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14. Un calmant

〔 Des mouvements ont été observés le long de la ceinture de Oort. Il ne peut s’agir que de simples contrebandiers. Mais je préfère être prudent. Demande d’autorisation impériale ▿ Gloire à l'Empire 〕

ᴄᴏʀʀᴇsᴘᴏɴᴅᴀɴᴄᴇ ɪᴍᴘᴇ́ʀɪᴀʟᴇ ᴛʀᴀɴsᴘᴏɴᴅᴇ́ᴇ ᴇɴ ᴜʀɢᴇɴᴄᴇ

┈ ⋞ 〈 ⏣ 〉 ⋟ ┈

Une douce sensation de chaleur fut la principale responsable du réveil d’Eden. Une chaleur tendre, presque familière, venue caresser son front qui dépassait légèrement des draps.

L’autre responsable ?

Un timide contact venait de se faire ressentir au niveau de son dos, comme pour tenter de le tirer en douceur des bras de Morphée. Une main épaisse, lourde, affectueuse.

Pourtant, Ryk partait toujours bien avant le lever du soleil... il quittait le lit en silence, déposait un petit baiser sur le sommet de son crâne, enfilait discrètement sa veste puis ses bottes, récupérait son transpondeur puis filait vers les étages inférieurs.

Se pouvait-il que le rouquin ait loupé son réveil ? 

Eden grogna, s'étirant avant d’ouvrir paresseusement les yeux, prêt à lancer une petite pique à son amant quant à son manque de ponctualité matinale - ou à l’encourager à rester au lit par des moyens plus vils.

Son regard ne rencontra pourtant pas la touffe rousse et indisciplinée qu'il trouvait d’ordinaire sur le coussin voisin. En lieu et place, un jeune homme aux cheveux blond pâle était agenouillé au pied de son lit, les sourcils arqués dans une expression inquiète. À ses côtés, un petit droïde un peu cabossé était installé, une petite poche emplie d’un liquide bleuté dans l’une de ses pinces.

Eden retrouva immédiatement contact avec la réalité.

Étouffant un cri de surprise, il recula d’un bond, contre le mur. Et les yeux écarquillés, il prit soudain conscience du lieu où il se trouvait.

 — Putain ! Mais qu'est-ce que...

Il n'était plus sur Callisto (ça, évidemment que non), ou même dans l’infirmerie qu'il avait tout d’abord connue en débarquant sur le Léviathan. Nul rouquin tatoué au regard malicieux ne se trouvait dans les parages - du moins pas dans l’immédiat.

Il venait de se réveiller dans une chambre au confort rudimentaire, aux côtés d’un droïde qu'il identifia immédiatement comme étant CAT-4. Et là, à son chevet...

Astrande.

Ne portant en tout et pour tout qu'un jogging délavé et un petit collier d’argent représentant une étoile, il le regardait avec un air un peu perdu, comme un chiot en recherche d’affection.

A cette vision, Eden se ramassa davantage contre le mur de sa chambre, sentant le sang battre à son visage :

— Qu'est-ce qu-que ? Fut la seule chose qu'il parvint à articuler.

Que fichait ce maudit blondinet ici ? N’avait-il pas terminé la soirée rond comme une queue de pelle, à ronfler dans son lit ?

Astrande eut un petit sourire désolé. L’air gêné, il passa une main dans ses cheveux coupés courts, comme s’il cherchait ses mots :

— Tu... on t’a retrouvé par terre dans un couloir. Il murmura doucement, précautionneux. Tu... Hécate est venue me réveiller, tu faisais une crise de panique. On a dû te donner un calmant.

Disant cela, il désigna la petite poche de liquide bleue maintenue par CAT-4.

Eden baissa les yeux sur son bras. Au pli de son coude, une fine aiguille était soigneusement maintenue par un sparadrap, reliée à la perfusion par un fin tuyau.

— Je suis désolé. Poursuivit Astrande d’une voix calme. Je pensais pouvoir te changer les idées avec cette sortie. C'était une mauvaise idée.

Eden  prit une profonde inspiration, laissant sa tête heurter le mur. Les brumes du sommeil se dissipaient peu à peu, lui donnant à nouveau accès aux souvenirs, flous, de la veille.

Le réveil. Le traceur. La discussion avec Satek. Leto, l’homme étrange servant de cerveau à l’Alliance. Il y avait ensuite eu la soirée sur le sixième pont, sa tentative fructueuse de fausser compagnie à ses chaperons, puis...

— Hé hé hé ! S’exclama Astrande en voyant ses yeux s’emplir de larmes. Non, ne repart pas. Tout va bien, tu vois ?

Il se redressa, s'approchant de l’ex-impérial qui recula du plus qu'il le pouvait, les yeux écarquillés.

— Ed-

— Me touche pas. Siffla Eden entre ses dents. Ne. Me. Touche. Pas.

Son souffle s’emballa.

Effaçant le désespoir, la rage qu'il avait accumulée ces dernières heures éclatait enfin. Froide mais brûlante, libératrice. Le choc de la révélation était passé.

La haine revenait au galop. 

Il les détestait. Il les haïssait tous. De ce crétin d’Astrande à Ryk, en passant par tous les imbéciles qui peuplaient ce fichu vaisseau.

Il les haïssait plus qu'il ne se haïssait lui-même.

C'était dire.

Tant mieux. 

La bonne nouvelle, c'était que ce gros benêt d’Astrande serait un parfait défouloir. Avec ses grands yeux stupides. Sa mine encore froissée par la gueule de bois. Son ignorance complète de ce qu’il pouvait ressentir en cet instant.

— J’ai juste... Tu étais si mal et quand je t’ai pris dans mes bras ça semblait aller mieux alors j’ai pensé que pour ton réveil...

— T’as pensé ?! Hurla soudain Eden.

Voilà.

La colère était là. Puissante. Destructrice presque. Il aurait voulu envoyer un poing dans le visage de ce crétin. Voir son nez saigner.

— Tu crois que j’ai besoin qu’on pense à ma place ?! Que ça efface quoi que ce soit ?! Ce que j’ai vu ?! Subi ?

Les larmes étaient revenues.

Pourtant, Astrande restait silencieux, tête baissée, ses cheveux blonds retombant devant ses yeux voilés par une douleur qu’Eden était incapable de percevoir en cet instant.

Il cria, encore :

— Tu crois q-q-que j’ai choisi tout ça ?! Que j’ai... que j’ai... 

Son souffle mourut dans sa gorge.

Les mains secouées de tremblement, les genoux relevés contre la poitrine, le visage tordu par la colère et le désespoir, il avait l’impression de sombrer encore. Il ne voyait plus Astrande, il ne voyait plus la chambre.

Il n'y avait que la douleur. L’image du corps de Leto. Les visions de Ryk lui glissant des mots d’amour, des caresses audacieuses, lui volant des baisers au détour d’un couloir.

L’image de la trahison elle-même.

Il ne savait même plus contre qui il hurlait. Contre Astrande ? Contre Ryk ? Contre sa propre stupidité ?

Le blondinet s'approcha, prenant appui sur le lit.

— DÉGAGE. Cria Eden avant même qu'il ne puisse parler. Ne me touche pas. Disparais. Je te hais t’entends ?! JE TE DETESTE !

Et dans un réflexe de colère, il leva le bras, prêt à frapper. Il ne savait pas donner un coup de poing, et il se savait bien plus faible que le rebelle. Mais il s’en foutait. La violence lui ferait du bien. Peut-être.

Cependant, Astrande ne bougea pas.

Il le regarda. Droit dans les yeux.

Ses grandes iris trop pâles se perdirent dans son regard Étherium, calmes. Lentement, il leva les mains, comme pour montrer qu'il n'était pas armé, révélant deux grosses cicatrices nichées dans le creux de ses pectoraux, comme l’on dévoile un secret.

Eden laissa ses yeux couler sur lui, sur ces marques, cherchant une remarque blessante, quelque chose à ajouter.

Mais rien ne vint si ce n'était le désespoir.

Le bras tendu, tremblant, il amorça un coup, mais ne parvint qu'à heurter mollement son torse, sentant quelque chose en lui craquer.

Alors, Astrande ouvrit les bras.

Prêt à donner un nouveau coup dénué de toute volonté, Eden sentit soudain ses forces le quitter. Ses mains glissèrent. Il s’effondra contre lui.

Impuissant.

Un premier cri douloureux lui échappa, puis un second. Un sanglot déchirant. Des larmes.

Ses pleurs n’avaient rien de la digne élégance de ceux des héros dépeints dans les chroniques impériales. Ils étaient laids. Incontrôlables. Les joues brûlantes, les yeux rouges, il sentait la morve couler le long de son nez, ses lèvres se courber en une moue repoussante à chacun de ses sanglots.

Il se haïssait.

Avec un geste délicat, comme pour lui demander l'autorisation, Astrande glissa une main le long de sa taille, puis de sa nuque, le ramenant contre lui avec douceur mais fermeté. Silencieusement, il déposa son menton dans le creux de son épaule.

Il attendit.

Eden ne le repoussa pas. Secoué de sanglots, il laissa la tristesse et la colère se déverser hors de lui, torrent humide ne laissant derrière lui qu'un cœur en morceaux, déchiqueté de toutes parts.

Et étrangement, cela lui fit du bien. La sensation de noyade lui faisait reprendre pied.

Les sanglots se tarirent, peu à peu. Ne restait que son corps, blotti contre la chaleur de celui d’Astrande, secoué de frissons.

— Je suis désolé. Souffla le blond dans un murmure à peine audible. Je voulais juste t’aider...

Les yeux clos, collés par les larmes, Eden ne répondit pas immédiatement. Astrande le serrait dans ses bras, tendre, comme l’on bercerait un enfant.

Quelque chose en lui avant abandonné.

Empire, Alliance... Même le retrait de son traqueur semblait indolore à côté de cette douleur, là dans sa poitrine.

Toc toc toc.

Trois coups résonnèrent contre le panneau de sa chambre. Astrande lui lança un léger coup d’oeil - comme pour s’assurer qu'il était en état - avant de s’éclaircir la voix :

— Euh..  oui ? 

Le panneau glissa, laissant apparaître Hécate, vêtue d’une combinaison de navigation nouée aux hanches. Son regard sombre glissa un instant sur son collègue aux cheveux pâles, puis sur Eden, encore enlacés :

— Désolée du dérangement. Je dois récupérer CAT-4 pour sa révision...

— Oh. Oui, bien sûr, merci pour... Pour hier. Sourit Astrande.

Avec délicatesse, il débrancha la perfusion du petit droïde, qui émit un petit « Bip » vexé, agitant les pinces pour manifester son mécontentement. Interdite, Hécate n’avait pas bougé, se contentant de tapoter gentiment la tête à la forme convexe de CAT-4 qui passa devant elle en continuant de siffler. Avant de disparaître dans le couloir, elle leur lança un dernier petit signe de tête, presque respectueux.

Le silence tomba à nouveau. Astrande, un peu gauche, effleura l’épaule d’Eden.

— C’est... C’est elle qui t’a... retrouvé. Elle est venue me chercher tout de suite. Je...

— Astrande. Souffla Eden.

Le blond s'arrêta immédiatement de parler. Bouche ouverte, les yeux plus ronds que des billes, il fixa l’impérial comme s’il venait de dire une énormité - son prénom, en l’occurrence.

— ...J’ai pas besoin que tu m’expliques. Je ne veux pas y penser, s'il te plaît.

Et étouffant un dernier hoquet, il renifla bruyamment, détournant la tête. Toujours assis sur le lit, Astrande se balança un instant de gauche à droite, l’air de choisir ses mots avec soin :

— Je... descends aux hangars, en bas. Je dois vérifier deux trois trucs. Satek m’a affecté aux PECø...

Il se mordit la lèvre, saisissant son petit pendentif en forme d'étoile pour jouer avec, avant de reprendre :

— Tu veux venir avec moi ?

Eden ne répondit pas immédiatement, essuyant les larmes qui coulaient encore sur ses joues avec rage. À peine quelques heures auparavant, sans doute aurait-il refusé d'accompagner son chaperon, dans l’espoir de poursuivre son enquête au sein du Léviathan.

Mais il n’en avait plus la force.

Plus la force de penser à l’Empire, encore l’Empire, à ses beaux principes qui s’effritaient sous ses yeux à chaque minute supplémentaire passée au sein de l’Alliance.

Plus la force de retomber de réfléchir à la manière dont il allait récupérer ses étoiles, dont il allait se venger de tous ceux qui l’avaient humilié.

Il baissa les yeux, ses yeux impériaux à la teinte Étherium, rougis par les larmes et le désespoir.

Puis, il acquiesça. Un simple mouvement de tête, presque imperceptible.

— Je veux bien.

Un sourire fendit le visage d’Astrande.

— Trop chouette ! Tu vas voir, c’est pas passionnant, mais...

...ça lui permettrait de penser à autre chose qu'à la vision des deux corps enlacés qui lui brûlaient la rétine à chaque battement de cil.

— ...mais plus on est de fous, plus on rit ! Je vais me changer je reviens. Faudrait pas abîmer ce corps d’athlète. Poursuivit Astrande avec un petit clin d'œil maladroit.

Puis, il se leva, étirant les muscles épais de son dos.

— J’reviens dans dix minutes !

Quand la porte claqua à nouveau, Eden ne bougea pas immédiatement. Le silence, lourd, presque gras, se mit à suinter immédiatement, enduisant les contours de la pièce de son vide oppressant.

Ne pas penser. Ne pas penser.

Mécaniquement, son regard d’Eden s’était tourné vers la petite glace suspendue au-dessus du minuscule évier dont bénéficiait sa chambre. La vision de son visage, de sa peau rongée de plaques rouges, lui confirma ce qu'il savait déjà.

Il faisait peur à voir. Et il faisait aussi sacrément pitié.

Les lèvres recourbées en une moue dégoûtée, il se redressa avec peine, quittant les draps portant encore la chaleur d’Astrande pour se placer face à la vasque d’acier. La main tremblante, il fit tourner le petit robinet grinçant, laissant couler l’eau quelques secondes avant d’y plonger les mains.

Elle était glacée. Mais il n’y fit pas vraiment attention. Il en aspergea son visage avec force, contemplant par intermittence son visage froissé par le chagrin dans le miroir.

Encore. Et encore.

Après plusieurs minutes, son reflet lui renvoya un regard perdu, affolé. Celui d’une bête sauvage acculée, prise dans les phares d’un véhicule tout-terrain. 

Un bruit de pas l’arracha à sa contemplation - et à ses pensées, l'Empire soit loué.

Astrande apparut derrière lui dans le miroir, vêtu d’une combinaison de travail renforcée aux coudes et aux genoux. Même dans ces vêtements stricts, sa silhouette râblée se remarquait, les muscles se dessinant sous le tissu épais, et sous le t-shirt usé qu'il portait en-dessous.

— Prêt ? Promis je porterai les trucs lourds !

Eden eut un sourire timide, tordu. Le reflet qu'il apercevait dans la glace ne disait pas vraiment qu'il était prêt, non. Il ressemblait davantage à un vieux torchon qu'à un ex-impérial quatre-étoiles. 

— Allez ! Sourire ! Rit Astrande. T’as déjà vu des PECø ? Je te ferais monter si tu veux, c’est les vaisseaux les plus accessibles du système ! J’pense que même un enfant de six ans pourrait en piloter un !

Après une courte hésitation, Eden saisit la main qu'on lui tendait. Grande et chaude, elle le guida tranquillement vers le couloir, puis vers le sas du premier pont.

Devant lui, Astrande marchait d’un pas tranquille, comme s'il ne voulait pas le brusquer. Sourire aux lèvres, il continuait de déblatérer sur la flotte de l’Alliance à grand renfort d’anecdotes légères : sa première fois dans l’hyper-espace, le jour où Zayla s'était coincé le pouce dans un vieux condensateur, comment Hécate avait appris les langages de navigation...

Ce bla-bla incessant, s'il avait irrité Eden la veille, fut cette fois bienvenu. Pas de plan à l’horizon, non. Mais juste le besoin de combler le vide de ses pensées par des aventures d’un autre temps, marquées par la candeur de ce petit blond à l’air un peu gauche qui ne semblait vouloir - contrairement à certains - que son bien.

Le trajet vers les hangars empruntait un vieux couloir de maintenance. De l’animation du premier pont, ils avaient bifurqué vers une série de vastes couloirs encombrés par des caisses de transport où s’activaient quelques rebelles et leurs droïdes cabossés. Eden s’y surprit à observer silencieusement leurs visages concentrés, éclairés par la froide lumière de néons grésillants.

Des hommes, des femmes. Jeunes pour certains, tempes grisonnantes pour d’autres. Tous étaient armés, les blasters, pistolets tactiques et autres coutelas pendant mollement à des harnais aux sangles usées.

— Ça va ? Murmura Astrande à l’oreille d’Eden. On est presque arrivés.

L’ex-impérial hocha doucement la tête, s’arrachant à la contemplation d’une cargaison de pièces électroniques douteuses pour relever la tête. Les portes du grand sas qui leur faisait face étaient grandes ouvertes, permettant le passage de petits chariots électriques.

— Et voilà les bêtes ! Pas mal hein ?

Baigné dans une atmosphère poussiéreuse, le profil d'une centaine de vaisseaux modèle PECø - reconnaissables à leur forme de bec - étaient garés dans le hangar. Certains encore ancrés à l’aide de lourds crochets de métal, tous étaient en train d'être déplacés en position de décollage, suivant la logique de marquages peints sur le sol.

Lâchant un instant la main d’Eden, Astrande lui fit signe de le suivre, le guidant vers l’une des rangées où se dressaient trois vaisseaux bâchés, ainsi que Solis, assis sur une caisse, les vêtements tâchés, une tasse ébréchée à la main.

— Déjà là ? Il sourit en les voyant approcher, leur adressant un petit signe de main.

— Toujours levé aux aurores ! Répondit Astrande. Eden vient nous donner un petit coup de main.

Derrière eux, un petit groupe de rebelles passa, occupés à déplacer l’un des vaisseaux tactiques à grands renforts d’huile de coude. Derrière eux, un petit droïde ressemblant à une version plus crasseuse de CAT-4 vrombissait doucement, comme pour les encourager.

— Pas de souci. Il y a de quoi faire, la journée va être longue. Répondit Solis en terminant sa boisson.

— Merci. Tu vas voir on va gagner du temps !

Et sans quitter son petit sourire, Astrande s'accroupit devant une caisse de modules cylindriques graisseux, faisant signe à Eden de s'approcher : 

—Alors... faut déjà trier ces trucs. Il expliqua en lui tendant une paire de gants usés. C'est des pièces de récup... On va utiliser ça pour remplacer les condensateurs à oxygène des PECø.

L’ex-impérial haussa un sourcil. Les pièces semblaient hors d’âge - comme tout ce qui appartenait aux rebelles, en fait. Certaines tenaient en un seul morceau uniquement grâce au renfort de gros scotch noir, ou de fil de métal grossier.

Du bout des doigts, Astrande indiqua une petite diode graisseuse sur l'un des condensateurs :

— T’as juste à regarder si ça s’allume encore en gros.. Si oui, ça va dans cette caisse-là. Sinon, dans celle-là. Si jamais la capsule t’indique un seuil critique d’ozone, tu appelles Zayla, elle aime bien les trucs qui pètent.

Et terminant son explication, le blondinet jeta l’un des modules hors-service dans une caisse déjà bien remplie. Interdit, Eden saisit l'une des pièces mécaniques, la retournant dans sa paume pour observer les petits voyants lumineux et les inscriptions en langage crypté gravées dans le métal.

— Tu vois ? C’est super simple. Dès que t’as fini comme ça tu m’appelles et je te donne une autre cai-

— Ast' ! Besoin d’aide pour bouger celui-là ! Le coupa soudain Solis.

L’un des PECø avait été dé-baché pour révéler une carlingue rouge vive, exempte de toute rayure. Astrande se redressa d’un coup, lâchant son condensateur avec un petit « poc » métallique.

La panique gagna son visage :

— Hé mais c’est mon bébé celui-là ! Attendez-moi ! La peinture est neuve faites attention !

Les lèvres pincées, Eden resta près de la caisse, à genoux. Tous s'étaient précipités autour du PECø écarlate, manœuvrant à grands renforts de cris et de gestes paniqués d’Astrande qui semblait tenir à son bolide comme à la prunelle de ses yeux.

Silencieusement, il commença la tâche qui lui avait été confiée, triant avec soin en levant parfois les yeux vers les rebelles, observant Astrande qui avait plongé dans le moteur de son vaisseau, ne laissant dépasser que ses jambes.

Le contact froid des pièces, la graisse de l’huile, le métal gravé... Ces gestes répétitifs, presque mécaniques, l’appaisaient. Il se surprit à sourire en posant un module défectueux de côté - à destination de Zayla, la reine des explosions.

— Tout roule ? Lui lança Astrande en émergeant de son moteur, les joues et les mains maculées de cambouis.

Eden leva timidement le pouce, laissant tomber un condensateur fonctionnel dans la caisse prévue à cet effet.

— Eh mais c'est que t’es efficace !

L’ex-impérial hocha la tête, avisant les trois modules qui restaient.

Diode bleue. Caisse bleue.

Pas de voyant en vue. Au rebut.

Surcharge d’Ozone. Une nouvelle offrande pour Zayla.

Astrande, du haut de son cockpit, tapa dans les mains comme pour l'applaudir, ses gants épais étouffant le son de ses applaudissements.

— Bouge pas ! Il sourit en se laissant glisser le long de la paroi métallique de son PECø.

Puis, avec un enthousiasme quasi-enfantin, il se pencha sur les caisses parfaitement triées - Eden était un ingénieur après tout, il savait être zélé quand il le fallait.

— Génial ! Si tu savais comme j'avais la flemme de trier ces trucs... Non pas que je t’aie refilé une corvée mais...

Il eut un petit rire maladroit, prêt à ajouter quelque chose, mais une voix grave l’interrompit soudain, coupant net sa tentative de se justifier :

— Astrande !

Eden leva les yeux.

Vêtu comme tous (à part lui, apparemment, il n’avait pas eu le mémo) d’une combinaison de navigation, le lieutenant Satek s'approchait d’un pas souple. Comme la veille, ses yeux fatigués, voilés par l’Étherium, semblaient étinceler dans la pénombre.

A ses côtés, mains dans les poches, une silhouette plus athlétique le suivait à la trace.

Eden n’eut pas besoin de regarder à deux fois.

C'était Ryk.

Il baissa immédiatement les yeux, sentant son cœur se serrer douloureusement.

— On a besoin d’un petit coup de main - ou de bras - sur la navette. Le stabilisateur a claqué et les droïdes ne peuvent pas l'atteindre. On est tous trop grands pour se faufiler et... bref. Tu viens ?

— Yep ! Sourit le blondinet.

Et il se pencha sur l'une des caisses pour en sortir un petit baudrier d'escalade, semblant déjà frémir d’enthousiasme à l'idée de se glisser dans les entrailles d’un vaisseau sans pesanteur.

— Je serais de retour dans... vingt minutes je pense. Il glissa à Eden en jetant un rapide coup d'œil à son transpondeur. Ça va aller ? Tu peux aller donner les modules surchargés à Zayla, elle est juste là-bas.

Eden acquiesça, essayant de garder le regard le plus bas possible - c’est à dire au niveau de ses chaussures.

Mais il le sentait.

Le regard de Ryk, là, sur lui.

Et son corps réagissait, le traître.

Ses joues avaient rougi. De colère ? De tristesse ? De honte ? Il ne savait pas. Comme la veille, ses mains tremblaient un peu. Sa mâchoire, tout comme son corps, s'était crispée.

Astrande s'était éloigné avec Satek, qui lui décrivait la manière dont le stabilisateur de la navette avait explosé.

Mais Ryk n’avait pas bougé.

Que lui avait dit de faire Astrande déjà ?

Ah oui. Les modules. Zayla.

Comme un automate, Eden pivota sur lui-même pour ramasser la caisse destinée à la jeune femme, espérant que Ryk aurait disparu au moment où il se retournerait.

Mais il n’en fit rien.

Il n’en faisait toujours qu'à sa tête, de toute façon.

 — Hey... Résonna la voix qu'il aurait aimé ne jamais, ô grand jamais, entendre à nouveau s’adresser à lui. Je t’ai vu avec Ast’...tu t'intègres bien, ça va ?

Eden sentit sa propre mâchoire craquer sous la pression. Lâchant doucement la caisse, phalange par phalange, doigt par doigt, il se retourna avec une lenteur démesurée, comme pour s’assurer qu'il avait bien entendu.

Ryk était là.

Mains dans les poches, son immonde veste jaune sur les épaules, il le regardait sans ciller, comme si tout était parfaitement normal.

— Quoi ? Aboya Eden, la gorge soudain très sèche.

— C’est pas évident ici au début. Je voulais m’assurer que tu te sentais bien.

La phrase de trop.

Le mot de trop.

S'il se sentait bien.

Eden n’eut pas le temps de réfléchir à une réponse bien sentie. Pas même de penser, en réalité.

Le coup partit avant même qu'il ne puisse le retenir.

Son poing.

Là.

Au beau milieu du visage de son Ryk.

---

Vous n’allez jamais deviner le nombre de mots que contient ce chapitre... 3800... ce qui en fait officiellement l’un des plus longs chapitres que je n’ai jamais écrit, mais que d’émotions ! Je voulais pas vous le couper en deux, ça aurait été dommage je trouve (˶ᵔ ᵕ ᵔ˶) J’espère ne pas trop vous avoir perdus...

Astrande qui vole clairement la vedette à tout le monde je trouve, je ne m’attendais pas à créer un personnage aussi lumineux une fois dans ma vie, mais la petite scène de câlin avec Eden a été incroyablement chou à écrire 🤍 

Pour vous treat et aussi parce que j’aime bien thrist sur mes persos, vous avez même en option un petit fanart de notre Astrande national, je le vois trop dans un AU à une pride en mode toge romaine avec son drapeau (dites moi que vous avez la vision).

Merci beaucoup d’avoir lu ce très long chapitre, n’hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé en commentaire 💬🤍 !

Merci encore de lire cette histoire, vous êtes incr (et vous avez tous le droit à un câlin de Ast’ hihi)

~ Myno.

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2 Comments

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mon petit bonbon de la semaine cette histoire, alalala j'en veux pluuuuus !!!!!
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4 hours
Super chapitre, et la fin hehe Mérité !
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