〔 Interrogez tous les survivants. L'Empire souhaite remonter la piste et punir les coupables. Vous avez carte blanche pour faire sortir les informations nécessaires ▿ Gloire à l'Empire 〕
ᴇxᴛʀᴀɪᴛ ᴅᴜ ᴄᴏᴅᴇ ɪᴍᴘᴇ́ʀɪᴀʟ - ᴄɪʀᴄᴜʟᴀɪʀᴇ ᴀᴊᴏᴜᴛᴇ́ᴇ ᴀ̀ ʟᴀ sᴜɪᴛᴇ ᴅᴜ sᴏᴜʟᴇ̀ᴠᴇᴍᴇɴᴛ ᴅᴇ ᴍᴀʀᴀᴋᴍᴇ
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L'odeur de cendre et de fumée s'était volatilisée.
Il devait être mort. Le sol s'était-il effondré ? Lui avait-on tiré dessus ? Ou peut-être était-ce simplement le goût du sang qui avait coulé dans le fond de sa gorge.
Eden ne savait plus.
Les retours à la réalité, amers et désordonnés, il en avait connu ; mais jamais d'aussi douloureux. Sans même voir, il pouvait sentir une obscurité stérile l'entourer, caressant de son haleine sèche ses jambes brisées, ses pieds qu'il pouvait à peine bouger. Au loin, l'humidité d'un tuyau d'évacuation se répétait en écho à intervalles réguliers, seul témoin du passage du temps.
Ouvrir les yeux confirma son premier diagnostic. Il se trouvait dans une chambre austère, à l'ambiance presque carcérale. Grande, trop grande pour son corps endolori. Il avait été abandonné là, sur un matelas dur et usé, couvert par un drap de mauvaise facture. Toujours dans son pyjama devenu uniforme de prisonnier, son seul contact avec l'extérieur était garanti par une porte de métal, tout aussi froide que le reste.
Mais même avec toute la bonne volonté du monde, il aurait été incapable de ramper jusqu'à la porte pour exiger de savoir où il se trouvait - et depuis combien de temps. Le corps en miettes, l'esprit confus, il peinait à remettre en place toutes les pièces du puzzle. Tout lui revenait par vagues, flash flous, teintés par la cendre et la douleur. Les explosions. Vargo. Les hurlements de Kacie. Les yeux sans vie de Brad...
...et enfin, Ryk. Son visage dénué d'émotions le balayant alors qu'il gisait à terre, dans les décombres. Sa voix sèche alors qu'il ordonnait les rebelles comme ses propres hommes. Songeant à l'inquiétude qu'il avait ressentie en pensant l'avoir perdu dans l'incendie, le cœur d'Eden se serra douloureusement, cherchant à ne pas éclater. Mais les larmes ne venaient pas. Tout était trop douloureux.
Insidieuse, c'était la haine qui reprenait racine, cette même haine que Ryk était parvenu à chasser avec ses sourires et ses baisers. Nourrie par la douleur et l'angoisse, elle l'étouffait, comme une montée de fièvre.
— Ryk... Il souffla, la voix brisée.
Comment avait-il pu être si stupide ?! Personne, pas même un mécano, n'aurait voulu d'un ingénieur dégradé, aussi hot soit son petit cul.
Un bruit métallique lui arracha soudain un sursaut. A l'extérieur de sa cellule, des pas se rapprochaient, un peu rapide, comme s'il on trottinait. Venait-on l'achever ? Durant ses études, il s'était déjà rendu dans les prisons de l'Empire (éternelle soit sa gloire !). Son guide d'alors lui avait vanté le respect des conditions humaines et des droits des prisonniers, garantissant que nul n'y était maltraité.
Qu'en était-il des prisons bâties par les rebelles ?
La réponse ne devrait pas tarder à venir. Le bruit des pas s'intensifia alors que la porte pivotait, laissant une silhouette aux épaules carrées et à la chape athlétique se dessiner dans le clair-obscur.
— Qu'est-ce que c'est que cette merde... grogna une voix féminine, agacée. Mais ah ! Voilà !
Il y eut un petit « clic » suivi d'un bourdonnement, puis le néon au-dessus de la tête d'Eden s'illumina, révélant enfin les contours de la pièce jusqu'ici plongée dans la pénombre. Chambre d'hôpital rudimentaire, elle possédait une série de vieux panneaux lumineux destinés à l'affichage de radiographies qui s'allumèrent tour à tour, achevant de mettre en lumière la nouvelle venue.
Grande et élancée, elle portait un débardeur élimé mettant en valeur ses épaules larges et musclées. Les hanches ceintes d'une ceinture tactique, ses grosses bottes étaient ferrées à leur extrémité, comme celles des mécano travaillant dans les profondeurs des mines. Ses yeux, l'un noir, l'autre d'un blanc laiteux - sans doute était-il aveugle - balayèrent la pièce :
— Souci technique. Elle lâcha en guide de salutation après avoir remarqué qu'il était éveillé. T'étais pas censé te réveiller sans que je sois mise au courant.
Le corps tendu, Eden tenta de se redresser. Si l'ennemi le voulait, aussi brisé qu'il était, il ne se rendrait pas si facilement.
Une main ferme sur son épaule lui dicta cependant le contraire. La rebelle était déjà à son chevet, son oeil noir parcourant son corps en piteux état. Elle eut une légère moue :
— Bouge pas trop. T'es dans un sale état.
A ses pieds, un petit droïde sphérique hors d'âge roulait au sol, vrombissant comme pour communiquer. Eden fronça les sourcils. Ce petit robot possédait trop de pinces pour être une bonne nouvelle.
— V-vous allez me torturer ? Il balbutia avec difficulté, sentant chaque mot rayer le fond de sa gorge.
La rebelle leva un sourcil, apparemment surprise par le fait qu'il soit parvenu à parler :
— CAT-4 est un droïde médical. Un peu de respect, l'impérial.
Le petit droïde à son pied - qui répondait donc au matricule de CAT-4 - laissa échapper un petit sifflement d'approbation, agitant ses pinces comme pour faire la démonstration de ses capacités.
— ...puis prendre des prisonniers pour les torturer c'est la spécialité de ton empire. Pas la mienne. Je vais simplement l'examiner. Tu n'es pas un otage.
Son visage sévère avait laissé place à un rictus un peu amusé, bien qu'Eden ne comprenne pas ce qui était si drôle. Sans quitter son expression douloureuse, il la fusilla du regard, ses yeux entièrement bleus étincelant sous la lumière grésillante des néons. Il avait beau jouer les durs, son corps était en miettes. Même respirer était synonyme de souffrance.
Et la femme semblait totalement en avoir conscience, puisqu'elle saisit le sol de son pyjama pour tirer dessus d'un coup sec, faisant céder le tissu.
— Q-qu'est-ce que vous faites ?! Glapit Eden de manière assez peu virile, tentant de se soustraire à sa poigne.
— Arrête de t'agiter et tout se passera bien. Elle grogna en jetant au sol la chemisette roidie par le sang et la suie, avant de s'attaquer à son pantalon déjà en piteux état.
L'ingénieur serra les dents lorsque le vêtement se déchira - l'Empire soit loué, il avait miraculeusement gardé son caleçon avant de se mettre au lit - révélant l'état de son corps couvert d'un léger voile fiévreux.
Il comprenait mieux pourquoi il avait si mal à présent.
Sa peau habituellement exempte de toute imperfection était couverte de contusions et de brûlures. Si son torse avait été épargné, ses jambes étaient une toute autre histoire ; noirâtres, de grosses ecchymoses violacées s'y étendaient en toiles d'araignée, ses pieds si rouges et si gonflés qu'il lui aurait été incapable de tenir debout. L'un de ses genoux, quasiment de la taille d'un ballon de football, était tordu dans un angle assez peu rassurant, tandis que l'autre affichait une belle brûlure.
Il grimaça. La rebelle aussi.
— CAT-4, lance-moi le scan.
— V-vous êtes médecin ?!
Bien que légèrement étranglée, la voix d'Eden fut cette fois plus claire, l'angoisse l'aidant à s'extirper du désespoir.
La réponse ne vint pas immédiatement. CAT-4 émit plusieurs petits bips enthousiastes, activant son scanner avec un vrombissement. Aussitôt, un petit hologramme prit forme au-dessus du corps endolori d'Eden, chaque partie de son anatomie reproduite en trois dimensions dans tes tons bleutés.
— Hé ! Il insista. J-Je veux voir un médecin !
Sur la projection, l'un de ses tibias clignotait en rouge, n'augurant rien de bon. A nouveau, et avec un grognement de douleur, il tenta de se redresser pour échapper au contact de sa pseudo-soignante qui avait tendu une main vers sa gorge pour la palper avec assez peu de douceur.
— Si tu continues de t'agiter, je te jure que je laisse ta tête exploser... et je fais passer ça pour un accident. Elle gronda sans cesser son examen, les yeux rivés sur le scan.
Les yeux d'Eden s'arrondirent. Il cessa de tenter de se dégager, soudainement inquiet - ou du moins, s'inquiétant pour autre chose que son corps en miettes.
— Ma tête...?
— Oui ta petite tête d'impérial. Vous autres avez tendance à avoir la tête qui explose lorsque vous vous éloignez trop de vos supérieurs.
— C-comment ça...?
Appuyant sur un point précis au niveau de sa carotide, la rebelle eut un petit rire aigre :
— Ha ! J'adore voir votre expression quand on vous l'annonce. Il se trouve que ton très cher empire t'a implanté un petit traceur juste là. Il est indolore et parfaitement invisible pour ceux qui restent bien sagement couchés au panier. Mais dès que vous vous éloignez un peu trop du bercail, le traceur s'active et... on va dire que l'Étherium ne peut pas faire repousser des têtes.
Eden ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, comme un poisson hors de l'eau. Sur le scan, il vit sa pomme d'Adam monter et descendre alors qu'il déglutissait lentement, horrifié. La rebelle éclata de nouveau de rire, sa bouche se plissant en un sourire qui exprimait tout son mépris pour lui.
Sans cesser de ricaner, elle mit fin à son examen pour saisir l'un des nombreux tubes fixés au châssis de CAT-4, le redirigeant avec un geste souple vers le cou d'Eden.
— Je-
Il eut un nouveau mouvement de recul. Le droïde médical était bien trop vieux pour pouvoir pratiquer des opérations.
— Écoute l'impérial. J'ai pas envie d'être là, toi non plus. Plus vite je te débarasse de ta puce, plus vite j'ai plus à voir tes foutus yeux qui me rappellent les heures les plus sombres de ma vie. Et plus vite je peux me soustraire à la tentation de faire comme si je n'avais pas eu le temps de retirer ton traqueur. Alors tu vas arrêter de parler, de bouger, de quoique ce soit en fait.
Eden leva les yeux vers la projection, observant avec un mélange de fascination et d'inquiétude. Lové contre sa colonne vertébrale, un petit cylindre pouvant passer pour un os supplémentaire venait de s'illuminer en rouge, comme une bombe que l'on s'apprête à désamorcer. La bouche un peu sèche, il se décida à rendre les armes. S'il avait une puce explosive dans le cou, mieux valait la retirer avant de songer à toute tentative d'évasion.
— T'inquiète pas. Si tu meurs, ce sera sûrement le moment le plus utile de ta vie. Ajouta la rebelle en surprenant son regard affolé.
Elle repoussa les mèches de cheveux collées à sa nuque pour venir y apposer l'embout du tube. Aussitôt, il y eut un léger bruit de décompression alors que le vide se faisait, plaquant la membrane souple de l'instrument contre la peau d'Eden, qui frémit.
— Je t'ai dit de ne pas bouger.
CAT-4 se mit à vrombir, une série de petits bips s'échappant de sa carlingue cabossée. Contre son cou, Eden sentit d'abord un léger chatouillis, s'efforçant au mieux de rester immobile. Il y eut un claquement sec, une sensation désagréable d'aiguille, puis le tube se rétracta avec un —nouveau signal sonore.
— Et voilà. Tu vois, ça servait à rien de faire le bébé.
Dans la paume de la rebelle, légèrement tâchée de sang, une petite pièce à l'éclat cuivré brillait légèrement, l'une de ses extrémités surmontée d'une petite lumière bleue qui pulsait à un rythme rapide. Apparemment fier de lui, CAT-4 émit plusieurs petits bruits électroniques, agitant ses pinces.
Eden se mordit la lèvre. Elle avait dit vrai. Il avait bel et bien été pucé par l'Empire (Gloire à l'Empire). Mais même s'il était soulagé à l'idée de s'être débarrassé de l'explosif, une part de lui ne pouvait s'empêcher de voir cela comme une mauvaise nouvelle. Sans ce traqueur, plus personne ne serait en mesure de le localiser... Dans l'immensité de l'espace, personne ne l'entendrait mourir.
— Où est-ce que je suis ? Il demanda d'une voix blanche.
— Ton bras. Claqua la voix de la rebelle. J'ai pas ton temps.
D'un geste nonchalant, elle abandonna la puce dans l'une des pinces de CAT-4 tout en retirant ses gants de latex. Voyant les traces de rouille sur le vieux droïde, Eden eut un frisson - surtout qu'une seringue venait de surgir de nulle part, solidement ancrée dans l'une des pinces du droïde. Il grimaça :
— J'ai pas le droit d-
— Ne me tente pas trop l'impérial. Grinça la rebelle avant qu'il ne tente d'argumenter.
Et d'un geste un peu agacé, elle plongea une main dans la sacoche qu'elle portait à la taille pour en tirer un nouvel objet qu'Eden reconnut immédiatement. Une capsule de silice, aux deux extrémités verrouillées par des cabochons métalliques parcourus de petites diodes et de câbles un peu poussiéreux. Dans le conteneur, un léger fond d'Étherium brillait encore - à peine assez pour une seule injection.
Les lèvres pincées (elle avait apparemment vu le regard de son patient étinceler) la rebelle y introduisit la seringue fournie par CAT-4 quelques minutes plus tôt. Sans quitter son rictus, elle pompa le liquide jusqu'à la dernière goutte - Eden ne connaissait pas le prix d'une capsule, mais il a avait assez de jugeote pour deviner que cette simple injection devait avoisiner le prix d'un petit vaisseau T100.
Quelques gouttes pour des milliers de crédits, sans doute achetées sur le marché noir. Cette capsule faisait-elle partie de la cargaison volée dont lui avait parlé Vargo...?
— Bras. Répéta la femme à la peau sombre, toujours aussi glaciale.
Trop affaibli pour chercher un peu de respect, Eden tendit son avant-bras (l'une des rares zones de son corps à ne pas souffrir le martyr), frissonnant en sentant la substance bleutée pénétrer son organisme. Aussitôt, sa tête se fit plus légère.
Que c'était bon, putain.
La douleur reflua rapidement, ne restant qu'une sensation fantôme. Et cette sensation même était la raison pour laquelle l'Étherium était si convoité : l'or bleu impérial était capable de guérir toutes les blessures, de la gueule de bois au genou brisé. Et c'était aussi pour cela que cette femme ne semblait pas particulièrement ravie d'avoir fini ses réserves.
— J'espère vraiment que tu vaux le coup. Elle siffla entre ses dents en jetant le conteneur à présent vide dans une poubelle disposée dans un coin de la pièce.
Eden ne répondit pas, se contentant de fermer les yeux pour laisser la délicieuse ivresse de l'injection l'envahir. Délesté de ses inquiétudes matérielles, il sentait ses petites cellules grises s'agiter, étudiant les différentes possibilités qui s'offraient à lui. Il avait remarqué que la rebelle à la peau sombre n'avait pas son blaster sur elle ; quant à son ridicule petit droïde médical qui vrombissait en agitant les pinces, il ne possédait aucun équipement paramilitaire.
Il avait juste à fuir. A contacter l'Empire. Sans doute serait-il récompensé ; un coup de pied bien placé. Un bond jusqu'à la porte. Le plan d'Eden n'avait rien de brillant - il était même plutôt médiocre. Rien de digne d'un ingénieur coté quatre étoiles. Mais ça valait le coup de tenter.
Il ouvrit les yeux, prêt à le mettre en œuvre.
Inconsciente de ce qui se tramait dans l'esprit agité de son patient au regard bleu, la rebelle s'était penchée sur CAT-4, l'aidant à stériliser son matériel médical. Pour elle, Eden ne semblait pas être un danger... Et pourtant. Contrôlant ses mouvements comme le lui a avait appris son conditionnement impérial (Gloire à l'Empire !), ce dernier bougea lentement un orteil. Les muscles de son pied fin se contractèrent, sans la moindre douleur, répondant parfaitement.
Il inspira, lentement, laissant la douce sensation que laissait toujours l'Etherium s'évanouir pour se concentrer, prenant une longue inspiration.
Après tout, elle lui avait dit qu'il n'était pas prisonnier, non ?
3...2... et...
Sans attendre la fin de son décompte mental, Eden se redressa d'un coup d'un seul, arrachant un sursaut à sa geôlière. Mais les deux pieds solidement campés au sol (et exempts de toute douleur, l'Empire soit loué), il ne s'attarda pas sur son petit effet de surprise. Dans une légère glissade, il envoya un coup de pied dans la carcasse rouillée de CAT-4 qui s'effondra avec un CLANG sonore, agitant ses pinces d'un air outré.
— Qu'est-ce q-
Avec agilité, Eden évita la rebelle qui s'était ruée sur lui, bondissant vers la porte qu'il poussa de toutes ses forces. Par chance, le panneau céda, pivotant sur les contours incertains d'un long couloir, noyé dans l'obscurité. Captant sa présence, les néons qui couraient le long des murs s'illuminèrent en grésillant.
Large d'à peu près deux mètres, les murs du couloirs ressemblaient à ceux d'une infirmerie, quoique plus anciens. Baignant dans l'odeur aseptisée typique des vaisseaux croiseurs interstellaires, ils ne donnaient cependant aucune information sur l'endroit où se trouvait la sortie. Eden ne se laissa cependant pas démonter, tournant brièvement la tête de gauche à droite avant de décider.
Le couloir était plus lumineux sur la droite. Il fit son choix. Ça serait la droite.
— Ou est ce que tu penses aller ?! Cria la rebelle en le voyant détaler à toute vitesse.
Nus, ses pieds martelaient le sol de matière plastique à chacun de ses pas, étouffant à peine les battements anarchiques de son cœur qui cognait de plus en plus fort contre sa poitrine. Le couloir fit un angle, puis deux, débouchant sur un petit seuil qui marquait l'entrée d'une nouvelle section. S'y engouffrant sans la moindre hésitation, Eden dérapa sur le sol plus lisse, son visage jusqu'ici tendu laissant enfin fleurir un sourire léger - l'arrivée d'une nouvelle section sur son chemin signifiait un progrès.
Mais à peine avait il fait trois pas qu'une force le tira en arrière, l'agrippant par la taille comme s'il avait été un simple sac de linge sale (et en vue de son état général, la comparaison fonctionnait à vrai dire). Il bascula en arrière avec un cri étouffé, s'écrasant contre un torse dur.
Non, non, non ! Pas alors que la liberté venait de pointer le bout de son nez...
— T'es un petit malin toi... Souffla une voix grave mais joyeuse contre son oreille. On ne m'avait jamais fait le coup de me tomber dans les bras dès la première rencontre. Quoique c'est pas pour me déplaire !
Eden agita les jambes, tentant de se dégager des bras de son agresseur :
— Lâchez-moi ! Je suis un ingénieur de l'Emp-
— T'es surtout à moitié à poil au milieu d'un couloir de service. Pouffa l'homme en remarquant son accoutrement (un caleçon et une mine plus que furibonde)
De dépit, Eden se débattit avec rage, agitant les jambes comme un forcené. Mais même avec une injection d'Étherium, il n'était pas de taille à lutter face à ce colosse dont il ne devinait que les épaules blanches. Les dents serrées, il termina par abandonner toute tentative de lutte, à bout de souffle.
— Astrande. Fit une voix féminine dans le couloir, accompagnée par le claquement de bottes renforcées sur le sol. Ça va, tu t'amuses ?
Les yeux d'Eden s'écarquillèrent en reconnaissant la rebelle à sa peau sombre. Mains dans les poches, elle l'avait suivi d'un pas tranquille, un petit sourire suffisant déformant son visage au port altier.
— Comme un petit fou. Rétorqua le colosse qui se nommait Astrande, son souffle effleurant la nuque d'Eden.
Les mâchoires si serrées que ses dents devenaient douloureuses, ce dernier tenta de nouveau de s'agiter, sans bien plus de succès. Le jeune homme eut un nouveau rire cristallin, le soulevant sur son épaule comme s'il ne pesait rien.
— Mais laissez-moi ! Se débattit Eden de plus belle. Je suis un quatre étoiles !
— Eh bah ça gigote bien un quatre étoiles, pouffa Astrande, hilare, avec un ton qui n'était pas sans rappeler un certain rouquin. Allez Hécate, je te le ramène, histoire d'être sûr qu'il te file pas encore entre les doigts...
La jeune femme eut une grimace, passant hors du champ de vision d'Eden en haussant les épaules. Tout comme Astrande, elle semblait mettre un point d'honneur à ignorer ses cris de protestation.
Sous ses yeux horrifiés, il vit revenir le couloir de l'infirmerie, puis la fameuse porte qu'il avait poussée avec tant de ferveur dans l'espoir de s'échapper. Le petit droïde CAT-4 avait été redressé, et lui adressait des sifflements furieux en agitant ses pinces d'un air menaçant.
— Tu laisse les impériaux filer maintenant ? Rit Astrande en déposant un Eden passablement énervé sur la paillasse qui trônait toujours dans un angle de la pièce.
— Garde tes remarques pour toi. Grogna la femme, bras croisés. J'avais pas prévu que son corps réagirait si vite à l'Étherium.
Tremblant - et un peu humilié aussi - Eden remonta ses genoux à sa poitrine, s'éloignant le plus possible de ses geôliers. Blotti contre le mur, il sentait l'angoisse monter à nouveau.
Tentant de ne pas craquer, il ferma les yeux, inspirant doucement pour tenter de calmer les battements de son cœur.
La douleur avait reflué. On lui avait assuré qu'il ne serait pas torturé.
Mais pourquoi, par l'Empire, n'avait-il pas été achevé ?