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Chapitre 3 : Mon petit frĂšre

~ Propiedad Del GonzĂĄlez ~

Irina

J’ai tuĂ© mon petit frĂšre. Je l’ai tuĂ©. Toute ma vie, je me suis rĂ©pĂ©tĂ© ce mot et jusqu’à aujourd’hui, je me sens toujours autant coupable de ce qui est arrivĂ©, Ă  lui et Ă  ma tante surtout. Car Ă  cause de sa chute, elle ne peut plus avoir d’enfant. Elle est devenue stĂ©rile.

Et tout ça, par ma faute.

Je ne me le pardonnerai jamais.

Mon petit frùre


Je voulais tellement le connaĂźtre.

— Irina, qu’est-ce qui se passe ? Je te parle.

Ma tante me sort de mes pensées. Je reviens sur terre en me rappelant de sa présence. Je la regarde en lui cachant ma tristesse et la peine que j'ai à son égard depuis cet accident. Elle hausse les sourcils.

— Pourquoi cet air triste tout Ă  coup ? Ah, non, ne me dis pas que tu vas te remettre Ă  pleurer, parce que je n’ai pas la force Ă  t’écouter. Tu sais que je n'aime pas ça, peste-t-elle en soufflant.

— Non, je ne vais pas me mettre à pleurer.

— Alors qu’est-ce que tu as ?

Ma tante est le genre de femme qui a un sacrĂ© tempĂ©rament. Mais elle possĂšde un charme inouĂŻ, comme ma mĂšre et moi. Je ne peux pas nier qu’elle soit trĂšs belle aussi. Elle est d'une beautĂ© frappante. Son teint clair ressort parfaitement ses yeux bleu nordic et ses longs cheveux noirs, lisses, lui donnent un visage de princesse.

C'est ça de faire partie de la famille Guerrero. Les femmes comme nous sommes trĂšs attirantes et suscitent Ă©normĂ©ment d'intĂ©rĂȘt chez les hommes.

— Rien. Je dois y aller, Carolina. J’ai beaucoup de choses à faire.

Alors que je suis sur le point de lui tourner le dos pour rejoindre la porte, elle me demande d’une voix hĂ©sitante :

— Tu vas au cimetiùre ?

Je me retourne vers elle, je lĂšve un sourcil.

— Oui. Tu n’as pas oubliĂ© ?

— Comment pourrais-je oublier un jour important tel que celui-ci ? Évidemment, que je m’en souviens. Clara Ă©tait ma sƓur et je l'aime toujours autant.

Je détourne le regard.

— Irina, je sais que tu ne me crois pas et que tu penses que j’ai trahi ta mĂšre en Ă©pousant ton pĂšre. Mais non. J’aime ton pĂšre et ça n’a rien avoir avec elle.

ÉpuisĂ©e d’entendre ce mĂȘme refrain, je la regarde de nouveau avec une totale indiffĂ©rence.

— Il se fait tard. Je dois partir au cimetiĂšre. J’en profiterai pour dĂ©poser une fleur sur la tombe de mon petit frĂšre, je lui annonce.

Son regard devient tout Ă  coup plus sombre. Le fait que je lui rappelle la mort de son fils, ses iris me dĂ©visagent avec une immense haine, bien plus que perceptible. Je soutiens son regard sans ciller puis j’ouvre la porte et sort de chez moi.

♡

~ Caminar ~

— Ça fait quoi d'ĂȘtre le centre de l'attention de tout le village, hein, Irina ? me sourit-elle, tandis que je m’approche prĂšs d’un stand oĂč elles se situent et oĂč de nombreux passants ne cessent de me regarder avec curiositĂ©.

Je me concentre sur mes deux amis en face de moi : Sofia et Rosalinda. Nous sommes meilleures amies depuis l'enfance et nous nous sommes toujours trÚs bien entendu toutes les trois. Elles sont l'une comme l'autre bienveillante et trÚs agréable.

Sofia est une femme trĂšs douce, calme, rĂ©servĂ©e, mais trĂšs Ă  l'Ă©coute. Son teint clair dorĂ©, ressortent ses yeux noirs. Elle a des cheveux noirs et bouclĂ©s qui mettent en valeur son visage ovale. Sofia vit avec sa mĂšre Paula, une couturiĂšre qui a sa propre maison de couture. Sofia l'aide Ă©normĂ©ment en plus d'ĂȘtre stagiaire dans l'entreprise dĂšs Rodriguez.

— Oui. Ma mĂšre a Ă©tĂ© dans la mĂȘme situation Ă  une certaine Ă©poque et bien que ça se reproduise avec moi, ça ne me fait aucun effet, je lui rĂ©ponds simplement.

— Aucun effet ? Je serais toi, ça me plairait, me dit Rosalinda, le sourire aux lùvres.

Rosalinda est trÚs différente de Sofia. Malgré son tempérament explosif, c'est une fille trÚs solaire, drÎle et donne beaucoup d'énergie pour me défendre face à aux gens qui me critiquent. Aussi jolie qu'une rose, Rosalinda à un teint ivoire qui illumine son visage rond. Ses cheveux sont d'un blond trÚs clair virant au doré. Elle a les yeux verts. Rosa vit avec sa mÚre, Linda, et son petit frÚre qui se prénomme Timéo. Il est tout autant adorable. Cette petite famille tient une boulangerie : La boulangerie Suarez.

— Ce n’est pas que ça ne me plaise pas Rosa, c’est juste que le regard des gens m’importe peu. Je m’y suis habituĂ© depuis le temps.

Elle me sourit.

— Sinon, qu'est-ce que vous faites toutes les deux ici ? je leur demande.

— J'accompagne Rosalinda faire des courses pour sa mĂšre et toi ? rĂ©pond Sofia.

— Je suis venue acheter des fleurs pour ma mùre.

— C'est vrai que c'est aujourd'hui ! s’exclame Rosa, sa voix triste.

— Oui, c’est aujourd’hui, ajoute Sofia, un lĂ©ger sourire aux lĂšvres.

— On peut t'accompagner ? me propose Rosalinda.

Je leur adresse un petit sourire en guise de « Oui ».

— Allons-y.

♡

~ Cementerio san SbastiĂĄn de Villaverde Del Rio ~

— Elles sont tellement jolies ces fleurs, dĂ©clare Rosa pendant que je dĂ©pose le bouquet sur sa tombe.

— Ces roses blanches sont ses prĂ©fĂ©rĂ©s, chaque semaine, je les change pour en remettre des nouvelles, je lui rĂ©ponds, trĂšs Ă©mue, la larme Ă  l'Ɠil.

Ma mĂšre n'a pas pu ĂȘtre enterrĂ©e dans une tombe Ă©lĂ©gante puisque nous n'avons pas assez d'argent pour lui en construire une neuve. Une Ă©paisse couche de terre recouvre son cercueil, sur lequel est incrustĂ© une grande croix, et, dessus, son nom et ses dates sont inscrits.

Je me mets à verser quelques larmes puis Sofia et Rosalinda posent leurs mains sur mes épaules d'un geste réconfortant.

— Si vous saviez comment elle me manque... Je fais semblant d'ĂȘtre forte, mais je n'y arrive pas sans elle. Je la veux avec moi, prĂšs de moi. MĂȘme si
 Je la sens proche, je veux quand mĂȘme qu'elle soit lĂ . Je ne peux pas croire que mon pĂšre a pu l’oublier en jetant toutes ces photos et qu’il continue Ă  croire toutes ces mauvaises choses que le village raconte sur elle. Il a presque tout jetĂ©. Mais j'ai pu garder l’une de ses photos avant qu'il ne la brĂ»le aussi.

— Je ne comprends pas pourquoi ton pĂšre a fait tout ça, Irina, me dit Sofia avec tristesse, mais heureusement que tu en as gardĂ© une. Tu peux te souvenir de ta mĂšre comme ça.

— Je la vois partout... Ma mĂšre Ă©tait si belle, si spĂ©ciale. Je ne crois pas qu'elle ait pu tromper mon pĂšre.

— Tu fais bien de ne pas le croire. Laisse tout le monde raconter ce qu'ils veulent, Irina, toi au moins, tu sais qui elle Ă©tait, alors ne les Ă©coute surtout pas. Ignore-les. Ils finiront par arrĂȘtĂ©s de parler d’elle. s'indigne, Rosalinda.

J'observe son nom inscrit sur le bois pendant que mes larmes continuent de glisser sur mes joues.

— Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'elle a Ă©tĂ© la meilleure mĂšre du monde.

Quelques secondes plus tard, et aprĂšs avoir dĂ©posĂ© ma fleur sur la tombe de mon petit frĂšre, nous quittons le cimetiĂšre. À la sortie, nous voyons deux trois types dĂ©charger des grands pots de fleurs dans une camionnette grise. Tout de suite, mes yeux croisent ceux d’Adriana Rodriguez, qui a deux grands pots de fleurs dans ses mains. ImmĂ©diatement, mon corps se tend en la voyant. Je comprends qu’elle a l’intention de se recueillir sur la tombe de son mari.

Je garde un air neutre et froid pendant qu’elle me mĂ©prise d’un regard perçant. Si une arme Ă©tait Ă  la place de ses yeux, elle m’aurait dĂ©jĂ  ĂŽtĂ© la vie. C’est certain. Cette femme me hait. Elle me dĂ©teste. Car je suis le portrait crachĂ© de ma mĂšre. Et ça, elle ne le supporte pas. Pourtant, je ne lui ai absolument rien fait. Rien, fait pour qu’elle me haĂŻsse Ă  ce point.

— Si je savais que tu viendrais, j'aurai programmĂ© ma visite un autre jour, dit-elle d’un ton glacial en me foudroyant de ses yeux bleus.

Cette rencontre me ramĂšne des annĂ©es en arriĂšre et oĂč on s'est croisĂ© au mĂȘme endroit.

~ Flashback ~

Treize ans plus tĂŽt...

— Sale gamine, il faut aussi que je te croise ici !

— Ne lui parlez pas sur ce ton Madame, rĂ©plique DolorĂšs, en colĂšre.

— Je lui parle comme ça me chante, d'accord ? Cette petite morveuse est la femme qui a assassinĂ© mon mari.

— Ce n'est pas vrai ! Ma mĂšre n'a tuĂ© personne ! Vous ĂȘtes une menteuse ! Une menteuse !

— Va-t’en, d'ici, allez, ouste. Poussez-vous de mon chemin.

— Allez, viens mon poussin, allons-y.

~ Fin du flashback ~

— C'est pareil pour moi. Ça m'aurait Ă©vitĂ© de vous croiser, rĂ©ponds-je sĂšchement tout en la fixant froidement.

— Vous croyez vraiment que nous aussi nous sommes ravis de vous croiser ici ? lui lance Rosalinda d’un ton sec. Vous ĂȘtes qu'une garce qui a toujours voulu lui faire du mal.

Adriana la foudroie du regard.

— Partons, les filles, il vaut mieux, dis-je en soutenant son regard mĂ©prisant envers moi.

— Telle mùre telle fille, j’entends derriùre moi, mais je ne me retourne pas.

— Cette femme est comme la peste, s'Ă©crie Rosa tandis que nous avançons.

— Elle n'en vaut mĂȘme pas la peine, laisse tomber Rosa, lui dit Sofia en soupirant.

♡

~ Plaza de Andalucia ~

— Qu'est-ce qui se passe ? me demande Sofia en me voyant changĂ© de tĂȘte, alors que nous arrivons sur la place.

— Je pense à mon petit frùre avec qui j’aurai pu grandir.

Peut-ĂȘtre que s’il avait pu vivre, mon pĂšre aurait pu oublier le passĂ©.

— Tu culpabilises encore ?

— Oui, et ma tante ne m’y aide pas.

— Ta tante, toujours en train de te crĂ©er des soucis, celle-lĂ , rĂąle Rosa. Elle va s’arrĂȘter quant Ă  te rendre coupable de la mort de son fils ?

— Je n’en sais rien Rosa... Quand je lui ai dit que j’irai voir la tombe de mon petit frĂšre, elle m’a lancĂ© un long regard noir.

Elle soupire de frustration.

— Elle est vraiment insupportable.

— Peut-ĂȘtre
 Mais au fond, je la comprends. Non seulement, elle a perdu son enfant, mais elle ne peut plus en avoir.

— Oui, Irina, mais tu dois arrĂȘter de penser que c’est ta faute, car ce n’est pas le cas. Tu n’as pas fait exprĂšs, c’était un accident, me dit Sofia d’une voix persuasive.

— Oui, un accident, rĂ©pĂšte-t-elle, en accord avec Sofia.

— Vous avez raison. Je dois arrĂȘter de me sentir coupable.

Je reste, quelques secondes, silencieux avant d’ajouter :

— Mon pĂšre, c’est un autre cas. Il a tellement changĂ©. Ma mĂšre est partie et j’ai l’impression de l’avoir perdu aussi le mĂȘme jour. Et
 je marque une pause en levant les yeux au ciel pour Ă©viter de pleurer. C’est complĂštement injuste.

Sofia pose une main sur la mienne et la caresse en douceur touché par ma tristesse.

— Irina, si ta mĂšre est partie, c'est qu'il y avait forcĂ©ment une raison. Et pour ton pĂšre, il a Ă©normĂ©ment souffert pour la mĂȘme raison.

— Mais quelle raison Sofia ? Il prĂ©tend qu’elle l’a trompĂ©. Je ne vois pas d’autres raisons qui pourraient dĂ©mentir ces rumeurs.

— Je ne sais pas
 Tout ce que je peux te dire, c'est que tu dois continuer à croire que ce n'est pas vrai.

— Et je le crois, Sofia. Mais ça fait quand mĂȘme mal
 J’en souffre Ă©normĂ©ment.

Au mĂȘme moment, deux hommes s'approchent de nous : Esteban Rodriguez et Samuel Hernandez, ami et toutou fidĂšle de ce crĂ©tin de fils Rodriguez. J’essuie mes larmes du bout des doigts et fini par les observer, mĂ©fiante et les sourcils froncĂ©s.

Il ne manquait plus qu'eux


— Aussi jolie que sa mùre, celle-là, dit-il d'un sourire narquois.

Je m’approche de lui en gardant une certaine distance entre lui et moi, et le foudroie du regard.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

Un sourire malicieux traverse ses lÚvres. Il me dévisage en lorgnant sur ma poitrine.

J’espĂšre que cet imbĂ©cile a une belle vue.

— C'est quoi ton problĂšme ? Tu veux me dĂ©shabiller ?

— Pourquoi pas. Je verrai de quoi t'as l'air en dessous.

Je le fusille du regard et me retiens de le gifler.

Je le déteste.

Esteban est l'aĂźnĂ© de la famille Rodriguez, Mathias est le deuxiĂšme et ensuite vient Bruno, un ancien ami qui est parti malheureusement. Sa mĂšre ne supportait pas qu'on soit amis donc elle l’a envoyĂ© Ă©tudier Ă  Madrid Ă  l’ñge de ses dix ans. C’est Ă  cause de notre amitiĂ© fusionnelle qu’on a Ă©tĂ© sĂ©parĂ©e.

Aujourd’hui, je n’ai plus aucune de ses nouvelles. Je pense juste qu’il m’a oubliĂ©.

Quant Ă  son frĂšre Esteban, nous n’avons jamais Ă©tĂ© amis. Il est plus ĂągĂ© que moi. Mais il m’a toujours pris de haut en m'humiliant. Ça a toujours Ă©tĂ© un imbĂ©cile. Et je n'hĂ©site pas Ă  le remettre Ă  sa place.

MalgrĂ© la haine que nous ressentons l'un pour l'autre, Esteban ne s'est jamais gĂȘnĂ© Ă  me draguer de maniĂšre humiliante. Mais au fond de ses yeux, j'ai toujours vu plus profond. Je lui plais et il rĂȘve de m'avoir dans son lit.

Ses yeux noirs sont remplis de haine et de désir envers moi. Il a les cheveux noirs coupés court, un teint bronzé et sa silhouette athlétique lui donne un parfait corps de mannequin. Il a une barbe taillée et une petite moustache. Son relooking montre qu'il vient de sortir du coiffeur.

Je mentirais si je disais qu'il n'était pas beau.

Mais ce n'est pas mon type d'homme.

— Tu peux trùs bien te rincer l'Ɠil, mais ce corps que tu vois là, tu ne l'auras jamais.

Il me lance un sourire en coin.

— Ça serait tellement facile, si tu ne portais pas ce putain de nom.

Je fronce les sourcils.

— Plus facile, hein ? N'insulte plus mon nom, m'emportĂ©-je lĂ©gĂšrement.

— Ton nom ? Qu'est-ce qu'il a de si spĂ©cial ? Hein ? À part qu'il appartient Ă  ta mĂšre, celle qui a Ă©tĂ© la maĂźtresse de mon pĂšre et qui l'a tuĂ© ensuite, ajoute-t-il en me foudroyant du regard.

— Ne mentionne plus jamais ma mĂšre ! Ordure ! Je refuse que son prĂ©nom sorte de ta bouche !

— Ah ouais Irina ? Sinon, quoi ? Tu tenterais de m'assassiner comme tu m'assassines maintenant du regard ? Tout le monde sait ici que tu appartiens Ă  une famille d'assassin, s’écrit-il en se tournant vers les gens qui nous observaient du coin de l'Ɠil.

Son chien de garde, qui est bien évidemment Samuel, rit de la situation et je le foudroie du regard. Samuel, lui, ses yeux sont noisette et les cheveux bruns. Son teint est olive et il a une fine moustache suivie d'une barbe de trois jours. Il a une musculature trÚs apparente.

— Nous ne sommes pas des assassins, m'Ă©criĂ©-je pour que tout le monde m'entende. Ma mĂšre n'a jamais tuĂ© personne.

— C'est bon, ça suffit, dit Sofia en haussant le ton et en se levant. Laisse la tranquille Esteban.

— Fait gaffe Ă  ce que tu dis oĂč tu verras ton stage voler en quelques secondes, la menace-t-il d'un ton froid.

— Ne la menace pas, rĂ©torquĂ©-je froidement. Sofia, merci, mais je ne veux pas que tu perdes ton travail.

— Regarde-moi ça, Sam, elle dĂ©fend son amie, se moque-t-il en ricanant.

Je le foudroie Ă  nouveau du regard.

— DĂ©gagez, allez plus vite que ça !

— On se casse, Samuel, lance-t-il en me fusillant du regard.

— Un salaud, ce type, soupire, Rosa, avec frustration.

Je me retourne vers elles tout en soufflant.

— Ça va, Irina ? Qu'est-ce qu'Esteban te voulait ? me demande-t-il soudainement.

Sur le moment, j’entends la voix d’Hugo, mon meilleur ami. Je me tourne vers lui.

Hugo est moi, nous nous connaissons depuis tout petits. Nous traßnons beaucoup ensemble. Au fil des années, il est devenu mon meilleur ami. Hugo est un homme trÚs bon, protecteur, doux et respectueux. Il n'a jamais tenté quelque chose de déplacé comme la plupart des hommes qui osent me courtiser.

Hugo à deux ans de plus que moi, il est grand avec des cheveux blonds, mi-long. Ses yeux d'un bleu océan embellissent son teint bronzé.

C’est une personne qui a grandi sans ses parents, car il a Ă©tĂ© abandonnĂ© Ă  la porte de l’église du village. Il a Ă©tĂ© recueilli par le pĂšre Daniel. Depuis, il vit avec lui. Le pĂšre Daniel l'a Ă©levĂ© comme un pĂšre qui Ă©lĂšve son fils. Hugo l'aide beaucoup, en plus de travailler pour mon pĂšre.

— Comme toujours Hugo, mais t'inquiùtes pas, ça va.

Il sourit.

— Bon, j'y vais. Ma mĂšre doit sĂ»rement m'attendre Ă  la boulangerie. Bisous.

— Bisou Rosa.

Elle nous embrasse et s'en va.

— Je te ramùne chez toi ? me demande Hugo.

Je regarde Sofia qui s'est déjà levée du banc et que je trouve bien timide.

Serait-ce Hugo qui l'intimide ?

— Tu veux venir, Sofia ? je lui propose.

— Non, ne t'inquiùte pas. Je dois y aller. J'ai de la paperasse à faire, salut.

Elle s'en va rapidement sans qu’on ait le temps de rĂ©pondre.

— Qu'est-ce qu'elle a ? demande-t-il les sourcils froncĂ©s.

Je hausse les épaules.

— Aucune idĂ©e. On y va ?

— Oui.

Nous rejoignons son cheval brun. Il le monte puis attrape ma main et me fait monter derriĂšre lui.

♡

~ Propiedad Del GonzĂĄlez ~

Hugo arrĂȘte son cheval tout juste devant la maison. Je descends rapidement et me dirige vers les escaliers lorsqu’il me lance :

— Attends, Irina. Tu ne me dis pas au revoir ?

Je me tourne vers lui. Il est descendu de son cheval. Je m’approche de lui, les bras croisĂ©s tout en lui offrant un sourire.

— Qu’est-ce qui se passe ? le questionnĂ©-je.

— Remercie-moi de t’avoir dĂ©posĂ© au moins, Ă  croire que je ne compte pas pour toi, Irina, dit-il, les sourcils lĂ©gĂšrement froncĂ©s, faignant d’ĂȘtre blessĂ©.

Je lĂšve les yeux au ciel.

— C’est juste que je suis pressĂ©e Hugo.

— Qu’est-ce qu’il y a de si urgent pour que tu n'aies pas le temps de me saluer ? Mhh ?

— Rien. Tu sais, c’est trĂšs gentil de ta part de prendre le temps de m’accompagner. Mais je me dĂ©brouille trĂšs bien toute seule, Hugo. Ne t'en fais pas, pour moi, dis-je sincĂšrement.

— Ça ne me dĂ©range pas, vraiment, de faire ça pour toi, ma belle. Mais je sais que tu es devenue une grande femme Ă  prĂ©sent et je n’ai plus Ă  m’inquiĂ©ter pour toi.

Je souris.

— Allez, salut.

— Salut.

Je lui fais une bise puis lui tourne le dos et monte les escaliers pour rentrer chez moi. Quand je referme la porte, DolorĂšs revient de la cuisine et s'approche de moi.

— Mon poussin.

— Dolorùs.

— Et ce grand sourire ? me demande-t-elle, intriguĂ©e, le sourire aux lĂšvres. Qu'est-ce qui te met de si bonne humeur, ma chĂ©rie ?

— Rien de spĂ©cial, mais tu le sauras trĂšs bientĂŽt, lancĂ©-je en la faisant languir d’impatience.

Suspicieuse, elle croise les bras sous sa poitrine et fronce lĂ©gĂšrement les sourcils. Son regard est rempli d’inquiĂ©tude.

— Qu'est-ce que tu mijotes encore, Irina ?

— Rien du tout. C'est juste une surprise.

— Une surprise ? Mon poussin, tu m'inquiĂštes. J’ai peur que tu fasses une bĂȘtise et que ça ne plaise pas Ă  ton pĂšre.

— Non, DolorĂšs. Tu n'as pas Ă  t'inquiĂ©ter, et en plus, ce que je compte faire ne va sĂ»rement pas l'intĂ©resser. Alors reste tranquille, tout va bien. Bon, je reviens, dis-je en dĂ©posant un bisou rapide sur sa joue.

— Mais oĂč vas-tu ?

Sans me retourner, je me prĂ©cipite vers les chambres. Sur le chemin du retour, je n'ai pas cessĂ© de penser Ă  mes parrains qui ont dĂ©mĂ©nagĂ© Ă  Madrid, avant le dĂ©cĂšs de ma mĂšre. D'ailleurs, ils ne sont jamais venus Ă  son enterrement, je me demande pourquoi. J’ai envie de les entendre, car ça fait longtemps qu’ils sont partis et ils me manquent.

J'entre dans la chambre de ma mÚre qui était l'ancienne chambre de mes parents. AprÚs le drame, mon pÚre a décidé de changer de chambre et de dormir dans une autre. Il la partage aujourd'hui avec Carolina...

La chambre qu'occupaient mes parents autrefois n'est plus habitĂ©e. Tout de mĂȘme, il y a quelques affaires de ma mĂšre bien que mon pĂšre en ait jetĂ© une grande partie. Ça me rend toujours autant nostalgique d'ĂȘtre ici. Plein de souvenirs refont surface dans ma tĂȘte. Je revois ma mĂšre marcher dans la piĂšce, prĂ©parer ses affaires quand elle partait en voyage, quand elle se prĂ©parait elle-mĂȘme et quand elle me coiffait.

Je me ressaisis pour ne pas pleurer en me rappelant ce que je suis venue chercher. J'ouvre le tiroir de la table de chevet, trouve son carnet blanc oĂč elle y notait tous ses contacts. Le numĂ©ro de mes parrains doit forcĂ©ment ĂȘtre inscrit lĂ -dedans.

Bingo ! J'ai trouvé.

Tout heureuse, j'attrape le bout de mon pendentif. Je le presse contre mes lĂšvres.

Merci maman.

— Qu'est-ce que tu fais dans cette chambre ?

Un sursaut s'empare de moi lorsque j’entends la voix de mon pĂšre sonner dans mes oreilles. Surprise de l'entendre et qu'il soit ici, je me retourne vers lui, le carnet cachĂ© derriĂšre mon dos. Mon pĂšre me scrute du regard avec incomprĂ©hension et froideur. Je me souviens alors de cette mĂȘme intensitĂ© dans ses yeux, le jour oĂč j'ai cherchĂ© du rĂ©confort auprĂšs de lui, au lendemain de la mort de ma mĂšre.

~ Flashback ~

Treize ans plus tĂŽt...

— Papa ? l’appelĂ©-je, en poussant la porte de son bureau.

J'entre dans la piĂšce en cherchant mon pĂšre du regard. Il est assis derriĂšre son bureau, la tĂȘte en arriĂšre et les yeux fermĂ©s. Il les ouvre et baisse la tĂȘte dans ma direction.

— Qu'est-ce que tu fais là, Irina ? Va dormir.

— Papa... hĂ©sitĂ©-je, je n’arrive pas Ă  dormir. J’ai fait un cauchemar


— J’ai dit va dormir.

— Papa, s’il te plaüt
 Peux-tu me lire une histoire ? J’ai vraiment du mal à m’endormir.

— Va-t’en et sort de ce bureau. Je ne veux pas te voir. Sors d’ici, m’ordonne-t-il.

— Mais papa...

— Sort d'ici !

Je finis par lui obéir et quitte son bureau, les larmes au bord des yeux.

~ Fin du flashback ~

Ce souvenir et comme d'autres restent gravés dans ma mémoire. J'étais si bouleversée par la perte de ma mÚre que la seule façon de me consoler, c'était la présence de mon pÚre auprÚs de moi, mais il s'en fichait. Il ne voulait pas me voir.

— Qu'est-ce que tu fais ici et qu'est-ce que tu caches, Irina ? rĂ©pĂšte-t-il, plus fort.

— Je cherchais juste le carnet de notes de maman, c’est tout. rĂ©ponds-je, ma voix remplit d’indiffĂ©rence, en sortant le carnet pour le lui montrer.

— Qu’est-ce que tu fais avec ce carnet ? m'interroge-t-il, les sourcils froncĂ©s.

— Je voudrais avoir des nouvelles de mes parrains. Je me suis rappelĂ© que maman l’avait notĂ© dans ce carnet. Mais, si ça aussi, tu veux me le prendre, eh bien, vas-y. Fais-le papa.

Il soutient mon regard puis il le détourne en me disant :

— Non, si tu souhaites joindre tes parrains, je ne vais pas t’empĂȘcher de le faire, mais je ne veux plus te voir dans cette chambre, dit-il avec autoritĂ© en me regardant.

Je fronce légÚrement les sourcils.

— Pourquoi ? C’est la chambre de maman, tu ne peux pas m'interdire de venir dans cette chambre.

— Je le peux, Irina, car je suis ton pĂšre, rĂ©torque-t-il en me coupant la parole.

Je hausse les sourcils.

— Mon pĂšre ? Tu es sĂ»r que tu l’es ? Comment peux-tu me dire que tu es mon pĂšre alors que tu as cessĂ© de t'occuper de moi Ă  la mort de maman ? Tu m’as abandonnĂ© et j’avais besoin de toi. Je voulais
 je marque un temps de pause pour ravaler mes sanglots. Je voulais ĂȘtre avec toi, papa. Je voulais que tu me consoles, qu’on se console Ă  deux
J’ai cru que
 c’était une passade et que tu finirais par oublier avec le temps. Mais ça fait treize ans et tu continues Ă  penser au passĂ©, papa. Tu ne t’étais pas dit si j’avais besoin de toi. Tu ne t’es pas demandĂ© si j’allais bien. Si j’étais triste ou mal. Tu n’as pas pensĂ© Ă  moi papa. Et le pire dans tout ça, c'est que tu t’es mariĂ© avec ma tante Carolina sans te soucier un instant que j’allais avoir mal. Tu n’as pas respectĂ© ma mĂšre qui venait Ă  peine de mourir. Tu as Ă©tĂ© Ă©goĂŻste.

— Irina, tu as raison sur le fait que
 je n’ai pas Ă©tĂ© un bon pĂšre pour toi, mais tu ne peux pas me reprocher d’avoir Ă©pousĂ© ta tante. Ce que je fais de ma vie me regarde et que cela te plaise ou non, Carolina est mon Ă©pouse.

— Oui, tu as raison, ta relation avec ma tante ne me regarde pas. Cependant, ton absence ces treize derniĂšres annĂ©es m'a marquĂ© et m'a Ă©tĂ© insupportable Ă  vivre. Je veux juste que tu saches ça, conclus-je en le fixant, avant de le contourner et de sortir de cette chambre le cƓur encore brisĂ©.

En pĂ©nĂ©trant dans ma chambre, je n'ai pas pu retenir mes larmes. Elles coulent lentement sur mes joues. Elles finissent par s’écraser sur mon oreiller lorsque je pose ma tĂȘte dessus et m’allonge dans mon lit. Je suis Ă©puisĂ©e, Ă©puisĂ©e de toute cette souffrance. Je suis fatiguĂ©e, fatiguĂ©, fatiguĂ©. FatiguĂ© de pleurer, fatiguĂ© de souffrir.

J’ai l’impression que je suis destinĂ©e Ă  souffrir et Ă  pleurer toute ma vie. Cette impression de ne pas avoir droit au bonheur, comme si on me l’avait interdit.

♡

En sortant de ma chambre plusieurs heures plus tard, constatant que tout le monde dort, j’en profite quand mĂȘme de me rendre dans le bureau pour appeler. Il fait tard et mes parrains doivent sĂ»rement ĂȘtre au lit, mais j’espĂšre qu'un des deux me rĂ©pond. Sinon, j’essaye demain dans la journĂ©e. Je me saisis du tĂ©lĂ©phone et compose le numĂ©ro. J’attends quelques secondes avant que quelqu’un ne dĂ©croche.

— Allî ?

Je souris quand j’entends la voix d’une femme.

— Allî, marraine Elena ? C’est toi ?

— Oui
 Attends, c’est toi, Irina ? Ma filleule ? hĂ©site-t-elle.

— Oui, c’est moi, Irina Gonzalez.

— Oh, ma petite Irina ! s’exclame-t-elle, Ă©mue. Comment vas-tu ? MaĂŻs, tu ne dors pas ?

— Non. Je sais qu’il se fait tard, mais je tenais Ă  avoir de vos nouvelles. J’espĂšre que je ne t’ai pas rĂ©veillĂ© ?

— Pas du tout. Je ne dormais pas. Comment tu vas ?

— Nous allons trĂšs bien. Mais je parle maintenant Ă  une grande femme. Qu’est-ce que tu as grandis ! Je n’avais mĂȘme pas reconnu ta voix.

— Oui, en effet. Je ne suis plus la petite fille que tu as laissĂ©e, quand parrain Lisandro et toi, vous nous avez quittĂ©s pour aller vivre Ă  Madrid.

— Effectivement. Et toi comment tu vas, ma grande ? Ça fait trĂšs longtemps qu’on n'a pas eu de tes nouvelles, hein ? Tu avais oubliĂ© notre existante ou quoi ? Comme dirait ton parrain, rit elle.

Je souris.

— Non, je ne vous ai jamais oubliĂ©s. C’est juste que ces derniĂšres annĂ©es, ça Ă  Ă©tĂ© un peu compliquĂ©.

— Oui, je comprends, avec la mort de ta mùre.

Je laisse échapper un soupir triste.

— Tu ne sais pas
 Comment ça a Ă©tĂ© dure lorsque j’ai su que je n'allais plus jamais la revoir, Elena. Elle me manque tellement.

— Je peux l’imaginer, oui. C’est triste ce qu’il s’est passĂ©. Nous n’avons jamais eu l’occasion d’en parler, mais je veux que tu saches que je suis contre ce que les journaux ont dit, que ta mĂšre a Ă©tĂ© infidĂšle Ă  ton pĂšre. Je ne peux rien prouver, mais je suis certaine qu’il y a un malentendu. Ta mĂšre aimait Ă©perdument ton pĂšre. Elle me le disait souvent.

— Alors
 d’aprĂšs toi, que ce serait-il passĂ© ?

— Je ne sais pas
 Mais je sais que ta mĂšre n’a jamais osĂ© tromper ton pĂšre et encore moins t’abandonner pour un homme, me dit-elle avec certitude. Tu Ă©tais si petite et elle t’aimait tellement.

— Oui, elle a toujours pris soin de moi
 Tu sais, des rumeurs n’ont pas arrĂȘtĂ© de circuler dans le village depuis sa mort.

— Des rumeurs, tu dis ?

— Oui. Ça ne s'arrĂȘte pas et je crains qu’à cause de ça ma mĂšre ne repose jamais en paix.

Elle soupire.

— C’est triste d’entendre ça, Irina. Parce que ta mĂšre ne mĂ©rite pas qu’on salisse son nom de cette maniĂšre. C’était une belle personne avec une belle Ăąme.

— C’est vrai.

— Et comment vas ton pĂšre ? Ça a Ă©tĂ© difficile pour lui, j’imagine.

— TrĂšs difficile. Ça n'a pas Ă©tĂ© facile entre nous, aussi. Mon pĂšre a cessĂ© de prendre soin de moi quand maman est morte. Et le pire, c’est qu’il s’est mariĂ© peu de temps aprĂšs avec ma tante.

— Avec Carolina ? demande-t-elle abasourdie.

— Oui. Papa n’a mĂȘme pas attendu que le deuil se calme qu’il Ă  tout de suite Ă©pouser ma tante.

— Ça m'Ă©tonne vraiment de ton pĂšre, ma chĂ©rie. Il Ă©tait fou amoureux de ta mĂšre quand mĂȘme. Comment est-ce qu’il a pu Ă©pouser sa sƓur aussi vite ? Il a complĂštement perdu les pĂ©dales.

— Je ne sais pas ce qu’il lui a pris, marraine. Et pourtant, je lui ai dit que j’étais contre ce mariage, mais il n’a pas voulu m’écouter et il m’a ignorĂ©.

— Ma chĂ©rie, tu as dĂ» Ă©normĂ©ment souffrir. Je suis vraiment déçu contre ton pĂšre qui n’a mĂȘme pas pris en compte ta souffrance. Il a mal fait et trĂšs mal fait. Quand je viendrai, je discuterai sĂ©rieusement avec lui, dit-elle avec un peu plus de sĂ©rieux et de fermetĂ©.

— Ce n’est pas la peine que tu abordes ce sujet avec lui, Elena.

— Et pourquoi pas ? Bien sĂ»r que je vais le faire. Je veux juste lui faire comprendre qu’il a mal agi en Ă©pousant ta tante de cette façon. En aucun cas, je vais le pousser Ă  divorcer. C’est dĂ©jĂ  fait. Ils sont mariĂ©s depuis plusieurs annĂ©es maintenant et puis je n’ai pas mon mot Ă  dire sur sa relation. Il fait ce qu’il veut. Mais je veux juste qu’il m’écoute.

— Et quand est-ce que tu comptes venir, marraine ?

— Je ne sais pas encore, mais je te tiendrais au courant, ma chĂ©rie.

— J’ai vraiment hñte de te revoir marraine.

— Moi aussi, à bientît.

— À bientît.

Je raccroche.

— À qui est-ce que tu parlais Irina ? demande une voix derriùre moi.

Je me retourne vers cette personne qui est Ă©videmment Carolina. Ses sourcils sont froncĂ©s et elle me regarde avec interrogation. Je m’approche d’elle en croisant les bras autour de ma poitrine et je lui rĂ©ponds simplement :

— Je parlais avec ma marraine.

— Ta marraine Elena ?

— Oui, elle-mĂȘme. Elle m’a dit qu’elle viendra pour nous rendre visite.

— Et tu crois que c’est, une heure, convenable pour appeler les gens ? Franchement, Irina. Heureusement que c’est moi qui t’ai surpris et non ton pùre.

— Je sais qu’il se fait tard, mais je n’arrivais pas à dormir.

— Si tu veux appeler ta marraine, fais-le en journĂ©e, ok ?

— J’ai compris. Je vais dormir. rĂ©ponds-je avec un ton lĂ©gĂšrement indiffĂ©rent.

— Attends.

Je reviens sur mes pas et la regarde.

— Quand est-ce qu’elle a prĂ©vu de venir ?

— Elle m’a dit qu’elle me tenait au courant.

— C’’est bien qu’elle vient te voir. Elle Ă©tait trĂšs proche de ta mĂšre et je pense que ça te fera du bien.

Je n’en crois pas un mot. Carolina n’est pas du genre Ă  me souhaiter du bien, toujours que du mal. Elle peut jouer les belles-mĂšres parfaites, mais je n’oublierai jamais qu’elle a Ă©pousĂ© mon pĂšre. Elle a sĂ»rement dĂ» l'amadouer ou quelque chose dans le genre pour que mon pĂšre l’épouse. Je ne la dĂ©teste pas. Je ne la hais pas non plus. Je pense qu'on ne doit pas haĂŻr une personne de sa famille malgrĂ© les diffĂ©rents qu’il peut y avoir. J’aurais juste aimĂ© qu’elle reste seulement ma tante. Rien de plus.

— Bonne nuit, Carolina, dis-je avant de sortir du bureau.

Le lendemain


AprĂšs avoir pris ma douche, je sors de la salle de bain habillĂ© d'un peignoir blanc et d'une serviette sur ma tĂȘte. Je rĂ©cupĂšre mon lait de corps et m’assois sur mon lit lorsque quelqu'un toque Ă  la porte de ma chambre. Je me retourne. C’est mon pĂšre.

— Excuse-moi, je repasserai quand tu seras prĂȘte.

— Dis-moi ce que tu voulais papa, rĂ©pliquĂ©-je avant qu'il ne sorte.

Il s'avance et s'approche en Ă©vitant d'abord mon regard avant de le poser sur moi d'un air sĂ©rieux et prĂ©occupĂ©. J’imagine qu’il vient s’excuser par rapport Ă  hier. Je n’avale toujours pas qu’il m’ait demandĂ© de ne plus revenir dans la chambre de ma mĂšre.

— Je sais que tu m'en veux de t’avoir chassĂ© de la chambre de ta mĂšre, Irina et tu en as tous les droits. C’était ta mĂšre. Je ne veux pas que tu croies que j’ai voulu te faire du mal. C’est juste que
 J’ai encore trĂšs mal de ce que ta mĂšre m’a fait lorsque
 elle nous a quittĂ©es pour un homme.

Je soupire, je me lĂšve et m'approche de lui.

— Papa
 Toutes ces annĂ©es, tu n’as pas cessĂ© de me le rĂ©pĂ©ter. Mais est-ce que tu crois vraiment que maman nous nous a quittĂ© pour s’enfuir avec cet homme ?

— Oui, c’est la vĂ©ritĂ©, Irina. Il est temps que tu te fasses Ă  l’idĂ©e que si ta mĂšre nous a quittĂ©es, c’est pour cet homme, rĂ©pond-il avec conviction, tout en me regardant dans les yeux.

— Je ne me ferai jamais Ă  l’idĂ©e, papa. Je ne crois pas que maman t’es


— Je ne discuterais pas de ça avec toi, me coupe-t-il sùchement. Cesse de me la rappeler.

— Mais pourquoi, papa ? Pourquoi tu ne veux plus te rappeler d’elle ? Pourquoi tu as si changĂ© ? je lui demande en m’approchant un peu plus, avant de poursuivre. Quand elle est morte, tu as tout arrĂȘtĂ©, tu t’es renfermĂ© sur toi-mĂȘme en l’effaçant de ta vie, comme si elle n’avait jamais existĂ©, comme si elle n’avait jamais vĂ©cu dans cette maison. Tu as mĂȘme brĂ»lĂ© ses photos. Pourquoi papa ?

— Parce qu’elle m’a trompĂ©, voilĂ  tout !

Il ne me hurle dessus qu'il peut briser mes tympans.

— Cesse de poser des questions, Irina !

— Je te l’ai posĂ©, car j’en ai marre, rĂ©torquĂ©-je, la gorge presque nouĂ©e Ă  cause du chagrin qui s’empare de moi. Marre que tu m’ignores, que tu fasses semblant que je n’existe pas, comme si
 tout ça Ă©tait ma faute, papa. Qu’est-ce que je t’ai fait ? Pourquoi tu t’es Ă©loignĂ© de moi ?

Mon pĂšre demeure impassible tandis que je l'observe avec des yeux larmoyants. Je retiens la moindre larme qui tente de couler. Me connaissant, mes joues sont prĂȘtes Ă  les recevoir.

— Papa, dis-moi, dis-moi pourquoi tu ne prends plus soin de moi comme avant ? De ta petite princesse ? Hein ? je lui redemande à nouveau en glissant mes mains sur ses joues.

— Je ne peux plus ĂȘtre ton pĂšre, finit-il par rĂ©pondre.

Cette réponse me fige et retire mes mains de ses joues. Je fronce légÚrement les sourcils.

— Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tu me dis ça, papa ? Je suis ta fille, dis-je, ma voix à peine inaudible.

Il reste silencieux. Il m’observe seulement. Et je ne comprends toujours pas.

— Dis-lui la vĂ©ritĂ© une bonne fois pour toutes, Juan.

Je détourne les yeux sur ma tante qui vient d'entrer dans ma chambre. Je les observe tous les deux avec une totale incompréhension. Quelle vérité ?

— Quelle vĂ©ritĂ© ? De quoi parle-t-elle papa ?

Il ne dit rien. Toujours rien. Mon regard passe de lui à ma tante qui a l'air agacée de la situation.

— Tu vas me le dire ? Parle-moi papa, dis-je impatiente et prĂȘte Ă  exploser de colĂšre.

— Tu... Tu ressembles tellement Ă  ta mĂšre que je n'arrive plus Ă  ĂȘtre auprĂšs de toi. C’est pour ça que je n’arrive plus Ă  ĂȘtre ton pĂšre.

Je fronce les sourcils, consciente qu’il me ment.

— Ce n'est pas la vĂ©ritĂ©. Je le sais parfaitement. Alors dis-moi la vĂ©ritĂ© papa. Ou alors toi Carolina, dis-je en m'approchant d'elle, si tu le sais dis-le-moi. Dis-moi ce que mon pĂšre n'est pas capable de me dire, j’exige.

— Trùs bien, je vais te le dire. Ton pùre...

— Tais-toi Carolina ! cri-t-il.

— Que je me taise ? Elle a le droit de le savoir, Juan.

Je perds patience et reviens en face de mon pĂšre.

— Savoir quoi ?!

— Irina, il n'y a aucune vĂ©ritĂ© que tu dois savoir. Elle te ment. Ce que je t'ai dit est vrai.

Ma tante soupire puis elle quitte ma chambre. Je suis certaine qu'ils me cachent quelque chose.

— Papa, s'il te plaüt, dis-moi pourquoi tu m'ignores comme ça ? Dis-moi ce que ma tante à voulu dire s’il te plaüt ?

— Irina, ça suffit, me coupe-t-il d'un ton tranchant, c'est tout ce que tu devais savoir.

Puis il me tourne le dos pour quitter ma chambre. Je le suis alors qu’il me ferme la porte au nez, hurlant son nom, en pleurs.

— Papa s’il te plaüt
 ! S’il te plaüt


Je hurle de dĂ©sespoir, les larmes ruissellent sur mes joues et je frappe dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă  la porte tout en l'appelant. À bout de force, je me laisse glisser contre la porte en suffoquant de douleur. Je ferme les yeux, Ă©puisĂ©e de tout.

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