Chapitre 4 – Entre les lignes
8h15 – Grande Salle
Je triturais distraitement mon croissant, le regard perdu dans les mouvements paresseux des hiboux postaux. Noelia était revenue, l'air coupable, mais pas assez pour avouer quoi que ce soit. Je ne posai pas de question. Pas envie.
Il n'était pas là. Encore.
Ou alors il s'était glissé quelque part, comme une ombre.
Je ne savais même pas pourquoi je le cherchais des yeux.
10h – Serre de Botanique
Je transvasais un terreau étrange dans un pot fendillé, les manches retroussées et les nerfs à vif. L'exercice aurait dû m'apaiser. Il ne faisait que m'agacer davantage. La prof parlait d'une plante rare, le somniflorus, un ingrédient parfait pour la potion que je devais réaliser.
Que NOUS devions réaliser, me rappelai-je amèrement.
Il ne m'avait pas trouvée. Ni hier, ni ce matin. Peut-être que c'était une blague. Un jeu.
Un jeu où je n'avais jamais appris les règles.
12h30 – Couloir du deuxième étage
— Tu l'attends encore ? glissa Noelia à mi-voix, tout en mordant dans une barre au miel.
Je ne répondis pas. Elle savait. Je savais qu'elle savait. Mais j'étais trop fière pour l'admettre.
On tourna à droite. Et là, sans prévenir, il était là.
Appuyé contre un mur, bras croisés, expression insondable.
Je sentis mon estomac se tordre.
— Tu comptes rester plantée là longtemps ? demanda-t-il, sans même m'adresser un regard.
Je clignai des yeux. L'aplomb avec lequel il pouvait balayer toute ma confusion m'agaçait autant qu'il me fascinait.
— Tu ne m'as pas « trouvée » hier, dis-je, les bras croisés à mon tour.
Un rictus. Presque un sourire.
— Je t'ai observée. Tu étais trop tendue. Je préfère travailler avec quelqu'un de concentré.
— Et tu as jugé ça tout seul ?
— Évidemment.
Silence. Les couloirs étaient presque vides maintenant. Son regard finit par se poser sur moi, intense. Glaçant.
Mais cette fois, il y avait autre chose. Un éclat... fragile. Inattendu.
— Viens, dit-il simplement. On a du travail.
Et il tourna les talons.
14h – Salle sur Demande
La pièce s'était ajustée à nos besoins : une longue table, des fioles propres, des grimoires ouverts, et cette odeur familière de parchemin ancien. Il travaillait en silence, précis. Trop précis. Chaque geste était une démonstration de contrôle.
— Tu fais toujours semblant d'être si froid ou c'est naturel ? lâchai-je, en écrasant une racine de valériane.
Il leva les yeux, surpris.
— Ce n'est pas du froid. C'est de la clarté.
Je fronçai les sourcils.
— Ce n'est pas très clair pour moi.
Un silence. Puis, doucement :
— Peut-être que c'est justement pour ça que tu m'intéresses.
Je ne répondis pas. Pas parce que je ne le voulais pas. Mais parce que je n'avais plus aucune idée de ce que je voulais.
— Tu n'es pas comme les autres.
Je cessai de m'agiter. Levai les yeux. Il m'observait enfin, les bras croisés, le regard comme une lame.
— Pardon ?
— Ils me fuient ou m'idéalisent. Toi, tu me cherches.
Je fronçai les sourcils, pas certaine de comprendre s'il me faisait un reproche ou un compliment.
— Peut-être que je devrais arrêter.
— Peut-être. Mais tu ne le feras pas.
Et il retourna à ses fioles.
16h30 – Sortie de la Salle
La potion reposait, légère vapeur bleue flottant au-dessus. Elle n'était pas parfaite, mais elle tiendrait. Il s'approcha du chaudron, huma doucement le contenu.
— Pas mal, murmura-t-il.
— C'est tout ce que j'aurai comme compliment ? fis-je, les bras croisés.
Il m'adressa un regard long, pénétrant.
— Tu n'as pas besoin que je te dise que tu es douée. Tu le sais déjà.
Je restai figée quelques secondes. Pas sûre de comment répondre à ça. Pas sûre de ce que je ressentais, même.
— Demain, même endroit ? demandai-je finalement.
Il hésita. Puis acquiesça.
— Si tu es à l'heure.
Il s'éloigna sans attendre, sa silhouette avalée par les murs mouvants de Poudlard.
Je restai là un moment, incapable de bouger. La pièce s'effaçait peu à peu derrière moi, mais son regard, lui, restait.
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𝐄𝐧𝐜𝐨𝐫𝐞 𝐮𝐧 , 𝐭𝐨𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐬 𝐩𝐚𝐬 𝐝𝐞 𝐯𝐮 𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐣'𝐢𝐧𝐬𝐢𝐬𝐭𝐞🥲