Pourquoi le ciel est-il bleu ? Pourquoi respire-t-on ? Qui a créé la parole et le langage ? Pourquoi cinq et pas six ?
Ce sont toutes les questions que je me pose avant de dormir. C'est un tiers du quart des questions dont la réponse reste suspendue devant moi, sans que je ne puisse jamais l'atteindre. J'ai eu une dure journée et je pensais pouvoir me reposer, mais apparemment quelqu'un en a décidé autrement. Il m'est clairement impossible de dormir avec cette petite voix qui parle en boucle dans ma tête. Je me lève donc pour prendre un café qui ne va rien arranger, et m'installe sur le canapé pour lire mon livre. Je fais le moins de bruit possible pour ne pas réveiller mes meilleurs amis. On s'est organisé pour faire une coloc à l'âge de nos dix-sept ans, on avait chacun nos problèmes et une solution commune : la coloc. Ça nous a permis de rester très proches les uns des autres et de nous faciliter la vie. Je suis très heureuse de cette petite maison. On n'avait pas encore tout l'argent qu'on a aujourd'hui, et on ne savait pas vraiment comment gérer notre situation, entre les études, les familles et la santé, c'était assez compliqué. Mais maintenant que je peux me débrouiller seule, je commence de plus en plus à penser aux rêves que j'ai envie de réaliser et l'avenir qui m'attend dans ma carrière. Je n'ai pas envie de les abandonner parce que si je suis là aujourd'hui, c'est clairement grâce à eux, mais je dois également essayer de vivre ma vie. Je sais qu'ils ne m'en voudront pas, mais ma culpabilité l'emporte sur la sureté. Le problème c'est que pour le moment, je suis bloquée avec ces questions qui me hantent chaque nuit, chaque jour, chaque seconde, et je ne sais pas trop quoi en faire. Je n'ai osé en parler qu'à Alex qui m'a tout de suite assuré qu'il ne m'en voudrait pas et qu'il me soutiendrait. Gabrielle, Khaled et Célia ne sont pas encore au courant, mais je compte bien leur annoncer dès que je serai sûr de mon choix. Et puis, j'ai un peu peur d'emménager dans ma maison et de me retrouver toute seule, pas que la solitude me dérange, parce que c'est loin d'être le cas, mais j'ai toujours vécu accompagnée, en particulier avec eux. C'est après avoir lu toute la nuit que je monte rejoindre ma chambre à huit heures, pour me préparer à aller faire des courses, car je fête mes dix-huit ans, ce soir, et je n'ai rien préparé. C'est mes dix-huit ans quand même ! Je suis majeure et je vais pouvoir voter. Je suis trop heureuse pour ne pas fêter ça. Je croise rapidement mes colocataires avant qu'ils ne partent à leurs cours particuliers, leurs activités extra-scolaires ou chez leur copine. Je suis contente de pouvoir préparer ma soirée comme je le souhaite sans personne pour me contredire.
Alex voulait m'emmener faire un voyage en Laponie pendant quatre jours, mais je lui ai dit qu'une grosse soirée alcoolisée suffirait. Il veut toujours bien faire les choses et me rendre heureuse, mais quelquefois, j'ai juste envie de passer du temps avec lui et les autres, sans forcément faire une activité exceptionnelle.
Mon meilleur ami est riche grâce à l'héritage de ses grands-parents et au très bon boulot de son père. Quant à moi, je suis riche depuis deux ans, grâce à mon propre travail et je sais que certaines personnes ont du mal à l'accepter. " Si jeune, et déjà si talentueuse. " C'est le genre de phrase qu'aiment diffuser les journalistes sur les réseaux sociaux. Quelquefois, j'ai envie de leur dire que je n'ai pas besoin de leurs publicités pour être aimer, j'ai juste besoin d'être moi-même. Et puis, quel est le rapport entre la jeunesse et le talent ? Si j'avais réellement du talent, je ne me serais pas donnée autant de mal pour en arriver là où je suis aujourd'hui, et je serais devenue célèbre il y a bien longtemps. J'ai souvent l'impression qu'ils oublient ou dénigrent tout le travail que j'ai fourni pour réussir ma vie, et tout ce que je continue d'améliorer pour la poursuivre. Je crains qu'Alex oublie qu'on s'en fou de ce qu'ils pensent parce que, nous, on sait pourquoi et comment on a réussi le début de notre vie.
Le magasin le plus proche de chez moi n'est pas ouvert à cette heure. C'est la raison pour laquelle je roule pendant trente minutes pour arriver dans un endroit immense. Pour être sincère, il est possible que je me sois perdue trois fois dans le parking souterrain avant de pouvoir me retrouver dans le bon rayon. J'ai trouvé plein de choses festives et je pense déjà au calvaire que je vais endurer pour nettoyer tous les confettis, demain.
Une fois rentrée chez moi, je commence à installer toutes les décorations, l'enceinte, la playlist et les multiples activités du genre " beer pong ".
Vous trouvez ça bizarre, que je prépare ma propre soirée d'anniversaire ? Aussi tôt dans la matinée ?
Mes parents n'auraient jamais eu l'idée d'une fête et leurs cadeaux m'auraient certainement déçue. Et mes amis seront tous présents ce soir, mais ils sont trop occupés pour me faire une surprise. Je ne veux pas leur faire perdre leur temps pour me faire plaisir. C'est ma fête, c'est moi qui organise ! En bref, je préfère me dire qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même.
J'ai presque fini de préparer le buffet, un coté bouffe et un coté boisson, lorsque j'entends la chanson " locked out of heaven " de Bruno Mars, retentir. C'est la sonnerie de mon téléphone qui me fait immédiatement danser. Je regarde et vois que ma mère essaye de m'appeler, ce qui m'étonne car elle ne le fait jamais, encore moins un samedi. Je suis en froid avec mes parents depuis l'année de mes quatorze ans, lorsque ma mère a trompé mon père. L'année suivante, je les ai regardés se remarier, pour dire à quel point ils s'aiment. Ils m'ont clairement viré de la maison quand ils ont appris ce que je voulais faire comme métier et où je voulais habiter. Ils ne se sont jamais vraiment intéressés à mon futur mais, être actrice, c'était comme les humilier et détruire leur réputation. Maintenant, ils m'appellent un fois par an. Enfin, s'ils ne sont pas trop occupés. Lorsque je décroche, même pas de bonjour, salut, quoique ce soit, elle va droit au but et ça m'arrange.
- je suis à los Angeles et il faut qu'on discute toutes les deux. Ça te dérange si je passe dîner chez toi ce soir ?
Je ne suis même pas étonnée qu'elle soit si direct et encore moins qu'elle ait oublié mon anniversaire. En revanche, moi je suis au courant que c'est aujourd'hui, et je compte bien faire la fête sans me prendre la tête avec leurs histoires.
- Je suis occupée, ce soir.
Son silence me fait comprendre qu'elle ne possède aucun argument.
- Tu es peut-être libre dans la semaine ?
- On verra, je dis en lui raccrochant au nez. Ça lui apprendra !
Je me demande tout de même ce qu'elle fait à Los Angeles et ce qu'elle a de si important à me dire. J'ai enfin fini de décorer toute la maison, de faire une sieste d'une heure et même de me maquiller quand j'entends la porte s'ouvrir.
- Comment va mon tout petit bébé d'amour ?
Je reconnais immédiatement la voix d'Alex. Il a les clés de chez moi et en profite pour constamment venir avec trente minutes d'avance à mes soirées. Certaines fois, il vient simplement pour arroser les plantes ou m'embêter.
- Tout petit ? Tu te fou de moi ?
- Ouais, un peu. Et puis, plus c'est petit, plus c'est mignon, non ?
- Si tu le dis. Sinon, ça va ? T'es prêt pour la fête ?
- Je suis toujours prêt pour une soirée avec toi et de l'alcool. Tiens ! Je préfère t'offrir ton cadeau en avance, sans personne pour le voir. C'est pour souhaiter un joyeux anniversaire à la plus jeune des majeurs.
- Merci.
Je l'ouvre en faisant attention à ne pas trop arracher le papier, et découvre une robe de soirée, bien, bien sexy. Sans parler du décolleter.
- J'ai le pressentiment que ce soir, tu vas trouver l'amour. Alors pour l'occasion, je préfère mettre toutes tes chances de ton côté, il précise sûr de lui.
- c'est gentil. D'ailleurs, j'ai parlé à un gars la semaine dernière, et je crois bien qu'il sera là ce soir.
- QUOI ? Je suis sous le choc ! Il est beau ? Il est drôle ? Il s'appelle comment ? T'as intérêt à me le présenter.
- Si tu ne lui raconte pas n'importe quoi, on verra, je réponds en ignorant ses premières questions.
J'appuie sur le bouton de l'enceinte et lance la première chanson de la playlist, lorsque les invités commencent à arriver.
- JOYEUX ANNIVERSAIRE !!! Ils hurlent tous en même temps dans mes oreilles.
La joie que je ressens à ce moment précis est immense. L'ambiance est géniale. On se rejoins tous dans le grand salon pour danser sur la chanson " Lola " de hoshi et Superbus, pendant que d'autres restent discuter, un verre à la main, dans la cuisine. Je passe, sans aucun doute, la meilleure soirée de ma vie.
- Tiens, ma chérie. Celui-là est pour toi, me dit Gabrielle en me tendant un verre. Je ne préfère pas vous dire ce qu'on boit, mais c'est du lourd.
- Amelia, Amelia, Amelia. il y a le gars que tu m'as présenté la dernière fois, léonard ? Léon ? jean-Léon ? purée, je sais plus, s'énerve Célia. Il m'a demandé où tu étais.
- Alors, comme ça, tu nous cache des choses ? c'est qui le chanceux ? me demande Khaled en me prenant dans ses bras pour danser.
- Mais, je ne vous l'ai pas dit parce que ce n'est rien du tout. Il s'appelle Léo et je lui ai dit deux mots, avant que cette demoiselle vienne nous interrompre, la semaine dernière, je dis en indiquant Célia du menton.
- Vas voir la tête qu'il a, et redit moi, droit dans les yeux, que ce n'est rien du tout.
- Bon vas-y, il est où ? je demande face à leur sourire satisfait.
Avec mon métier, j'ai beaucoup de connaissances. En revanche les vrais amis se font rare et Célia, Khaled, Alex et Gabrielle, en plus d'être ceux en qui j'ai le plus confiance, sont les seuls que je considère réellement en tant que telle. Célia m'indique que Léo est à l'entrée, près de ma fontaine murale. Je le rejoins en espérant que mon groupe de confiance ne se fout pas trop de moi. il est élégamment habillé avec un pantalon noir et une chemise blanche. Cette tenue lui donne un air sérieux et sur de lui. Je ne sais pas trop quoi lui dire mais, je crois que j'ai un peu de chance, car il prend vite les devant en me voyant.
- Je suis très heureux de pouvoir souhaiter, en personne, un joyeux anniversaire à la plus célèbre philosophe que je connaisse.
- Célèbre philosophe je ne sais pas, mais c'est gentil. Merci.
- Humble en plus d'être belle. Mais mademoiselle, avez-vous ne serait-ce qu'un défaut ?
- Trop de compliments pour moi. Je retourne me bourrer la gueule.
- Vulgaire, donc. Autre chose ? Il me demande en souriant, fier de lui.
- veux-tu, oui ou non, venir avec moi ?
- attentionnée ? j'accepte.
on se dirige vers la cuisine, main dans la main, quand j'entends que le son de la musique diminué. Je me retourne en pensant qu'une personne, qui a un peu trop bu, est passée trop près de l'enceinte et l'a éteinte au passage. C'est une surprise quand je remarque un homme avec une figure imposante dans l'entrée. Je l'ai déjà vu mais on ne s'est jamais parlé. A ce qu'on dit, ce n'est pas un mec sympa. Il a deux ans de plus que moi et n'est plus au lycée, mais ça ne l'empêche pas de continuer de trainer dans les parages. Il a dû voir de la lumière et entendre la musique, il a du prendre ça pour une invitation.
- Alors, comme ça, on fait des fêtes sans moi ?
Je confirme. C'est un connard. Mais un connard canon. Qu'est-ce que je viens de dire ?
- C'est mon anniversaire et, par ailleurs, ma soirée, je dis en m'approchant de lui.
- Je peux venir à ta fête ? Il me demande en chuchotant à mon oreille.
Il continue son chemin sans attendre ma réponse. Est-ce que c'était réellement une question ? Il s'arrête devant Léo et l'observe. J'ai comme l'impression qu'ils se connaissent et que je ne suis pas au courant.
- C'est avec lui que tu fête ton anniversaire ? Très mauvais choix.
Cette question confirme mes doutes. Ils se connaissent.
- C'est ma soirée et on ne se connait pas, alors, ton avis, t'es gentil mais tu te le gardes.
Il m'ignore clairement et va se servir un verre comme si je l'y avais autorisé. Léo m'explique rapidement comment ils se sont rencontrés et pourquoi ils ne s'aiment pas. Ils se sont disputés l'année dernière et l'irrespectueux ne s'en est toujours pas remis. Au passage, j'apprends aussi qu'il s'appelle Gavin. Intéressant.
- Pourquoi vous vous êtes disputés ? j'ose demander.
- Le passé c'est le passé. Tu viens danser ?
- Galant ? j'accepte.
Je n'insiste pas sur le sujet et lui prouve que je lui fais confiance. On oublie se qui vient de se passer et part danser tous les deux. Je crois que je l'apprécie vraiment bien. Mes meilleurs amis avaient raison, il est plutôt beau gosse. Sous la demande d'Alex, on se réunit tous au salon. Je me retrouve face à mes quatre meilleurs amis et je me pose des questions sur la tournure que va prendre la fin de soirée.
- Amelia, tu es et tu restera le grand pilier de notre amitié.
Je les regarde en souriant comprenant ce qu'ils sont en train de faire.
- On t'a rencontré si jeune et si seule, on t'a vu évoluer, grandir sans famille, et respirer. Tu es tout ce dont nous avons besoin et tu n'es pas prête de nous voir partir. On veut te voir briller et réaliser tes rêves. Et pour t'aider, on a quelque chose pour toi.
Je m'attends à tout avec eux. Je pleure déjà, mais je sens que ce n'est pas encore finit.
Il me tend une feuille dans les mains que je regarde avec attention. Il m'offre un feuille ?
- Lit ce qu'il y a écrit dessus, me dit Célia en se marrant.
Je lit tout jusqu'à la fin avant de vraiment comprendre.
- Non ?
- Sii !
Et voila, mes larmes coulent encore plus.
- Alex nous a parlé de ton projet de maison et du terrain magnifique que tu as visité, alors on a fait une offre et elle a été acceptée.
Je vais avoir ma maison ! Ils ne m'en veulent même pas de les quitter. Je les aime trop.
- Mercii, je vous aime trop ! Je leur dit en sautant dans leur bras.
Je récupère le bras de Léo et le dirige vers la piste de danse. On passe dans le couloir principal qui mène aux escaliers, quand je sens une pression sur mon poignet. Tout se passe si vite que je n'ai même pas le temps de respirer. Deux secondes plus tard, je me retrouve enfermée dans les toilettes avec un mec. Je reconnais presque immédiatement la tête de gros connard. Je suis tellement surprise et flippée à la fois, que je ne réfléchis plus et lui balance une claque. J'ai de la chance qu'il ne me la renvoie pas. Il tourne la tête sur le coup mais garde la face pour ne pas montrer qu'il a eu mal. Un mec.
- Non mais ça ne va pas ! J'ai failli avoir un arrêt cardiaque ! Je crie, énervée.
- D'où la baffe, je comprends. Tu vas t'en remettre, t'inquiète, il dit en souriant.
- t'en veux une autre ?
Il se rapproche de moi et pose ses mains sur le mur, encadrant ma tête, ce qui m'empêche de partir. J'aurais dû m'en douter. Il me regarde droit dans les yeux. Ses yeux bleus perçants s'accordent parfaitement avec sa longueur de cheveux bruns. Déstabilisée, je détourne le regard et baisse la tête. C'est à ce moment que je remarque qu'il n'était vraiment pas au courant pour la fête, car sa tenue n'est pas du tout appropriée. Il porte un baggy noir et un t-shirt noir qui moule à la perfection chacun de ses muscles. Il porte des bagues à ses mains qui, je ne peux pas le contredire, sont magnifiques et une chaine à son cou. Je suis prête à parier qu'il est venu en moto. Le tatouage de casque de motard au centre de son bras gauche me le confirme.
- Je t'en prie, je ne voudrais pas te priver, il chuchote à mon oreille avec un sous-entendu plus qu'explicite.
- Pourquoi tu m'as enfermée dans les toilettes ?
- T'aimes pas la proximité ?
- Je suis claustro .
- Il faut que t'arrêtes de trainer avec le fouteur de merde.
- Je te suis plus, là. Tu parles de Léo ou de toi ?
- Je suis sérieux. Si tu penses que je suis un connard, tu vas vite découvrir que lui, c'est le pire de tous.
- Et on peut savoir ce qui te fait penser ça ?
- C'est un conseil mais, comme t'as dit, on ne se connait pas, alors fait comme tu veux.
Il se retourne et ouvre la porte coulissante pour sortir. Je vois qu'il s'arrête parce que quelqu'un bloque son chemin. Malheureusement, il est trop grand et m'empêche de voir qui c'est. Ils se regardent jusqu'au moment où l'irrespectueux change d'avis et se retourne. Il s'élance vers moi et, sans me laisser le temps de le repousser, pose ses lèvres sur les miennes. Il m'embrasse passionnément et s'écarte. Pourquoi m'a-t-il embrassée ?
- Bonne chance, il dit avant de donner un coup d'épaule à la personne qu'il le bloque et de partir.
Je sais que ses derniers mots m'étaient adressés, et qu'ils vont tourner en boucle dans ma tête toute la nuit. Quel effet a l'alcool sur mon cerveau pour l'empêcher de réfléchir comme ça ? Mon instinct de philosophe me souffle de réfléchir sur la fonctionnalité des soirées. Les fêtes sont-elles indispensables à notre bien-être ou sont-elles simplement utiles pour pimenter et rendre notre vie plus attractive ?