Dans la ville de Marysliness, où les habitants dormaient paisiblement, à l'exception de quelques gardes surveillant les prisonniers, notamment les combattants de l'arène destinés à divertir les locaux et les voyageurs, les combats visaient à s'entretuer. En vérité, ces lutteurs devaient survivre dans un enfer aux portes de la ville. Un jeune garçon, qui jusqu'à présent avait démontré ses compétences, s'avérait être le combattant le plus convoité. Tandis que tout le monde dormait, ce jeune homme s'entraînait pour continuer à vivre dans ce lieu infâme, sa sueur se mêlant à l'odeur du sang, devenue l’air vital des combattants. Il parvenait à survivre malgré la difficulté croissante des affrontements.

-Tu t’entraînes encore ? Ce n’est pas nécessaire, dit un garde qui l’observait.

-Je continue parce que je refuse de sombrer dans cette situation. Je sais qu’elle viendra, c’est une certitude ancrée en moi.

- De qui parles-tu ? Ta sœur ? Tu crois vraiment qu’elle viendra te sauver ? Treize ans que tu es ici, et toujours rien. C’est une illusion, lâche prise. Sur ce, le garde retourna à son poste.

-Dis ce que tu veux, ça m’importe peu. Tu verras par toi-même, mais ne viens pas pleurer après, idiot ! lança le jeune homme, encouragé par ce qu’il appelait son « maître ».

Le garde fit semblant d’ignorer ses paroles tandis que le garçon terminait son entraînement, puis s’étendit au sol. Cette fois, il se mit à chanter une mélodie dictée par son cœur.

C’est à cet instant qu’Akira et Emy se réveillèrent, entendant la même mélodie. Le garçon avait demandé à ses deux amis de venir dans un mois assister à son combat contre le "Grand Roi", aussi appelé "tyran Galêô". Avant de se rendormir, Emy lui fit la promesse qu’elle serait là.

Pour la première fois en treize ans, Lëandraé laissa couler des larmes de soulagement. Il pouvait enfin entendre la voix de sa sœur, sauvée des griffes du tyran. Cette certitude lui apporta la paix. Il se promit de rester en vie jusqu’à leur rendez-vous, un moment qu’ils avaient prévu avec une présence mystérieuse, qu’il ressentait sans chercher à comprendre pour le moment. Il le saura dans un mois. Pour l’instant, il dormait profondément, un sourire aux lèvres

Le soleil se leva sur Linskirthe. La petite communauté s’éveillait lentement, mais une étrange présence troubla le repos du couple royal. Un être spectral apparut devant eux.

-  Chères amies, désolé de vous réveiller si tôt, mais j’ai besoin de votre aide pour entraîner ma fille au combat, avec ou sans son dragon.

- On ne peut pas, c’est une fille ! s’exclama Païyss

- J Je savais que tu dirais ça, répondit la femme avec un sourire. Ce n’est pas n’importe qui. Elle a hérité du courage de son père, elle est très têtue. Elle veut vous prouver, à toi et à ton fils, qu’elle sait se battre corps à corps. Mais le temps presse. Elle ira chercher son frère, malgré tes efforts pour l’en dissuader. Conseille-lui de prouver ses compétences contre ton meilleur écuyer, elle a des capacités supérieures aux nôtres. Si tu peux, aide-la avec son frère, car son destin est de nous protéger, dit-elle tristement.

- Chérie, fais ce qu’elle demande. J’ai vu dans les yeux d’Emy qu’elle ferait tout pour protéger ceux qu’elle aime. Ton fils sera là pour aider, alors accepte.

-Bravo, les femmes, vous avez gagné ! répondit l’homme.

oudain, un hurlement retentit dans la chambre d’Emy. Le couple royal et leur fils accoururent. Ils trouvèrent Emy en position fœtale, en pleurs, près du miroir..

-Emy, que se passe-t-il ?

-Je… je ne sais pas, Naahïi répondis-je difficilement.

- Pourtant, tu as évolué. Tes oreilles sont pointues, tes cheveux longs, comme les nôtres… dit le roi, ému.

- C’est normal, ce qui t’arrive… Shisaë n’eut pas le temps de finir avant qu’Emy ne se lève en courant dans la cour. Naahïi tenta de la rattraper, mais fut stoppé.

- Naahïi, ne la suis pas !

- Mais maman, elle a besoin d’aide !

- Laissez-moi agir, elle doit découvrir qui elle est vraiment.

-  Chérie, je ne pense pas que ce soit le bon moment

- Je suis d’accord avec papa, mais qui est-elle vraiment ?

-Je t’expliquerai plus tard, répondit la reine en s’approchant d’Emy, laissant les hommes derrière.

De son côté, Lëandraé ressentait une présence étrange en lui, une entité puissante, non humaine, presque animale. Il en était sûr. Mais avant d’en savoir plus, il fut convoqué pour un entraînement commun avec des captifs transformés en créatures sans esprit, les gräûs. En chemin, il se demandait pourquoi une telle puissance voulait le contacter. Ce n’était pas malveillant, sinon il aurait brisé sa barrière.

Arrivé à l’arène, il fut choqué de voir une jeune fille et un garçon d’environ dix ans parmi les captifs.

- Comment peut-on mettre des enfants ici, les faire combattre contre des adversaires aguerris ? s’indigna-t-il.

- Regarde ce petit héros protéger ces gamins, mais qui croit-il être ? lança un garde.

- Je fais juste tout pour survivre, alors je ne les laisserai pas mourir, dit-il en les plaçant derrière lui pour les protéger.

- Touchant, mais on va les faire s’affronter, c’est plus amusant, sourit un autre garde.

-  Jamais je ne combattrai mon frère ! cria la jeune fille, prête à attaquer, mais le garde la saisit.t.

Lëandraé intervint :

-Je ne suis pas votre camarade. Je vais m’occuper d’eux, les prendre avec moi quand je partirai.

-C’est ce que tu veux exactement ? Très bien, bonne chance, tu en auras besoin, dit le garde en souriant froidement. Vous avez du temps libre jusqu’à demain, retournez à vos occupations.

-Lëandraé alla chercher les affaires des enfants et les guida vers sa hutte

-Entrez, mes amis, leur dit-il en ouvrant la tente, remarquant leur hésitation.

-Je comprends votre peur, mais venez, cela vous tiendra au chaud. Je peux entrer le premier si ça vous rassure.

Le garçon et la fille entrèrent finalement.

-Vous avez chacun votre chambre, mais vous pouvez partager un lit si vous voulez, cela ne dérange personne.

La fille se tourna vers lui ::

-Cela vous dérange-t-il si nous dormons ensemble, mon frère et moi ?

- Pas du tout, installez-vous, c’est chez vous maintenant.

Pendant qu’il préparait le repas, les deux enfants prirent leurs marques.

- On peut vous aider à dresser la table ? proposa la fille.

- Merci, ce n’est pas obligé, répondit-il en souriant.

- Nous voulons aider, répondit le garçon.

Assis autour de la table, un malaise flottait. Lëandraé voulut parler quand la fille se présenta 

-Je suis Carly, voici mon frère Erwan. Merci pour votre protection. Comment pouvons-nous vous remercier 

-Je suis Lëandraé. Juste survivre jusqu’à la fin du mois suffit. Pourquoi êtes-vous surpris par mon prénom ?

-Notre mère nous racontait qu’avant le Grand Roi, un couple royal régnait ici avec un fils nommé Lëandraé, expliqua Carly en pleurant doucement. Nos parents disaient que la famille royale était encore vivante, c’est pourquoi nous avons été enlevés.

-Ne vous inquiétez pas, ils ne vous ont pas menti. Le prince existe toujours, et il a une petite sœur nommée Emyslinaë. Vous serez ramenés vivants, ils vous cherchent.. 

Il les prit dans ses bras, leur laissant exprimer leur peine avant de les coucher, épuisés.

Ainsi, la semaine allait défiler jusqu'au combat final dans cette arène où sa sœur se trouvera.

Pendant ce temps, Emy avait appris la vérité sur sa famille, son identité, ses rêves, et sa promesse à tenir. En se levant, elle remarqua un symbole sur son épaule.

- Shisaë, c’est quoi ?

- C’est la marque de ton sang royal, princesse, répondit la reine.

Ce symbole cachait encore beaucoup, et Emy n’avait pas révélé toute sa puissance.

Le roi et Naahïi arrivèrent.

- Majesté, j’ai besoin d’aide pour apprendre tous les arts martiaux. Je dois survivre et accomplir mon destin. Naahïi, si tu sais qui je suis, je comprends tes hésitations. Je vais me changer et vous retrouver dans la salle d’entraînement.

 -Emy, tu sais que combattre en tant que femme ici est mal vu. Beaucoup trouvent cela honteux. Tu seras confrontée à des situations difficiles, dit le roi.

- Je sais, merci de m’avoir prévenue. Mais je ne changerai pas d’avis. Je vais tout faire pour protéger ceux que j’aime.

Naahïi sourit discrètement :

-Elle est vraiment incroyable, dit-il doucement.

arrivez a la zone d’entrainement 

- Avant tout, sache qu’ici, une jeune femme qui prend les armes est mal vue, parfois même jugée honteuse. Tu seras confrontée à des situations difficiles, parfois immorales. Les femmes, dans notre tradition, élèvent les enfants et sont protégées. Je ne sais pas d’où vient cette idée que les femmes peuvent jouer un rôle masculin... Mais bien que je sache que tu ne changeras pas d’avis, j’avoue être curieux de voir ce que valent tes techniques de “kang-fu” et de karaté. J’ai peur que de grands bouleversements ne s’annoncent, conclut le roi, l’air vieilli..

- Majesté, je suis consciente des conséquences. Mais je ressens aussi ce bouleversement en moi. Je vous remercie de m’avoir prévenue, mais je maintiens ma décision. C’est pourquoi je vous propose un combat contre la personne de votre choix..

-Puis-je participer, Père ? demanda Naahïi.

- Non, je préfère que tu observes. J’appelle mon meilleur écuyer, formé par l’un de nos gardes. Cela te convient-il ?

-Oui, parfaitement, répondit-je.

Elle s’avança au centre du terrain, le regard fixé, les muscles détendus mais prêts à bondir. En face, un jeune garçon à l’allure frêle s’approcha. Mais Emy ne se laissait pas berner par l’apparence. Elle savait que les plus redoutables adversaires n’étaient pas toujours ceux qu’on soupçonne.

Un souffle, un battement de cœur, puis il fonça sur elle, poing levé.

Elle pivota sur elle-même avec agilité, esquivant l’attaque d’un pas vif. Sa main saisit l'avant-bras du garçon dans un mouvement fluide, utilisant sa propre force contre lui. Dans un souffle sec, elle le projeta au sol. Le choc résonna sur l’aire d’entraînement.

Mais le garçon, rapide et tenace, roula sur le côté, se releva d’un bond et revint à la charge, plus féroce encore. Il tenta de la surprendre par un enchaînement vif, mais Emy anticipa. Elle bloqua l’attaque, fit un demi-tour rapide et le fit basculer sur son appui.

Profitant de l’ouverture, elle fit un tour sur elle-même et lança un coup de pied retourné à hauteur de son visage. Le coup s’arrêta net, à quelques centimètres de ses yeux écarquillés.

Le silence s’abattit.

Le garçon recula d’un pas, les jambes fléchissantes, avant de s’effondrer au sol, non blessé mais complètement abasourdi.

- Cela vous suffit-il ? demanda-t-elle au roi.

Il acquiesça, impressionné. Emy aida l’écuyer à se relever avec un sourire.

-Puis-je commencer mon entraînement ?

- Bien sûr. Naahïi, tu veux en profiter aussi ? demanda le roi

- Oui, si cela ne la dérange pas, répondit Naahïi.

- Aucun problème, dit-elle en souriant, touchant Naahïi.

Ainsi commencèrent leurs entraînements de combat et de magie, avec ou sans Akira, durant toute une semaine.

Le jour du départ arriva. Emy, de bonne humeur, se dirigeait vers la chambre de Naahïi, quand elle croisa la reine

-  Emy, tu vas voir Naahïi ? Il n’est pas dans sa chambre !

-Oh mince ! Vous savez où je peux le trouver ?

-Désolée, tu dois t’en souvenir par toi-même. Si tu réfléchis, tu sauras.

- J’ai l’impression que vous savez, mais que vous ne voulez pas me le dire, non ?

- C’est toi qui le dis, jeune fille. Bonne chance. N’oublie pas de nous rejoindre aux enclos des dragons après le repas.

- Oui, Shisaë. Et… il me semblait qu’on devait partager un repas aujourd’hui ?

- Justement, nous avons pensé que vous aimeriez passer un moment ensemble. Ton panier t’attend en cuisine.

- Merci beaucoup ! dit-elle avant de partir en courant.

Shisaë la regarda s’éloigner, le cœur un peu serré. Emy allait lui manquer… tout comme son idiot de fils qui part faire de la reconnaissance de son coté, il fuyait de peur qu’Emy ne l’oublie ou ne change. Mais il comprendrait bientôt : Emy resterait toujours Emy.

Naahïi, assis sur une racine près d’une cascade, repensait au moment où il avait trouvé Emy endormie au milieu d’un combat. Ce souvenir le fit sourire.

-Ah, te voilà ! Je te cherchais ! C’est magnifique ici, s’exclama Emy.

- Tu me cherchais vraiment ?

- Oui. J’avais envie de plaisanter et de passer un moment joyeux avec toi, comme avant. Tu es devenu distant depuis que tu connais mon identité. Je voulais qu’on en parle… autour d’un déjeuner.

- Ah…

- Mais si tu préfères être seul, je peux te laisser le panier et partir.

-Non, reste. Je suis désolé.

-Pour quoi ?

-Eh bien, je…

- Haha, je plaisante ! Pas besoin de t’excuser. Tu as juste peur que je change à cause de mes origines, c’est ça ? Pas de souci.

Elle le poussa dans l’eau avec un grand sourire. Plouf !

Naahïi émergea, souriant, nagea vers la rive et tira Emy à son tour dans l’eau.

- HAAAAA ! cria-t-elle.

Elle remonta en râlant, le voyant hilare.

-  Qu’est-ce que tu attends ? Viens ! lança-t-il.

- Attention, j'arrive !!!!!!

Après avoir bien ri dans l’eau, ils s’installèrent pour pique-niquer.

-Emy, je me rends compte à quel point j’ai été naïf…

- Et si on laissait ça derrière nous ? Profite de ce moment. Et la prochaine fois, je te bats à mains nues, promis !

Elle se leva, cueillit des fleurs identiques et revint.

-Je suppose que tu allais me demander de faire attention ou de t’emmener. Mais c’est une quête que je dois accomplir seule. Alors je veux te donner quelque chose de spécial.

Elle utilisa un peu de magie et transforma les fleurs en deux bracelets.

- Prends-en un. Comme ça, ce soir, on pourra se parler à distance. Tu sauras si je vais bien, et moi aussi.

-Merci, Emy. Tu avais raison… Je comptais tout faire pour te suivre, mais tu m’as devancé. Merci pour ce cadeau.

Ils mirent les bracelets à leur poignet.

-  Il est temps de retourner au château, dit-il. Promets-moi de revenir vite. Avec ton frère.

-Je te le promets. Je reviendrai aussi vite que possible. C’est comme si c’était déjà fait.

Et, sur ces paroles, ils reprirent la route.