et si tu ne le vois pas, câest ton problĂšme, pas le mien.
â Quâest-ce qui te dĂ©range autant ? Hein ?
â Ce nâest pas que ça me dĂ©range, mais ça me déçoit, Irina, rĂ©plique-t-Il presque en me coupant. Tu es lĂ tout heureuse et excitĂ©e comme si tu avais envie de lui !
Ces mots me blessent profondément.
â Envie de lui ? Que veux-tu dire par jâai « envie » de lui ?
â Tu comprends ce que je veux dire. Depuis quâil est arrivĂ© au village, tu as changĂ©. Je tâai vu lui dire au revoir complĂštement troublĂ© par sa prĂ©sence.
â Ce nâest pas juste Hugo. Tu es injuste envers moi. Comment tu peux me dire tout ça alors tu sais tout ce que jâai vĂ©cu et endurer dans ce village ? Tous ces potins qui circulent sur moi ne se sont pas vrai. Et câest la mĂȘme chose que tu me fais subir maintenant !
Il baisse les yeux dâun air coupable.
â Pardonne-moi. Je suis dĂ©solĂ©, Irina. Ce qui se passe, câestâŠ.
â Ce qui se passe, câest que tu nâas aucun droit de me dire avec qui je dois sortir ou non ! Câest clair ? Si tu as un problĂšme avec Bruno Rodriguez, rĂšgle ça avec lui. Sur ce, bonne nuit ! conclus-je sĂšchement et lui tourne le dos pour rentrer chez moi.
â Irina, attends. Sâil te plaĂźt.
â Non, dis-je en me retournant, je nâai plus envie de continuer Ă me disputer. Si tu es lĂ pour me parler des terres de ma mĂšre, sache que je nâai pas encore parlĂ© Ă mon pĂšre. Quand jâen saurai quelque chose, je tâen ferai part. Salut !
ExaspĂ©rĂ©e, je monte la derniĂšre marche et rentre dans la maison. Je referme la porte encore rĂȘveuse de cette soirĂ©e passĂ©e avec Bruno. Je vois mon pĂšre qui me sort de mes pensĂ©es. Il se lĂšve, lâair grave, du fauteuil installĂ© au fond, Ă quelques mĂštres de la porte.
â OĂč est-ce que tu Ă©tais, Irina ?
Je lĂšve un sourcil.
â Câest la deuxiĂšme fois que tu me demandes oĂč je suis papa. Tu t'inquiĂštes toujours pour moi ?
â Je tâai posĂ© une question, oĂč Ă©tais-tu ? rĂ©torque-t-il, froidement.
Je laisse échapper un soupir.
â JâĂ©tais sur la place.
â Ă cette heure ?
â Il ne fait pas trĂšs tard.
â Avec qui tu Ă©tais ?
â Si tu penses que j'offre mon corps, tu te trompes papa. JâĂ©tais tout simplement avec Bruno Rodriguez. On discutait sur la place.
â Bruno Rodriguez ?
â Oui, il est revenu au village et si tu savais comment⊠souriĂ©-je, avant quâil me coupe.
â Je ne veux pas savoir ce que vous avez pu vous dire et je tâinterdis de le revoir !
Sa phrase vient de gùcher mon bonheur. Je fronce légÚrement les sourcils, ne comprenant pas sa réaction.
â Mais oĂč est le mal papa ? Bruno et moi sommes juste ami depuis quâon est tout petit.
â Je ne veux pas que vous soyez amis !
â Pourquoi ?
â Parce que câest le fils de cet homme. Je ne veux pas que tu sois en contact avec lui. Tu as compris ?
â Ce nâest pas juste papaâŠ
â Bien sĂ»r que si ! Nâoublie pas, que son pĂšre a Ă©tĂ© lâamant de ta mĂšre ! hurle-t-il en sâapprochant de moi.
â HĂ©, mais quâest-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que tu cris, Juan ? demande ma tante en arrivant, dâun air inquiet.
â Elle Ă©tait avec Bruno Rodriguez et je lui ai interdit de le revoir.
Elle soupire.
â ChĂ©ri, tu ne penses pas que tu devrais la laisser choisir ses amis ? Bruno est quelquâun de bien.
â Mais quâest-ce que tu racontes, Carolina ? Ce garçon est un Rodriguez et il ne doit pas sâapprocher de notre famille !
Ăa me choque que ma tante puisse prendre ma dĂ©fense. Elle ne le fait jamais pourtant.
â Câest le dernier avertissement, Irina. Je ne veux plus te voir avec lui, câest bien clair ?
Il conclut sa phrase en me foudroyant du regard avant de nous laisser ma tante et moi.
Je suis fatiguĂ©e, Ă©puisĂ©e par son attitude. Quand est-ce quâil va comprendre que ce qui sâest passĂ© nâest pas ma faute ? Jâai entiĂšrement le droit de vivre comme je le veux. De frĂ©quenter qui je veux.
Il me contrĂŽle comme son objet et me parle comme si jâĂ©tais quâune simple Ă©trangĂšre Ă ses yeux.
Carolina pousse un soupir et un bĂąillement de fatigue. Elle est habillĂ©e de son pyjama en satin blanc et je peux constater quâelle dormait.
â Irina, sâil te plaĂźt, cesse dâĂ©nerver ton pĂšre Ă chaque fois. Je n'en peux plus de tous ses cris dans cette maison.
â Je te remercie de mâavoir dĂ©fendu, rĂ©ponds-je simplement.
â Ne me remercie pas. Tout ce que je veux, câest que tu arrĂȘtes d'Ă©nerver ton pĂšre. Ne revois plus Bruno, car tu sais quâil est capable de nâimporte quoi pour nous Ă©loigner de cette famille. Alors sâil te plaĂźt, reste tranquille. Jâaimerais vraiment quâon puisse enfin vivre en paix chez moi.
Comment vivre en paix, si mon pĂšre ne veut pas me donner une chance dâĂȘtre auprĂšs de lui ?
Ăa fait trĂšs longtemps que la paix ne rĂšgne plus dans cette maison.
â Je vais dormir, me dit-elle en partant.
Hugo
~ Casa pĂšre Daniel ~
Je pousse un grognement en mâenfonçant dans le canapĂ©. Des milliers de questions me taraudent. Je ne peux pas m'empĂȘcher de ressentir de la jalousie. Jusque-lĂ , jâĂ©tais le seul homme qui arrivait Ă ĂȘtre prĂšs dâelle. Elle ne traĂźnait quâavec moi dans le village.
Maintenant, que Bruno est rentrĂ©, jâai la sensation de< la perdre. NĂ©anmoins, je sais quâil ne l'aime pas autant que moi qui lâaime. Il ne peut pas lâaimer. Il est parti, il y a trĂšs longtemps et câest moi qui suis restĂ© Ă ses cĂŽtĂ©s. Je ne tolĂ©rerai pas quâil prenne ma place. Irina mĂ©rite un homme comme moi, qui la comprenne et la soutienne.
â Tu es trĂšs pensif mon garçon.
Le pÚre Daniel vient de s'asseoir en face de moi, autour de la table à manger, pendant que je laisse échapper un soupir.
â Irina Ă©tait avec Bruno.
â Et donc ? Câest ça qui te met dans cet Ă©tat ?
â Oui, mon pĂšre. Bien sĂ»r que ça me met dans tous mes Ă©tats ! Quâest-ce que votre neveu faisait avec Irina ?
â Ăa suffit, Hugo ! sâexclame-t-il dâun ton sĂ©vĂšre. Un peu de tenue, tu veux ? Pourquoi ça te met en colĂšre ? Bruno est quelquâun de bien et tu le sais. Qu'est-ce quâil y a de mal Ă ce que mon neveu frĂ©quente Irina ? Ils se connaissent depuis longtemps.
â Vous le savez tout autant mon pĂšre. Câest un Rodriguez.
â Et cette famille est la mienne, je te le rappelle, lance-t-il. Ton comportement est puĂ©ril, Hugo.
Je grogne et me lĂšve rapidement en me rapprochant de la table Ă manger.
â Tu sais ce que je pense ? Câest que lâarrivĂ©e de Bruno, te rend extrĂȘmement jaloux, affirme-t-il.
â Non, ce nâest pas vrai, mens-je en me retournant vers lui.
â Ah et tu vas le nier ? Ne te moque pas de moi, jeune homme ! Tu crains quâIrina ne puisse le voir autrement quâun ami, car Bruno nâa pas grandi Ă ses cĂŽtĂ©s comme elle a grandi avec toi.
â Sâil vous plaĂźt ! Ce nâest pas vrai. Irina ne le voit que comme un ami.
â Mon fils, soupire-t-il, je ne suis pas idiot. Je sais que tu as toujours Ă©prouvĂ© des sentiments pour elle.
â Oui et alors ?
â Alors quâIrina non.
â Je sais ce que vous allez me dire de laisser tomber, mais je ne peux pas. J'arriverai Ă la conquĂ©rir.
â Et si tu nây arrives pas ?
â Jây arriverai.
â Mais il se peut quâIrina tombe amoureuse dâun autre, Hugo. Je sais bien que tu crains que cet homme, puisse ĂȘtre Bruno.
â Non, câest stupide. Elle ne peut pas tomber amoureuse de lui.
â Et si ça arrive ?
â Je mây opposerai.
â Hugo.
â ArrĂȘtez et ne dites pas de bĂȘtise, le coupĂ©-je agacĂ©. Il ne peut rien y avoir entre eux. Bruno ne lui plaĂźt pas. Ils sont juste ami. Je le sais. Si ce que vous dites arrive, je ne lâaccepterai jamais mon pĂšre.
Il soupire encore.
â Hugo, lâamour ne se commande pas. MĂȘme si ce nâest pas Bruno, Irina finira par tomber amoureuse de lâhomme quâelle aura choisi. Que son cĆur aura choisi. Tu ne pourras rien y faire.
â Je sais, mon pĂšre, je sais, soupirĂ©-je tristement, mais je ne pourrais jamais accepter de la voir avec un autre. Mon cĆur ne le supportera pas.
Il se lĂšve en sâapprochant de moi.
â Tu finiras par lâaccepter, je le sais.
â Non, je ne pense pas. Irina, je l'aime. Et rien ni personne ne pourra le changer. MĂȘme si, je sais que cet amour nâest pas partagĂ©.
â Alors pourquoi est-ce que tu t'obstines, si tu sais quâelle ne tâaimera jamais ?
â Parce que je garde espoir, dis-je, avec conviction.
Un jour, Irina changera dâavis. Elle me verra comme lâhomme quâelle aime.
â Je crains que cet amour finisse par te hanter, mon garçon, soupire-t-il en tapotant mon Ă©paule.
Je me retourne en lui répondant :
â Vous avez peut-ĂȘtre raison, mais je ne peux pas aller contre ce que je ressens.
Dâun regard triste, il prend congĂ© de cette discussion et se dirige dans la cuisine avec Ă©puisement.