Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Pommedereinette
Share the book

Norman

Cela fait maintenant un mois que je connais la vérité sur Maman... et sur le trafic.
Ray et moi sommes devenus assez proches. Il me fait confiance, au point de m'avoir avoué être l'espion de Maman.

Aujourd'hui, c'est au tour de Connie de partir.
Je m'éloignais discrètement vers les chambres, incapable d'assister à cette mascarade d'adieux.

Mais la voix d'Emma m'interpelle :
- Alice !

Je me retourne à contrecœur.
- Oui ?

- Connie a oublié sa peluche. On va la lui rapporter. Tu viens avec nous ?

Je me fige. Non, non, surtout pas.
Je jette un regard vers Norman, qui me sourit avec douceur, confiant.
Comment les arrêter sans éveiller les soupçons ?

Je cherche Ray du regard. Il me fixe, impassible, son regard me transperce d'un message clair : ne dis rien. Puis il tourne les talons et disparaît dans l'escalier.

- Euh... vous êtes sûrs ? Elle pourra s'en procurer une autre, et elle est peut-être déjà partie...

- On verra bien ! répond Emma avec son enthousiasme habituel, déjà en route vers la porte.

Norman reste un instant, posant ses yeux sur moi.
- Tout va bien ? Tu sembles pâle.

- Ne t'inquiète pas. C'est juste la fatigue.

Il me sourit, toujours aussi poli, et rejoint Emma.

Dès qu'ils sont partis, je me précipite à l'étage et ouvre la porte de la chambre de Ray. Il est là, assis sur son lit, les yeux perdus dans la nuit à travers la fenêtre.

- Ray ! Tu es sûr de toi ?

- Oui. C'était la seule façon. Ils ne m'auraient jamais cru... et ils auraient tout fait pour savoir comment je savais.

- Donc... tu ne veux leur révéler qu'une partie de la vérité ?

- Pour l'instant, c'est inutile de leur dire plus.

Je m'approche de la fenêtre. Dehors, la nuit semble peser sur le monde entier. Un silence lourd s'installe entre nous.

Puis, après de longues minutes, le vacarme précipité de pas brise le calme.
Emma et Norman reviennent, paniqués, essoufflés, les visages décomposés.

Leur regard dit tout.
Le spectacle... a dû être effroyable.




Le lendemain matin, Emma semble encore sous le choc.
Ses gestes sont hésitants, ses yeux fuyants. Elle essaie de faire bonne figure, mais sa panique est palpable.

Norman, lui, garde son masque. Calme, méthodique, presque trop serein.
Je soupire doucement et détourne le regard, me replongeant dans mes tâches.

Soudain, une main douce attrape la mienne.
Je n'ai pas le temps de réagir qu'on me tire dans une pièce à l'écart.

- Norman ?

Il referme doucement la porte derrière nous. Emma et Ray sont déjà là. Il me regarde m'indiquant clairement de jouer la comédie.
Leurs visages sont graves.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

Norman échange un regard avec Emma. Il s'avance, sa voix posée, presque trop calme.

- Emma et moi avons quelque chose à te dire.

Il marque une pause. Je sens mon cœur battre plus fort.

- Ce n'est pas un orphelinat, Alice. Du moins... pas comme on le croit.

Je fronce les sourcils. Même si je sais la veriter depuis un moment c'est toujours dure à entendre. Norman poursuit :

- Ce que nous avons vu hier soir... ce n'était pas un accident, ni une erreur. Connie n'a pas été adoptée. Elle a été livrée.

Je reste figée, essayant de jouer au mieux une réaction de choc.

- À des démons, ajoute Emma d'une voix tremblante.

Norman hoche la tête.

- L'orphelinat... Grace Field House... est une ferme. Nous sommes du bétail.
Chaque enfant ici est élevé, aimé, nourri... pour être un jour "adopté".
Mais ce mot, en réalité, signifie qu'on est envoyé à la mort.

Emma baisse les yeux, les poings serrés.

- Ils mangent les enfants, murmure-t-elle.

Un silence glaçant s'installe dans la pièce.

- C'est pour ça qu'on est si bien traités, continue Norman. Ils prennent soin de la "qualité". On n'est pas des enfants pour eux. On est des marchandises.

- Maman... elle est...

- Une gardienne, confirme Norman. Chargée de veiller sur l'élevage jusqu'à l'expédition. Elle est humaine... mais elle travaille pour eux.

Norman pose une main sur mon épaule.

- On ne peut plus faire semblant. On doit fuir. Tous ensemble.

Plusieurs semaines passent à la recherche d'un plan.

- Tu penses vraiment... qu'il y a un traître ?
Ma voix est à peine un murmure. Je fais tout pour éviter le regard de Ray.

- C'est très probable, dis-Norman d'un ton mesuré. Et à part toi et Emma... tout le monde est suspect.

Emma me fixe, désemparée.
- Mais... pourquoi sauf nous ?

Je demande incertaine.

Ray croise les bras, silencieux.

- Parce que quelqu'un transmet des informations. Quelqu'un aide Maman. Un silence inconfortable s'installe.

Emma secoue la tête.
- Moi je suis sûre que Norman se trompe. Il n'y a pas de traître. Pas parmi nous.

Je lui adresse un regard triste.
- Je l'espère, Emma... vraiment. Mais dans un endroit comme celui-ci, on ne peut pas se permettre de se tromper. Il vaut mieux en être certain... avant qu'il ne soit trop tard, déclare Norman.





Les bras croisés, Ray fixe Norman avec une intensité glaciale.
Ils se sont éclipsés à l'écart, pensant être seuls. Mais je les ai suivis discrètement, tapis dans l'ombre d'un couloir, le cœur battant à tout rompre.

- On sait donc qui est le traître. C'est Da...

- Toi.

La voix tranchante de Norman coupe sèchement celle de Ray.

- Quoi ?

- Oui. J'ai tendu un piège... à trois personnes. Pas deux.

Un léger rire s'échappe des lèvres de Ray.

- Alice avait raison. T'es vraiment pas idiot, Norman.

Les yeux de ce dernier s'écarquillent un instant, une étincelle de trouble traversant son regard.

- Quoi ? Alice est une taupe aussi ?

- Non. Mais elle savait. Je lui ai dit. Que c'était moi, le traître.

Un silence tendu s'installe. Puis Norman baisse légèrement les yeux, comme s'il pesait chacun de ses mots.

- Et pourtant... tu ne l'as pas suspectée ? Ni Emma ? Pourquoi ?

Norman relève la tête.
- Emma est trop honnête... trop pure pour faire quelque chose comme ça. Elle en serait incapable.

Il hésite, puis reprend d'une voix un peu plus basse, plus fragile aussi :

- Et Alice... Alice est parfaite. Je l'aime.
Il détourne brièvement les yeux, comme s'il se reprochait de l'avoir dit.
- Je ferai tout pour la sauver d'ici. Quoi qu'il m'en coûte.

Ray reste silencieux quelques secondes, puis lâche simplement :
- D'accord.

Il tourne la tête vers la porte, et son regard croise le mien. Je me fige, glacée.
Norman ne doit pas me voir.
Je me détourne aussitôt, fuyant à pas feutrés dans le couloir, le cœur bousculé par ce que je viens d'entendre.





Je soupire, lasse. Norman a sûrement fini de compter, mais je n'ai aucune envie de jouer aujourd'hui.
Je laisse mon regard se perdre dans le vide, seule dans un coin du jardin.

Soudain, deux mains se posent sur mes hanches et un souffle chaud effleure mon oreille.
- Je t'ai trouvée, Alice...

Je sursaute violemment.
- Norman !

Je me retourne brusquement, m'éloignant de lui d'un pas.
- Mais ça va pas, t'es fou ?!

Il sourit, un air faussement innocent sur le visage.
- Désolé... mais c'était trop tentant. Tu étais tellement perdue dans tes pensées que tu ne m'as même pas entendu arriver.

Son sourire habituellement si contrôlé semble un peu plus sincère, un peu plus doux... quand il me regarde.

- Tu n'as pas les autres à aller chercher ?

- Si, bien sûr. Mais je préfère rester ici... à te regarder.

Je sens mes joues chauffer. Il est en forme aujourd'hui, ce n'est pas bon pour mon cœur.

- Tu es magnifique, comme ça.

- Tais-toi, murmuré-je en détournant le regard.

- Je dis juste ce que je vois. Et ça me donne envie de te prendre dans mes bras.

Je le fixe un instant.
- Qu'est-ce qui t'en empêche ?

- Rien, je suppose.

Il attrape doucement ma main et m'attire contre lui. Son visage vient se nicher dans le creux de mon cou, et il inspire discrètement, comme pour s'imprégner de ma présence.
Après une seconde d'hésitation, j'enlace sa taille, doucement.

Un moment suspendu.

- Bon, les tourtereaux, finit par lancer une voix derrière nous. Maman veut qu'on rentre.

Je me détache précipitamment de Norman, le cœur battant.
- J'arrive !





Le regard perdu dans le vide, je n'entends pas les pas de Norman s'approcher.
Sa voix douce me tire de mes pensées.

- Alice...

Je me tourne vers lui, déjà inquiète rien qu'à son ton.
- Oui ?

Son regard est grave.

- Maman m'a fait comprendre... sans détour. Je suis le prochain.

Je reste figée.
- Non... non, c'est pas possible.

Il pose ses mains sur mes joues, doucement, comme si j'étais faite de porcelaine.

- Je ne veux pas partir sans te dire à quel point je t'aime.
Ses yeux brillent d'une sincérité douloureuse.
- Les mots ne suffisent pas. Alors... laisse-moi te le montrer.

Je hoche la tête, incapable de parler.

Il m'observe encore un instant, comme s'il cherchait à graver mon visage dans sa mémoire. Puis il m'embrasse.
Un baiser à la fois doux, brûlant... et empreint d'une infinie tristesse.
Je lui rends ce baiser avec la même intensité, comme pour retenir le temps, comme si nos lèvres pouvaient repousser l'inévitable.

- Laisse-moi te garder contre moi... jusqu'à ce que je parte. S'il te plaît. J'en ai besoin.

Je sens mes larmes monter, mais je ne dis rien. Je me blottis contre lui, mes bras autour de sa taille, son front contre le mien.
Le silence entre nous est lourd, sacré. On reste ainsi, immobiles, comme si le monde s'était figé pour nous accorder ces dernières minutes.

Puis, trop vite, le moment arrive.
Norman s'éloigne lentement, valise en main.
Il se dirige vers le salon.

Je le regarde s'éloigner, le cœur en lambeaux, puis je le suis à pas lents.
Je fais tout pour retenir mes larmes, pour rester forte. À mes côtés, Ray pose une main réconfortante sur mon épaule.

Norman salue chacun des enfants avec tendresse.
Puis il me regarde. Son sourire est doux, mais dans ses yeux, je lis tout ce qu'il n'a pas pu dire.

Et il franchit la porte.

Je ne peux plus le supporter.
Je monte en courant dans ma chambre et m'effondre sur le lit, les sanglots me secouant tout entière.

Une voix calme me parvient, derrière moi.
- On survivra, Alice...
Ray est là, sa voix est grave, posée, rassurante.

Emma est avec lui, elle aussi en larmes, les poings serrés contre sa poitrine.
Et moi, je pleure encore. Mais au fond, une promesse s'enracine.

On survivra. Pour lui. Pour tous les autres.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet