Quelques jours plus tardâŠ
~ Propiedad Del GonzĂĄlez ~
Irina
â Irina ! Ma chĂ©rie !
Je suis en train de peindre lorsque DolorĂšs pĂ©nĂštre dans ma chambre toute joyeuse. IntriguĂ©e, par sa gaietĂ©, je pose mon pinceau et me lĂšve en l'interrogeant du regard :Â
â Quoi DolorĂšs ? Quâest-ce quâil y a ?
â Tu as une surprise.
â Une surprise ? Quelle surprise ? je lui demande, un sourcil levĂ©, son sourire contagieux Ă©tire mes lĂšvres.Â
â Viens et tu verras. Suis-moi.
Je suis ses pas et sors de ma chambre. Nous entrons dans le salon quand je vois une femme aux yeux verts qui se lĂšve du canapĂ© et sâapproche de moi avec le sourire aux lĂšvres.Â
â Ma chĂ©rie ! sâexclame-t-elle en mâembrassant.Â
Je la serre trĂšs fort dans mes bras.
Ses cheveux courts et noirs encadrent son visage dorĂ© et rond. Cette femme nâest dâautre quâElena elle-mĂȘme, ma marraine. Je suis tellement heureuse de la revoir enfin !
â Marraine. Je suis si heureuse de te voir. Mais je ne pensais pas te voir de sitĂŽt.
â Je voulais te faire la surprise. Câest pour ça que je nâai pas appelĂ© pour prĂ©venir.
â Je vois.
â Tu mâas beaucoup manquĂ©, Irina. Quâest-ce que tu as grandis ! Tu es magnifique ! me dit-elle en mâĂ©cartant les bras pour me regarder plus en dĂ©tail. Â
â Merci Elena.Â
Elle me sourit de nouveau avant de me reprendre dans ses bras, me secouant légÚrement.
â Tu dois avoir plein de choses Ă me raconter.
â Oui. Nous aurons tout le temps de discuter. Et mon parrain, comment va-t-il ?
â TrĂšs bien ! Il te passe le bonjour.Â
 â Votre chambre est prĂȘte Elena, dit DolorĂšs en arrivant prĂšs de nous.
 â Merci beaucoup DolorĂšs.
 â Allons-y, je tâaccompagne, marraine. Combien de temps tu comptes rester ? je lui demande pendant que nous marchions jusquâĂ sa chambre, suivis de prĂšs par DolorĂšs, heureuse Ă©galement de revoir ma marraine.
 â Ah, autant que je le pourrais, mâannonce-t-elle de bonheur.
 Le reste de la soirĂ©e sâest merveilleusement bien passĂ©. Nous avons dinĂ© tous ensemble comme une vĂ©ritable famille. Ă ma grande surprise, ça a plu Ă mon pĂšre de revoir Elena. Jâignore si câest sa visite qui lâa rendu trĂšs sociable, mais son comportement mâa rendue heureuse tout au long du dĂźner.Â
 Jâai eu lâimpression de le retrouver comme Ă lâĂ©poque quand ma mĂšre Ă©tait encore lĂ . LâarrivĂ©e dâElena fait renaĂźtre une belle ambiance dans la maison. Elle est si gentille, mais Ă©galement trĂšs drĂŽle quâon ne sâennuie jamais.Â
Et Carolina, câest du Carolina toute crachĂ©e. Elle nâapprĂ©cie pas vraiment la visite de ma marraine. Je lâai remarquĂ©e, mais je lâai ignorĂ©e. Son avis mâimporte peu. Elle est peut-ĂȘtre la maĂźtresse de cette maison, mais elle n'en est pas propriĂ©taire. Si la visite d'Elena dĂ©range mon pĂšre, je l'aurais vu. Pour ma part, papa semble trĂšs satisfait de sa prĂ©sence.
Ăa me rassure.
~ Villaverde Del Rio ~
Bruno
Treize ans plus tard, je suis de retour au village, Ă Villaverde Del Rio. Un village d'enfance qui me rappelle tant de souvenirs. Malheureusement, jâai dĂ» le quitter trop tĂŽt. Je nâavais que 10 ans. Ma mĂšre mâa envoyĂ©e Ă Madrid dans une Ă©cole : lâĂ©cole britannique de Madrid.
 Au dĂ©but, je ne voulais pas rester, car je voulais retourner dans mon village, rester vivre avec mes frĂšres, mes amis. Ă ce moment-lĂ , je la haĂŻssais de vouloir mâarracher Ă mes propres racines. Je trouvais cela injuste, injuste de m'emmener loin de Villaverde, sous prĂ©texte que jâĂ©tais trop proche dâIrina. Tout ça Ă cause de cet accident qui a tuĂ© sa mĂšre et mon pĂšre. Mais moi, je ne voulais quâune chose : rester vivre au village et continuer Ă frĂ©quenter Irina pour toujours. Je voulais rester son meilleur ami pour la vie.
 HĂ©las, je nâai pas pu dĂ©sobĂ©ir Ă ma mĂšre. Jâai finalement acceptĂ© et jâai Ă©tudiĂ© dans cette Ă©cole jusquâĂ devenir bilingue. Jâai passĂ© tout mon cursus Ă apprendre en anglais, car les cours Ă©taient enseignĂ©s dans cette langue.Â
AprĂšs le collĂšge, je me suis envolĂ© pour l'Angleterre, lĂ oĂč jâai fait mes Ă©tudes universitaires. Vivre dans ce pays a fait de moi un vrai Britannique. Et aujourdâhui, je ne regrette plus dâavoir Ă©coutĂ© ma mĂšre. Ă l'Ă©poque, je lui en ai beaucoup voulu d'avoir pris cette dĂ©cision, mais au fur et Ă mesure des annĂ©es, ma rancune Ă complĂštement disparu. Pour dire vrai, je la remercie de mâavoir permis dâĂ©tudier Ă lâĂ©tranger.Â
Elle mâa manquĂ©. Ma famille m'a Ă©normĂ©ment manquĂ©e. Câest pour ça, quâaujourdâhui, je fais mon retour. Câest une surprise. Ils ne savent pas que jâarrive. Jâignore comment ils vont rĂ©agir, mais jâai hĂąte de les revoir.
La seule chose qui me fait toujours mal, câest lâabsence de mon pĂšre. Il me manque beaucoup. Jâaimerais tellement le revoir une derniĂšre fois et lui dire combien je l'ai aimĂ©.Â
Je descends du bus muni de valise, tout en observant l'alentour, l'air nostalgique.
La place AndaluciaâŠ
Je vois passer mon enfance devant mes yeux, les souvenirs submergent mon esprit. Ăa me fait tellement bizarre de revenir aprĂšs de longues annĂ©es. Rien n'a changĂ©. Tout est comme lorsque j'Ă©tais enfant.
 Je me demande ce que sont devenus tous mes anciens amis, comme Hugo ou Irina. Que sont-ils devenus ? Mâont-ils rĂ©ellement oubliĂ© ? Se souviennent-ils de moi ? Pourquoi ne mâont-ils pas contactĂ© ? Ătait-ce si difficile que ça de ne pas prendre de mes nouvelles ? Je nâai pas arrĂȘtĂ© de me poser ces centaines de questions durant toutes ces annĂ©es. Ăa mâa vraiment attristĂ© de n'avoir aucune nouvelle dâeux.Â
Je laisse Ă©chapper un soupir avec soulagement, je reprends ma valise en main, et je pars en direction de la maison.Â
âĄ
~ Hacienda Rodriguez ~
Je sonne, impatient de retrouver ma famille. La porte sâouvre et jâadresse un lĂ©ger rictus en voyant Antonella Ă la porte. Elle ne rĂ©agit pas tout de suite, elle semble rĂ©flĂ©chir puis elle mâoffre un grand sourire en guise de surprise :Â
â Bruno ?! Mais c'est vous ! Monsieur, Bruno !Â
Ăa me fait bizarre de la revoir aprĂšs tant d'annĂ©es. Elle n'a pas changĂ©. Toujours aussi jeune. Antonella travaille pour nous depuis la naissance de mon frĂšre Esteban. Elle a toujours Ă©tĂ© une femme trĂšs gentille et sĂ©rieuse dans ses tĂąches. Quand j'Ă©tais petit, elle s'est toujours comportĂ©e comme une seconde mĂšre pour mes frĂšres et moi.
Jâopine lĂ©gĂšrement la tĂȘte en rentrant lentement avec ma valise tout en lui faisant signe de parler moins fort, un doigt contre mes lĂšvres.Â
 â OĂč est ma mĂšre ? chuchotĂ©-je en lui demandant.
 â Dans la salle Ă manger avec votre frĂšre Mathias, me dit-elle, dâun sourire aux lĂšvres, presque excitĂ©e. Laissez-moi emmener votre valise dans votre chambre, ajoute-t-elle en la rĂ©cupĂ©rant.
 â Merci.
Elle sâen va et je me rends Ă la salle Ă manger. En entrant, je vois ma mĂšre de dos et mon frĂšre Mathias assis prĂšs dâelle autour de la table. Lorsquâil me voit, il sourit avec surprise et je lui fais signe de ne rien dire. Je mâapproche de ma mĂšre et glisse mes mains sur ses yeux. Elle sursaute lĂ©gĂšrement.
 â Mais... Qui sâest ? sâĂ©tonne-t-elle, de sa voix grave.
 â Devine qui sâest ?Â
 â Bru⊠Bruno ? Câest toi ? Ne me dis pas que⊠tu es lĂ ?
 Elle mâa reconnu avec mon odeur. Je retire mes mains de ses yeux et elle se lĂšve avec empressement, dâun mouvement de peur.Â
 â Bruno, mais quâest-ce que tu fais ici ? Ăa ne va pas ? Qui tâa dit de rentrer ?Â
 Son regard est sĂ©vĂšre et son ton est toujours aussi ferme que lorsque jâĂ©tais petit.Â
 â Tu nâes pas content de me voir maman ?
 â Si⊠Bien sĂ»r. Mais⊠Tu aurais dĂ» me prĂ©venir que tu venais.
 â Te prĂ©venir ? Voyons maman, ça ne serait pas une surprise.
Elle ne dĂ©colĂšre pas. Jâai lâimpression que ma surprise est ratĂ©e. Elle se tourne rapidement vers mon aĂźnĂ©.
â Tu le savais et tu ne mâas rien dit Mathias, je sais que vous vous dites tous, dit-elle, d'une voix cinglante en le lui reprochant.
â Non, je suis tout autant surpris que toi. Je ne savais pas que Bruno allait venir aujourdâhui, dit-il en se levant. Je suis content que tu sois lĂ petit frĂšre, tu nous as manquĂ©s.Â
Il me fait une accolade. Je le serre contre moi puis il sâĂ©carte et il sourit.
â Moi aussi, je suis content de vous voir.
â En plus, tu es devenu tout beau. Je parie que les femmes d'Angleterre te mangent dans la main.
â Tu ne changeras jamais hein ? Toujours en train de me charrier.
â Mais câest vrai, tâes un beau gosse et ce nâest pas parce que je suis ton grand frĂšre que je te le dis. Pas vraie maman ?
Elle nâa toujours pas dĂ©colĂ©rĂ© Ă ce que je vois. Je mâapproche dâelle et l'enlace en encerclant ses Ă©paules.
â ArrĂȘte de faire cette tĂȘte maman, câest bon. On dirait que je ne tâai pas du tout manquĂ©.
â Bien sĂ»r que tu mâas manquĂ©, mon fils. ĂnormĂ©ment. Câest juste que, jâaurais aimĂ© que tu nous le dises. Comment es-tu venu ?
â En bus, je lui rĂ©ponds tout simplement.
â En bus ? Mais Bruno⊠dit-elle abasourdie.
Je laisse échapper un soupir.
â Il n'y a pas mort dâhomme Ă ce que je vienne en bus, maman. Tu exagĂšres lĂ .
â Non, je nâexagĂšre pas, rĂ©torque-t-elle. Tu aurais pu demander Ă Mathias de venir te chercher Ă l'aĂ©roport au lieu de prendre le bus. Nous sommes des gens distinguĂ©s et qui n'avons pas le mĂȘme rang social que ces pauvres gens du village. Nous nâavons pas la mĂȘme vie.
Câest ça qui me dĂ©range chez ma mĂšre et qui peut mâen Ă©loigner. Elle est toujours autant obligĂ©e de rabaisser les gens qui sont moins aisĂ©s que nous. Pour elle, nous sommes des personnes hauts placĂ©s tandis que les gens de notre village sont que des moins-que-rien. Vu quâils nâont pas assez dâargent pour ĂȘtre Ă sa hauteur. Je dĂ©teste quâelle pense comme ça et quâelle se dise que nous ne sommes pas leurs Ă©gaux. Ma mĂšre a toujours Ă©tĂ© comme ça et je pensais quâavec le temps, elle verrait les choses autrement.Â
â Maman, Bruno a raison, tu exagĂšres un peu, ce nâest pas si grave quâil soit venu en bus, en train ou en mĂ©tro. Le principal, câest quâil est lĂ , que ton fils favori soit lĂ , lui dit-il avec un sourire pour tenter de dĂ©colĂ©rer.Â
â Le fils favori est lĂ tient ! Je peux savoir pourquoi je nâai pas Ă©tĂ© prĂ©venu que tu arrivais aujourdâhui ?
Je me retourne. Esteban, mon plus grand frĂšre. Il mâoffre un petit sourire et il sâapproche pour me prendre dans ses bras.Â
â Salut Esteban.
â Comment tu vas ? L'Angleterre tâa fait du bien, on dirait. Les filles sont jolies lĂ -bas ?
Je fais un signe de tĂȘte nĂ©gative, amusĂ© par sa question.
â Il y en a pas mal, oui. Tu devrais y aller un de ces jours. Peut-ĂȘtre que tu trouveras la femme de ta vie.
â Si tu le dis, si tu le dis, petit frĂšre. Tu devras mâapprendre lâanglais d'abord.
â Quand tu veux. Je te donnerais des cours.
â Bon, eh bien, Ă plus, tard, jâai des choses Ă faire.
â Tu ne restes pas ? lui demande ma mĂšre. Ton frĂšre vient dâarriver quand mĂȘme. Fais-le pour nous maintenant que notre famille est rĂ©unie, Esteban, dit-elle, sa voix autoritaire.
â DĂ©solĂ©e, maman, mais je suis trĂšs occupĂ©. Je nâai pas le temps.
Ils nous quittent en rejoignant la porte puis il sort. Ma mĂšre soupire en levant les yeux au ciel.
â Il est si tĂȘtu. Je ne comprends pas ce quâil y a de plus important Ă faire que de rester en famille, maugre-t-elle.
â Ce nâest pas un souci, maman, dis-je en mâapprochant dâelle, tentant de la calmer. Peut-ĂȘtre quâil est effectivement trĂšs occupĂ© et quâil nâa pas le temps.Â
â Moi, je pense plutĂŽt quâil nâest pas ravi que tu sois lĂ , câest pour ça quâil a prĂ©textĂ© dâĂȘtre trop occupĂ©.
Je fronce les sourcils en direction de mon frĂšre.
 â Quâest-ce que tu racontes, Mathias ?
 â Tu sais, bien, Bruno. Esteban a toujours Ă©tĂ© jaloux de toi et de toute lâaffection que maman te donne.
 Câest vrai quâentre Esteban et moi ce nâest pas tout beau tout rose. Câest pour ça que je suis plus proche de Mathias. Esteban ne mâa jamais donnĂ© l'opportunitĂ© de me rapprocher de lui.
 â Il nâa pas de raison dâĂȘtre jaloux, Mathias.
 â Oui, il nây a pas de raison puisque je vous aime de la mĂȘme maniĂšre. Esteban exagĂšre, ajoute ma mĂšre.
 â Dans tous les cas, ne te mets pas dans tous tes Ă©tats pour ça, d'accord ? Il se rendra compte tout seul qu'il ne doit pas avoir ce comportement vis-Ă -vis de moi.
 â Monsieur Bruno, votre chambre est prĂȘte, vous pouvez y accĂ©der, me dit Antonella en apparaissant dans la piĂšce.
 â Merci, Antonella.
 â Je tâaccompagne, allons voir ta chambre, me dit ma mĂšre.
âĄ
â Alors comment trouves-tu ta chambre ?
Nostalgique, jâobserve tous les recoins de ma chambre d'enfant. Tout y est, intact, rien nâa bougĂ©. Tout est comme dans mes souvenirs. Je pose mon regard sur ma mĂšre et lui adresse un petit sourire.
â TrĂšs bien. Rien n'a changĂ©. Tout est comme⊠quand j'Ă©tais petit.
Elle se joint Ă moi, prĂšs de mon armoire noire.
â Câest normal, aprĂšs ton dĂ©part, je nâai rien pu changer. Je voulais que quand tu rentres, tu la trouves telle qu'elle Ă©tait.
â Merci maman.
Elle glisse sa main ridĂ©e sur ma joue tandis que je lâobserve. Ses yeux brillent d'Ă©motion, comme si elle voulait pleurer.
â Maman.
â Ăcoute⊠Je⊠Je suis dĂ©solĂ©e dâavoir pris cette dĂ©cision sans que tu ne sois dâaccord. Mais Ă cette Ă©poque, je venais de perdre de ton pĂšre et jâai eu lâimpression de te perdre aussi. Câest pour ça que je tâai envoyĂ© Ă©tudier Ă Madrid.
MĂȘme si, ce nâest pas pour la seule raison quâelle mâait envoyĂ© Ă Madrid, je ne veux pas lui rappeler tous ces moments dĂ©sagrĂ©ables quâon a dĂ» passer tous les deux. Ăa ne fera que rĂ©veiller le passĂ© et je ne veux plus du tout penser Ă tout ça. Le passĂ© est loin de moi aujourdâhui.
Je pose ma main sur la sienne, en la retirant de ma joue. Je la garde dans ma main tout en lâobservant.
â Ce qui sâest passĂ© Ă cette Ă©poque, je nây pense plus. Ne pleure pas.
J'essuie Ă lâaide de mon doigt, une larme qui glisse sur sa joue.
â Câest vrai ? Tu ne mâen veux plus ?
â Plus du tout et arrĂȘte de tâen vouloir en pensant au passĂ©. Il faut que tu ailles de lâavant.
â J'essaye d'aller de lâavant, mon fils, câest juste queâŠ
â Non, parle-moi plutĂŽt de toi, maman, la coupĂ©-je volontairement, car je ne veux pas quâelle me parle du passĂ©. Comment va ta maladie ? Ăa ne t'Ă©puise pas trop, jâespĂšre ?
â Ăa va, je prends rĂ©guliĂšrement mes mĂ©dicaments.
 Ma mĂšre est atteinte d'une cardiopathie ischĂ©mique. Cette maladie, elle l'a bien avant la mort de mon pĂšre. Ăa lui cause des problĂšmes cardiaques, causĂ© par un rĂ©trĂ©cissement des artĂšres coronaires et dâune rĂ©duction de la circulation sanguine. NĂ©anmoins, elle a des traitements qui lui permettent d'aller mieux.
 â Tant mieux, alors. Ăa me fait plaisir que tu continues de les prendre. Tu ne dois pas arrĂȘter.
 Elle sourit.
âĄ
â Quoi de neuf, ça roule ?
Je range tranquillement mes vĂȘtements dans mon armoire aprĂšs le dĂ©part de ma mĂšre, lorsque Mathias toque et entre tout souriant. Je mâĂ©loigne de l'armoire et mâapproche tout doucement de mon lit, les mains dans les poches avant. Mathias, qui est en face de moi, s'assoit.Â
â Bien. Et toi ? Je mâinstalle tranquillement.
â Je vois ça. Quâest-ce que tu comptes faire aprĂšs ?
â Je ne sais pas, dis-je en haussant les Ă©paules. Peut-ĂȘtre que je vais commencer par aller voir notre oncle.
â Oui, il sera content de te voir. Tu lui as beaucoup manquĂ©.
â Vraiment ? Il est toujours le mĂȘme ? Toujours aussi drĂŽle ?
â Toujours. Notre oncle Daniel nâa pas changĂ© dâun iota.
â Tu mâen diras tant, je lui souris, ravi dâentendre ça.
Je continue de vider ma valise en rangeant le reste de mes vĂȘtements dans lâarmoire.Â
â Je vais te laisser tâinstaller tranquillement, Bruno.
â Attends, tu as des nouvelles de Hugo ou bien dâIrina ?
â Je commence par qui ? Irina ou Hugo ? dit-il, lâair taquin.
Mathias a toujours Ă©tĂ© trĂšs taquin Ă beaucoup rire. Je me demande de qui il tient de ça.Â
Sûrement de mon oncle Daniel.
â Peu importe. Commence par qui tu veux, dis-je tout simplement.
â Toujours autant sĂ©rieux, sacrĂ© Bruno.Â
â Allez, dis-moi comment va Hugo par exemple ? je le presse, impatient dâen savoir plus.
â Hugo va trĂšs bien. Il travaille en ce moment pour Monsieur Gonzalez.
â Ah oui ? Câest super. Et comment va Irina ?
â Irina va bien aussi. Quand tu la verras, tu nâen reviendras pas.
â Pourquoi ?
â Parce quâelle est devenue une trĂšs belle femme. Elle suscite l'intĂ©rĂȘt de nombreux hommes au village.
Ăa mâintrigue encore plus.
â Elle sera sĂ»rement contente de ton retour quand elle saura que tu es rentrĂ©e, ajoute-t-il. Je me rappelle que vous Ă©tiez des gosses insĂ©parables. Mais que ça nâa pas plu Ă maman et elle tâa envoyĂ© vivre loin de nous.
~ Flashback ~
Treize ans plus tĂŽtâŠ
â Tu ne verras plus, ton Irina de ta vie, Bruno ! Est-ce que câest clair ? Ă partir de demain, tu iras Ă©tudier Ă Madrid et tu y resteras.
â Maman, non, je ne veux pas partir. Je ne veux pas quitter le village. Tous mes amis sont ici, maman. Irina et Hugo sont les seuls amis que jâai. Ne me prive pas dâeux, sâil te plaĂźt ?
â Tu tâen referas dâautres, rĂ©torque-t-elle. Fais tes valises. Tu tâen vas demain, Bruno, ordonne-t-elle avant de quitter ma chambre.
~ Fin du flashback ~
â Oui, câest vrai que nous Ă©tions insĂ©parables, repris-je en sortant de mes pensĂ©es. Mais je pense quâelle a dĂ» tout oublier, comme mon existence et tout comme Hugo.
â Bien sĂ»r que non. Pourquoi tu dis ça ?
â Eh bien, parce que je nâai eu aucune nouvelle dâeux Mathias. Ils nâont mĂȘme pas cherchĂ© Ă savoir comment je vais. Et pourtant, notre amitiĂ© ne date pas dâhier.
â Attends, attends, ne va pas trop vite. Hugo et Irina ont toujours pensĂ© Ă toi. AprĂšs ton dĂ©part, ils sont venus me voir pour me demander de tes nouvelles.Â
â Mais pourquoi je nâai eu aucune nouvelle dâeux ? Tu ne m'expliques pas. Jâai envoyĂ© des lettres Ă Hugo, mais il ne mâa fait aucun retour.Â
â Je ne sais pas Bruno. Je ne sais pas quoi te dire de plus. Il y a que ce jour lĂ oĂč ils mâont demandĂ© de tes nouvelles aprĂšs il ne mâont plus rien demandĂ©. Tu devrais aller les voir pour savoir, me conseille-t-il.
â De toute façon, je finirai bien par les rencontrer dans un si petit village comme le nĂŽtre, dis-je, dâune voix pensive et lointaine.
â Oui, sĂ»rement.
Quelques secondes plus tard, j'entre dans le bureau. Ce bureau qui appartenait autrefois Ă mon pĂšre. Son odeur est toujours prĂ©sente dans chaque recoin de la piĂšce. Rien n'a absolument changĂ© ici aussi. Le bureau, le grand canapĂ© en velours, le meuble du coffre-fort, tout y est.Â
Le sourire au coin de mes lĂšvres, je me rapproche du bureau. Je glisse ma main sur le dossier de la chaise roulante qui est en cuir, en profitant du toucher. Mes yeux croisent la photo de mon pĂšre sur le bureau que je prends directement pour la regarder de plus prĂšs.
â PapaâŠ
Tout en observant la photo, je me remĂ©more, un souvenir avec mon pĂšreâŠ
~ Flashback ~
â Regarde ceci fiston. C'est pour toi et je veux que tu le gardes toujours avec toi. Ne le retire jamais.
â Un bijou ?
â Oui. Viens par lĂ .
Je contourne son bureau pour mâapprocher de lui. Il pivote sur sa chaise en me faisant face puis il m'avance vers lui, je me penche lĂ©gĂšrement et il me met le pendentif autour de mon cou.
â Ce pendentif, tu dois le garder, Bruno. Ne t'en sĂ©pare jamais. D'accord ?
â Oui, papa. Mais pourquoi ?
â C'est un cadeau trĂšs spĂ©cial et qui te portera bonheur. Et puis⊠il te fera penser Ă moi quand je ne serais plus auprĂšs de toi, mon fils, dit-il, le sourire aux lĂšvres en me regardant tendrement.
Je souris.
â Je t'aime, fiston. Et... Je veux que tu sois bon avec tes frĂšres, que tu t'occupes bien de ta maman aussi.
â D'accord, papa. Mais pourquoi tu me dis tout ça ? Tu vas partir ?
Il reste silencieux quelques instants en me regardant puis il me dit :
â Oui, fiston. Je pars bientĂŽt en voyage.
â Quand ça ? Est-ce que je peux venir avec toi, papa ?
Il pousse un soupir de tristesse.
â Non, tu ne peux pas mâaccompagner parce que câest un trĂšs long voyage que je dois faire.
â Je ne peux pas venir ? demandĂ©-je tristement. Je te promets que je ne te dĂ©rangerai pas.
Il sourit.
â Mon petit⊠Ce nâest pas le fait que tu puisses me dĂ©ranger ou non. Câest juste que je ne peux pas t'emmener. Ce voyage sera trĂšs long et tu dois continuer Ă Ă©tudier. Si tu viens avec moi, tu rateras les cours.
â Dâaccord, mais au moins promets de revenir trĂšs vite.
â Je te le promets. Aller vient par-lĂ , dit-il en me prenant dans ses bras. Je tâaime trĂšs fort.
â Moi aussi, papa.
~ Fin du flashback ~
Une larme coule de mon Ćil pendant que je serre mon pendentif de mon autre main libre. Je cligne des yeux pour empĂȘcher quâune autre ne coule.
â Bruno ? Qu'est-ce que tu fais ici, mon fils ? Mais tu pleures ?
â Non, ce nâest rien maman, je rĂ©ponds en me tournant vers elle, tout en rangeant mon pendentif sous mon pull.
Elle esquisse un lĂ©ger rictus tout en sâapprochant de moi, remarquant le cadre photo de mon pĂšre dans ma main.
â Tu pensais Ă lui nâest-ce pas ?
â Oui, dis-je en laissant Ă©chapper un lĂ©ger soupir.
Je repose le cadre Ă sa place.
â Ne sois pas triste et viens, nous allons faire un petit tour dehors. Je vais te montrer lâĂ©curie.Â
Ma mĂšre s'accroche Ă mon bras et nous quittons le bureau. Â
â Tu nâaurais pas dĂ», tout vendre maman, vraiment, dis-je alors que nous sortons des Ă©curies, aprĂšs quâelle m'a fait visiter, comme si je nâavais jamais vĂ©cu ici.
Jâai Ă©tĂ© déçu lorsque je nâai vu aucun cheval dans les boxes. Câest lĂ quâelle mâa annoncĂ© quâelle avait tout vendu, sous prĂ©texte que personne ne monte les chevaux.Â
â Comment ne pas vendre Bruno ? Mathias ne monte pas et encore moins Esteban. Ton pĂšre et toi Ă©tiez les seuls Ă en faire. Il est plus lĂ et toi, tu Ă©tais Ă Madrid.Â
â Mais tu te doutes bien que jâallais revenir, maman.
â Ă vrai dire non. Je pensais que tu allais rester en Angleterre et vivre lĂ -bas.Â
Je lĂšve un sourcil, surpris par ses aveux.
â Vraiment ? Tu prĂ©fĂšres que je vive lĂ -bas ?
â Ce nâest pas ce que jâai dit. Bruno. Ce que je veux, câest que tu puisses vivre ici et prendre les rĂȘnes de lâentreprise.