Et voilà, c'est reparti.Une nouvelle fournée vient de débarquer au centre. Si seulement ça pouvait s'arrêter un jour ! En fait, je sais bien que ce n'est pas ce que l'on souhaite, qu'il nous faut sans arrêt de nouvelles compétences pour notre projet Next Step... mais moi ça me gonfle de devoir former ces jeunes prétentieux et arrogants! Ça me demande une énergie pas possible pour que je prenne sur moi. Il faut dire que je ne suis pas dans la meilleure des positions depuis que j'ai remis à sa place Northwood l’an passé.
Seulement, aujourd’hui j’ai le sentiment qu’ils sont encore plus nombreux que les fois d'avant, et franchement, ils m'ont tous l'air plus débiles encore que les précédents! Pourtant ils étaient gratinés lors de la dernière cuvée !
— Je laisse la parole à mon assistant Kane Aldrin, qui va vous expliquer le programme pédagogique.
Le Major me passe la parole et je le rejoins sur la plateforme pour faire face à toutes ces nouvelles têtes.
— Bonjour à tous et bienvenue au centre de formation de la SpaSa. Je suis Kane Aldrin, le chargé de Travaux Dirigés en génie mécanique et assistant du Major Griffith, ici présent. L’équipe enseignante et les chargés de TD qui vous feront cours, seront là pour vous sélectionner. Partout, à chaque instant, dans n’importe quel contexte. Rien de moins.
Allez, hop, on va vite voir quels sont ceux qui tiennent la route, pas de temps à perdre, je rentre dans le vif du sujet.
Ne croyez pas que votre place est garantie ici. Tout peut prendre fin pour vous à tout moment si vous n'êtes pas jugés au niveau de ce que l'on attend.
Là, comme pour chaque discours, je prends mon air de gros dur.
Et ce qu'on attend de vous c'est l'excellence. On sait tous pourquoi on est là, et chaque jour on fait tout pour atteindre notre objectif. On a rien de moins que l'humanité à sauver je vous rappelle.
J'vais les refroidir moi les nouveaux, ça va pas faire un pli.
Je toise l’auditoire d’un œil plissé que je veux impressionnant.
— Comme vous le savez, chaque semestre un jury se réunit pour débattre de vos progrès, et sur les deux-cent que vous êtes aujourd'hui, il n'en restera que vingt à l'issue de la première phase du programme d'entraînement dans deux ans.
Bim... allez, prenez ça, bande de nains.
Autant vous dire que pour la phase deux - qui je le rappelle, consiste en un entraînement encore plus intensif sur la base lunaire - on ne prendra que les meilleurs des meilleurs. On va vous en faire baver soyez en sûrs. Car, au-delà des résultats universitaires impeccables, les tests physiques vont vous épuiser comme jamais. Ça, c'est dit. Alors si vous vous sentez pas d'aller au bout, évitez de nous faire perdre notre temps et abandonnez tout de suite. A ce moment, je place un petit silence en les dévisageant bien avec profondeur. Comme vous le savez, pour ceux qui auront l'immense privilège de rejoindre la base lunaire, il y aura trois autres années de formation dans des conditions extrêmes, car dans l'espace seuls l'expérience, le sang froid et la rigueur ont leur place. Aucune faveur ne sera faite à qui que ce soit, car il en va de votre sécurité et celle de vos collèges. On en a parfois un ou deux qui renoncent en pleurant à ce passage là de mon speech… La navette express est encore là, prête à vous ramener à la gare. C'est le moment que je préfère : quand je vois leurs petites tronches de cake se décomposer.
On pourrait entendre une mouche voler.
— Bon Major, je pense que j'ai fait le tour...
Merde, aucun n'a craqué... fait chier!
— Merci monsieur Aldrin.
Il se retourne vers son auditoire.
— Je vous laisse désormais consulter le tableau d'affichage qui va vous indiquer où vous rendre, et le nom de votre guide pour la journée de visite et d'installation. Merci à tous pour votre attention, et n'hésitez pas à solliciter les enseignants au besoin.
Puis je le vois rejoindre la foule et être alpagué par deux ou trois parents en stress.
Ma collègue Camilla Hernandez fait partie de l'équipe enseignante, et comme moi elle est assistante. Elle travaille avec la professeure de bio-génétique, et tout comme moi, elle ne se laisse pas marcher dessus par qui que ce soit, et ça la rend particulièrement sexy à mes yeux.
— T'as bien fait monter la pression une fois de plus Aldrin, chuchote Cam dans un sourire narquois qui me fout les nerfs.
— Ouais mais pas assez, j'ai pas réussi à faire pleurer le plus faible du troupeau...
— Tu peux pas gagner à tous les coups.
Dommage qu'elle soit lesbienne sinon ....
— Je t'ai déjà dit mille fois de pas mater mon cul comme ça, Aldrin!
— Oh ça va, fais pas ta prude!
Le Major Griffith lance tout à coup un:
— Aldrin, venez là.
Cam me sourit de toutes ses dents.
— Tu as une seconde chance pour enfin en faire craquer un on dirait.
— Et tu peux compter sur moi pour la saisir.
Je m'éloigne de la latina avec un clin d'œil de winner. Ça lui fait lever les yeux au ciel, mais moi je sens que je vais relever le défi que je me suis imposé : j'en veux au moins un de moins dans les effectifs d'ici à ce soir.
— Major ?
Je m'approche du chef, avec mon sourire de connard, ce sourire qui veut dire qu'il ne faut pas me chercher. Il est en train de discuter avec une famille qui semble nous amener son précieux fils sur l'autel du sacrifice. La mère a les yeux rougis, le père transpire à grosses gouttes, et le môme.... oh, lui j'vais me l'faire. Je suis joie! Ça va donner!
— Aldrin, la famille Mc Allister ici présente a quelques questions à vous poser. Le Major me passe le relais, et va saluer d'autres groupes de parents.
Et c'est parti pour le show! Que la fête commence. Toi mon p'tit Kevin tu peux être sûr que tu seras de retour dans ton magnifique appartement sur Park Avenue avant même d'avoir pu voir quoi que ce soit des installations. Car tu vois, moi, mon gars, je suis arrivé là où je suis par la force de ma volonté et mon obstination, et pas parce que "papa" connaît un député". Alors des p'tits arrivistes, moi je les bouffe tout cru ! Ouais, les gars comme toi, j'en fais mon p'tit déj'. Même si je viens moi aussi d'une "lignée" comme ils disent, moi au moins j'ai pas volé ma place. Le p'tit Kevin et ses parents pâlissent à vue d'œil alors que j'énonce la liste des tests et des évaluations qui attendent les nouveaux. La mère de famille va s'effondrer je le sens. Le père finit par mettre un terme – prématuré si vous voulez mon avis – à la torture que je leur inflige en décidant de "rentrer à la maison". BINGO ! J'ai atteint mon objectif, un abruti de newbie en moins. Je jubile!
— Mais tu t'arrêtes jamais hein? me lance Camilla.
Elle me rejoint et voyant mon petit air satisfait, elle suppose à juste titre que Kevinou rentre au bercail.
— Nan, jamais....
— Ben profite bien mon beau, car ça va pas durer.
D'un coup, je me retourne vers elle, mon sourire suffisant s'estompe.
— Pourquoi?
C'est maintenant elle qui me nargue.
— La descendance Armstrong est dans la place....
Oh oui! ça va être le festival ! Je vais m'en faire un deuxième.Mon tableau de chasse serait vachement plus impressionnant si j’arrive à dégager l’héritier Armstrong. Ma mère serait ravie de cet exploit, soit dit entre nous.
— Où?
Mon ton est sec. Qu'elle me montre où se cache le deuxième petit con que je vais dégager illico presto.
— Là-bas.
Elle désigne Griffith qui papote joyeusement avec un homme barbu de grande stature, une femme aux cheveux roux vif, et...