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Sylla
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VIII/ Le Jugement du Cœur-de-Flamme

Après le départ d'Emy, Akira a également pris son chemin vers le Volcan Cœur-de-Flamme. Au bout d'un long moment, il ressentait les effluves de soufre provenant du volcan, ainsi qu'un silence pesant, mêlé à une impression d'ancienneté.

Akira se tenait seul à l'entrée béante du sanctuaire draconique. Derrière lui, leur dernière conversation silencieuse résonnait dans le calme du volcan. Elle n'avait pas besoin d'y être, mais il ressentait son regard et sa confiance aveugle comme une chaleur douce dans son dos.

Il tourna brièvement la tête, et leurs yeux se croisèrent.

— « Si je n’en reviens pas… » murmura-t-il.

— « Alors je viendrai te chercher. »

Un sourire discret effleura les crocs du dragon. Puis il franchit le seuil.

Il savait quelles épreuves l'attendaient.

"Me voici confronté à "La Mémoire Ardente", se dit-il

Le Cœur-de-Flamme s’ouvrit devant lui.

Le sanctuaire s’éveilla aussitôt. Les murs de roche vivaient, pulsant comme un cœur. Le sol se fendit, et des flammes blanches surgirent en cercle autour de lui.

La lumière vacilla… puis tout bascula.

Il se laissa tomber.

Des visages surgirent du feu. Des souvenirs. Des fantômes.

Sa mère, le regard inquiet. Son père, le port altier. Ses frères, morts dans les flammes de la guerre. Et lui, seul, caché sous un rocher, écoutant les cris lointains de son peuple massacré.

— « Tu as fui, Akira. » Dit une voix douce, celle de sa mère, irréelle.

— « Tu as laissé notre nom disparaître. »

Il serra les dents. Tout en lui hurlait de s’enfuir, mais il resta. Il affronta chaque regard, chaque reproche.

— « Je n’ai pas fui. J’ai survécu. Et j’ai protégé, à ma façon. À l'époque, je n'étais qu'un jeune dragon. Je n'ai fait qu'écouter ce que tu m'as dit de faire. »

Il pensa au couple royal de Linskirthe. À Emy. À l’amour discret qu’il avait choisi, plutôt que la vengeance.

Le feu se calma. Les flammes blanches devinrent claires, comme une aurore. Une arche de lumière s’ouvrit devant lui.

Première épreuve réussie, pensa-t-il

Avant de poursuivre, il jeta un dernier regard sur les visages apaisés de sa famille : « Reposez en paix, Emy et moi allons rétablir l'harmonie. » Puis, il se retourna, le cœur lourd, heureux que les liens avec son dragonnier aient été mis en pause lors des épreuves.

Voici la deuxième épreuve, nommée "le Don de feu".

Il entra dans une chambre de lave calme, presque paisible. Au centre, un autel noir pulsait lentement, comme un cœur de pierre vivante.

Une voix résonna, plus ancienne que les roches elles-mêmes.

— « Le feu qui crée demande un prix. Ce que tu forges doit venir de ta chair. Es-tu prêt à brûler pour quelqu’un d’autre ? »

Il n’hésita pas. Il savait qu'Emy luttait de son côté pour réussir ses épreuves et revenir plus forte.

Il s’approcha, posa son poitrail contre l’autel, ferma les yeux… et laissa monter son feu vital. Une essence bleutée, mêlée de noir, s’échappa de lui dans un souffle puissant. Il trembla. Ce n’était pas un simple souffle de flamme — c’était une part de son être, une écaille portant son immortalité.

Le feu s’enflamma aussitôt, vibrant d’un bleu profond, vivant.

Le volcan gronda. Un escalier apparut dans la roche.

C'était ainsi la seconde épreuve. En revanche, l'épreuve suivante, intitulée "L'Ombre Royale", s'annonçait beaucoup plus difficile, se dit-il.

Il gravit lentement les marches brûlantes, jusqu’au dôme supérieur du sanctuaire. Là, une silhouette l’attendait. Massif. Majestueux. Un dragon fait d’ombre et de lumière incandescente.

C’était son ancêtre : l’Empereur-Dragon. Le dernier roi du feu.

— « Tu ne portes ni couronne, ni armée. Tu as vécu dans l’ombre. Tu n’es pas digne de notre sang. »

Akira le fixa, sans peur.

— « Je n’ai pas poursuivi le trône. J’ai choisi la paix. Et aujourd’hui, je crée quelque chose de nouveau. »

Le regard incandescent, figé par des siècles d’attente.

— « Tu crois mériter notre feu ? » gronda-t-il, la voix comme un séisme.

— « Je ne le réclame pas. Je l’incarne. »

Akira ne cria pas. Il chargea.

Le choc fut brutal. Ailes contre ailes. Griffes contre griffes. Une pluie d’étincelles noires jaillit, illuminant l’arène souterraine. L’Ancien frappait comme une montagne en colère. Akira esquivait, rapide, fluide. Il ne pouvait pas gagner par la force brute.

— « Tu as oublié ce que c’est que d’aimer ! » lança Akira, en reculant sous les assauts.

— « Le feu n’a pas besoin d’amour. Il consume. »

Mais Akira, au lieu de frapper, ferma les yeux. Et il pensa à Emy.

Un souffle bleu-noir jailli de sa gorge. Pas de colère. De lien.

Le feu toucha l’Ancien en plein cœur. Il ne brûla pas. Il révéla.

La silhouette du colosse vacilla. Ses yeux perdirent leur dureté. Un silence pesa.

— « Tu choisis… l’attachement ? »

— « Je choisis ce que toi, tu as oublié. »

— « Je ne suis pas toi. Je suis ce que notre lignée aurait pu devenir. »

L’Ancien s’immobilisa, puis s’inclina… et disparut dans une pluie d’étincelles dorées.

Mais Akira resta immobile un instant, le souffle court. Non par fatigue.

Par respect.

"Certes, je ne serai pas comme vous, mais je ferai preuve d'un soutien indéfectible envers mes amis et mon dragonnier," se promit-il. Après avoir terminé la troisième épreuve, Akira décida de se reposer, épuisée par ces durs défis, et s'endormit.

Il se remémorait des moments heureux passés avec sa famille, mais il fut rapidement confronté à la montée en puissance du futur roi Galêo, responsable du massacre de nombreux membres de son peuple ainsi que de sa propre famille. Une colère grandissante s'empara de lui, mais une image réconfortante, celle d'Emy, se dessina sous ses yeux, suivie de silhouettes familières de ses amis. Sa colère s'estompa aussitôt et il revint à lui.

Il émergea de son sommeil.

Alors qu'il s'apprêtait à déterminer sa destination, le sol s'ouvrit sous ses pieds. Le Cœur-de-Flamme dévoila son énigme : une forge ancestrale, façonnée dans la lave même du monde.

Akira s’approcha. Il sentit une nouvelle fatigue en lui, mais aussi une paix étrange.

Dans un souffle unique, lent et maîtrisé, il insuffla tout ce qu’il avait : ses souvenirs, sa solitude, sa loyauté, et l’amour silencieux qu’il portait à Emy.

De la lave naquit une lame. Fine. Bleue comme la nuit. Veinée de noir mouvant. Une énergie vivante parcourait le métal, réagissant à la moindre présence. La lame vibra… et se scinda, révélant une seconde moitié, repliant la garde dans un mécanisme ancien. La lame pouvait prendre la forme d'une épée, et si Emy le souhaitait, elle pouvait se diviser pour se transformer en une arme à double lame.

Fermant les yeux, Akira attendit que le nom de l'arme lui revienne en mémoire, entendant alors un chuchotement de sa mère : "Son nom est Nyflame, ce qui se traduit par "Flamme Nocturne". Elle invoque la grandeur du feu ancien et celle qui t'appelle avec amour. Nous sommes fiers de toi." Quand la voix se tut, il regarda l'épée, un léger sourire aux lèvres, avant de murmurer un merci.

Et dans les cieux rougeoyants de Cœur-de-Flamme, une promesse brûla plus fort que toutes les guerres passées. Deux êtres très différents, mais fondamentalement semblables.

Un peu plus tôt du côté d’Emy

 L’écorce de l’Arbre Mère vibrait doucement sous la paume d’Emyslinaë.

Le vent s’était tu. Le monde retenait son souffle.

Une voix ancienne, plus vaste que le temps, s’éleva du cœur du bois :

-Il avance, lui aussi… dans le silence brûlant de la pierre.

Son feu a trouvé sa forme. Il est prêt.

Emy releva doucement la tête, ses yeux brillant de lumière.

Elle sentit dans sa poitrine une chaleur familière. Une présence.

-Akira ? Il m’appelle ?

Les feuilles frémirent comme en réponse. Puis la voix reprit, plus profonde :

Non, mon enfant. Il ne t’appelle pas…

C’est le feu lui-même qui t’attend. Au sommet du Cœur-de-Flamme, là où les dragons forgent les vérités oubliées.

Un frisson traversa le sol jusqu’aux racines de ses pieds.

Va. Ce que vous êtes ne peut s’unir que là-bas, entre les cendres du passé et la naissance d’une arme faite de votre lien.

C’est l’heure où les flammes reconnaissent l’amour… ou le consument.

Franchis ce portail et rejoins celui qui a lutté afin de te forger ce qui te relie.

- Merci Arbre-Mère, elle passa le portail.

Akira franchit la dernière arche du sanctuaire, titubant presque, les ailes repliées, tenant la lame encore fumante entre ses griffes. Son souffle était court. Chaque pas résonnait d’un poids invisible. Ses écailles, fendues et ternies par les épreuves, portaient les cicatrices de la lave et du passé.

Mais dans ses yeux… brillait une flamme nouvelle.

Emy l’attendait. Immobile, les poings crispés, les yeux pleins d’un espoir fragile. Quand elle le vit, son cœur se brisa et se recolla d’un même battement.

- « C’est elle ? » murmura-t-elle, la voix à peine plus qu’un souffle.

Akira hocha lentement la tête.

- « Nyflame. Elle est née de mon feu… et de tout ce que tu m’as appris à sentir. »

Il tendit la lame. Emy posa ses doigts sur la garde. Un choc d’énergie la traversa — chaud, intime. La lame vibra doucement… puis se déploya dans un bruissement métallique, fluide comme une promesse tenue.

Silence. Sacré. Suspendu.

Puis, dans un souffle rauque :

- « Tu t’es brisé pour moi… » dit Emy. « Pourquoi ? »

Akira releva la tête, sa voix fendue par l’émotion.

- « Parce que je suis né dans un monde de cendres. Un monde où l’on survit… pas où l’on aime. »

Il marqua une pause, le regard incandescent.

- « Mais toi… tu m’as vu. Vraiment vu. Pas comme une arme. Pas comme une relique. Juste comme Akira. »

Les larmes d’Emy roulèrent silencieusement.

- « Tu n’es pas un vestige. Tu es mon feu. Mon serment. Mon choix. »

Elle s’approcha, posa sa main sur sa joue écailleuse. Un contact simple. Humain. Immense.

- « Alors prends ce que je suis. Prends-le. Tu n’as pas à porter tout ça seul. »

Elle ferma les yeux, posa son front contre le sien. Un cercle de lumière douce les entoura — sa magie se lia à lui, l’enveloppant, le réparant. Les flammes bleues d’Emy nourrirent les cendres d’Akira.

Son souffle se fit plus profond. Ses ailes frémirent. Ses écailles reprirent une lueur sombre, mais vibrante. Il se redressa.

Pas brisé.

Renforcé.

Lié.

- « Tu m’as rendu plus fort que je ne l’ai jamais été. »

Elle sourit, essuya ses larmes.

- « Alors rentrons à la maison. »

Ils prirent leur élan ensemble. Akira déploya ses ailes dans un bruissement puissant, encore marquées par la chaleur du sanctuaire, mais désormais portées par un souffle nouveau. Emy s’installa entre ses épaules, ses mains posées contre ses écailles tièdes, Nyflame attachée dans son dos, vibrante comme un second cœur.

Et ensemble, ils s’élevèrent.

Le volcan Cœur-de-Flamme s’éloignait en contrebas, ses entrailles toujours rouges, grondant d’un feu ancien que seul Akira avait su dompter. L’air en altitude était plus froid, mais il ne les mordait pas. Il caressait.

Le ciel, large et infini, s’ouvrit devant eux comme une mer d’azur lavée de guerre. Des nuages filaient en volutes blanches. Le vent hurlait à leurs oreilles, mais Emy entendait autre chose : le silence entre deux battements d’ailes. Le chant discret d’une paix retrouvée.

Elle ferma les yeux un instant.

Sous elle, Akira volait avec une fluidité puissante, chaque battement d’aile vibrant de force retrouvée. Il volait non plus pour fuir ou pour surveiller, mais pour rentrer.

Ils passèrent au-dessus des monts d’Erghel, les crêtes acérées baignées de lumière dorée. Plus loin, la forêt de Mirial étendait ses bras verts sous le soleil couchant, et les rivières scintillaient comme des fils d’argent.

Là-bas, à l’horizon, se dressait Linskirthe. Sa silhouette familière. Ses tours blanches comme l’aube. Ses toits de pierre. Et un peuple qu’Akira avait veillé depuis les ombres… mais qui, cette fois, le verrait arriver par la lumière.

Emy ouvrit les yeux, un sourire doux sur les lèvres, les cheveux balayés par le vent.

-« On rentre, Akira. »

Le dragon ne répondit pas tout de suite. Mais son vol devint plus ample, plus fier.

-« Oui, » murmura-t-il finalement.

-« Et cette fois… ensemble. »

Et tandis que la lumière du soir les baignait de reflets bleu et noir, le dernier dragon royal et sa dragonnier entamaient le dernier segment de leur voyage ,non comme deux survivants, mais comme deux flammes éternelles.

Les premières cloches sonnèrent bien avant que leurs ombres ne se dessinent sur les toits. Une, puis deux, puis toutes les cloches de Linskirthe résonnèrent à l’unisson — un appel solennel, ancien, réservé aux instants historiques.

Sur les remparts, les gardes levèrent la tête. Dans les rues, les habitants cessèrent toute activité, attirés par la rumeur du ciel.

Un rugissement fendit l’air. Majestueux. Inoubliable.

Et alors, il apparut.

Akira.

Le dernier dragon royal, ses ailes immenses déployées, fendant le ciel comme un roi revenu d’un exil sacré. Ses écailles, ternes mais rayonnantes d’une énergie nouvelle, portaient les marques du feu, du combat, de la loyauté.

Sur son dos, droite et fière, Emy, vêtue de cuir marqué par les cendres, portait Nyflame dans son dos — lame bleue et noire, double, silencieuse mais éclatante, comme une réponse aux chants des cloches.

Un frisson parcourut la foule.

Ils descendirent en spirale lente vers l’esplanade centrale, où le couple royal attendait — vieilli, mais droit. Autour d’eux, des centaines de citoyens, soldats, artisans, enfants, tendaient le cou, ébahis. Nul ne parlait. Le silence n'était pas peur, mais respect.

Lorsque Akira toucha terre, il plia lentement ses ailes. La poussière se leva doucement autour de lui.

Et le peuple s’agenouilla.

Pas par crainte. Par fierté.

Emy descendit. Un souffle passa entre elle et Akira — un lien visible pour tous. Il la suivit du regard, avec cette douceur rare qu’on n’offre qu’à une seule âme dans une vie.

Elle s’avança, puis posa genou à terre devant le roi et la reine, tendant Nyflame dans ses mains jointes.

- « La flamme a été domptée. Le lien est scellé. Je vous rends ce que vous avez sauvé… renforcé. »

Le roi, les larmes aux yeux, posa sa main sur la garde de la lame, puis sur l’épaule d’Emy.

- « Ce n’est plus à nous de protéger Akira, » dit-il doucement. « C’est à vous deux de veiller sur nous. Elle est à toi qu'elle veille sur toi Emyslinaë"

Un tonnerre d’applaudissements explosa alors, spontané, vibrant, inarrêtable.

Les cris de joie, les chants, les pleurs — tout se mêla dans une seule clameur : le retour du dragon. Le retour de l’espoir.

Et pendant que le peuple célébrait, Akira leva les yeux vers les cieux qu’il avait si longtemps surveillés dans le silence, puis vers Emy.

-« Cette fois, je suis rentré. Pour de bon. »

Et les flammes du crépuscule dessinèrent autour d’eux une lumière presque éternelle.

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