Je ne sais plus qui je suis. Qui suis-je ? Il prend tellement de place en moi que je n'arrive plus à réfléchir par moi-même. Je me sens vide. Je suis paralysée, je ne peux plus bouger. J'aimerai pouvoir bouger et m'enfuir en courant mais je ne peux pas. On pourrait presque avoir l'impression que je dors paisiblement. Ce n'est pas le cas. Il y a un truc qui s'appelle le trouble post-traumatique, ce n'est pas une maladie mais tu peux quand même finir à l'hôpital. C'est la réaction qu'on peut avoir après un gros traumatisme comme une agression sexuelle. Je ne sais plus quelle heure il n’est ni quel jour on est, mais quand je me réveille, je remarque d'abord qu'il fait jour dans la pièce ce qui me pique les yeux. Je suis paniquée et regard autour de moi. Je ne me souviens de rien à part ce qu'il m'a fait. Comment oublier ? Je reconnais les murs de sa chambre, je suis encore allongée dans sa chambre. Je dois partir, j'essaie de partir, mais quand je bouge mes bras, je sens que quelque chose les retient. Mes poignets son accroché par des foulards au lit. C'est une blague ? Soudain, je me remets à pleurer silencieusement. Il n'est pas avec moi dans la pièce néanmoins, je reste sous son emprise. Je n'en peux plus, je n'ai plus de force. J'essaie de tirer sur mes liens mais rien n'y fait, ils sont trop solides. Je me débats avec la couverture ce qui la fait tomber du lit et me découvre entièrement. Je suis nue ? Connard. Je remarque également que la fenêtre est ouverte puisque je ressens un courant d'air. Oui, de l'air. J'ai besoin d'air. Laissez-moi sortir ! Je réfléchi cinq minutes avant de comprendre que la seule solution qu'il me reste c'est de crier. Avec un peu de chance, Les voisins m'entendront.
- AU SECOURS ! A L'AIDE ! AIDEZ-MOI ! Je crie sans me soucier du reste du monde.
Cinq minutes plus tard, j'ai mal à ma gorge et je comprends que j'aurais peut-être dû réfléchir un peu plus. Je commence à chercher mon téléphone sans le trouver. Il n’est pas totalement con.
- Amelia ?
- Ouiiii ! Je suis là, aidez-moi.
Je ne sais pas qui c'est mais ce n'est pas Léo. Cette joie m'envahie et je me remets à pleurer.
- Bouge pas, j'arrive. Il dit comme si j'allais m'échapper.
Gavin ? Je l'entends foncer dans la porte et grogner à cause de la douleur. Il a fermé la porte à clé ? Mais il a cru que j'étais Batman ou quoi ? Après de nombreux grognement, je vois enfin la porte s'ouvrir. Evidemment, Je pleure. Je crois que je vais être déshydratée pendant deux semaines. Il se jette sur moi et tire sur mes liens.
- Merde, attends je vais chercher des ciseaux. Il dit après avoir vu qu'ils étaient bien attachés.
Quand il revient avec ses ciseaux, je suis au bord du gouffre. Je ne tiens plus, j'ai besoin d'air. Je crois que je fais une crise d'angoisses. Gavin me coupe les foulards avec délicatesse et me libère. Je me redresse et cours aux toilettes pour vomir. Gavin se tiens derrière moi et m'attrape les cheveux pour ne pas les salir.
- C'est bon, je suis là. Tout va bien se passer.
Je reste assise par terre en larme et il s'assoit à côté de moi. Il me prend dans ses bras et me calme jusqu'à ce que mes pleurs cessent. Son épaule est trempée cependant, il ne bouge pas et patiente calmement.
- Comment tu as su que j'étais là ? Je lui demande en le regardant tristement.
- Je t'avais prévenue que c'était un connard.
- Tu m'as surveillée ?
Il me répond par un hochement de la tête délicat. Il m'aide à me redresser et m'accompagne jusqu'à la chambre où il récupère mes vêtements au sol et me les tend.
- Habille-toi, je t'attends en bas.
Il est sur le point de partir quand je recommence à paniquer.
- Gavin.
- Oui.
- Est-ce que tu peux rester derrière la porte et tenir la poignée, s'il te plait ?
Il me regarde l'air confus parce qu'il ne comprend pas ma demande.
- Comma ça je suis sûr de ne pas être toute seule.
Il acquiesce et quitte la pièce en fermant la porte derrière lui. Quelques secondes plus tard, je voie la poignée de la porte s'abaisser et rester en bas. Je me sens immédiatement soulagée. Je m'habille lentement, mon corps encore tremblant.
- C'est bon. Je l'informe à travers la pièce.
Il entre et me tend sa main. J'hésite un instant, avant de l'attraper et de le suivre. Maintenant que je suis sortie de cette galère de ne sais pas trop quoi faire de ma vie. J'ai envie de lui poser plein de questions, mais je crois que je préfère attendre un peu avant de rendre toute cette situation très concrète. On descend les escaliers tranquillement, quand on entend la porte d'entrée s'ouvrir.
- Remonte et appelle la police, je m'occupe de lui. Gavin me chuchote doucement pour pas qu'on l'entende.
J'ai envie de rester en sécurité avec lui, mais je vois à son regard qu'il ne vaut mieux pas chipoter sur sa consigne. Je remonte les escaliers silencieusement et m'enferme dans la chambre. Je commence à taper le numéro de la police sur mon téléphone, cependant le stress me fait m'y reprendre à trois fois avant de pouvoir réellement appeler. Je ne sais pas ce qui se passe en bas, mais j'essaie de ne pas m'en préoccuper et de me concentrer sur ma mission. Plus vite la police sera là, plus vite je serai libre. Et dire que je lui faisais confiance. J'ai commis une erreur et je m'en veux à mort. C'était mon destin, mon destin était au courant et ne m'a pas prévenue. Pour une fois que j'avais toute confiance et aucune vision du malheur qui pouvait m'arriver, je me fais avoir comme une gamine. J'aurais dû réfléchir, attendre avant de me lancer dans la gueule du loup. Je me réjouis tout de même de ne pas avoir accepter sa demande en mariage.
- La police, j'écoute.
- Bonjour monsieur, je vous appelle parce que... Parce qu'il y a un intrus chez moi, enfin non ce n'est pas chez moi, c'est chez lui, mais j'allais en sortir quand il est rentré et j'ai paniqué. Je ne suis pas seul, Gavin est venu me sauver quand j'étais attachée dans le lit et que je faisais une crise d'angoisse parce que je ne pouvais plus bouger, et j'ai crié, je vous promets que j'ai crié, j'ai dit que je ne voulais pas et il a continué et je crois qu'ils vont finir par se battre et j...
- Madame, calmez-vous, s'il vous plait.
- Je n'ai vraiment pas envie de les voir se battre, en plus mon corps tremble tellement que je ne pourrais rien faire pour les arrêter. Je continue sans appliquer le conseil du policier.
- Madame ?
- Oui.
- Tout va bien se passer, mais j'ai besoin que m'expliquiez calmement ce qui se passe.
- Je crois que je suis faite violée et un mec est venu m'aidée mais on ne savait pas qu'il allait rentrer chez lui, on ne savait même pas qu'il était parti. Et maintenant, il est là, et je ne sais pas comment me sortir de là. J'arrive plus à respirer et j'ai besoin d'air. Je continue sans m'arrêter pour respirer.
- Ok, est-ce que vous pouvez me dire où vous êtes, s'il vous plait.
Je lui donne l'adresse de Léo et il me confirme que des policiers arrivent pour m'aider. J'essaie de respirer et de reprendre mon calme, mais j'ai un peu de mal. Je ne pensais pas du tout que j'allais parler autant, je pensais que j'aurais su gérer, mais au moment où j'ai entendu la voix du policier, je me suis sentie en sécurité et en danger à la fois. Je n’ai pas super bien géré. Je ne sais même pas si Léo est encore là quand la police arrive, mais je me sens immédiatement rassurée. Je ne bouge pas de la chambre et attends qu'on vienne me chercher.
- Amelia.
...
- Amelia.
...
- Amelia.
Merde. Je réalise qui m'appelle et je panique littéralement. Ils ne l'ont pas arrêté. Où est Gavin ? Et la police ? Qu'est-ce que je suis sensé faire, maintenant ? Réfléchi, Amelia, réfléchi !
- Amelia, je sais que tu es là. Ne te cache pas, je ne vais pas te manger.
...
- N'oublie pas ta promesse, Amelia.
Quand je vois le poignet de la porte bouger, je me crispe. Je n'ai pas de temps à perdre, alors sans vraiment réfléchir, je me cache sous le lit. Mais qu'est-ce que je fou, sérieux ? Ne me mettez pas dans une situation à hauts risques parce que je gère très mal le stress. Je vois difficilement la porte s'ouvrir et des baskets blanches apparaitre. Je vais mourir ? Et dire que j'ai embrassé mon propre meurtrier. Je me dégoute. J'aurais dû me méfier davantage sous les conseils de Gavin, mais comment j'aurais pu savoir que c'était lui le gentil ? Je suis entourée de très bons acteurs, visiblement. Je sens une grosse pression sur mes chevilles avant de me faire tirer et de glisser sur le sol. Comme à mon habitude, je crie.
- Alors comme ça, je t'effraie ?
- Tu n'étais pas aussi silencieuse, la nuit dernière. Il renchérit en observant mon silence.
Evanouie-toi ! Evanouie-toi ! Evanouie-toi !
- Que vais-je bien pouvoir faire de toi ?
Tue-moi. Noie-moi. Egorge-moi. Peut-être qu'avec la douleur, je n'aurais plus peur.
- Même pas une petite idée ? Ne t'inquiète pas, j'en ai plusieurs concoctées rien que pour toi. Tu ne pourras pas t'échapper cette fois.
Et je le crois. Je ne vois pas comment je pourrais m'échapper de ce pétrin sans avoir peur et me faire mal. Je peux le dire, maintenant. Je dois le dire, maintenant : Au revoir.
BOUM ! Crie.
Je. Suis. En. Vie ? Ce n'est pas moi qui ai crié. Je n'ai rien sentie et je me sens vivante. Je regarde à mes pieds et ne vois rien. Rien. Du. Tout. Je suis traumatisée à vie là je crois. Je me redresse silencieusement, et marche vers la sortie en me préparant à ce que je pourrais y trouver. Rien. Du. Tout. Je me rapproche très délicatement du haut des escaliers et vois trois hommes étalés au bout des marches. Ils sont morts ? Le policier se redresse le premier et regarde autour de lui. Je reconnais Gavin qui est aplatit sous Léo, et observe le policier qui se précipite pour lui menotter les poignets. C'est bon. Je suis libre. Je me sens tellement soulagée, et à la fois, je me sens à l'affut de tout le monde. J'ai déjà été soulagée une fois, je peux être déçue une seconde fois. Le policier aide Léo pour se relever et dégager Gavin de sa masse. Gavin lit à travers mes yeux et attends que nous soyons seuls, avant de monter les escaliers et de me rejoindre.
- Tu vas bien ?
Je le fixe dans les yeux un instant, puis baisse les yeux et murmure un fin oui. Il a l'air rassuré cependant, il m'attrape délicatement le menton et m'oblige à le regarder encore.
- Je suis désolé. Il me dit dans une voix sincère.
- Merci.
On sort de cette maudite maison, quoiqu'elle n’ait rien demandé, et on va parler avec la police.
- Bon, on a appris qu'il avait déjà un passif dans ce genre d'action discriminatoires, il va donc nous falloir une plainte de votre part pour entamer un procès.
Un passif ?
- On ira la déposer dès demain. Répond Gavin sans me laisser le temps de réfléchir.
J'ai besoin de parler avec lui, de savoir ce qu'il s'est passé l'année dernière et pourquoi il m'a surveillée. J'ai besoin de comprendre ce qui m'est réellement arrivé. J'ai besoin de tellement de chose pour être ok avec la situation que j'en oublie parfois l'essentiel. La vérité. Je regarde fixement le policier s'éloigner, tellement fixement que Gavin est obligé de me secouer pour me sortir de mes pensées.
- On rentre ? Il me demande pour passer à autre chose.
- Tu veux bien discuter autour d'un verre avec moi ?
- O-Oui, si tu veux. Il me répond hésitant.
On se dirige vers chez lui parce qu'il a insisté sur le fait que ce serait " plus sûr ". Je ne pense pas être une petite chose fragile et je peux encore me permettre d'aller boire un verre dans un bar. C'est vrai que ce n'est pas l'endroit le plus sûr, mais je ne vais pas arrêter de vivre parce que je m.… je préfère continuer ma vie normalement. Je m'installe sur un tabouret en face de son bar pendant qu'il me sert une bière. J'aurais aimé quelque chose de plus fort.
- Alors, pourquoi tu voulais qu'on discute ? Il me demande impatient.
- Est-ce que tu peux me raconter ce qui s'est passé l'année dernière ?
- Ce n'est pas très important, on doit se concentrer sur toi.
Je ne veux pas le braquer et le faire fuir, alors j'attends patiemment et peut-être qu'un jour il me racontera. Je suis sûr qu'il ment et que c'est exactement la raison pour laquelle Léo a vrillé la nuit dernière. Je pose mes yeux sur le ciel qui transperce la baie vitrée de sa cuisine, et me perds dans les profondeurs des nuages. Le paysage est si beau, ici, je ne m'en lasserai jamais.
- Tu te sens comment ?
- Je ne sais pas trop.
- Tu sais, il y des personnes spécialisées pour ce genre de situation avec qui tu pourrais discuter.
- Je me sens bien, ce n'est pas la peine de payer quelqu'un pour me dire que je vais bien.
- Je ne suis pas sûr que tu aille vraiment bien. C'est dur de se remettre d'une telle épreuve, tu as le droit d'aller mal, de te sentir seule ou incomprise.
Je réfléchie quelques secondes, je pense qu'il ne me dit pas ça pour m'énerver mais plutôt pour être gentil.
- Je vais y réfléchir.
Il fouille dans la poche de son jean et me tends une carte avec un numéro. Je la prends en pensant la jeter en rentrant chez moi. Parler de ma vie à une inconnue, je ne suis pas sûr de savoir le faire.
- Ne t'inquiète pas, ce n'est pas si compliqué. Il me dit comme s’il lisait dans mes pensées.
- C'est une femme ?
- Oui, mais il y a aussi un homme. Tu peux choisir.
- Je crois que je me sentirais plus à l'aise si c'était une femme.
- Très bien.
Je ne le pensais pas aussi doux et délicat, mais j'ai l'impression que mon histoire le touche et qu'il devient calme et serein quand on en discute. On discute encore un peu de ma situation et de la plainte que je dois aller déposer demain.
- Tu pourras venir avec moi, je ne sais pas trop ce que je dois leur dire et tu as l'air de savoir y faire avec la police.
- Bien sûr, si c'est ce que tu veux, je serais présent.
- Merci.
Je me sens bizarrement en sécurité en sa présence. Sa voix est douce et reposante. Je ne la voix plus comme l'irrespectueux que j'ai rencontré pendant ma soirée d'anniversaire. C'est bizarre mais j'ai l'impression qu'on se connait depuis bien plus longtemps. Je rentre chez moi apaisée mais tout de même un peu stressée pour le lendemain. Parler devant la police ne va pas être simple, je vais devoir assumée ce qui m'est arrivée, et je ne suis pas certaine d'en être capable. D'où viens-je ? Où vais-je ? Je ne peux connaitre que la construction de mon futur, pas l'entièreté de ce qu'il contient. Le futur n'est fait que d'une part du passé, l'autre part est constituée d'inconnu et de curiosité. J'ai toujours été capable d'affronter mon futur et d'assumer mon passé. Je ne suis pas une menteuse et je n'ai rien à cacher à personne. Est-ce que pour autant tout le monde devrait être au courant de mes secrets ? Est-ce que je ne pourrais pas garder une légère vie privée ? Je tiens à constamment me mettre à la place des autres pour mieux les comprendre, je me concentre et m'imagine dans leur situation. La plupart du temps je pleure, c'est cette partie de moi qui fait mon hypersensibilité. Est-ce que les gens ne pourraient pas avoir un minimum de sensibilité pour moi et essayer de me comprendre ? Pas de m'aimer ! seulement de me comprendre. Moi. La personne que je suis, le caractère que j'ai, la réflexion qui me construit. Moi.