Un autre monde...
Il recèle tant de mystères, tant de secrets enfouis dans ses terres sacrées et ses cieux infinis. Pourtant, je n'ai pas le luxe de m'y attarder. Mon but est clair : je dois retrouver mon frère.
Paimon parle encore, comme toujours. Elle bavarde avec enthousiasme, ou peut-être de l'inquiétude mais je ne l'écoute qu'à moitié. Mon esprit vagabonde, emporté par le vent léger qui caresse les pavés de Mondstadt.
Puis, une douce mélodie me parvient, cristalline, presque irréelle. Elle semble flotter dans l'air comme un murmure du ciel. Je lève les yeux. Là-haut, perché avec grâce sur l'épaule de la statue de Barbatos, Venti joue de sa lyre. Ses paupières sont closes, son visage paisible. Ses doigts effleurent les cordes avec tant de douceur qu'on pourrait croire que le vent lui-même chante à travers lui.
Je reste figée un instant, comme suspendue dans le temps.
- Tss, cesse donc de regarder ce barde de pacotille, râle Paimon. Je ne comprends vraiment pas ce que tu lui trouves, il est agaçant au possible !
- Ça vous fait un point commun, non ?
Elle me lance un regard outré, à la fois vexée et incrédule. Je hausse les épaules, indifférente, et commence à grimper la statue. Ce n'est pas chose facile, mais je finis par atteindre son sommet. Le vent y est plus fort, mais aussi plus pur, et Venti ne semble toujours pas m'avoir remarquée... du moins, c'est ce que je crois.
À la fin de sa mélodie, il ouvre les yeux et tourne la tête vers moi avec un sourire espiègle.
- Je sais que je suis incroyable, mais ce n'est pas une raison pour m'espionner comme ça, dit-il d'un ton faussement modeste.
- Ne prends pas tes désirs pour des réalités. Tu savais qu'on était là ?
- Je vous ai aperçus en bas. Difficile de manquer Paimon, elle est aussi discrète qu'un orage. Et puis... tu as galéré à monter jusqu'ici. C'était très divertissant.
- Absolument pas ! Et si tu arrêtais de te percher toujours dans des endroits inaccessibles, ce serait plus simple pour nous.
- Et manquer un panorama pareil ? Ce serait un crime. Il faut bien que le poète s'inspire de la vue... et de sa muse, dit-il en me lançant un regard lourd de sous-entendus.
- Tu vois ? Je te l'avais dit, il est insupportable ! grogne Paimon, vexée autant par ma remarque que par celle de Venti.
- Si tu le trouves si insupportable, tu peux peut-être nous laisser un moment ?
Paimon est scandalisée. Elle reste bouche bée, puis finit par s'envoler en marmonnant son mécontentement dans une langue que même Teyvat ne comprendrait pas.
Quand elle disparaît de notre champ de vision, Venti me regarde, un éclat malicieux dans les yeux.
- Tu l'as fait fuir juste pour pouvoir profiter de moi, avoue.
- Tu ne cesses donc jamais de dire des idioties ?
- Ne mens pas. Je sais que tu m'aimes trop pour l'avouer.
Je lève les yeux au ciel, mais je ne réponds rien. Il le sait déjà, je ne suis pas douée pour les faux-semblants avec lui.
- En fait, dit-il en s'asseyant au bord de la statue, tu tombes bien.
- Pourquoi ?
- J'ai une chanson à te faire écouter.
Je fronce les sourcils, intriguée. Il commence à jouer. Les notes sont plus douces que jamais, comme un murmure sur la peau, comme une caresse dans l'âme. Et puis, il chante.
Sa voix est légère, mais les mots sont lourds de sens. Au début, je n'écoute que distraitement, emportée par le timbre de sa voix... puis les paroles me frappent. C'est moi. Il chante sur moi. Chaque mot me peint avec une justesse troublante, comme s'il avait lu mon cœur. Son visage devient plus sérieux, presque mélancolique, alors qu'il continue sa mélodie.
Je ferme les yeux. Je me laisse porter par sa voix, par les émotions qu'elle fait naître.
- Je t'aime, Lumine.
Je me fige.
Les mots flottent encore dans l'air, suspendus. Je rouvre les yeux d'un coup, le cœur battant mais Venti n'est plus là.
- Venti !
Je me redresse, scrutant les environs, mais il a disparu. En contrebas, Paimon m'attend, visiblement calmée.
- Paimon ! Tu as vu Venti ?!
- Hein ? Euh, oui... Il est parti par là, dit-elle en montrant une direction. Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il t'a fait encore ?
- Merci.
Je cours dans la direction indiquée, ignorant les appels de Paimon derrière moi.
Et là... je le vois. Sa cape verte, son allure familière, sa silhouette légère. Je le rattrape, haletante.
- Venti !
Il sursaute, se retourne. Son regard fuit le mien.
- Lumine... je suis pressé, là. On en reparlera plus tard...
- N'ose même pas partir maintenant. Tu déclares ta flamme, et tu veux t'enfuir comme un voleur ?!
Il écarquille les yeux.
- Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? Ne sois pas ridicule. Ce n'était que... les paroles d'une chanson.
- Quoi ?
Il sourit, moqueur.
- Tu as vraiment cru que je parlais de toi ? Quelle naïveté, Lumine...
Ma colère monte, brûlante.
- Et si je l'ai cru ?
- Alors... tu es aussi stupide que Paimon.
Je m'approche de lui sans réfléchir, et je lui donne une gifle. Pas forte, mais assez pour qu'il reste figé.
- Je...
- Je t'aime, pauvre idiot.
Il me regarde, hébété. Ses yeux s'embuent, ses joues rougissent.
- Je... je suis désolé, Lumine... Je voulais le dire. Depuis longtemps. Je ne savais juste pas comment...
Je ne le laisse pas finir. Je l'enlace sans un mot. Il hésite, puis m'enlace à son tour, comme s'il craignait que je disparaisse. Ses bras tremblent légèrement. On reste là un long moment, enlacés, bercés par le souffle du vent.
Puis, il s'écarte juste assez pour me regarder dans les yeux.
- La chanson parlait bien de toi. Je... je ne trouvais juste pas le courage de te le dire en face.
Je l'interromps en posant mes lèvres sur les siennes. Il sursaute, puis fond contre moi. Il me rend mon baiser avec une tendresse nouvelle, une sincérité désarmante. Mes mains glissent jusqu'à son visage pour le garder contre moi, et lui enroule ses bras autour de ma taille, comme s'il voulait me garder dans ce moment pour toujours.
Et pour une fois... je me laisse le droit d'y croire.