Je lui ai répondu, je lui ai envoyé un message. Elle l'a lu, elle ne m'a pas répondu. Pourquoi envoyé des messages si ce n'est pas pour y répondre. J'ai besoin de lui parler, et elle aussi visiblement. C'est le jour de notre dispute aujourd'hui. On se connait depuis moins d'un mois, et je dois déjà la faire souffrir. J'ai réfléchi toute la nuit à une solution et je n'en ai trouvé aucune. Je m'en veux. Comment peut-on croire en la vie quand certains sont beaux, grands et talentueux, alors que tu n'es que petit, discret et destructeur ? Je n'ai pas envie de lui parler, mais il le faut. Gavin est un gros con, il n'y a pas de doutes. J'ai fait une pauvre erreur l'année dernière et il m'en veut encore. Il serait temps qu'il passe à autre chose, non ?
Apparemment, Amelia s'est réveillée de meilleure humeur que la veille puisque je reçois enfin sa réponse. Elle était peut-être juste occupée. Panique pas, Léo. Panique pas.
Léo :
Bien sûr. Tu es libre demain, après les cours ?
Amelia :
Je finis à dix-huit heures. On dîne ensemble, si tu veux.
Léo :
Ça me va.
Je suis content de passer des moments simples comme celui de ce soir avec elle, même si je sais que ça va mal finir. Je pourrai peut-être attendre un peu avant de lui dire. Non, Gavin le fera à ma place sinon, et il en est hors de questions. C'est mon erreur, j'assume. Je passe ma journée de cours à réfléchir à comment je pourrai lui dire que je suis un vrai connard, mais que je m'en veux énormément. J'ai peur qu'elle ne comprenne pas et vu qu'on ne se connait pas depuis longtemps, elle ne sera pas assez attachée à moi pour avoir envie de rester. Toujours apprendre de ses erreurs. Je réfléchie tellement que je suis incapable de répondre à ma prof de math. Je n'ai pas l'habitude de rêver en classe. J'ai besoin d'une pause. J'ai besoin de b... briser quelque chose. Je sors de cours à seize heures et suis mon intuition. Ma super idée nous emmène, Ethan et moi, à la Valley Smash Rage Room. Ethan vient ici plus souvent que moi, et il sent toujours mieux après. On entre et on enfile des combinaisons et des masques pour se protéger. Je m'empare de mon arme et me défoule avec mon ami. Ça me fait un bien fou.
- Pour ce connard qui ne me fou jamais la paix ! je hurle dans la pièce en frappant dans un tonneau disposé devant moi.
- Pour ce connard qui drague tout ce qui bouge ! renchérit Ethan.
- Pour ma foutue erreur que je regrette chaque jour depuis !
On enchaine les coups les uns après les autres, pour détruire tous les objets devant nous. Quand nous n'avons plus d'énergie, toutes les assiettes sont brisées au sol, les tonneaux sont défigurés et les pneus ne sont plus du tout fonctionnels. Nous marchons dans les restants étalés sous nos pieds. Quand nous sortons, je n'ai plus du tout de force, je suis fatigué, mais cette séance m'a fait beaucoup de bien. Je n'ai pas l'habitude de venir dans ce genre d'endroit, mais une fois de temps en temps, ça fait décompresser et ça m'aide à me vider de mes émotions négatives pour mieux réfléchir aux positives. En rentrant chez moi, je me met à écrire un brouillon du texte que je pourrai sortir à Amelia, avec l'aide d'Ethan qui est resté exprès pour me préparer à cette soirée. Je ne suis pas très à l'aise avec l'idée de tout lui dire, et lire un texte sera plus simple. Je ne serai pas déconcentré par ses yeux et ses réactions. Je relis mon texte cinq fois, corrige les fautes d'orthographes, change certaines formules de politesses, avant de me sentir enfin près. Est-ce qu'on peut être près un jour ? Je me douche, m'habille d'un jean bleu foncé et d'une chemise rose saumon et me parfum un minimum. Je suis bien coiffé et près à partir. Je redépose Ethan chez lui, qui va également diner avec sa copine. J'espère que qu'il passera une meilleure soirée que la mienne. Il me souhaite bonne chance, et me demande de lui préparer un conte rendu bien chargé pour le lendemain. J'y penserai. Je roule jusqu'au restaurant où j'ai réservé. Je m'installe à la table que la serveuse m'indique et attends patiemment qu'Amelia me rejoigne. Je sais que les femmes ont toujours besoin de temps pour se préparer. Je suis émerveillé de la voir arriver avec seulement cinq minutes de retard, en étant aussi belle dans cette robe. Elle est moulée à la perfection et le léger orange de sa tenue la met en valeur. Elle s'avance vers moi, toute souriante. Elle ne sait pas ce qui l'attend. Je sens mon cœur accélérer son rythme et je suis presque en manque d'oxygène. Ca y est, je panique. Elle est si jolie et si heureuse, que je me vois mal la briser comme je vais le faire.
- Coucou, Léo. Tu vas bien.
Je me lève pour lui offrir une embrassade et tirer sa chaise.
- Je vais très bien, et toi ? je mens ouvertement.
Je ne vais absolument pas bien. Je ne suis pas sûr de supporter la pression jusqu'à la fin du diner. Je sens que je ne vais pas prendre de dessert.
- Je vais bien aussi. La journée était un peu longue, mais savoir que je vais passer une bonne soirée avec toi m'a réconforté.
Noyez-moi.
- Tu sais déjà ce que tu vas prendre ? je demande pour changer de sujet.
- Je partirais bien sur un burger, mais je ne sais encore lequel. Tu as passé une bonne journée ?
- Oui, après les cours, je me suis préparé avec Ethan.
- Ton meilleur ami ?
- Exact. Et toi, tu as fait quoi après les cours ?
- J'ai appris un texte pour mon prochain casting.
- Vous avez choisi ? nous interrompt le serveur.
Effectivement, nous avons choisi. On est resté soft. Deux cheeseburgers et deux bières. C'est le repas le plus adapté pour un date, mais vu comment il va se finir, ça fera l'affaire. On continue de discuter tranquillement durant le reste du repas, réservant mon annonce pour le dessert. Elle prend une coupe de glace, tandis que je ne prends qu'un cappuccino. Je la regarde se régaler quand je réalise que si je ne lui dis pas maintenant, ce sera trop tard. Je stress mais me décide et me lance.
- Amelia.
- Oui, elle dit en me regardant, intriguée.
- J'ai quelque chose à te dire.
Bien joué, Léo. Un sens d'observation très développé.
- Hum.
Elle a tout de même l'air plus intriguée par sa glace que par ma difficulté à lui parler.
- Ce qui s'est passé l'année dernière avec Gavin, c'est que j'aimais bien une fille et il me l'a volée, enfin pas vraiment volée, mais il s'est mis en couple avec elle et je n'ai pas supporté, alors j'ai insisté comme un con. A la fin, ils ont tous les deux porter plaintes pour harcèlement, j'ai risqué la prison, mais je m'en suis bien sorti, finalement, je balance sans réfléchir à mon texte une seule fois.
J'ai dit tout ce qui me passais par la tête. Je ne suis même pas sûr d'avoir pris le temps de respirer. Elle me regarde, choquée. Je n'arrive pas à savoir ce qu'elle pense. Si elle m'en veut parce que je lui ai tout dit, ou si elle n'a absolument rien compris à ce que je lui ai dit tellement j'ai parlé vite.
- Euh, ok. Et... il t'en veut encore pour ça ? Ce n'est pas plutôt toi, qui devrais lui en vouloir. Non parce que, t'as quand même risqué la prison. Et puis, c'est pas comme si tu les avais harcelés pendant un an. T'inquiète pas, il devrait pouvoir s'en remettre.
Je suis sans voix. Je n'ai plus les mots. Autant, je parlais vite y a deux minutes, autant, actuellement, je ne suis plus sûr de savoir encore parler. Je ne lui ai pas encore dit le pire. L'idée de m'arrêter là me tente énormément et je suis incapable de résister. Cette fille me fascine de plus en plus, et rien que l'idée de savoir que je pourrais la perdre me donne des nausées. Je m'emballe comme à chaque fois, mais les mots sortent avant que je réalise réellement ce que je suis en train de faire.
- Epouse moi.
C'est un peu brutal et je comprendrais si elle ne me répondait pas, mais soudainement j'en ai très envie. Je la veux pour femme, je veux la sentir contre moi, la voir tous les matins et ne pas avoir à prendre ma voiture pour lui parler en face. On ne se connait pas depuis longtemps, mais j'ai toujours cru aux coups de foudre instantané et maintenant, je crois que j'ai la preuve que ça existe. Cette fille me comprend mieux que quiconque et je suis prêt à passer le reste de ma vie à ses côtés. Je ne sais pas ce qui m'a pris de lui demander ça, parce que je sais que c'est trop tôt et qu'elle n'acceptera jamais une telle proposition. La proposition d'une vie. Je ne connais même pas sa couleur préférée.
Noyez-moi.
Mais faites-le vraiment cette fois.
Je la regarde, je ne peux pas effacer ce que je viens de lui dire alors, j'attends. J'espère. Si l'espoir fait vivre, j'en connais un qui n'est pas près de mourir. Elle ne me répond pas. Que veux-tu qu'elle réponde. Je commence à regretter. Elle prend une profonde inspiration et je sens qu'elle va enfin me dire quelque chose. Mais non. Elle se lève et part rapidement. Elle ne court pas, mais presque. Je la regarde partir sans chercher à insister. Je crois qu'elle a sa dose pour aujourd'hui. J'ai merdé et je crois que je ne vais jamais pouvoir me rattraper. Je ne vais jamais la revoir. Je vous avais prévenu que la soirée finirait male. Il ne me reste plus qu'à me faire pardonner. Je ne vais rien lâcher et tout tenter. Ça s'annonce compliquer. Je rentre chez moi et appelle immédiatement Ethan. Il voulait un bilan, il va en avoir un, et bien rempli. Je lui raconte tout ce que j'ai dit à Amelia sans lui cacher que je n'ai pas tout révélé.
- En vrai, je te comprends, c'est dur de dire la phrase qui va la briser. D'un autre côté, sache que de ce que m'a dit Lou, les femmes préfèrent toujours souffrir en sachant la vérité plutôt qu'en sachant que la personne en qui elles avaient confiance leur a menti en pensant qu'elles étaient de petites choses fragiles.
- T'as raison, je crois que j'aurais mieux fait de lui dire directement. Maintenant, c'est sûr, elle ne voudra jamais m'épouser. Je crois que vais la laisser redescendre un peu pour digérer, et j'irai la voir plus tard.
- Je pense que c'est la meilleure chose à faire, oui. A ce que je vois, casser des objets ne te réussit pas autant qu'à moi.
- On dirait bien, ouais. La prochaine fois, on fait une de mes activités.
- ça me vas.
- Et toi, ta soirée s'est bien passée ?
- On peut dire ça, ouais. Soirée chill devant un film et au lit.
- Je vois, merci pour les détails.
- Tu en veux plus ?
- Non, ça ira merci.
- Tu me dis, je te fais un dessin si tu veux.
- Allez, va dormir. T'en a bien besoin.
- ça marche, merci pour le debrief.
Je mets un petit moment avant de m'endormir. Je crois que je vais retourner cette journée vingt fois dans ma tête. J'espère encore que tout n'est pas finit avec Amelia, mais je ne pourrais en vouloir qu'à moi-même. Je me lève au moins huit fois dans la nuit, je n'en peux plus. Je vais aux toilettes, je dors, je vais boire, je dors, je vais aux toilettes, je dors. Je ne fais que ça en attendant que mon réveil sonne. Je n'ai jamais eu autant hâte que le soleil se lève et que la nuit disparaisse. D'ordinaire, je suis un homme qui n'aime pas trop les grasses matinées, mais visiblement ce matin n'est vraiment pas un jour propice au sommeil. J'ai tout de même besoin d'un minimum de repos par jour pour ne pas m'effondrer devant mes profs. Je prends ma douche matinale, bois mon café et me rend compte qu'il n'est pas encore l'heure d'aller en cours. Je vais arrêter de me plaindre de ne pas avoir assez de temps de repos. Ne vous inquiétez pas, on en a suffisamment. Je m'avance sur mes devoirs de la semaine et finit de préparer mon exposé d'histoire. Quand c'est enfin l'heure de rejoindre le lycée pour étudier, je monte dans ma voiture sans broncher et me dirige vers ma première heure de la matinée. Les minutes passent, j'écoute, participe et me rend vers la salle de math pour ma seconde heure. Ainsi de suite, jusqu'à l'heure du déjeuner. Je traverse les couloirs avant de tomber sur un groupe dont je reconnais l'amie d'Amelia, Célia et d'autres personne que j'ai vu en compagnie d'Amelia à sa soirée d'anniversaire. Amelia n'est pas avec eux mais ça ne m'empêche pas de me rapprocher discrètement pour écouter leur conversation. Je me cache derrière un mur non loin d'eux, ce qui me permet de les entendre sans être vu. Ils sont assis contre le côté opposé du mur qui me cache, à côté d'un pot de fleur. Je sais que ce n'est pas bien mais en entendant de qui ils parlent, je ne peux plus reculer.
- Ouais, elle m'a raconté ce qui s'est passé.
- Mais tu te rends compte, ils ne se sont embrassés qu'une seule fois. Qu'est-ce qui lui est passé par la tête pour aller aussi vite et la demander en mariage.
- Il n'a même pas appris à la connaitre, sinon il saurait que le mariage est super important pour elle. Elle ne va pas se marier avec un simple inconnu du jour au lendemain.
Un simple inconnu ? Je sais qu'on ne s'est embrassé qu'une seule fois mais de là à être un inconnu, y a une différence quand même.
- J'espère que le fait qu'elle soit partie sans rien dire lui a fait comprendre qu'elle ne voulait pas, et qu'il ne va pas insister.
Je suis persuadé qu'Amelia leur à tout raconté, même si ce sont ses amis, j'aurais apprécié qu'elle attende un peu avant de leur avoué mon humiliation. Si je peux appeler ça une humiliation c'est parce que s'en est une. Je balance une question ultra importante, que toute femme attend avec impatience, et la seconde suivante je me retrouve seul au restaurant. Je ne préfère pas écouter la suite de leur conversation parce que premièrement, c'est impoli et deuxièmement, ce que j'entends me blesse plus qu'autre chose. Je recule lentement avant de remettre mon sac convenablement sur mon dos et me retourner. Je n'ai pas le temps de faire plus de trois pas, qu'une fille me rentre dedans et fait tomber son livre de ses mains. Je me baisse pour le lui ramasser et croise son regard en le lui tendant. Elle me regarde. Je la regarde. Quelques secondes plus tard, je la vois s'éloigner sans un regard en arrière.