Quelques heures plus tardâŠ
~ Plaza de Andalucia ~
Irina
â Regarde qui voilĂ ? me dit-elle en souriant.
Nous discutons Rosalinda et moi sur la place lorsque nous tombons sur Bruno et Mathias, juste en face. Les deux hommes nous approchent.
â Salut, dit-elle en les saluant et je fais de mĂȘme.
â Salut, rĂ©ponds Mathias dâun rictus aux lĂšvres quâil adresse Ă mon amie.
Mathias est un homme trĂšs gentil et respectueux, tout le contraire dâEsteban. Ils ont an dâĂ©cart, mais il a lâair plus mature et responsable que lui. Ses courts cheveux sont noirs au naturel. Une mĂąchoire carrĂ©e. Une barbe taillĂ©e. Des yeux verts, allongĂ©, vert Ă©meraude, perçant. Un teint bronzĂ©. Il est grand et a une large carrure.
Bruno nous salue Ă son tour tout en croisant mon regard. J'esquisse un sourire lĂ©ger, presque timide. Un frisson me parcourt lâĂ©chine. Entre nous, il y a un truc que je nâarrive pas Ă traduire⊠Je nâai jamais vĂ©cu une telle sensation aussi forte en Ă©tant en sa prĂ©sence.
â Comment vas-tu Rosa ? lui demande Bruno, comme pour briser le silence.
â TrĂšs bien et toi ?
â Ăa va, dit-il en acquiescent lĂ©gĂšrement la tĂȘte.
â Bon, on vous laisse poursuivre votre chemin Ă plus tard, dit Mathias.
â Ă plus tard, rĂ©ponds Rosa en souriant.
Nous nous Ă©cartons et ils passent. Mon regard poursuit Bruno qui sâĂ©loigne aux cĂŽtĂ©s de son frĂšre. Ils entament dĂ©jĂ une conversation entre eux. Jâentends Ă peine Rosalinda qui me parle puisque mes yeux sont hypnotisĂ©s par lui.
â Irina ? Est-ce que ça va ?
â Oui, trĂšs bien, rĂ©ponds-je simplement tout en quittant la silhouette de Bruno des yeux.
â TrĂšs bien ? se moque-t-elle en souriant. Je rĂȘve ou Bruno te rend complĂštement absente ?
â Quâest-ce que tu racontes ? Bien sĂ»r que non.
â Mais oui⊠On ne me l'a fait pas, Ă moi. Ăa se voit quâentre vous, il y a commeâŠ
Je hausse les sourcils, amusé, voir intriguée à la fois.
â Comme ? Quâest-ce quâil y a entre nous que je ne sais pas Rosa ?
â Comme une belle alchimie.
â Une alchimie ? Je ne pense pas. Câest normal entre nous. Nous sommes amis.
â Amis, humm ? Jâai lâimpression que lâamitiĂ© nâexiste plus entre vous deux. Nous ne sommes plus des enfants Irina, et Bruno est un bel homme qui attire pas mal de femmes.
â Je sais quâils attirent de nombreuses femmes. Tu nâas pas besoin de me le rappeler.
â Incroyable, mais tu es jalouse Irina ! sâexclame-t-elle en riant.
â Jalouse ? Non, je ne suis pas jalouse. Câest juste queâŠ
â Tu es jalouse point, me coupe-t-elle. Ăa se voit quâil te plaĂźt, Irina. Quand il est dans les parages, tu ne vois que lui.
â Ah, Rosa⊠Ne dis pas nâimporte quoi, ralĂ©-je. Ăa se voit tant que ça ?
â Bien sĂ»r.
Je laisser échapper un soupir.
â Je sais ce que tu penses, quâil est trĂšs beau et quâon formerait un beau couple, mais⊠mĂȘme si jâenvisageais de sortir avec lui, ça serait impossible. Et puis qui te dit quâil ressent la mĂȘme chose ? Je prĂ©fĂšre ne plus y penser, dis-je dâun air fatiguĂ©, avant de changer de sujet. Et toi alors ? Jâai bien remarquĂ© que Mathias ne te laisse pas indiffĂ©rente et lui aussi dâailleurs.
â Mathias mâa toujours plu, Irina, me dit-elle comme si ce nâĂ©tais pas un secret.
Surprise, jâĂ©carquille les yeux.
â Quoi ? Alors comme ça, il te plaĂźt ?
â Oui. Moi, je nâai aucun problĂšme Ă dire ce que je ressens.
â Tu dis ça Ă cause de Sofia, jâimagine ?
â En partie. Sofia Ă toujours aimĂ© Hugo sans lui avouer quoi que ce soit.
â Je soupçonnais ses sentiments jusquâĂ ce quâelle me le dise.
â Tu sais pourquoi maintenant. Hugo tâa toujours aimĂ© Irina, câest pour ça quâelle a prĂ©fĂ©rĂ© se taire.
Je détourne le regard en soufflant.
â Je sais que tu as toujours pensĂ© quâil ne te voyait que comme un ami, mais câest la vĂ©ritĂ©, ajoute-t-elle.
â Je veux toujours le penser, la coupĂ©-je, je ne veux pas quâil me voit autrement. Ăa a toujours Ă©tĂ© mon meilleur ami et je veux que ça reste comme ça.
â Oui, mais tu dois comprendre que les sentiments ne se commandent pas, Irina.
â Je le sais parfaitement, Rosalinda, soupirĂ©-je en la regardant. Mais je ne ressens pas la mĂȘme chose pour lui et je ne veux pas le voir souffrir aussi.
â Oui, je comprends.
âĄ
~ Propiedad Del GonzĂĄlez ~
â Quâest-ce que tu fais ici ?
En arrivant quelques minutes plus tard Ă la maison, je trouve Hugo qui descend les marches de lâescalier, tout en sâapprochant de moi.
â Ton pĂšre mâa appelĂ©.
â Ah ? Mauvaise nouvelle ?
â Non, tout va bien. On parlait juste de la situation des Tierra Dulces. Il mâa demandĂ© encore une fois de tout laisser tomber..
â Je sais que ces terres comptent beaucoup pour toi, mais sâil ne veut plus que tu tâen occupes, tu ne crois pas que tu devrais lĂącher lâaffaire ?
â Non, Irina. Je ne peux pas. Je n'abandonnerai pas des terres qui ont Ă©tĂ© si difficiles Ă travailler.
â Je comprends.
â Et toi, tu lui as parlĂ© de ce quâon sâest dit ?
â Oui, mais il ne veut pas.
Il soupire.
â On nâarrivera jamais Ă le convaincre.
Je dĂ©tourne le regard lâair fatiguĂ© et poursuis :
â Ăa ne sert plus Ă rien dâinsister, Hugo, vraiment. Tu sais bien que mon pĂšre ne m'Ă©coute jamais.
â Ton pĂšre est difficile, câest vrai, mais je sais quâon y arrivera. Je vais trouver une autre solution.
â Dâaccord, tiens-moi au courant. Je rentre.
â Bien. Salut.
â Salut.
Il sâen va. Je me retourne et le regarde partir, perdue dans mes pensĂ©es, je soupire tristement. MalgrĂ© tout ce que Sofia et Rosalinda mâont dit, jâai toujours du mal Ă croire quâHugo a des sentiments pour moi. Si câĂ©tait vrai, il me lâaurait dit, mais il ne mâa rien dit. Je prĂ©fĂšre ne plus y penser et oublier tout ça.
Je monte enfin et rentre Ă la maison.
â Je lâaime bien.
Alors que je referme la porte de la maison, jâentends la voix de mon pĂšre surgir derriĂšre mon dos. Je me retourne vers lui et le regarde.
â Hugo est un bon garçon, ajoute-t-il.
â Oui, il lâest, dis-je tout simplement.
â Je le connais trĂšs bien et je sais quâil te respecte beaucoup.
â OĂč est-ce que tu veux en venir papa ? je lui demande, les sourcils froncĂ©s, nâaimant pas quâil tourne autour du pot.
â Hugo est quelquâun en qui jâai entiĂšrement confiance, Irina et je sais quâil peut trĂšs bien prendre soin de toi.
â Si ton intention est de lui donner ma main, sache que tu perds ton temps papa.
Il hausse légÚrement les sourcils.
â Pourquoi ? Tu ne vois pas Hugo comme un bon Ă©poux et qui saura te protĂ©ger ?
â Si tu espĂšres que me marier avec Hugo pourra couvrir tous les manquements que tu nâas pas su tenir auprĂšs de moi, sache que ça ne pourra jamais les remplacer.
â Ce que jâessaye de faire Irina, câest tâassurer un bel avenir et avec un homme qui pourra te rendre heureuse.
â Assurer mon avenir ? Tu nâas jamais voulu prendre soin de moi Ă la mort de maman. Câest aujourdâhui que tu souhaites prendre tes responsabilitĂ©s ? Câest moi qui choisirai lâhomme que jâĂ©pouserai. Personne ne le fera Ă ma place.
Ă ces paroles, je le quitte pour me rendre dans ma chambre. Je suis toujours en colĂšre depuis notre derniĂšre dispute. Elle mâa accablĂ© et rendu trĂšs triste. Il me cache quelque chose et jâignore toujours ce que câest.
Un pĂšre ne repousse pas sa fille. Un pĂšre ne devrait pas avoir un tel comportement sans une raison valable. Câest vraiment insensĂ©. Son indiffĂ©rence mâĂ©puise. Je tente dĂ©sespĂ©rĂ©ment de comprendre d'oĂč vient son attitude, mais en vain. Je ne le reconnais plus. Jâai tendance Ă mâimaginer que ce pĂšre qui me prenait comme pour sa petite princesse a Ă©tĂ© engloutie par la terre et remplacĂ© par un autre homme.
Le lendemainâŠ
~ Les calderas ~
Je nage dans lâĂ©tang depuis de bonnes heures maintenant. Je suis seule et profite de lâinstant prĂ©sent. Je suis loin du village et des commĂ©rages, donc ça fait du bien. Je peux penser Ă autre chose sans quâon ne mâembĂȘte.
Lâeau est trĂšs agrĂ©able cet aprĂšs-midi. Elle est chaude et douce. Câest la bonne tempĂ©rature pour y rester longtemps. Je remonte Ă la surface et sors de lâeau en me dirigeant vers mes affaires qui sont posĂ©es sur lâherbe. Je rĂ©cupĂšre ma serviette et mâessuie le corps.
â Lâeau est bonne ?
Quand soudain, jâentends une voix. Je lĂšve les yeux vers celle-ci. Je laisse Ă©chapper un sourire de mes lĂšvres lorsque je le vois. Jâenroule ma serviette autour de ma taille alors quâil sâapproche de moi. Mon ventre se noue.
â Quâest-ce que tu fais ici ?
â Je venais faire un tour puis je tâai vu. Alors, tu aimes toujours venir nager ici Ă ce que je vois ?
â Oui, toujours, je souris. Et pour rĂ©pondre Ă ta question, lâeau est trĂšs bonne, tu devrais la tester.
Il sourit et il tourne son regard vers lâeau pour lâobserver puis il me regarde.
â Peut-ĂȘtre une prochaine fois.
Je lĂšve un sourcil, en croissant les bras autour de ma poitrine en le charriant :
â Tu es sĂ»r ? Ou câest parce que tu crains que je te batte de nouveau ?
â Me battre ? Moi ?
â Ne fais pas lâinnocent Bruno, tu sais que jâai toujours gagnĂ© quand on jouait Ă qui restait le plus longtemps sous lâeau. Tu ne te souviens pas ?
â Si, si, je me souviens. Mais tu ne gagnais pas toujours.
â Quoi ? mâexclamĂ©-je en faignant dâĂȘtre surprise. Alors lĂ , non, bien sĂ»r que câest moi qui gagnais et Ă chaque fois ! Tu le sais.
Je ris.
â Si tu veux, ok. Le seul qui trichait en rĂ©alitĂ©, câĂ©tait Hugo.
â Ăa, câest vrai, dis-je en riant, mais il ne vaut mieux pas quâil tâentende parce quâil dĂ©bĂątera avec toi pendant des heures, tu le connais.
â Oui, tu as raison.
Je souris.
â CâĂ©tait une trĂšs belle Ă©poque, dit-il.
â Oui, une trĂšs belle Ă©poque. Ăa me manque beaucoup.
Je lui rends son sourire. Un silence sâinstalle entre nous alors quâil coule un regard vers lâhorizon. DĂ©stabilisĂ©e, ne sachant plus quoi lui raconter, je recule en lui disant :
â Il faut que jây aille maintenant.
â Je suis venu en voiture, laisse-moi te raccompagner chez toi.
â Tu dois certainement avoir des choses Ă faire, ne te dĂ©ranges pas pour moi, Bruno. Je vais me dĂ©brouiller pour rentrer.
â Non, ça ne me dĂ©range pas Irina. En plus, je nâai rien Ă faire, je peux te dĂ©poser.
â Dâaccord, je mâhabille et je te rejoins.
â Je tâattends dans la voiture.
Le sourire aux lĂšvres, je le regarde partir, la tĂȘte complĂštement dans les nuages. Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu⊠Quâest-ce que tu me fais, Bruno⊠?
Il faut que tu te ressaisisses, Irina, ce nâest pas le moment de rĂȘver !
âĄ
~ Propiedad Del GonzĂĄlez ~
Bruno gare sa voiture Ă l'entrĂ©e du domaine. Nous retirons nos ceintures et nous sortons du vĂ©hicule. Je contourne la voiture tout en mâapprochant de lui. Il coule un bref regard vers la maison et pose ses yeux sur moi.
â VoilĂ , tu es arrivĂ©e, me dit-il en souriant et en glissant ses mains dans ses poches avant.
â Merci. Bonne soirĂ©e, Bruno.
â Ă toi aussi.
Je tourne les talons en direction de chez moi. Quelques secondes aprĂšs avoir refermĂ© la porte, ma tante est lĂ , mâattendant de pied ferme. Je lĂšve un sourcil et mâapproche dâelle.
â Tu rentres tard. OĂč est-ce que tu Ă©tais, Irina ?
â JâĂ©tais Ă lâĂ©tang.
â JusquâĂ cette heure ?
â Oui, Carolina, quel est le problĂšme encore ?
â Aucun. Câest juste que⊠je pensais que tu nâallais pas rentrer.
Je fronce les sourcils, intriguée par ces propos qui ne me plaisent pas.
â Quâest-ce que tu insinues part, tu pensais que je nâallais pas rentrer ?
â Eh bien, tu sais ce que tout le monde raconte sur toi au village, Irina. Je ne vais pas te faire un dessin.
â Alors toi aussi, tu crois que je me prostitue ? Câest bien ça ?
â Je nâai pas dit ça, Irina. Je te rapporte ce que jâentends.
â Je sais trĂšs bien ce quâon raconte sur moi, Carolina, tu nâas pas besoin de me le rappeler, rĂ©pliquĂ©-je, Ă©nervĂ©e.
â Calme-toi, pas la peine de tâĂ©nerver. Ce nâest pas de ma faute si tout le village te critique. Câest normal que je doute et que je te pose la question.
Je dĂ©tourne le regard, exaspĂ©rĂ©e de lâentendre.
â Je veux juste mâassurer que tu ne finisses pas comme ta mĂšre et que lâhistoire se rĂ©pĂšte encore, câest tout.
â Je ne finirais pas comme ma mĂšre, car elle nâĂ©tait pas comme ça. Tu devrais avoir honte de toi de parler comme ça de ta propre sĆur, Carolina. je lĂąche sĂšchement.
Elle lĂšve les yeux au ciel.
â Honte de moi ? Câest elle qui doit avoir honte parce quâelle nous a tous trompĂ©es.
Quâest-ce que je donnerai pour que ma mĂšre soit lĂ et quâelle dĂ©mente en face dâelle ces maudits mensonges. Elle me dĂ©goĂ»te. Comment peut-elle dĂ©nigrer sa sĆur, son sang, sa famille de la sorte ?
â Heureusement que je ne te ressemble pas, dis-je en lâobservant avec pitiĂ©.
Puis je mâen vais dans ma chambre.
âĄ
Cette nuit, je me rĂ©veille et sors de ma chambre pour aller me chercher un verre dâeau dans la cuisine. Ă la fenĂȘtre, jâentends des voix, celui dâune femme et dâun homme. IntriguĂ©, je me rapproche de la fenĂȘtre, entrouverte. JâĂ©coute. Je reconnais la voix de ma tante. Que fait elle aussi tard dehors ? Avec qui discute-t-elle ?
Je pose mon verre dâeau Ă moitiĂ© fini sur la table et sors de la cuisine. Jâattache mon peignoir rose satinĂ© sous mon pyjama, tout en rejoignant lâextĂ©rieur.
Dâun pas discret, je m'approche et me cache derriĂšre un muret. La silhouette de ma tante apparaĂźt dans mon champ de vison. Elle est de dos en face de quelquâun. Mais qui ? Jâessaye de deviner son interlocuteur, en vain. Jâai pu entendre Ă la fenĂȘtre que Carolina lui donnait rendez-vous Ă leur endroit habituel.
JâespĂšre que ce nâest pas du tout ce que je pense.
Son interlocuteur vient de partir. Je sors immĂ©diatement de ma cachette, les bras croisĂ©s sous ma poitrine, je mâapproche, et lui demande :
â Ă qui Ă©tais-tu en train de parler Carolina ?
Elle sursaute lĂ©gĂšrement, tout en se retournant face Ă moi. Elle soupire et me lance un regard noir rempli dâangoisse.
â Tu m'as fait peur Irina ! Mais quâest-ce que tu fais lĂ ?! Tu ne devrais pas ĂȘtre au lit ?
â Mhh, je tâai fait peur ? Ă ce point-lĂ ? Si je comprends bien, tu ne veux pas te faire prendre avec cette personne, nâest-ce pas ? Tu parlais avec qui ?
Elle reprend son calme en me dévisageant.
â Personne.
â Personne ? Tu en es sĂ»r ? Ce nâest pas ce que jâai vu et entendu. Dis-moi, câĂ©tait un homme ?
â Mais⊠mais quel homme, Irina ? dit-elle en riant nerveusement, passant une main dans son cuir chevelu. Ce nâĂ©tait personne ! Quand est-ce que tu vas arrĂȘter de fourrer ton nez partout ? Hein ? Depuis petite, tu nâarrĂȘtes pas. Câest que⊠Tu es vraiment une gamine impossible et insupportable ! Tu sais quoi ? Fais-moi le plaisir de retourner dans ta chambre et de dormir.
â Dis-moi juste avec qui tu parlais ? insistĂ©-je.
â Personne ! ArrĂȘte Irina ! Tu es trop curieuse.
Je lÚve les yeux au ciel, indignée par son comportement. Elle ment trÚs mal.
â Retourne dormir dans ta chambre. Je nâai pas de comptes Ă te rendre, compris ? Laisse-moi seule.
Toujours suspicieuse, je hausse les sourcils :
â Tu veux ĂȘtre seule ?
â Oui ! Seule ! Allez, bouge !
â Je vais te laisser paisiblement seule alors, dis-je dâune voix remplie de sarcasme, mais laisse-moi te dire une chose avant, Carolina : si tu trompes mon pĂšre, je ne vais pas le tolĂ©rer. Tu ne lui feras pas de mal, la prĂ©viens-je froidement.
â Je ne trompe pas ton pĂšre, rĂ©torque-t-elle.
Silencieuse, je l'observe dâun air grave, avant de la quitter et de retourner dans la maison.
Le lendemainâŠ.
AprĂšs mâĂȘtre prĂ©parĂ©, je sors de ma chambre en me dirigeant dans la cuisine. En entrant, DolorĂšs est en train de laver la vaisselle. Je mâapproche dâelle et lâembrasse sur la joue avec joie.
â Bonjour, ma petite DolorĂšs !
Elle se retourne.
â Bonjour, mon poussin, sourit-elle, surprise par ma gaietĂ©. Tu es de bonne humeur ce matin, jâaime bien.
â Oui, lĂ , je mâapprĂȘte Ă aller Ă lâuniversitĂ©.
â Mange un bout, avant, je ne veux pas que tu sortes le ventre vide.
â Dâaccord, DolorĂšs. Je le fais seulement pour toi, hein, dis-je en mâinstallant autour de la table pendant quâelle me sert un verre de jus dâorange.
â Tant que tu manges, ça me va. Tiens.
â Merci, dis-je en rĂ©cupĂ©rant le verre de jus. Assieds-toi. Jâai quelque chose Ă te raconter.
Mon ton devient plus sĂ©rieux et mon regard est ancrĂ© dans le sien, ce qui la perturbe et lâinquiĂšte davantage. Elle sâassoit.
â Quâest-ce qui se passe, ma puce ?
Je chuchote :
â Ăcoute, ce que je m'apprĂȘte Ă te dire, je ne suis pas trĂšs sĂ»r, mais jâai des doutes.
â Dis-moi. Et pourquoi tu chuchotes ?
â Je ne veux pas que ma tante nous entende. Elle pourrait mal interprĂ©ter.
â Mal interprĂ©tĂ© ? Mais quoi ?
â La nuit derniĂšre, jâai vu ma tante parler avec un homme.
â Avec un homme, tu dis ? demande-t-elle les sourcils froncĂ©s.
â Oui. Je ne sais pas qui câest. Mais jâai juste entendu quâils doivent se voir dans un endroit habituel.
â Et quand ça ?
â Je ne sais pas, je ne sais pas, DolorĂšs, mais je crains quâelle puisse tromper papa.
â Ah non, seigneur, ne dit pas de bĂȘtises, Irina ! Ne va pas me faire peur !
InquiÚte, je laisse échapper un soupir en la regardant.
â Et si⊠Et si câĂ©tait vrai ?
DolorĂšs se lĂšve et fait quelques pas sur le sol, trĂšs nerveuse.
â Non, non, Irina. Tu imagines ? Ton pĂšre ne le supportera pas.
Je me lĂšve Ă mon tour. Cette situation me rend vraiment nerveuse et mâempĂȘche de terminer ma tartine de confiture.
â Je ne l'imagine pas, DolorĂšs. Mon pĂšre nâacceptera jamais une seconde tromperie, finis-je par rĂ©pondre.
â Calme-toi, ma chĂ©rie, dit-elle en m'enlaçant, peut-ĂȘtre, peut-ĂȘtre que⊠Madame Carolina ne le trompe pas et si ça se trouve, tu as mal interprĂ©tĂ©.
â JâespĂšre que tu as raison parce que si cette histoire est vraie, je ne sais pas⊠Mais je nâai pas envie que ça recommence comme Ă lâĂ©poque quand maman est morte.
â Ne tâinquiĂšte pas, ma chĂ©rie. Rien de tout cela ne va se passer. Sâil te plaĂźt, vas-y oĂč tu vas ĂȘtre en retard.
â Oui, je me dĂ©pĂȘche. Ă tout Ă lâheure, dis-je en lâembrassant